𝟒 : Enamoured

Mini🍋

Raphaël trouva rapidement l'appartement du blondinet, son sens de l'orientation dans sa ville natale ne s'étant heureusement pas amenuisé lors de sa transformation. Il avait toutefois trouvé cela étrange de se balader sans autre dans les rues de New York ; il n'était plus forcé de se cacher au moindre son, et de surcroît, il n'était pas jaugé de regards répugnés.

Il fut plutôt intrigué de constater que la fenêtre de la chambre de l'adolescent était ouverte. Néanmoins, ce fut sans se poser plus de questions qu'il pénétra dans la pièce enténébrée.

Lui qui s'attendait à trouver le jeune homme endormi, le mutant fut totalement ébahi lorsque la lumière s'alluma soudainement et qu'il l'aperçut devant lui, son saï à la main.

Étrangement, il avait l'air heureux de le voir...

« N'importe quoi », se reprit-il.

— T'es revenu ! lança allégrement le blondinet.

Avant même que Raphaël ne puisse se remettre de son ahurissement d'entendre une voix aussi rauque en provenance d'un ange pareil, l'adolescent lâcha l'arme, se jeta sur lui et l'emprisonna entre ses bras.

Le mutant en resta tellement interloqué qu'il ne put tout simplement esquisser aucun geste. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Mais malgré tout, la pointe de méfiance qu'il avait ressentie de prime abord ne s'estompa pas.

C'était la première fois que quelqu'un l'étreignait ainsi.

Une douce chaleur l'envahit alors, quelque chose d'agréable et de réconfortant qu'il n'avait jamais éprouvé auparavant. Le corps du blondinet à proximité du sien le rendait fébrile, il avait l'impression de se trouver dans un cocon d'euphorie ineffable.

Il aimait se trouver dans les bras de ce bel inconnu.

Son vis-à-vis ne fit aucun mouvement de recul, et, maintenant leur étreinte veloutée, le serra même un peu plus fort contre son corps musclé.

Raphaël n'osait pas l'enlacer en retour, de peur de briser ce moment qui lui paraissait tellement irréel. Il se contentait d'observer les mèches dorées et éparses de l'adolescent en appréciant leur aspect soyeux.

Il aurait bien aimé les toucher.

Alors lentement, par crainte de tout gâcher, par crainte de faire quelque chose de mal, le noiraud leva sa main et vint délicatement effleurer la chevelure blonde du jeune homme.

Elle était infiniment douce.

Sans réfléchir, il y entremêla entièrement ses doigts, et à son plus grand bonheur, l'adolescent ne sembla pas s'y opposer.

Appréciant ce contact, Raphaël se mit à doucement caresser les cheveux du plus jeune avec une tendresse qu'il ne se connaissait pas, et celui-ci se blottit un peu plus contre l'aîné.

— T'es dingue quand même, osa doucement prononcer ce dernier.

Son inconscience était probablement la chose la plus incroyable qu'il n'ait jamais vue.

Il entendit alors la voix si caractéristique du blondinet pouffer, et sa peau se recouvrit de puissants frissons sous le son de ce timbre envoûtant.

— Pourquoi tu dis ça ? s'enquit son interlocuteur, amusé.

— Pour faire un câlin à un inconnu qui sort de nulle part, faut vraiment être cinglé.

— Mais tu es loin d'être un inconnu sortant de nulle part. Tu es mon inconnu, Changbin.

Alors que ses joues s'empourpraient violemment, Raphaël se souvint que c'était ainsi que le jeune homme l'avait nommé la veille.

— Oh pardon ! T'avais perdu ta voix, alors j'ai dû improviser ! fit son vis-à-vis en gigotant légèrement sous l'embarras qu'il éprouvait.

— Tu pourrais me faire une faveur ? demanda timidement le noiraud.

— Bien sûr !

— Continue de m'appeler comme ça.

— Ça te plaît ?

— Oui...

— Tu ne veux pas me dire ton vrai prénom ? s'étonna Felix.

— Je ne préfère pas...

Le blondinet s'écarta alors brusquement en dardant son splendide regard ébène dans celui de Changbin, ce qui le déstabilisa.

— Moi, c'est Felix !

— Felix...? Comme le... chat ?

Le plus jeune fit la moue, agrippant les mains de son aîné des siennes, toutes petites.

— Je suis pas un chat...

— Si, t'es adorable, laissa inconsciemment échapper le mutant.

Les deux adolescents se dévisagèrent alors un instant silencieusement, les joues recouvertes d'un voile cramoisi de timidité, le regard fuyard, un sourire béat aux lèvres.

— Oh, tu portes toujours mes vêtements ! remarqua blondinet. Au fait, t'es parti où ce matin ? C'est à toi, ce machin ? Tu ferais mieux de faire attention, c'est hyper aiguisé !

Le noiraud, un peu déboussolé par le soudain afflux de paroles du blondinet, balbutia une réponse évasive.

— Ouais... c'est à moi...

— T'es pas bien ! Se balader avec une arme, c'est super dangereux !

— Crois-moi, j'en suis parfaitement conscient, dit amèrement Changbin.

Il posa son regard sur le visage de Felix, et à nouveau, il fut ensorcelé par la grâce et le charme qui s'exhalait de son être. Sa personne toute entière faisait chavirer son cœur de guerrier, lui faisant oublier tout le reste.

