6 astuces pour thuner ce héros qu'on veut claquer
Pour ceux qui se sont paumés là sans savoir comment, il vous est fortement recommandé de lire les 4 segments précédents avant de vous attaquer à celui-ci, qui conclut cette série.
Karaya, votre héroïne ou votre héros (soyons pas sexistes, Karaya est un prénom mixte, bien évidemment)(et ici, le féminin l'emportera sur le masculin, déso pas déso) a le charisme d'une tong ? Vos lecteurs la supportent pas et lui préfère systématiquement un personnage secondaire random (ci-après dénommé Mönyk) ?
Voici 6 astuces pour que davantage de lecteurs puissent l'aimer, l'admirer et la vénérer.
1. Exploiter les tragédies du passé
Le background difficile d'un personnage principal peut lui apporter beaucoup de profondeur. Mais attention : il doit être exploité intelligemment.
Raconter que votre Karaya a été violée dans son adolescence, c'est tragique, mais ça ne changera pas grand chose à son coefficient de sympathie ou à son niveau de réalisme ; tirer toutes les conséquences de ce traumatisme sur son présent, en revanche, ça va apporter de l'épaisseur à son caractère.
Fuit-elle le regard des hommes (si elle est hétéro) ou, au contraire, le recherche-t-elle ? A-t-elle pu commencer une vie sexuelle (et si oui, est-elle épanouie ?) ou est-elle bloquée par ce qui lui est arrivé ? Fais-t-elle des cauchemars, des crises de panique ? A-t-elle du dégoût pour elle-même lorsqu'elle vit d'autres épreuves ?
Karaya a-t-elle perdu un proche dont elle se sentait responsable : un enfant, un petit frère ? Comment ce deuil a-t-il été vécu ? En quoi a-t-elle changé ? Est-elle plus prudente, voire craintive qu'avant ? D'autres personnages lui reprochent-ils de ne pas avoir été là ?
Méfiez-vous grandement des clichés sur le passé tragique d'un personnage : en fantasy, 50% des jeunes sont orphelins et 40% des femmes se font violer au cours de l'histoire (chiffres de l'INSUPP, vérifiez si vous me croivez pas). Ce sont des choses que vous pouvez utiliser, mais vous vous devez d'en tirer toutes les conséquences et de démontrer l'impact que cela a sur votre héros.
Utiliser de tels "jokers sympathie" a un coût sur le développement d'un personnage. Ne pas payer ce prix, c'est s'exposer au mépris des Rageux qui feront remarquer, à juste titre, que vous avez exploité une carte "tragédie" juste pour créer de la pitié, mais sans aller au bout du processus. Ce faisant, votre personnage perd en crédibilité, et c'est précisément ce qu'on cherche à éviter.
Concrètement, ces tragédies doivent créer des obstacles (et pas seulement physiques hein, on vous voit venir avec le retour du violeur dans la vie du personnage principal) : votre héros doit se confronter à ses traumatismes et lutter pour passer outre, que ce soit au moment où se déroule l'histoire ou avant celle-ci.
La tragédie, c'est cool, mais c'est pas anodin : on ne s'en sert pas n'importe comment, sous peine de rompre le lien entre vos lecteurs et votre personnage !
2. Laissez les faits dépeindre votre Karaya
Dans la lignée du célèbre "show, don't tell", transformez vos descriptions ponctuées de "la belle jeune femme" et vos dialogues émaillés de compliments qui ne font pas avancer l'intrigue "z'êtres charmante mad'moiselle !" en passages plus subtils. Décrivez physiquement avec un regard neutre. Exemple (en utilisant le cliché du miroir, parce qu'on a la flemme, ici c'est pas le sujet) :
"Je croisai mon propre regard dans le miroir émaillé. Mes yeux émeraude se posèrent sur mes longs cheveux couleur blé, qui dévalaient mes épaules en un torrent de boucles or. Ma robe gris ciel d'orage, cintrée à la taille, soulignait ma minceur tout en remontant ma poitrine. Le pendentif de ma mère se nichait entre mes seins, tel un trésor dissimulé à la vue de tous."
