Bonus fluffy - Le huitième jour (13 février 2016)

Tom fut réveillé par un poids sur sa poitrine qui gênait un peu sa respiration. Il reprit ses esprits rapidement, et réprima le reflexe d’envoyer au loin la charge endormie. En baissant le regard vers son torse, il vit une masse de cheveux en bataille, d’habitude parfaitement coiffés vers l’arrière. Des mèches sombres cachaient des paupières qu’on devinait fermées. Avec l'index, Tom appuya sur la joue de Cédric. Celui-ci bougea à peine, se réinstalla plus confortablement, en lui entourant la taille d'un bras. Le rouquin taquin chatouilla le bout du nez de son amant, qui grommela de façon indistincte, puis se rendormit. En se retenant de ricaner, le plaisantin voulut recommencer. Sa main fut attrapée au moment d'atteindre sa cible.

« Tu es réveillé ?

— Sans rire, grogna Isidore. Tu as tout fait pour.

— Je me demandais s'il était prévu autre chose aujourd’hui ? On n'a pas quitté cette chambre de la journée…

— Il est hors de question que je te laisse sortir d'ici, avant qu'il ne soit l'heure d'aller prendre ton train demain soir. »

Tout en parlant, Isidore dessinait, du bout de l’index, des cercles en dessous du symbole celte gravé sur le bras de Tom. Face au ton autoritaire adopté par l’artiste à l’encre imaginaire, le tatoué fit semblant de se soumettre – en ajoutant ses conditions : « Si tu veux qu'on continue nos activités, il faudra reprendre des forces.

— Appelle le room-service. Commande ce qu’il te plaira. »

Pendant que son compagnon baillait en s’étirant les bras, Tom s’empara du livret d’accueil hôtelier, qui comportait aussi le menu du service de chambre.

« Je pourrais m’habituer à cette vie, soupira-t-il en feuilletant distraitement la brochure. Un dîner aux chandelles dans un restaurant étoilé hier… puis tout un week-end dans une suite luxueuse d’un hôtel Parisien… célébrer notre première fête des amoureux demain… après ça, je ne pourrai que me sentir minable, en m'asseyant à ma place… en seconde classe, dans un train régional, pour rentrer dans ma campagne.

— Alors n'y retourne pas. Reste avec moi… »

La voix suppliante et les yeux de chiot triste firent leur effet. Tom embrassa Isidore sur le front. Il rappela : « J’emménage avec toi le mois prochain, Cédric. J'ai bientôt fini toutes les préparations. Un peu de patience…

— Elle n'est pas en stock parmi mes qualités.

— Ce n’est pas grave, tu as d’autres atouts, fit Tom avec un sourire en coin, ses yeux fixés sur le menu, sans le lire.

— Je suis riche.

— En effet… même si je n’aurais pas cité ça en premier.

— Sans me vanter, je suis beau. Et élégant.

— Oui, tu sais très bien t'habiller, admit-il en pensant surtout à l’absence de vêtements sur Cédric à ce moment-là.

— Je possède une intelligence supérieure à la moyenne.

— Certainement, répondit Tom, qui y mettait autant de passion que pour cocher une liste de course.

— Je sais faire preuve de romantisme. Dans mon genre.

— Dans ton genre, répéta l’autre avec flegme.

— Je suis drôle, continua Isidore, et j’ai de la répartie.

— La plupart du temps.

— Hey, tu es un peu vexant, là !

— Tu es généreux, donc tu me pardonneras, répliqua le rouquin impassible.

— Je vais prendre une douche ! »

En grognant, offensé, Isidore se rendit d'un pas magistral à la salle de bain. Avec un sourire attendri, Tom le suivit du regard. Quand le bruit de l'eau résonna dans la pièce adjacente, il reporta son attention vers la brochure du room-service. Par habitude, il s’attarda en premier lieu sur les plats les moins chers de la carte. Ici, il s’agissait des desserts individuels. Dont les prix comportaient deux chiffres. C’était la première fois que Tom découvrait de tels montants. Jusque là, toutes les commandes avaient été effectuées par Cédric. Aussi bien au restaurant qu’à l’hôtel, l'avocat ne s'était même pas donné la peine de regarder ce que le menu proposait. Il avait simplement annoncé ce qu’il souhaitait, et les employés avaient fait le nécessaire pour satisfaire le client.

Les sourcils froncés, le provincial chercha, par curiosité, le prix du champagne. Trois gammes étaient disponibles. Celle correspondant à la bouteille à moitié entamée, qui se trouvait dans son seau à glace, sur la desserte près du lit à ce moment-là, n'était pas la plus chère. Elle coûtait pourtant plus qu'un des repas en famille au restaurant que les Lécapène se permettaient un an sur deux. En déglutissant, Tom s’intéressa aux plats proposés. Les prix redescendaient par rapport à la section des alcools. Cependant…

Quand Isidore, habillé d'un peignoir moelleux et immaculé, ressortit de la douche, Tom refermait le livret du service de chambre.