Oublié, son travail de Ninja.
Oubliée, sa double identité.
Oubliés, ses frères.
Oubliée, Minhee.

Felix s'esclaffa, et cela eut pour effet, en plus de le rendre complètement sous l'attraction de sa voix séduisante, de le tirer de sa torpeur.

— Tu es venu le récupérer, j'imagine ? s'enquit le blondinet en lui lâchant les mains bien à contrecœur et en lui tendant le saï.

— Oui... mais pas que, marmonna Changbin en s'en saisissant.

— Ah ?

— Je... suis venu pour te revoir, aussi.

Le ton de sa voix s'était fait timide, quasiment inaudible. Mais son interlocuteur avait bien saisi le sens de ses paroles.

— Wow ! Je te manquais, Binnie ?

Un sourire amusé sur les lèvres, le noiraud constata rapidement à quel point son vis-à-vis était quelqu'un d'ouvert et de sociable. Et de totalement irréfléchi.

Et surtout, de bien trop adorable et charmant pour que son cœur puisse y résister.

Ses pommettes rosées scintillaient, comme recouvertes de paillettes chatoyantes.

Son doux sourire était éclatant, brillant de mille feux.

Ses ravissantes prunelles semblaient flamboyer d'une lueur d'exaltation, telles deux orbes reflétant tendresse et douceur.

Il avait de petites mains, un grand cœur, un corps séduisant, un rire d'ange, des étoiles sur les joues, un visage délicat.

À ses yeux, Felix était parfait. Bien trop pour qu'il ne s'en méfie pas un peu.

— Binnie...?

— Euh o-oui ?

— Je suis content de te revoir. Est-ce que... je pourrais... enfin...

Traversé par un soudain élan d'audace, le noiraud emprisonna délicatement les mains du plus jeune entre les siennes et se mit à les caresser de ses pouces.

— Ça te dirait qu'on apprenne à se connaître ? murmura doucement Felix en baissant la tête sous le vif embarras qui l'avait étreint.

Incapable de faire disparaître le sourire niais qui avait fleuri sur son visage, Changbin saisit doucement le menton du blondinet et lui releva la tête. Leurs regards se croisèrent timidement, irisant d'un étrange sentiment indicible.

— J'en serais ravi.

Les lèvres du plus jeune s'étirèrent alors en un sourire plus éblouissant que le soleil, faisant totalement fondre Changbin.

Puisque ce n'était pas encore très tard, l'Australien lui proposa de discuter un peu tous les deux avant d'aller se coucher. Changbin lui affirma qu'il ferait de son mieux pour répondre à ses interrogations, mais qu'il ne pourrait sans doute pas tout dévoiler.

Bien que cela l'intrigue, Felix ne protesta pas, bien trop heureux de passer un peu plus de temps avec le noiraud.

Le plus jeune avait réussi à convaincre le mutant de s'allonger avec lui dans le lit. Serrés l'un contre l'autre, l'aîné passait lentement sa main dans la chevelure claire de son nouvel ami en tendres caresses.

— Dis Binnie, ça te dit que je te pose trois questions, et qu'ensuite tu fasses de même ? demanda soudainement Felix.

— Vas-y.

— Pourquoi tu ne veux pas me donner ton vrai prénom ?

— Parce que ça me fait penser à une partie de moi que je préférerais oublier en ta présence.

— Pourquoi ? Tu ne l'aimes pas ? s'attrista Felix.

— Ce n'est pas ça, je t'assure, répondit aussitôt le noiraud. Je préfère simplement ignorer cette facette de moi lorsque je suis avec toi.

— Pourquoi t'es parti hier ?

Ne recevant plus aucune réponse, l'Australien leva les yeux, apercevant ainsi la mine coupable et maussade de Changbin.

— C'est compliqué... je te l'expliquerai peut-être un jour, d'accord ? Mais pas maintenant.

Le blondinet sourit simplement en se lovant un peu plus contre son aîné.

— À toi !

— Pourquoi tu te laisses câliner par moi ?

— Parce que je t'aime bien.

— On ne s'est vus qu'une fois ! protesta le noiraud.

— J'en sais rien, tu m'attires. J'ai l'impression que je peux te faire confiance, que je te connais depuis toujours.

Changbin aussi ressentait cela.

— Pourquoi t'étais réveillé hier ? s'enquit celui-ci en secouant la tête pour chasser ses pensées.

— Oh... je fais souvent des insomnies. Mais t'inquiète, j'ai l'habitude à force.

— Fais attention à toi quand même. Et... est-ce que ça te plairait que je revienne ?

— Tu plaisantes ! Je ne peux plus me passer de toi, maintenant !

Felix riait beaucoup, toujours avec un timbre bas, ce même timbre qui plaisait énormément à Changbin et qui faisait naître d'incontrôlables sourires sur ses lèvres.

— Mauvaise idée.

— S'il te plaaaaît !

— T'es complètement fou, tu veux vraiment dormir dans le même lit qu'un inconnu ?

— Oui.

Changbin lâcha un profond soupir, songeur.

— D'accord, céda-t-il, provoquant une exclamation de joie de la part du plus jeune. Mais à une seule condition.

— Tout ce que tu veux !

— Demain matin, n'ouvre surtout pas tes rideaux.

— Hein ?

— S'il te plaît.

— D'accord... Est-ce que tu vas repartir ?

