49 : Cœurs

Anael avait accepté. Il avait laissé parler son cœur.

Il voulait aider ces gens, alors il allait le faire. Puis, il prendrait une potion énergisante, au risque de devenir une bombe sur pattes si le dosage était trop important... Il lui fallait faire confiance à la Guérisseuse des Rafales. Étonnamment, il restait plutôt serein. Cette Métamorphe lui avait semblée digne de confiance, ce qui était assez rare comme sentiment venant de lui.

Il quitta l'homme derrière la barricade en lui confirmant son aide. Plié en deux, il courut et s'éloigna de la tranchée, pour revenir parmi les tentes dressées en hâte. La boue le gênait dans son avancée, mais il n'y fit pas attention et continua jusqu'à retrouver l'endroit où ses amis discutaient, toujours assis autour de la casserole. Maïwenn l'aperçut et lui fit signe de le rejoindre, puis Sophia se retourna et, à sa vue, sembla se crisper et chercher quelque chose des yeux. 

Anael comprit rapidement : Orel était toujours aux abonnés absents. Il jeta un œil à la tente de la meute Rafale, où Clay discutait avec un oiseau posé sur son avant-bras. Orel avait donc terminé son entrevue.

Il s'approcha des filles et s'assit à côté de la Gazelle, puis les interrogea.

— Alors, Orel pourra participer aux patrouilles ? lança-t-il d'un ton nonchalant, réprimant son envie de savoir où il était exactement et de le demander directement.

Il ne tenait pas à passer pour un psychopathe. Et puis, il n'était pas sa mère, son garde du corps... Ce serait déplacé qu'il demande ainsi où se trouvait l'Aigle, non ?

— Oh, oui, il va les aider. Ils sont contents d'avoir un oiseau aussi puissant avec une excellente vue. Et Ange, tu l'as croisé ? Il est revenu peu après ton départ, sourit la rousse. J'ai aussi parlé avec quelques responsables qui passaient, on peut aider en préparant les portions alimentaires...

— Où est Orel, maintenant ? finit par craquer Anael d'une voix qu'il espérait neutre.

— Oh ! fit Sophia précipitamment en posant une main sur son avant-bras. Il... Il va revenir, il...

Comme elle ne terminait pas sa phrase, la bouche entrouverte, Anael se tourna vers Maïwenn, en quête de précisions. La rousse fusilla la Gazelle de ses yeux verts et l'Ours fronça les sourcils. Que se passait-il, là ?

— Il est allé à ta recherche, en fait. Il va revenir bientôt, termina Sophia avec un sourire bancal.

Comme Anael faisait mine de se lever, elle lui saisit le bras et le tira pour le faire rasseoir. L'Ours se dégagea brusquement et se remit sur ses pieds.

— Mais qu'est-ce qui se passe à la fin ? S'il est parti me chercher, je vais aller lui dire que je suis de retour. C'est quoi le problème ?

Comme les deux filles baissaient le regard sans rien ajouter, il tourna les talons et leva le nez. Par-dessus les senteurs écoeurantes inévitables dûes aux combats, il perçut celle d'Orel. Puissante, facilement reconnaissable, comme si elle brillait dans les airs, formant une piste. Anael ne la quitta pas des yeux. Il ignorait qu'il pouvait suivre une piste ainsi, mais ça avait été instinctif. Et désormais, il marchait en suivant ce ruban scintillant qui le guidait vers l'Aigle.

Il contourna plusieurs tentes et aperçut l'orée d'un bois, du côté de la plaine, soit à l'opposé des Reptiles. Des oiseaux tournoyaient dans le ciel, veillant au grain, alors Anael n'hésita pas longtemps. Il passa entre deux troncs sombres et s'enfonça dans le bosquet.

Rapidement, il entendit des voix. Celle d'Orel, il la reconnut, même s'il ne comprenait pas ce qu'il disait. Mais il discutait avec quelqu'un.

Anael progressa encore plus profondément parmi les arbres et arriva à proximité d'une clairière. Il était encore hors de vue, mais put entendre les mots prononcés par les deux garçons qui se trouvaient de l'autre côté.

— ... mais puisque je te dis que ça se voit ! Comme le nez au milieu du visage, il n'y a que toi qui ne le vois pas !

C'était Ange. Il était énervé, au vu du ton exaspéré qu'il employait. Anael se figea. 

— C'est faux, d'accord ? Je... Je ne ressens rien de tout ça. Tu t'imagines des choses...

— Eh, je sais voir quand quelqu'un est amoureux ! Je te rappelle que je suis ton ex, alors franchement, je te connais.

— Ange, je t'assure, il n'y a rien...

— Oh purée tu m'énerves ! Si tu ne veux pas l'avouer, mens-toi à toi-même encore longtemps. Mais si tu as peur du regard des autres parce que tu penses devoir être parfait et que c'est pour ça que tu te voiles la face, là, t'as intérêt à me l'avouer tout de suite. Combien de fois je vais devoir te le dire, Orel ? Aimer, ce n'est pas une faiblesse, ça ne va pas te rendre « moins parfait »...

