40 : Confessions

Les flammes bleues quittèrent sa main tendue vers le roc pour s'écraser dans l'herbe à ses pieds. Elle sembla embraser le sol, puis reflua et disparut, sous la demande d'Anael.

Il fronça les sourcils, un peu honteux.

— C'est pathétique, ricana l'Ours.

— Essaie de les lancer, comme pour une balle, suggéra Orel sans se démonter.

Anael hocha la tête et réitéra l'expérience. Lorsque la sphère azur enflamma sa paume, il arma le bras et jeta les flammes vers la cible avec détermination. Elle alla se fracasser contre un arbre, non loin du roc, et un léger sourire fleurit sur ses lèvres.

Anael s'approcha, alors qu'Orel applaudissait doucement. Il passa les doigts sur le tronc de l'arbre touché et constata avec stupeur qu'il n'avait aucun dégât, hormis une légère trace noire.

— Ça n'est pas vraiment du feu, comprit Anael. En fait, ça n'affecte pas vraiment les arbres.

— C'est plutôt un avantage, en fait. Tu ne risques pas de détruire les lieux lors d'un combat, lança Orel depuis sa position, un grand sourire aux lèvres.

Anael se tourna vers lui et se figea un bref instant face à son expression fière. Son sourire illuminait son visage plus que les rayons d'argent de l'astre nocturne. Ses yeux bleus scintillaient comme deux étoiles jumelles. Ses boucles blondes paraissaient être devenus des fils d'or soyeux. Il était magnifique.

— Anael ? Ça va ?

Il sursauta et se sentit rougir.

— Oui, oui, je vais réessayer.

Il évita de croiser le regard d'Orel et se replaça pour lancer une autre sphère bleue. Peu à peu, il n'eut plus qu'à songer à sa magie pour faire apparaître les flammes dans sa main. Tout devint naturel et sa visée s'améliora. Il touchait souvent le rocher et s'en éloigna petit à petit pour tester sa force de lancer. Et, depuis l'autre côté de la clairière, il le toucha encore. Un cri de joie jaillit de sa poitrine sans qu'il ne puisse le réprimer.

Orel bondit sur ses pieds, emporté par ses émotions, mais vacilla et manqua de chuter. Sans réfléchir, Anael se précipita à ses côtés et le rattrapa, effaçant les flammes de sa main pour éviter de le blesser.

— Fais attention, lui chuchota l'Ours en détournant les yeux.

Leurs visages étaient beaucoup trop proches pour la santé de son cœur, qui battait la chamade à un rythme effréné. L'odeur d'Orel lui emplit les narines, mais il ne le lâcha pas, car il était encore instable sur ses pieds. L'Aigle poussa un long soupir qui effleura la joue d'Anael, lui arrachant un frisson délicieux.

— Pourquoi tu détournes les yeux ? murmura Orel si bas que l'Ours crut qu'il s'adressait à lui-même.

Il ne répondit pas, trop occupé à calmer son corps qui faisait des siennes, brûlant et chauffant à l'excès de sentir l'Aigle si proche et si loin à la fois. Ses joues étaient très certainement écarlates. Les battements de son cœur résonnaient dans ses tempes, l'empêchant de réfléchir correctement.

Il soutint Orel pour le diriger vers l'arbre afin qu'il puisse s'y adosser. L'Aigle souffla d'un air épuisé et posa une main sur l'écorce, détachant son torse de celui d'Anael. Une brusque sensation de froid l'agita, mais il n'en laissa rien paraître.

— Tu ferais mieux d'aller dormir, Orel, chuchota Anael, les yeux rivés au sol et les bras le long du corps.

L'autre hocha la tête en silence et se mit à marcher, avant de s'écrouler dans l'herbe. Il avait trop puisé dans son organisme. Il était encore trop faible.

Anael passa un bras sous ses épaules et Orel laissa traîner le sien autour de sa taille pour se maintenir debout. Anael en fit abstraction et se dirigea lentement vers le campement de la Meute. Il avait une conscience accrue du corps de l'Aigle tout contre le sien, gênant sa respiration et causant mille et un frisson le long de son échine.

Ce n'était pas normal, de réagir comme ça. Il ne faisait que l'aider à marcher, bon sang !

— Merci de m'aider, lâcha soudain Orel dans un souffle brûlant, tout près de son oreille.