Ca, c'est presque too much. Cette description est criante de "regardez comme je suis physiquement parfaite", donc largement perfectible (la description, pas la demoiselle). Essayons plutôt :
"Je croisai mon propre regard dans le miroir émaillé. Deux iris verts me dévisagèrent, avant d'être attirés par un éclat argenté entre mes seins. Dégageant d'un geste agacé les boucles blondes qui dévalaient mes épaules, je saisis le pendentif niché dans mon décolleté, rendu ridiculement haut par le corset qui enserrait ma taille drapée dans une robe gris sombre. Je détaillai un instant le corbeau métallique, emblème de ma famille maternelle, avant de me détourner."
Grosso modo, on a les informations qu'on voulait, mais l'attention est portée non pas sur l'admiration de Karaya pour elle-même, mais sur son pendentif, qui n'est ici qu'un leurre et un prétexte pour faire sa description physique.
De même, le gros lourdingue de votre chapitre 9, au lieu de dire :
— Elle est bien jolie, la petite demoiselle... ça te dirait, quelques heures en tête-à-tête ?
Peut se contenter d'un :
— Tiens tiens, qu'est-ce qu'on a là... la petite demoiselle semble perdue. Ça te dirait, quelques heures en tête-à-tête ?
L'objectif n'est pas de taire les qualités de votre Karaya (ici, le physique parce que c'est l'exemple facile, mais ça marche avec tout) : appliquer le principe du "show, don't tell" permet de faire passer le message autrement, avec plus de subtilité, en permettant au lecteur de tirer ses propres conclusions (assez évidentes ici) : on comprend que le brave monsieur est attiré par la plastique de la demoiselle, tout comme on visualise bien ses attraits physiques avec la description numéro 2.
Prêter attention à la caractérisation de votre personnage principal, ça peut facilement sauver quelques points de charisme. Et surtout, c'est une écriture qui implique davantage votre lecteur, Rageux compris !
3. Innovez en restant fidèle au caractère de Karaya
Karaya est une séductrice ? Servez-vous de cela pour l'aider à se tirer de situations délicates... et pour s'y plonger. Il n'y a rien de plus agaçant que des qualités non exploitées que l'auteur se contente de présenter au lecteur juste pour faire mousser son personnage principal.
Karaya est une fine observatrice ? Prouvez-le. Imaginez des situations dans lesquels elle remarque un élément que même le lecteur aura loupé, tout en donnant au lecteur les clefs pour le trouver (sinon, c'est de la triche et le lecteur détestera encore plus Karaya, l'assistée permanente de l'auteur, la chouchoute pas méritante du scénario).
Karaya est une fine lame ? Okay, mais ça doit se voir, et pas seulement parce qu'elle démonte ses ennemis en 2 minutes : elle doit s'entraîner tous les jours, et ça passe par plusieurs scènes qui décrivent ses progrès et ses difficultés. Un vulgaire "elle s'entraînera tous les matins pendant 2 semaines", ça marche pas, c'est trop facile pour vous et pour le lecteur.
Et si c'est une fine lame, oubliez le "bustier qui souligne à la perfection la finesse de ses épaules et met en valeur sa poitrine" : une guerrière, ça a du muscle ! Des épaules, du dos, des abdos, des bras, à vous de rechercher les zones qui gonflent le plus, mais notez bien que si vous la mettez dans une jolie robe de soirée, elle dénotera par rapport aux "demoiselles de bonne famille" qui passent leur vie à faire de la couture.
Cela signifie aussi que Karaya risque de sortir des canons de beauté : un monde où les femmes se musclent pas, c'est un monde où une femme musclée sera l'anormalité. Et l'anormalité, c'est pas le canon, c'est le principe.
Karaya fonce dans le tas sans réfléchir ? Okay, mais elle ne sera pas un fin stratège ou une manipulatrice, c'est logique. Si le truc de Karaya, c'est l'impulsivité, vous renoncer à d'autres qualités qui seraient contradictoires. À l'inverse, si c'est une fille rusée et réfléchie, on évitera les grandes tirades "je suis indépendante, aucun homme ne me possède" à tout bout de champ, y compris quand c'est pas du tout le moment.