« Tu as commandé quoi ?

— Je n’ai plus faim.

— Vraiment ?

— Oui, répondit le rouquin, l'air sombre.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Rien d’important, mentit-il.

— Tom, parle-moi. Je t'en prie... »

En relevant la tête vers son interlocuteur, le provincial annonça : « Je ne me sens pas à ma place ici.

— Tu ne veux pas être avec moi ? s’inquiéta l’avocat.

— Bien sûr que si ! Ce n’est pas ça, le problème…

— Si le souci ne vient pas de moi, alors d’où… ?

— Cédric, quand il y a un problème, il n'y a pas forcément de coupable. Ce n’est pas de ta faute ! On… on sort ensemble depuis une semaine. Je ne pense pas que tu agis comme ça pour m’impressionner… ou peut-être que si. Peut-être que la nouveauté de notre relation t'incite à déployer le grand jeu avec moi, je ne sais pas… quoi qu'il en soit, tout ça me met mal à l'aise.

— Comment ça, « tout ça » ? s'étonna Isidore.

— Je ne comprends pas comment tu as pu passer autant de temps à manger, avec autant de plaisir, les plats bon marché de Léna ! Puisque tu dépenses sans sourciller un salaire mensuel d'ouvrier en un seul week-end gastronomique avec ton nouveau petit ami !

— Je ne vois pas le rapport, murmura le brun en fronçant les sourcils. La cuisine de Léna est très bonne. Et ce séjour à l’hôtel est très sympa. J’apprécie les deux. »

Le visage entre les mains, Tom soupira : « Je sais. Je sais que tu es sincère. C’est juste… bizarre pour moi. Laisse-moi le temps de m’habituer. J’ai besoin de temps... » Isidore ouvrit la bouche. Une vibration de portable se fit entendre avant sa question. L’avocat serra les lèvres, secoua la tête, partit au fond de la pièce pour regarder ses messages. Rapidement, il écrivit quelques réponses. Une fois la tâche terminée, il se tourna vers l’autre bout de la grande chambre. Depuis le lit, son ami le regardait d'un air indescriptible. Le cœur battant, le brun resta debout, immobile. Finalement, Tom lui tendit un bras. L’autre homme accourut pour saisir sa main, et s'assit sur le lit à ses côtés.

Après une grande inspiration forcée, Isidore put parler : « Je ne peux pas te promettre que tout ira bien, mais je ferai de mon mieux. Si je commets des erreurs, il faudra me le dire, et j’espère que tu me les pardonneras. J’ai envie de vivre avec toi le plus tôt possible, parce que ça sera plus simple pour moi, pour ne pas oublier mes priorités… mais si tu as besoin de temps, j’attendrai.

— On est bien loin de ton laïus où tu m’annonçais que tu n'attendrais pas ! répliqua Tom avec amertume.

— À ce moment-là, je craignais que ton hésitation nous laisse dans un entre-deux embarrassant… j’ai eu beaucoup de mal à agir sans ambigüité avec toi cet été. Je me suis forcé : je ne voulais pas perdre ton amitié. Et surtout, je ne voulais pas t’empêcher de saisir d’autres opportunités, si tu rencontrais quelqu’un de mieux, entretemps. »

La réalisation coupa le souffle de Tom. La main tremblante, il caressa la joue de son partenaire. Il murmura : « Pourquoi te comportes-tu comme ça ? Qui es-tu, Cédric ?

— Pour répondre, il faudra que je te parle d’Isidore.

— Je…  n'ai pas vraiment envie de t'entendre parler de ton ex. »

Face à l'air grave du provincial, le Parisien pouffa de rire : « Rassure-toi, ce n’est pas quelqu’un avec qui je suis sorti. Je ne l’aime pas, je ne le déteste pas non plus. Notre relation est immuable, et je pense qu'elle durera toute ma vie.

— C’est ton frère ?

— Pas vraiment.

— Un ami ?

— Loin de là. »

Ses réponses déclenchèrent une perplexité proche de la panique chez son amant. En se retenant de ricaner, le brun poursuivit : « Je dois cohabiter avec lui, je n’ai pas vraiment le choix. Mais la personne que j'ai choisie, c’est toi. Quant à toi, si tu restes avec Cédric, il faudra vivre avec Isidore également.

— Quelle phrase démentielle es-tu encore en train de me pondre, Cédric ? s'écria Tom.