L'expression chagrinée de Felix peinait Changbin. Il aurait voulu rester, rien que pour apercevoir le beau sourire de celui-ci, mais il savait qu'il ne pouvait pas. Autant pour ne pas l'effrayer que pour éviter de s'attirer les foudres de Léo.

— Oui, je n'ai pas le choix... Mais je reviendrai demain soir. Si tu veux, hein ! se rattrapa-t-il.

— Je t'ai déjà dit que oui !

L'adolescent aux mèches flavescentes dormait paisiblement dans les bras du noiraud. C'était étrange pour Changbin, car cette situation, il ne se l'était jamais imaginée. Et pourtant, tout était réel, il était bel et bien en train d'étreindre le garçon le plus ravissant qu'il n'ait jamais vu.

Honnêtement, il ne comprenait pas ce qu'il ressentait. C'était quelque chose qu'il n'avait jamais éprouvé auparavant, ayant toujours été cloîtré dans les égouts et ayant eu pour seuls compagnons son père adoptif et ses frères.

Étrangement, il avait l'impression de connaître Felix depuis beaucoup plus longtemps qu'une simple soirée.

Changbin avait fini par se départir de sa méfiance. Le blond ne lui voulait aucun mal, il en était certain, désormais.

Il ne parvenait pas à dormir. Il appréhendait bien trop la suite des évènements. Il n'était pas humain, et ce malgré l'apparence qu'il revêtait désormais à la lueur de la lune.

Il était un monstre, méprisé par la société.

Et ça, Felix ne devait jamais l'apprendre. Il ne voulait pas le perdre.

L'Australien soufflait avec lenteur, profondément endormi, tandis que le noiraud s'amusait à former des boucles avec ses mèches de cheveux. D'un de ses bras, il entourait la taille du plus jeune, appuyant le dos de celui-ci contre son torse.

Changbin fut soulagé de constater qu'il avait conservé sa musculature, bien qu'il ait perdu près de la moitié de sa taille.

Mais il ne savait pas à quoi il ressemblait.

Et il ne voulait pas le savoir.

Il avait peur de se confronter à sa nouvelle apparence.

Il avait peur qu'à travers le miroir, il ne voit que le reflet de son vrai lui, du monstre. Il avait besoin de temps.

Le noiraud jeta un œil au saï qui gisait sur le sol.

Cela lui rappela cruellement qui il était réellement.

Felix se réveilla brusquement au son strident de son réveil. En cherchant à l'éteindre, il tomba lourdement de son lit et poussa un cri de surprise.

— Sale truc à la con, grommela-t-il, encore ensommeillé.

Après s'être vainement frotté le dos pour tenter d'atténuer la douleur, il se releva. Alors qu'il se dirigeait vers sa salle de bain, il se statufia net en apercevant un post-it collé contre la porte.

Dessus, il était simplement marqué : « ♡ ».

L'Australien ouvrit grand la bouche et prit quelques instants pour réaliser qu'un cœur lui était adressé.

Il finit par exploser de rire, ses pommettes étoilées s'empourprant violemment.

— Binnie, t'es mignon bordel.

L'adolescent détacha délicatement le post-it et alla le déposer sur son oreiller, avant de se rendre compte qu'il était en retard. Il ne prit même pas la peine de se coiffer et enfila les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main.

Tant pis, il mangerait à midi.

Jisung n'avait jamais été aussi nerveux de toute sa vie. Son cœur battait tous les records de vitesse tellement sa pulsation était forte et rapide. Il avait presque l'impression qu'il allait jaillir de sa poitrine.

C'était maintenant ou jamais.

Il allait tout avouer au beau noiraud qui le poursuivait depuis plusieurs mois maintenant.

Ce qu'il éprouvait réellement.

— Jinnie, lâcha doucement le rouquin en le voyant s'approcher de lui. J-Je...

Qu'est-ce qu'il était beau...

— Sungie, murmura Hyunjin. Si mes sentiments ne sont pas réciproques, dis-le-moi directement, de sorte que je ne puisse pas souffrir davantage...

— Non ! A-Attends... Je t'apprécie beaucoup, Jinnie.

Ça y est. Il l'avait enfin dit.

Son vis-à-vis écarquilla les yeux avec stupeur.

— Je suis désolé de t'avoir rejeté, renchérit Jisung en puisant dans ses dernières réserves de courage. Je me cherchais encore... C'était compliqué pour moi de comprendre ce que je ressentais... Je ne voulais pas croire que je pouvais avoir des sentiments pour toi. Je suis désolé de t'avoir fait du mal, mais j'avais besoin de plus de temps... Ta manière de draguer était très rentre-dedans, je ne savais pas trop comment réagir, pour être franc.

— Oh... Je t'ai rendu mal à l'aise ? comprit Hyunjin. Excuse-moi...

— T'inquiète...

— Alors tu... m'aimes aussi...?

Le rouquin rit nerveusement en se grattant la nuque.

— O-Ouais... Mais je...

— Tu as besoin de temps.

— Je sais que ça fait déjà plusieurs mois, mais...

— Je comprends.

— Vraiment ? s'étonna le plus jeune.

— Oui. Et je veux bien t'en laisser, enfin à condition que t'arrêtes de m'éviter.

— Oh merci !

Le plus petit sauta sur le noiraud pour l'étreindre, faisant glousser celui-ci. Il passa ses mains autour de la nuque de son bien-aimé et le serra alors amoureusement contre lui.