Anael se sentit misérable, derrière son buisson, à épier une conversation clairement personnelle et privée. Ils parlaient... de sentiments... Ça ne le regardait clairement pas. Son instinct lui intima de partir, tant qu'il était encore temps, mais son corps refusa de bouger.

— Je sais, je sais, mais je te jure que... que c'est pas pour ça.

— AH ! Donc tu avoues qu'il y a quelque chose...

Anael entendait la victoire d'Ange dans sa voix. Il avait fini par lui faire avouer... mais... quoi exactement ? Qu'Orel était... amoureux ?

Sans savoir bien pourquoi, son cœur se serra. Il refusa de réfléchir et se redressa pour faire demi-tour, mais perdu dans ses pensées, il ne vit pas la branche sèche qui termina sous sa semelle...

Crac.

Merde.

Tout son corps se tendit et finalement, il se retourna vers la clairière et s'avança pour sortir des buissons comme si de rien n'était.

Ange et Orel écarquillèrent les yeux, surpris, puis l'Aigle rougit si vite qu'Ange lui jeta un regard amusé. Anael ne sut plus où se mettre, mais préféra prendre les devants.

— Juste... J'étais venu vous dire que j'étais de retour, en fait. Les filles m'ont expliqué que tu étais parti me chercher, Orel...

Oh mon dieu, il était ridicule. Le dire à voix haute le fit s'en rendre compte et il détourna le regard en joignant nerveusement ses mains, jouant avec le bas de son t-shirt. Puis, il décida de rattacher ses cheveux et refit sa tresse, alors qu'Ange murmurait quelque chose à Orel qu'il ne put entendre. A ces mots, l'Aigle se raidit et secoua la tête avec véhémence. Le Loup sourit d'un air fier et se tourna vers Anael, qui le regardait d'un air perplexe, un peu gêné par cette situation. C'était un euphémisme, en réalité. S'il avait pu, il se serait transformé en souris et se serait caché dans un petit, tout petit trou.

Celui aux yeux bleu sombre se mit à marcher vers Anael, puis s'arrêta face à lui, lui tira le bras et revint vers Orel.

L'Ours voulut se dégager, mais le Loup serra sa poigne et le planta à ses côtés, face à l'Aigle. Orel semblait au bord de la nausée. Livide, les yeux écarquillés dans une supplique silencieuse, il secouait la tête en direction d'Ange. Mais ce dernier n'en eut cure. Il lui jeta un regard de défi, puis, se saisit du visage d'Anael et écrasa ses lèvres sur les siennes.

L'Ours sentit un rugissement lui remonter dans le torse et il repoussa le Loup de toutes ses forces. Ses yeux s'étaient dangereusement mis à briller, luisant de mauve et de bleu avec l'intensité troublante de flammes dans la nuit.

— Encore une de tes foutues taquineries, hein ?! cracha l'Ours.

Mais si Anael se reprit rapidement et maîtrisa cette lueur brûlante pour se calmer sans faire de dégâts, Orel sembla enrager. Ses bras tremblèrent violemment, ses poings se serrèrent.

Ange se rétablit quelques mètres plus loin, puis eut un sourire en coin en regardant son ami.

— Tu veux une meilleure preuve que ça, Orel ? Tu ne supportes pas que je l'approche. Tu enrages si je le touche. Ne viens pas me dire que ça ne t'a—

— Ferme-la, ou je t'aplatis la face d'un seul coup de poing, chien errant, coupa froidement Orel.

Ses yeux bleu lagon s'étaient assombris, rejoignant la teinte d'une mer en pleine tempête. Il paraissait aux prises avec une colère bouillonnante qui ravageait peu à peu le calme qu'il parvenait habituellement à conserver.

Anael ne comprit pas ce à quoi Ange faisait allusion, mais en voyant Orel faire un pas en direction du Loup, il décida de s'interposer.

Face à l'Aigle blond, il tenta de le raisonner.

— Eh, ce n'est pas la meilleure chose à faire, là, tout de suite, Orel. On doit rester en forme pour—

— Il vient de t'embrasser.

— Je sais, et s'il réessaie je m'assurerai moi-même qu'il n'ait plus de visage, mais je ne vois pas en quoi ça te concerne alors range cet air vengeur et calme-toi. On ne doit pas s'entretuer. Garde cette colère pour le Seigneur.

L'Aigle recula d'un pas. Anael ne comprit pas l'air blessé qu'il put lire sur le visage du blond, mais au moins, il n'allait plus attaquer Ange.

Néanmoins, cette tristesse dans les beaux yeux d'Orel s'imprima sur sa rétine. Il n'aimait pas savoir que c'était à cause de ses paroles, même s'il ne voyait pas trop ce qu'il avait pu dire...