— Je vais grignoter un peu de fromage pendant qu'on discute. Tu en voudras ? Je commande deux portions ? »

Tom se souvenait du prix stupéfiant de la petite assiette de fromages que proposait le room-service. Cependant, la stupéfaction créée par l’avocat était supérieure. Le lapin campagnard se figea, et répondit « Oui » sans réfléchir. Quelques minutes passèrent, qu'Isidore mit à contribution pour s’habiller, tandis que l’autre homme, abasourdi, resta assis en silence dans le lit.

On toqua à la porte. Avec timidité, Tom s'allongea pour cacher sa nudité sous la couette. Même sa tête se dissimula, seules quelques mèches rousses dépassaient des couvertures. Pendant qu'un léger cognement de métal contre du bois se faisait entendre, Cédric remercia quelqu’un. Une voix féminine prit congé. Les bruits de pas s’éloignèrent, en empruntant le couloir qui menait vers la porte de la suite. À couvert, le rouquin attendait d’être à nouveau seul avec son amoureux. Une voix grave s’éleva soudain au-dessus de lui, par-delà son duvet. Elle chantonna : « Lapin, petit lapin ! Sors de ton terrier, le repas est prêt. Si tu n'en veux pas, c’est le loup qui te mangera, toi ! »

Lentement, deux grands yeux noisette apparurent hors du repaire douillet. Ils furent accueillis par un sourire charmeur. Le cœur de Tom s'emballa, ses joues rougies. Penché vers lui, l'homme en costume sombre susurra : « Salut, mon petit lapin. »

NDA (longues comme d’habitude) : Chapitre dédié à @AdrianMestre75, grande dame de la SF qui est persuadée de ne pas aimer les romances. J’essaye de la convaincre que si. Pour conserver la surprise, je ne tag pas.

Ce bonus se passe le 13 février 2016, le huitième jour de relation entre Isidore et Tom. La fin du chapitre 33 a donc eu lieu neuf jours et non huit – comme certains de vous ont pu le lire le jour de sa publication – avant la Saint-Valentin. Pressé par le temps, j’avais écrit la fin de l’histoire sans penser à vérifier certains détails chronologiques. Tom devait se rendre à Paris pour rejoindre Isidore plus d'une semaine avant la Saint-Valentin en 2016, mais je n’avais pas prévu que la date fatidique serait un dimanche. La fin du chapitre 33 ne pouvait donc pas se produire huit jours avant, soit un samedi, parce qu'Ashley ne travaille qu’exceptionnellement le week-end (en cas d’urgence au cabinet), donc Tom n'aurait pas pensé à l'appeler pour prendre rendez-vous avec Cédric. Bref. J’ai avancé les retrouvailles des deux hommes d'une journée, ils en sont très heureux. Ils se sont retrouvés le vendredi soir et Tom a accepté de rester avec Isidore pour le tout premier week-end de leur relation. Le week-end de Saint-Valentin qu’ils passent ici est donc leur deuxième.

Ensuite, dans l’épilogue 1, Ben a bien cinq ans et non quatre. Dans ma première idée, jamais écrite, les épilogues se passaient en 2020, et on parlait des reports du mariage des oncles. Alors Maé aurait été âgée de onze ans et demi. Étant donné son vocabulaire dans l’épilogue, ça faisait « trop », même pour une enfant aussi dégourdie qu'elle. Je l’ai donc vieillie d'un an en plaçant le mariage en 2021, peu avant son treizième anniversaire. Par ailleurs, j’ai ainsi fait un clin d'œil à la date de publication du premier chapitre d'Eclosion : le 15 mai 2021. Malheureusement, j’avais oublié de vieillir Ben d'un an. J’ai rectifié tout ça.

Enfin, ce bonus n’est pas considéré comme un chapitre, ni placé avant les épilogues, alors que ce serait plus chronologique. Je veux conserver la structure de l’histoire telle qu'elle est : le dernier chapitre se finit avant leur premier baiser, puis on passe directement aux épilogues. Considérez donc ce texte comme un cadeau de non Saint-Valentin, publié un 24 décembre, pour vous remercier d'avoir suivi ce drôle de couple dans ses premiers pas.

Je ne sais pas encore si je suis motivé à réécrire pour développer les deux derniers chapitres, surtout le dernier qui court sur plus de six mois. C’est plus de travail que d'amusement pour le moment, car je devrais en plus modifier la structure des titres des derniers chapitres existants, pour intégrer les nouveaux. (Mode « planificateur psychorigide » mis en marche.)

Considérons donc ce roman fini. Cocher la case « histoire terminée » : une étrange sensation... À ceux qui ne veulent pas quitter le couple tout de suite, je rappelle qu'un chapitre bonus lemon (soft) entre Isidore et Tom existe, mais pas dans ce livre tout public. Le chapitre est caché quelque part ailleurs sur mon compte. Si ça vous intéresse, bonnes recherches !

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