— Je n'allais pas te laisser ramper jusqu'à ta tente, articula Anael en gardant soigneusement son regard devant lui.

— J'aurais pu dormir là.

Intrigué, Anael jeta un œil au blond. Son regard bleu fiévreux l'alarma. Il lui effleura le front d'une main.

— Tu es brûlant. Tu dois être un peu malade, je vais aller chercher ton père une fois que tu seras dans ton lit.

L'autre secoua la tête.

— Non, il va m'interdire de m'entraîner demain.

— C'est normal, si tu es malade.

— Je n'ai pas le droit d'être malade... Je dois toujours être fort. Je dois être parfait.

Anael sut alors qu'Orel partait dans un délire à cause de la fièvre. Il n'était vraiment pas bien et cela l'inquiéta.

— Non, tu es un Métamorphe comme les autres, tu as le droit d'être souffrant de temps en temps, balbutia l'Ours en cherchant la tente de l'Aigle des yeux.

— C'est... C'est vraiment ce que tu penses ? Je suis... comme les autres ?

Non, non, tu es loin d'être comme les autres...

Mais Anael ne le dit pas à haute voix. Orel baissa la tête. Une larme coula le long de sa joue, alors que ses yeux azur se fermaient doucement. Son corps s'affaissa lentement contre celui de l'Ours, qui finit par passer un bras sous ses genoux. Orel passa maladroitement les siens autour de son cou pour se blottir contre lui, la tête contre son torse. Anael eut soudain peur qu'il remarque la fréquence anormale de ses battements cardiaques. Et cette chaleur, qui ne le quittait pas...

— Tu... Tu sais bien que ce n'est pas... le moment pour que je sois malade et faible, Anael, poursuivit Orel d'une voix si basse que sans son ouïe d'Ours, il n'aurait rien entendu.

Ensuite, l'Aigle sombra dans les bras de Morphée et Anael tâcha de ne pas le fixer, préférant marcher entre les tentes à la recherche de celle d'Orel. Il était chamboulé par cette faiblesse insoupçonnée qu'avait dévoilée le blond. Il sentit son cœur se serrer douloureusement, alors que l'Aigle se mettait à trembler contre lui. Et ces mots, dûs au délire de la fièvre...

Il finit par atteindre la tente et s'y glissa. Il déposa le corps de l'endormi sur le matelas, rabattit les couvertures sur ses hanches et s'efforça de ne pas rester à son chevet, mort d'inquiétude, car il devait aller chercher son père. Il sortit dans la fraîcheur nocturne, toujours vêtu de la combinaison en cuir noir, pour courir vers le logement d'Ulysse. Il y entra presque sans s'annoncer et déboula devant l'Auroch en haletant, plus d'angoisse qu'à cause de l'effort. La tête endormie et les cheveux en pagaille de l'Ancien auraient pu le faire sourire, mais ses pensées étaient restées près de l'Aigle.

— Orel est malade...

— J'arrive.

Ulysse sembla totalement réveillé. En deux secondes, il était déjà dehors, courant vers son fils souffrant. Lorsqu'il entra dans la tente d'Orel, Anael le suivit et suffoqua en s'arrêtant brutalement. Il faisait extrêmement chaud sous la toile.

Sur le matelas, Orel s'agitait dans son sommeil, en sueur et haletant, comme sous l'emprise d'un cauchemar. La couverture était tombée du lit et gisait au sol, froissée. Ulysse la ramassa et la jeta dans un coin pour s'accroupir au chevet de son fils. Il posa une main sur son front, fronça les sourcils et se tourna vers Anael.

— Va me chercher un seau d'eau fraîche, Anael.

Ce dernier détacha son regard du malade et courut dehors. Il revint quelques instants plus tard et tendit ce qu'avait demandé Ulysse, avant de détourner le regard, les joues cramoisies. Il avait juste aperçu les vêtements d'Orel sur le sol et ne tenait pas à voir ce qui en découlait forcément. En soi, c'était logique, vu qu'il avait trop chaud.

Il s'assit sans un coin de la tente, les yeux rivés au sol, et se mit à prier pour qu'il se rétablisse rapidement. Effectivement, c'était un problème de taille si Orel était incapable de se lever le lendemain. C'était bientôt l'Éclipse...

Il secoua la tête. Franchement, quel ami il faisait ? C'était simplement pour qu'il aille mieux, qu'il devait souhaiter son rétablissement ! Pas à cause de cette foutue prophétie.