— Bon, je vous laisse, lâcha Ange rapidement avant de se transformer pour s'enfoncer dans les fourrés et disparaître.

Orel fixa l'endroit où le Loup était passé d'un air absent. Anael se sentit soudain mal. Qu'avait-il dit, bon sang ? La fuite étrange du Loup n'eut plus aucune importance.

— Orel, qu'est-ce qu'il y a ?

— Si, ça me concerne.

Orel ne le regarda pas, tourné vers les bois, l'air profondément las.

— Je... Je suis désolé. Tu t'en fous sûrement, mais... Je n'aime pas quand il t'approche. Je n'aime pas ce regard qu'il porte sur toi, sachant qu'il est gay, et qu'il est bien plus beau que moi. Je n'aime pas cette manie qu'il a de te toucher, de te taquiner, puis de t'embrasser juste sous mon nez pour me prouver... Et... Et toi tu t'en fous...

Il déglutit. Anael, lui, s'approcha d'un pas. Il vit une perle scintillante s'écouler sur la joue de l'Aigle et sa main se leva sans son accord pour aller l'essuyer d'un pouce.

Son cerveau ne dirigeait plus rien. Anael se retrouva face à Orel, les yeux dans les siens, à l'observer pleurer silencieusement. Son cœur se serra.

— Et moi, je n'aime pas te voir pleurer, Orel, murmura l'Ours.

Sa main, posée sur sa joue humide, glissa dans sa nuque et Anael attira son visage dans le creux de son épaule. Il passa son autre bras dans son dos et sentit ceux de l'Aigle se rejoindre au-dessus de ses hanches. La chaleur de son corps, son souffle légèrement heurté dans son cou, tout faisait tourner la tête d'Anael, mais il se contint, préférant laisser Orel se calmer. L'étreinte de l'Aigle se faisait forte et presque avide. Peu à peu, il cessa de pleurer.

Anael sentait son cœur battre trop fort dans ses artères. Il espéra qu'Orel ne s'en rendait pas compte. Le contact de leurs deux torses l'un contre l'autre engendrait de doux frissons le long de son dos, ses mains osaient à peine effleurer la peau de l'Aigle.

— Anael... Je peux te poser une question ? murmura soudain le blond contre son épaule.

Orel se détacha de l'Ours pour observer son visage. Ses yeux bleus trouvèrent ceux couleur orage. Anael hocha la tête.

— Est-ce que tu es amoureux d'Ange ?

Choqué, Anael ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Puis, il secoua la tête avec véhémence.

— Oh non, jamais de la vie. Il est beau, mais... Non. Vraiment non, oh non. Je préférerais encore me retrouver avec un Reptile ! Il me met trop mal à l'aise, avec ses questions indiscrètes et ses insinuations...

— Je pensais, vu qu'il te taquine...

— Eh bien... Non. Et puis, il est trop sombre. Je veux dire, je préfère des yeux et des cheveux clairs.

En s'apercevant de ce qu'il venait de dire, Anael rougit. Orel cligna des paupières.

— Tu... Tu veux dire... Comme moi ?

Anael sentit son ventre se tordre. Il eut envie de retourner dans un trou de souris, mais la vue d'yeux bleus comme le ciel finit de lui confirmer qu'il voulait rester ici. Avec Orel.

C'était clair, à présent. Il voulait rester avec lui, le protéger des Reptiles, de cette prophétie, rester à ses côtés.

S'il avait voulu ne pas s'attacher, eh bien, c'était raté. Et en beauté.

Son cœur battit follement dans ses tempes. Doucement, Anael hocha la tête. Oui, il préférait largement Orel. Orel et ses boucles d'or, Orel et ses yeux lagon, Orel et son sourire... Orel.

Alors, il rapprocha leurs fronts, quêta une approbation muette dans le regard de l'Aigle, puis posa ses lèvres sur les siennes.
















*Cri de fangirl*
Heeeeeey enfin oui vous ne rêvez pas ! 😍 Après 48 chapitres de 2000 à 3000 mots, après donc en somme, plus de 200 pages A4, ils ont fini par s'embrasser. YESS.

Oh que j'ai eu du mal pour ce chapitre, je l'ai recommencé trois fois ! Ça n'était jamais bien, et là encore je trouve ça nul, mais il faut bien avancer dans l'histoire... 😔

Dooonc si vous avez des remarques, j'accepte avec plaisir, et si vous trouvez ça parfait, c'est encore mieux mais j'en doute sincèrement.

SINON :

— On dit MERCI à Ange d'avoir pu les aider (même si on doute sur la méthode, m'enfin bref)

— Que pensez-vous de ce chapitre en général ? Pensez-vous qu'Anael a fait le bon choix en décidant de les aider avec ses pouvoirs ? Ou alors il va mourir bêtement et Orel deviendra veuf ? 😭

Brefouille, j'espère quand même que ça vous plaît jusqu'ici, et à plus pour la suite ❤️





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