3 - Lettre d'Isidore à son frère aîné

Paris, le xx xx 2002

Arthur,

Je t'appelle par ton prénom au lieu de te nommer « frérot » comme avant. Ça me semble assez clair que ce mot te déplairait maintenant. Je ne te donne pas du « Cher » non plus. Pas que je ne le ressente pas, mais je ne veux pas te l'imposer. Après avoir bien réfléchi, tourné toutes les phrases dans ma tête, à présent que j’ai décidé de t’écrire, je ne sais plus comment formuler ce que je veux exprimer.

Ça fait bien longtemps que je n’ai pas utilisé un stylo… les derniers exams écrits remontent à un moment. Mes lettres sont toutes moches et baveuses sur cette feuille. Et peut-être que je vais recopier si c’est trop brouillon. Je dois faire ça, pour te montrer mon respect. J’aurais pu saisir tout ça sur ordinateur, mais c’est important pour moi, de toucher ce papier, ce stylo que tu m'as offert à mon anniversaire, en me souriant. C’était avant de savoir des choses à mon propos, qui t'ont tellement déçu, énervé, attristé ? Je ne sais pas, et je suppose que je ne le saurai jamais. Tu refuses de me parler, de m’expliquer !  De me laisser te parler. Peut-être que tu jetteras cette lettre avant même de la lire ? Elle doit te dégoûter comme je te dégoûte. Alors, j’éviterai de te dire que je t’aime, que tu es mon frère, et que je suis désolé de ne pas être plus désolé de la situation.

Je ne suis pas heureux, mais finalement, je suis persuadé que j'ai bien fait. Peut-être pas au moment idéal, ni dans les meilleures conditions. Mais il le fallait. Parce que j’étais convaincu que notre famille était différente de certaines dont Victor m'avait parlé. C’est le nom de celui que j’aurais voulu vous présenter, en croyant obtenir une réaction différente de votre part. Je le vois bien maintenant : c’est moi qui suis différent de vous. Au fait, Victor et moi ne sommes plus ensemble, alors je n’étais pas obligé de vous le présenter, mais ça ne change rien, car je devais, je devais vraiment vous parler de lui. Parce que, de cette façon, je vous parlais de moi. Maintenant, je ne te listerai pas tout ce que je ressens, j’éviterai d’envoyer mes sentiments à ta figure, ce serait désagréable pour tous les deux.

Ceci est simplement la dernière tentative de communication de ma part. Une porte que je ne veux pas fermer trop vite entre nous. Et peut-être que je me trompe complètement, que je m'illusionne totalement ? Que tu as déjà claqué la porte de ta vie à ton ancien petit frère. Qui est trop stupide pour s'en rendre compte. Mais qui ne regrette pas la décision qu'il a prise, même s'il doit en assumer les conséquences. Qui est seulement très triste… Non, je suis dévasté par la situation ! Je ne veux pas t'en parler par écrit. Je voudrais pouvoir t'en parler en face à face, que tu me laisses l’occasion de t'expliquer tout ce que je suis, tout ce que tu représentes pour moi. Et je ne sais pas quoi faire d’autre que d’espérer une réponse de ta part.

Je ne sais pas comment finir ce message, alors je vais juste signer.

Isidore.

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