Il finit par s'endormir dans la chaleur de la fièvre, alors qu'Ulysse s'occupait de l'Aigle, qui poussait des gémissements à fendre l'âme. Cela dura toute la nuit...

***

— Anael... Eh.

Il ouvrit péniblement les yeux, papillonna des paupières à cause de la lumière qui régnait dans la tente. Puis, il sentit le sol dur sous son dos et quelques douleurs dans ses muscles.

Il faudra que je dorme dans un lit, la prochaine fois... D'ailleurs, comment ça se fait que je ne suis pas dans mon lit ?

Il discerna brutalement son environnement et ouvrit la bouche, gêné au possible. Devant lui, Orel était couché sur le flanc dans son lit, l'air hagard, et Sophia le regardait d'un air amusé. Il se souvint alors de tout.

— Orel, ça va mieux ? s'exclama Anael en se redressant brutalement.

Il réprima une grimace de douleur en sentant son corps protester, puis observa l'Aigle. Entre temps, il avait enfilé un pantalon de jogging, dont il apercevait la ceinture à la limite de la couverture. Son torse était totalement découvert, par contre, et l'Ours sentit ses joues chauffer. Sa peau était légèrement humide, un peu brillante, et ses yeux bleus luisaient doucement alors que le sommeil les voilait encore un peu. Ses mèches blondes reflétaient les rayons solaires et retombaient sur son front. Ses lèvres étaient incurvées en un sourire mystérieux.

— Mieux, oui.

Se rendant compte qu'il fixait ce dernier depuis un peu trop longtemps, Anael détourna le regard en rougissant et se frotta le visage pour finir de se réveiller.

— Il est quelle heure ?

— Dix heure, lui dit Sophia, alors qu'un immense sourire fleurissait sur son visage à la peau sombre pour une raison connue d'elle seule. Tu as dormi à même le sol, Anael, comment va ton dos ?

— Bien, merci. Il était temps que je me réveille, je dois aller m'entraîner...

L'Ours se mit debout en chancelant, encore faible, et se dirigea vers la sortie de la tente.

— N'oublie pas de manger, lui rappela la Gazelle avec un air espiègle. Et n'en fais pas trop...

Anael hocha la tête et jeta un dernier regard à Orel. Il se rappela subitement de leur conversation. Ce qu'Orel avait fait sous l'emprise de la fièvre, lorsqu'il s'était blotti contre lui, les bras autour de son cou... Anael s'en souvenait avec précision, de la moindre sensation, du feu d'artifice qui avait explosé dans sa tête au contact de l'Aigle brûlant...

Un frisson l'agita et il quitta précipitamment la tente, chamboulé. A l'intérieur, Orel fronça les sourcils, intrigué par le comportement de son ami aux longs cheveux noirs, et quêta des explications près de Sophia, qui ne faisait qu'afficher un immense sourire qui lui mangeait le visage. Ses yeux noirs brillaient.

— Qu'est-ce qu'il a ? s'enquit le malade.

— Oh, je pense que tu devrais lui demander ce que tu as fait sous la fièvre, hier soir... Il paraît que tu délirais. Mais j'ignore vraiment pourquoi il est comme ça. Je t'assure.

— Et pourquoi tu souris comme ça ?

— Oh, ça... C'est rien.

La Gazelle se leva et partit chercher un guérisseur des Rafales, toujours souriante. Orel, allongé sur son matelas, essayait désespérément de se souvenir de ce qu'il avait bien pu faire la veille, mais à son grand malheur, tout était flou. Il se souvenait juste qu'Anael l'avait aidé à revenir sur son lit, mais leurs conversations étaient comme étouffées. Il se crispa en se résignant à aller demander lui-même à l'Ours ce qui s'était passé.

Il avait vraiment peur, désormais. Il avait la désagréable sensation qu'Anael avait été perturbé par quelque chose... Mais quoi ? Qu'avait-il bien pu faire ?

Il soupira, mais ne put s'empêcher de se torturer l'esprit jusqu'à se faire happer par les bras de Morphée.





Un chapitre un peu guimauve... Mais je l'adore ! J'espère que vous aussi. Désolée pour l'attente, l'inspiration était réquisitionnée pour un autre projet en brouillons qui me tient à coeur... Mais me revoici pour raconter la suite des aventures de nos métamorphes préférés ;)

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