Karaya est l'élue d'une prophétie ? Peut-être, dans ce cas, qu'il faut envisager qu'au lieu de la traditionnelle phase de "nooooon, je refuse d'être celle que le monde attend, c'est trop lourd à porter, moi je voulais juste faire du poney et être indépendaaaaaante", Karaya devienne un personnage plus mature, plus sombre, plus torturé par ses doutes sur ses capacités à sauver ce monde qui dépend d'elle. Au lieu de passer par la case peur/immaturité, elle peut passer par la case peur/surinvestissement, puis "burn-out du super-héros".
Parce que si Karaya est une élue et qu'elle doit être appréciée des lecteurs, il va falloir qu'elle mérite leur amour : plus un personnage est gâté du scénario, et plus il risque de taper sur le système.
Karaya n'a pas à être parfaite : elle peut mentir, faire des crasses à d'autres personnages, être intolérante, cruelle, parano. Alors, si elle est l'élue d'une prophétie, avant de remplir sa mission, elle peut très bien en jouer et se bâtir une renommée pour gagner plein de flouz. Elle peut encourager un culte de sa personne.
Bref, Karaya doit être très cohérente (tout en évitant au maximum la surexploitation de clichés), parce que c'est le personnage le plus scruté de tous. La cohérence passe par l'acceptation de certains défauts, de fautes, de choses qui nuisent à son karma cosmique mais qui, au bout du compte, la rendra humaine et appréciable par les lecteurs.
Les Bobos apprécieront l'originalité, et les Rageux se délecteront de la psychologie fine de ce personnage nuancé, mais crédible.
4. Faites souffrir Karaya plus que tous les autres
Dans la lignée des tragédies du passé, Karaya doit en baver durant l'histoire. Bien sûr, ce degré de souffrance dépend totalement du genre (on admettra des souffrances bien moindres dans une high fantasy pour jeune adulte que dans une dark fantasy), mais en toute logique, votre héros est le personnage qui doit le plus lutter et galérer, puisque c'est son histoire.
Et une histoire, c'est du conflit.
Plus vous ajouterez des coups durs et des échecs à Karaya, et plus elle sera appréciée par vos lecteurs : compassion, empathie, admiration face à la ténacité et fierté de la voir s'en sortir, tout cela n'est possible que si Karaya souffre.
Un personnage principal peu appréciable, ça peut être un personnage pour qui tout est trop facile, ou pour qui les obstacles n'en sont pas réellement.
"Oh mon dieu, Shang est tellement désagréable avec moi, il ne me regarde pas aujourd'hui", par exemple, c'est un peu léger. Si toute votre histoire est faite de contrariétés au lieu de difficultés réelles, cela risque de nuire à l'appréciation de Karaya par les lecteurs, qui ne sont pas venus là pour la voir bronzer en se mettant du vernis.
Par ailleurs, et c'est primordial : votre lecteur doit croire en la complexité des obstacles que Karaya rencontre. Venez pas chouiner en disant que "bouhouhou, la dernière fois que Karaya a failli crever, mes lecteurs avaient l'air de s'en foutre" : Karaya, si c'est le personnage principal, personne ne croira qu'elle risque réellement de mourir alors qu'on est au chapitre 6. La mort est une menace pour un personnage secondaire : le héros, si sa survie est indispensable à l'histoire, doit risquer autre chose (perdre un être cher, perdre une bataille et sa fierté avec, subir des humiliations, être désavoué par des personnages importants, subir une rupture amoureuse...).
5. Rendez Karaya plus intelligente
On ne parle pas ici de culture, de perspicacité ou d'intelligence en tant que tel : améliorer l'intelligence de Karaya, c'est en réalité aligner davantage les réactions de Karaya sur celles des lecteurs, ou même lui donner des réactions plus matures, perspicaces ou pertinentes que celles des lecteurs.
Concrètement, si vous vous servez de Karaya pour expliquer la géopolitique de votre monde, assurez-vous que Karaya pige plus vite que le lecteur, sans quoi il aura envie de lui coller des baffes.
Si un mystère se dévoile, Karaya doit le percer une seconde avant le lecteur.