Le menton niché dans la paume de sa main, le blondinet cogitait, remuant les pâtes de son assiette avec sa fourchette. Hyunjin et Jisung l'observaient curieusement, s'amusant de son regard vide et du sourire béat qui ornait ses lèvres.

— Lix, appela alors le rouquin.

— Hmm...

— Lix !

— Ouais ! répondit Felix avec un sursaut. Quoi ?

— Est-ce que tu nous écoutes ?

— Ouais, bien sûr Jinnie.

— Euh mec, moi c'est Sungie.

— Hmm.

Les deux aînés se jetèrent un regard complice. Hyunjin se leva et frappa la table de ses mains, faisant tressaillir l'Australien.

Son expression emplie de gravité contrastait avec son regard amusé.

— Toi, lâcha-t-il tel une bombe, t'es amoureux.

— H-Hein ? Non !

Jisung claqua sa langue contre son palais et pointa son visage en souriant malicieusement.

— Tes joues te trahissent, Lixou ! Alors, quand est-ce que tu nous le présentes ?

— O-On n'est pas en couple..., bredouilla Felix, embarrassé. Attends, comment tu sais que c'est un...

— Franchement, Lix ! s'exclama l'aîné. Il te faut un gars, ça se voit.

L'Australien reporta son regard sur son assiette, ses pommettes s'empourprant de plus en plus.

— Je sais pas si je dois rire ou pleurer, bougonna-t-il.

— Bon, à quoi il ressemble ? Comment il s'appelle ? s'impatienta Hyunjin. Dis-nous tout.

— Je pense qu'il est musclé, devina le rouquin en arquant les sourcils de manière suggestive. Lixou aime ça.

— Les gars ! Vous êtes gênants, là !

Felix quitta sa place en emportant son plateau avec lui. Jisung et Hyunjin se contentèrent de sourire tout en se tapant les mains.

Une routine s'était rapidement installée entre l'adolescent blond et le Ninja. Tous les soirs, alors que Felix revenait de l'école, il s'empressait d'ouvrir la fenêtre de sa chambre et s'installait à son bureau pour faire ses devoirs. Changbin ne tardait alors pas à faire son apparition, puisque la nuit tombait de plus en plus vite. L'Australien l'accueillait chez lui en le câlinant, au plus grand plaisir de celui-ci.

Ils se mettaient à parler de tout et de rien, mais Felix n'obtenait jamais beaucoup d'informations sur lui. Il aurait bien aimé, mais étrangement, sa seule présence lui suffisait, en tout cas pour l'instant. Et puis, le noiraud lui avait fait la promesse de tout lui révéler un jour, alors il se montrait patient.

Changbin avait pris pour habitude de le sermonner, lui rappelant qu'il pouvait tomber malade s'il laissait la fenêtre ouverte pour lui à chaque fois. Le blondinet avait longtemps rechigné, mais avait finalement cédé aux inquiétudes de son compagnon.

Tous les matins, Felix recevait un petit cœur de la part de son aîné, ce qui lui assurait qu'il n'avait pas rêvé.

De son côté, Changbin avait de plus en plus de difficulté à dissimuler sa double vie à Leonardo. Celui-ci soupçonnait éminemment quelque chose, c'était indubitable. Les innombrables escapades nocturnes de son jeune frère n'avaient jamais été aussi récurrentes, la Tortue jamais aussi hermétique et impassible.

Le Raphaël qu'il connaissait était quelqu'un d'irascible, prompt à l'impétuosité, fervent du danger et de l'agressivité, d'une virulence sans précédent.

Pourtant, celui qu'il voyait revenir au petit matin n'était rien de tout cela.

Son frère avait changé.

Son regard s'était adouci, ses réflexes de guerriers plus aussi performants qu'auparavant. Son désir de constamment se battre contre le Leader s'était dissipé, laissant place à un adolescent doux et rêveur. Ses répliques cinglantes n'avaient plus lieu d'être. Elles étaient remplacées par des paroles hésitantes aux mots judicieusement bien choisis et parfois, par de longs silences.

Pour l'instant, le Ninja était parvenu à soustraire son secret aux yeux curieux de ses frères, mais il savait que tôt ou tard, la vérité finirait par éclater.

Et cela lui faisait peur.

Ce soir-là avait changé à jamais la vie des deux jeunes hommes.

Voilà bien une quinzaine de jours qu'ils se voyaient régulièrement dans l'appartement du blondinet.

Ce dernier venait de terminer une nouvelle journée éprouvante, et ce fut à la hâte qu'il révisa pour ses examens du lendemain.

Tout ce qu'il désirait, c'était une pause.

Prenant en compte les plaintes insistantes de son aîné, Felix laissa la fenêtre fermée. De toute façon, il neigeait avec tellement de force qu'il avait perdu l'espoir qu'il vienne.

Il tressaillit violemment lorsque soudain, après avoir étudié son Coréen, des coups contre la vitre résonnèrent dans sa chambre.

— Binnie ? murmura-t-il.

Une crinière de jais, le nouveau hoodie couleur ivoire qu'il lui avait prêté, pas de doute, c'était bien lui.

Remonté à bloc, Felix sautilla allègrement jusqu'à la fenêtre et s'empressa de l'ouvrir.

— Binnie ! Pourquoi tu viens par un temps pareil ?

Le noiraud sauta à l'intérieur de la pièce, et la neige qui recouvrait sa capuche glissa sur le parquet.