Karaya a aussi le droit de sortir de bonnes punchlines, des phrases sages et bien à propos que vous réservez peut-être pour le mentor ou la vieille femme aguerrie du chapitre 13. Si Karaya est l'héroïne, à moins que votre parti pris soit d'avoir un héros neuneu, qu'elle mérite ce titre avec des réactions qui prouvent son intelligence.
Karaya a le droit de faire de bonnes vannes. L'humour est un marqueur d'intelligence : lorsque c'est à propos, une remarque piquante, irrévérencieuse ou amusante peut sacrément améliorer le standing d'un personnage.
Il suffit de voir les réactions des lecteurs en commentaires interligne des meilleures phrases pour comprendre qu'il suffit parfois d'une bonne vanne (et parfois, l'humour beauf, ça marche) pour récolter un tas d'approbations. L'humour crée une complicité : ne le réservez pas au "rigolo de la bande", ce cliché ambulant qui sert à rien d'autre qu'à sortir des blagues alors que le potentiel humoristique et sympathique de l'histoire aurait pu être réparti entre les personnages (sans que Karaya ne soit oubliée).
Même l'élue d'une prophétie a le droit d'avoir de l'humour.
6. Entourez Karaya de personnages différents d'elle
Difficile d'apprécier une Karaya de 17 ans quand elle est entourée de deux amis de 18 et 19 ans : sa jeunesse, qui aurait pu être sa singularité et son atout charme auprès des lecteurs, est noyée par celle de ses compagnons de route.
De même, une guerrière ne va pas forcément briller si elle n'est entourée que de guerriers.
Et ça marche avec tout. Votre Karaya est foncièrement gentille ? Ne l'entourez pas de bisounours, ça ne se verra pas et ça va juste créer un effet d'overdose. Karaya est cruelle ? Adossez-lui un personnage doué d'empathie pour faire ressortir cette originalité.
L'objectif n'est pas de s'interdire d'avoir des groupes de guerriers ou d'ado/jeunes adultes : l'important, c'est d'introduire de la singularité dans le personnage de Karaya. Si vos personnages secondaires empruntent trop de traits à Karaya, cela dilue leur originalité à tous, et les lecteurs ne savent plus qui apprécier plus qu'un autre.
Exemple personnel : on dit souvent que les personnages avec un côté sombre emportent plus facilement les suffrages des lecteurs. En réalité, je pense que c'est plus compliqué que cela. Dans mon roman fantasy (Les Carmidor), j'ai une belle pelletée de personnages et, globalement, ils ont tous un bon côté sale race (plus ou moins prononcé, mais tous ont leurs tares). Les rares personnages foncièrement "bons", qui ne sont pas très originaux, bénéficient pourtant d'une belle popularité : les Bobos (et même certains Rageux) les apprécient particulièrement.
Sans mes sales races, ça ne se serait jamais produit. C'est grâce aux sales races que Bobos et Rageux ont pu s'attacher à des personnages vertueux qui les auraient probablement gonflés dans une histoire bourrée de personnages bisounours.
Si après tout ça, Karaya reste une pisseuse, il vous reste deux solutions :
1) La brûler et vous avec ;
2) Assumer que c'est une grognasse que peu de lecteurs apprécient.
Il y a des héros qu'on adore détester, et peut-être que, sans l'avoir voulu, c'est ce que vous avez créé. Mönyk aura toujours un avantage naturel sur Karaya : avec 10 secondes d'apparition à l'écran, elle n'a ni le temps d'être incohérente (enfin sauf si, vraiment, vous avez pas fait votre taf d'auteur) ni celui d'être trop présente.
Et, on va pas se mentir, Mönyk n'est ni l'élue d'une prophétie, ni la chouchoute du scénario.
Alors au fond, si vos lecteurs continuent de préférer la boulangère du chapitre 5 à votre héros, c'est pas si grave : il ne vous reste plus qu'à distribuer des pains.
Et sur cette merveilleuse conclusion s'achève un dossier de 30 pages consacré à Karaya et Mönyk. Alors dites-moi : des deux, laquelle préférez-vous ?
Vous avez 30 pages.
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