— Je viendrais même s'il y avait un typhon, plaisanta Changbin en adressant un ravissant sourire au blondinet.

L'Australien lui agrippa doucement la main et poussa un petit cri exagéré.

— T'es gelé !

— Petit chaton, t'inquiète pas...

— Viens sous la couette !

Changbin se laissa entraîner de bonnes grâces dans le lit de Felix. Lorsque tous deux furent installés sous la couverture, le plus jeune alla se réfugier dans les bras du noiraud. Ce dernier emprisonna la taille de celui-ci et le tira contre lui.

Le visage du blondinet faisait face au sien, de sorte que son souffle apaisé s'échouait contre son cou comme une caresse chaude, le faisant frémir de partout.

Changbin adorait cette proximité avec l'Australien.

— C'est la première fois, murmura alors Felix.

— De quoi ?

— C'est la première fois qu'on est si proches.

Un long silence s'ensuivit. Seuls les souffles saccadés des jeunes hommes se faisaient entendre.

— C'est vrai... Mais ça me plaît, avoua doucement Changbin.

— À moi aussi.

Timidement, le blondinet releva la tête vers son aîné. Ils étaient proches, trop proches pour le noiraud, qui s'en retrouva ébloui par la beauté surnaturelle de l'adolescent.

Il vint poser une main sur la pommette stellaire de son compagnon, caressant les constellations qui s'y trouvaient. Bientôt, son regard particulier se noya dans les magnifiques prunelles chatoyantes de Felix.

— Tu es tellement beau...

L'Australien s'empourpra violemment, mais ses yeux restèrent ancrés dans ceux de Changbin, prolongeant ainsi leur contact visuel.

Le souffle de ce dernier contre ses lèvres le rendait fou.

C'était comme un appel irrésistible.

Felix rapprocha son visage délicat vers celui du noiraud.

Il ne broncha pas.

Alors le plus grand s'avança encore un peu plus, jusqu'à ce que leurs nez se touchent doucement et se frottent l'un contre l'autre.

Changbin passa ses doigts sur la douce peau laiteuse de la nuque de l'adolescent, puis remonta en direction de son visage, effleurant au passage ses lèvres pulpeuses et ses mèches d'or satinées.

Ils se dévisagèrent alors avec intensité, cherchant à transmettre leurs idées de moins en moins candides à l'autre. Chacun s'évertuait à déceler leurs envies.

D'un accord commun, ils laissèrent leurs bouches s'effleurer doucement, jusqu'à se lier en un long baiser qui les fit soupirer de plaisir.

Lorsqu'ils se détachèrent, Changbin se redressa en position assise, et Felix l'imita.

Naturellement, leurs lèvres se retrouvèrent à nouveau, et ils s'embrassèrent aussitôt avec une fougue passionnelle, se dévorant mutuellement avec une lascivité et un désir qui n'avaient cessé de croître depuis le jour où ils s'étaient rencontrés.

Le noiraud laissa ses mains glisser dans le dos de son amant, tout en lui offrant un baiser de plus en plus torride. Sa langue avait pénétré la bouche de son interlocuteur et jouait désormais avec la sienne, se battant pour obtenir la dominance.

Le blondinet ôta le hoodie que portait son vis-à-vis et vint délicatement caresser la peau immaculée de son torse musclé, retraçant avec ses doigts les courbes de ses biceps et de ses tétons. Ses gestes étaient empreints d'une sensualité qui était loin de laisser Changbin indifférent, il en frissonnait de luxure.

Ses petites mains atterrirent bientôt sur l'entrejambe gonflé de son aîné, et il se mit à y appuyer de plus en plus en fort, lui arrachant des gémissements.

Tout en prolongeant leur échange langoureux, Felix se mit à malaxer le membre du noiraud à travers son pantalon, et bientôt, celui-ci se durcit encore plus.

À court d'air, ils durent se séparer un instant.

— Lix... Qu'est-ce que... tu fais ? haleta l'aîné.

— Tu veux que j'arrête ? s'inquiéta son partenaire.

— Non, à vrai dire... c'est agréable.

— Je continue ?

Sans réfléchir, Changbin opina du chef. Le blond se jeta à nouveau sur ses lèvres, leurs souffles erratiques se mêlèrent. Il enfouit alors sa main dans le caleçon du noiraud pour effleurer son membre, et en suivant son instinct, esquissa de doux va-et-vient sur ce dernier.

Les gémissements du plus petit se firent de plus en plus appuyés et s'élevèrent dans la pièce.

Soudain, le noiraud vint se saisir des fesses de Felix pour le relever contre lui en les caressant doucement au passage. Il abaissa son pantalon jusqu'à ses genoux, de sorte qu'il puisse également toucher l'intérieur de ses cuisses.

Le blondinet devenait dingue à ses contacts, et ses caresses sur le sexe de Changbin, bien que tendres, se faisaient plus sèches et rapides.

Lorsque le noiraud éjacula finalement, ils s'arrêtèrent tous deux. Ils nettoyèrent l'édredon et se revêtir, avant de s'allonger à nouveau dans le lit.

Sans un mot, Felix se lova confortablement contre son vis-à-vis.

— Je n'avais jamais embrassé quelqu'un, avant, avoua timidement l'aîné en s'agitant légèrement.

— Comment c'est possible ? s'étonna l'Australien. T'es tellement beau et adorable !

— Ah bon ?

— Tu veux un miroir ?

— N-Non, je ne préfère pas.

— Je plaisantais ! Attends... tu ne vas pas me dire que tu ne t'es jamais vu, quand même ?

Craignant que Felix ne le trouve ridicule, Changbin garda le silence.

Non, honteusement, il ne s'était toujours pas regardé.

Devrait-il le faire ?

Le blondinet releva le visage de son aîné vers lui. Ce dernier ne parvenait pas à supporter le poids de son regard interrogateur, et en conséquence, il baissa piteusement la tête.

Il se sentait mal. Il était risible.

— Binnie ? s'enquit doucement le plus jeune. Tu ne t'es vraiment jamais vu ?

Felix sentait bien qu'il venait d'évoquer un sujet incisif. Il grimpa à califourchon sur les cuisses de son amant et saisit son visage entre ses petites mains. Par réflexe, Changbin posa les siennes sur la fine taille de celui-ci pour le maintenir en place.

— Je suis désolé..., fit alors l'Australien.

— Tu... pourquoi tu t'excuses ? s'étonna l'aîné en croisant les iris fuligineux de son cadet.

— Je ne voulais pas te blesser.

— T'inquiète... J'imagine que ce n'est pas commun de rencontrer quelqu'un qui ne sait pas à quoi il ressemble...

Le blondinet sembla hésiter un instant, comme si les mots lui brûlaient la langue, mais finit par ouvrir la bouche.

— Comment ça se fait ?

Il le savait, son aîné n'allait probablement pas proférer quoi que ce soit, mais il avait besoin de savoir, de comprendre. Tout ce mystère autour de son amant ne l'avait jamais autant interpellé qu'en cet instant.

Dans les méandres des beaux yeux smaragdins de Changbin, un éclat amer s'y reflétait, une peine incommensurable.

Felix y vit luire des larmes torrentielles et brûlantes.

— J-Je...

— Je ne te forcerai pas Binnie, renchérit-il doucement. Prends ton temps.

Le noiraud déglutit difficilement et détourna le regard.

Comment était-ce possible que son bien-aimé soit aussi compréhensif ? Il n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi empathique auparavant.

— J-Je n'avais pas... cette apparence... avant...

C'était tout ce qu'il était parvenu à répondre à l'ange installé sur ses genoux.

Une des petites mains de celui-ci quitta sa joue pour rejoindre sa paume et tendrement enlacer leurs doigts.

— E-Enfin... je ne l'ai toujours pas complètement...

L'Australien ne comprenait pas ce que son amant essayait de lui confier, mais il voyait bien que c'était très dur pour lui d'en parler.

— Dis-moi, Binnie... Qui es-tu ?

— Qui je suis...?

Oui, qui était-il ? Raphaël ou Changbin ? Un mutant ou un homme ? Un Ninja ou quelqu'un d'anodin ?

Était-il... un monstre ?

Changbin n'en savait rien. Il n'avait jamais été aussi bouleversé et troublé de toute son existence.

Il avait été élevé dans l'unique but de se fondre parmi les ombres, d'éradiquer les menaces surnaturelles et les organisations secrètes qui menaçaient d'annihiler New York. Il n'avait jamais songé à autre chose que se battre depuis sa plus tendre enfance. On lui avait appris très tôt qu'il n'aurait pas la possibilité de vivre à la surface.

Il s'était résigné à cette vie de réclusion, à cette existence consacrée à la protection des citoyens qui pourtant, le rejetaient et le haïssaient pour ses différences.

Et maintenant ?

Il ne voulait plus de tout cela. Il voulait vivre, réellement, comme tous ces gens au-dehors, avoir un travail considéré comme banal, avoir une belle relation amoureuse ; il ne voulait plus guetter ces êtres pourvus d'une méchanceté abyssale qui ne désiraient que le malheur des humains.

Désormais, la seule personne qu'il avait envie de protéger, c'était Felix.

— Je suis plusieurs choses, murmura-t-il finalement. Je suis un homme, enfin pas complètement, mais je suis aussi un... Ninja.

— Toi, un Ninja ? réitéra dubitativement le blondinet. Mais t'es une véritable peluche !

Changbin releva les yeux pour dévisager son amant. Il n'allait pas le croire, c'était certain, et il comprenait parfaitement.

— C'est pour ça, le poignard ?

— Ouais.

— Binnie, tu te rends compte que jamais je ne vais réussir à gober ça ?

— Je sais. La vérité est difficile à croire.

Felix exhala un petit soupir. Cela expliquerait la présence du saï dans sa chambre, le fait que le noiraud se soit retrouvé mal en point une nuit à l'extérieur, qu'il disparaisse toutes les journées, et également certains de ses comportements qui semblaient tout droit sortir d'un film, mais néanmoins, il n'arrivait décidément pas à imaginer son Binnie en Ninja.

Pourtant, il voulait le croire. Son expression dépeignait une tristesse qui lui fendait le cœur. Il ne lui avait jamais menti et il n'était pour sûr pas un psychopathe, alors il ne tenait qu'à lui de lui faire confiance.

Et l'Australien lui faisait confiance, plus qu'à quiconque, et ce malgré toutes les choses qu'il lui dissimulait.

Felix adressa un sourire à Changbin et se pencha pour l'embrasser avec tendresse.

Quelques jours plus tard, le mutant avait pris une décision.

Il savait qu'il était amoureux du beau blond, et rien, pas même cette crainte incommensurable qui prenait de plus en plus d'ampleur dans sa poitrine, ne pourrait l'empêcher de l'aimer.

Quand il serait fin prêt à accepter la possibilité qu'il perdrait sans doute Felix, il lui avouerait toute la vérité.

Mais pour le moment, il se contenterait de lui témoigner sa profonde affection.

Changbin n'avait jamais été amoureux auparavant. Il n'avait jamais ressenti ce sentiment qui le poussait à prendre soin de quelqu'un, à le bécoter, à le câliner.

Durant les vingt ans de sa vie, il n'avait fait que songer à New York, et voilà qu'il commençait à être égoïste.

C'était cela qui le poussait à retourner à la base, chaque jour.

Le mutant avait peur de paraître égocentrique aux yeux de l'humanité, il culpabilisait.

Le noiraud secoua la tête et souffla profondément. Il observa longuement la vitrine du magasin, distinguant à peine quelques ombres qui s'agitaient au travers.

Habituellement, lorsqu'il désirait quelque chose, il l'obtenait en pénétrant dans le bâtiment à l'insu des propriétaires.

Mais cette fois-ci, il voulait se montrer exemplaire. Normal.

Changbin jeta un œil à la liasse de billets qu'il avait dérobés à Léo. Il ignorait si cela suffirait pour son achat, puisqu'il n'y connaissait absolument rien.

Il prit une dernière inspiration pour se donner un semblant de courage et franchit finalement le pas de la porte pour entrer dans la boutique.

— Bonsoir ! s'exclama une voix enthousiaste derrière le comptoir.

Le noiraud releva la tête, apercevant ainsi un jeune homme à l'allure sémillante qui lui souriait de toutes ses dents. Il était de taille moyenne, son visage doux, ses cheveux marron, et il tenait de petites fleurs fragiles à la main. Sur son badge, il lut « Kim Seungmin ».

— B-Bonsoir, bredouilla-t-il en retour.

— Alors, avec quelles couleurs souhaiteriez-vous composer votre bouquet ?

— J-Je... Je n'en sais rien... J'espérais que vous pourriez m'aider, en fait.

Se sentant légèrement honteux, Changbin se mit à se triturer les doigts, se maudissant intérieurement d'avoir eu une idée aussi insensée.

— C'est pour qui ? s'enquit le vendeur. Votre ami ? Votre petite amie ?

— Euh... Ouais... Et si je vous disais que... c'est un ami... mais... je voudrais... enfin... qu'on devienne plus, vous voyez...?

— Oh, excusez-moi ! Des fleurs carmin, ça vous dirait ?

— O-Ouais...

— Excusez-moi, je n'aurais pas dû vous poser cette question, rit nerveusement Seungmin en allant se saisir de quelques fleurs. Des amaryllis rouges ?

— Euh... ouais, elles sont jolies...

Tout en se saisissant des fleurs, le brunet se mit à s'injurier dans sa barbe comme quoi il aurait dû le savoir, que c'était un petit ami.

Ce dernier composa un bouquet de cinq amaryllis, selon les préférences de son client, et le tendit finalement au noiraud. Ce dernier le saisit délicatement et paya ensuite son dû au vendeur.

— M-Merci...

— Il n'y a aucune chance qu'il vous résiste avec ça, fit Seungmin en esquissant un clin d'œil. Bonne soirée !

Changbin piqua un fard sous l'embarras et s'empressa de quitter le magasin pour se rendre à l'appartement de Felix.

Pour la première fois, il allait passer par la porte d'entrée.

Il plaça son bouquet bien en vue et appuya sur la sonnette.

Stressé, il bougeait nerveusement ses pieds, se demandant comment allait réagir son bien-aimé. Il savait que celui-ci l'aimait également, mais il ne pouvait s'empêcher de s'imaginer des dizaines de scénarios catastrophiques.

— Reprends-toi, Raph', grommela-t-il. T'es un Ninja, t'as l'habitude de gérer ce genre de situations. T'as juste à poser une question. Oui, au plus beau gars de l'univers, mais ça reste une banale question. Ouais non, c'est pas anodin de demander à un beau gosse de sortir avec...

— Tu parles tout seul, maintenant ? se moqua une voix infiniment rauque derrière lui.

Gêné, Changbin se statufia net, tout en se réprimant intérieurement d'avoir paru aussi ridicule devant son amoureux.

— Tu passes par la porte ? s'étonna le blondinet. Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon Binnie ?

— J-Je...

Felix lâcha un rire rocailleux qui fit rougir le plus petit. Ce dernier se retourna timidement et se sentit défaillir devant la vision qui se tenait devant lui.

Son amant était vêtu d'une chemise dont il avait glissé l'extrémité dans un pantalon particulièrement moulant et portait des bottines noires, ainsi que des créoles. Ses taches de rousseur étaient bien visibles sur sa peau sans imperfections, et il avait légèrement saupoudré ses paupières de maquillage d'un rouge amarante, ce qui l'éclipsait.

L'Australien lui offrit un sourire digne d'un ange, avant de passer une de ces petites mains dans son épaisse chevelure duveteuse semblant être filée dans l'or.

— Oh putain...

« Et voilà, bien joué Raph', tu perds encore tes moyens devant lui. Il te met vraiment dans tous tes états, c'est fou... »

— J-Je suis v-venu t'apporter ça, déclara finalement le mutant en tendant le bouquet.

Les beaux yeux de Felix s'écarquillèrent.

— Vraiment ? C'est pour moi ?

Changbin opina du chef, ses lèvres s'étirant en un doux sourire qui fit fondre son vis-à-vis.

Le plus jeune se saisit alors doucement des amaryllis et les porta à la hauteur de son nez pour humer leur fragrance. Ses pommettes étoilées prirent une teinte cramoisie, alors qu'il croisait le regard dégoulinant d'amour de son amant.

— M-Merci, Binnie...

— A-Avec plaisir... Je... Lix... Je voulais... te demander... Tu veux sortir avec moi...?

— Oui.

— H-Hein...?

Un sourire fleurit sur le beau visage du blondinet.

— Je veux bien sortir avec toi, renchérit-il alors, faisant frémir le plus petit.

— V-Vraiment...? Même si je te cache des choses...? murmura son interlocuteur.

— Oui, parce que je sais que tu es sincère. Et puis, tu m'as promis qu'un jour, je saurai tout.

— Merci de me laisser du temps, petit chaton.

Felix déposa son sac d'école contre le mur avec le bouquet, mais avant qu'il ne puisse ouvrir la porte, Changbin se précipita dans ses bras pour l'embrasser à pleine bouche.

Le mutant avait passé la meilleure soirée de toute sa vie. Il s'était baladé avec son copain dans les rues de New York, main dans la main, sans que ses problèmes actuels ne viennent lui effleurer l'esprit une seule seconde. Ils avaient contemplé le ciel vespéral se couvrir peu à peu d'étoiles évanescentes en s'embrassant doucement.

Il avait eu le plaisir de goûter aux douces lèvres sucrées du blondinet, et ça, ça n'avait pas de prix.

— Les gars, ce soir, on sort, indiqua Leonardo. Surveillance mensuelle.

Raphaël se raidit, attirant ainsi le regard de son aîné sur sa personne.

— Un problème, Raph' ?

Le Leader haussa un sourcil, scrutant attentivement les différentes réactions de son jeune frère.

— N-Non.

Le mutant au bandeau incarnat se réprimanda intérieurement d'avoir balbutié. Ses paroles n'étaient plus aussi fermes et sèches qu'auparavant, et cela l'exaspérait.

— T'en es sûr ? persifla froidement Léo.

— Oui. Fous-moi la paix.

Changbin se leva sous les regards perplexes de ses frères et quitta la base sans laisser transparaître une quelconque émotion sur son visage austère.

— Sois de retour dans deux heures ! entendit-il crier derrière lui.

Le mutant était très mal.

Si les rayons lunaires avaient, ne serait-ce qu'un infime contact avec sa peau lors de leur sortie, il était fichu. Mais il lui était impossible de se recouvrir entièrement dans ces conditions plutôt insolites.

Changbin poussa la plaque de la bouche d'égout pour émerger à la surface et grimpa sur l'immeuble à proximité. Aussitôt, alors que des picotements familiers couraient sur sa peau verdâtre, il sentit la métamorphose habituelle s'opérer et son corps se modifier.

Lorsqu'il fut entièrement transformé, le noiraud s'empressa de se saisir des vêtements de Felix, qu'il avait dissimulés non loin, et s'en revêtit. Il glissa ses éternels saïs dans la ceinture que son amant lui avait offerte, avant de passer une main dans sa chevelure pour se recoiffer.

Il n'avait pas l'occasion de pouvoir se rendre beau pour son amant, mais il tenait à être le plus présentable possible.

Le mutant devait absolument aller le prévenir qu'il ne pourrait malheureusement pas rester dormir avec lui, et trouver une solution à son problème.

Aussitôt que Raphaël eut quitté la base, Leonardo se releva précipitamment et s'élança à sa suite.

Il en avait plus qu'assez de ses cachotteries récurrentes.

Lorsqu'il posa les pieds dans la petite ruelle sombre, il eut beau chercher dans tous les recoins, son jeune frère avait déjà disparu de sa vue.

Mais c'est alors qu'il aperçut, debout sur un bâtiment adjacent, un jeune homme de petite taille qui détenait les armes de prédilection de la Tortue au bandeau grenat.

Celui-ci s'élança alors dans l'obscurité, sautant d'immeubles en immeubles dans des mouvements bien trop lestes et habitués pour appartenir à n'importe qui. Ses pas feutrés, ses gestes gracieux, son corps se déplaçant instinctivement dans l'ombre, pas de doute, il s'agissait bel et bien d'un Ninja entraîné à la discrétion.

Cela lui mit la puce à l'oreille.

Sans exactement en connaître la raison, Léo se décida à le suivre.

Lorsque Changbin arriva finalement à destination et qu'il toqua à la fenêtre étonnamment close, personne ne vint lui ouvrir.

Il fronça les sourcils. Felix savait qu'il venait toujours à la même heure, alors où était-il ? Avait-il eu un empêchement ?

Les minutes passèrent, et le noiraud se décida à frotter contre la vitre pour faire disparaître la buée qui s'y était formée.

Le mutant en resta bouche bée.

L'appartement était sens dessus dessous ; les draps étaient défaits, les rideaux déchirés. Des objets jonchaient le sol maculé d'un étrange liquide rougeâtre.

Au-dessus du lit, là où le mutant avait passé de merveilleux instants, le mur était recouvert d'une encre carmin.

« Tes frères ou lui. »

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