71. CEUX QUI FÊTAIENT LES RÊVES
– Ne. Me. Refait. Plus. Jamais. Ça.
Adel était mort de rire. Et rouge tomate parce que plus il riait, plus il rougissait. Au loin Raiponce nous adressait un petit salut de la main, auquel je répondis, gêné. Je n'en revenais pas de traîner avec un abrutit pareil. Après ma confession (enfin, semi-confession) de la veille, je m'étais attendu à un peu de clémence, mais non.
Je venais d'acheter la peluche pour ma petite sœur quand nous l'avions vu. Un petit duo de princesses qui se baladait dans le parc, se faisant arrêter par toutes les gamines du coin qui avait revêtu leurs plus belles robes à paillettes. Une fois de plus, je m'étais fait la réflexion que ma sœur avait toujours préféré s'habiller comme Eric de la petite sirène, et se faire passer pour un marin. Elle avait toujours était si loin du délire princesse... Comme Maya, tout compte fait. Et puis elle était arrivée. Belle. De son doux nom. Et Adel n'avait pas pu s'en empêcher. Il avait vu mon regard s'attarder sur sa silhouette, et je m'étais même fait la réflexion que la jeune femme sous le costume le portait à merveille. Belle était l'un de mes personnages favoris, et ça Adel le savait. Il avait agrippé ma manche, avant de gueuler un grand « Louis ! Regarde ! C'est l'amour de ta vie ! » et bien entendu, tout le monde autour nous avait alors remarqué. Belle s'était avancée, et bien que la jeune femme ne semblait pas être plus âgée que moi, j'avais perdu tous mes moyens. Pitoyable. Adel nous avait pris en photo, et alors que je pensais que cela ne pouvait pas être pire, elle complimenta mes yeux.
Yeux auxquels je n'avais jamais rien trouvé de fantastique, mais passons. Adel s'était avancé, pour la remercier de la photo. Évidemment, le compliment ne lui échappa pas, et moi, je n'avais rien raté de son sourire immense. Je sentais bien que Belle voulait me causer, et à vrai dire, je n'étais pas contre : je m'étais toujours posé la question de d'où sortaient les gens sous les costumes, et comment ils avaient fait pour pénétrer l'ambiance et le parc si inaccessible qu'était Disney. Et ce fut à ce moment précis qu'Adel me colla un baiser sur la joue, avant de lâcher un « Fallait arriver plus tôt princesse ! » Je l'avais vu rougir, même sous son fond de teint, je l'avais imité, et elle m'avait salué timidement avant de partir.
– Rooh, tu exagères !
– J'allais parler avec elle !
– Tu es au courant que ce n'est pas la vraie Belle, hein ?
– Idiot !
– Louis, c'est un personnage de dessin animé, elle -
– Chut !
Il rigola.
– Mais pourquoi tu as fait ça !
– C'était drôle.
– Mais... Mais... Imbécile !
Je tournais les talons, faussement vexé, et me mis en route pour un coin où manger. Adel me suivait, pouffant toujours de sa propre bêtise.
– En fait... tu étais jaloux, éludais-je.
– De Belle ?
– Oui.
– Pardon, je précise. D'une femme ?
– Tss... Tu m'agaces.
– Je t'agaces h24, mais tu m'aimes comme ça !
– Ouais ben... Voilà.
J'étais à cours d'arguments.
– Allez, ne râle pas... On va manger un bout !
– Faut trouver où acheter des sandwiches d'abord..., bougonnais-je.
– Oh non, j'ai mieux.
– Mieux ?
– Ouais. On est passé devant un restaurant hier...
– N'essaie même pas de m'inviter.
– Trop tard, ma décision est prise.
Et Adel ne me laissa pas le temps de répliquer. Ma main dans la sienne, il me tira vers l'endroit qu'il avait repéré la veille.
*
C'était le grand moment. Celui qu'Adel et moi avions le plus attendu de toute la journée et pour cause : ni lui, ni moi, n'avions jamais assisté à une parade Disney de notre vie. Évidemment nous avions pris soin d'être au premier rang, pour éviter les flash et les écrans de téléphones sous nos yeux. Il était hors de question que des gens incapable de vivre le moment autrement qu'à travers leur stupide téléphone me gâche la parade. Et Adel était également de mon avis. Nous avions tous les deux vu des extraits du spectacle avant de venir, et j'attendais avec hâte les feux d'artifices. Et quand enfin les festivités commencèrent, j'en eus le souffle coupé.
Tout était beau. Réglé au millimètre près. Et j'adorais ça. La main de Adel dans la mienne, je le sentais vibrer autant que moi devant ce spectacle qui nous illuminait le visage. Nous abordions un air fasciné, complètement émerveillé. Je ne pus m'empêcher de penser que Maya aurait adoré ce moment. C'était décidé, je reviendrais, avec elle cette fois-ci, dès que notre porte-monnaie nous le permettrait. Je voulais revivre ça encore une fois. Nous étions peut-être noyés dans une foule, avec des tonnes d'enfants qui hurlaient et chantaient à tue-tête mais... Le tout avait quelque chose de magique malgré tout.
Le spectacle me parut bien trop court, mais je savais que l'euphorie du moment rendait la perception du temps compliqué. Adel avait du mal à descendre lui aussi, et ne cessait de me raconter en boucle sur le chemin de l'hôtel ce que nous avions vu pendant la parade nocturne.
– Bref, c'était génial !
Et ce qui était encore plus génial, c'était de s'éclater autant que les jeunes enfants présents ce soir-là. Il était rare que je me laisse aller en public, mais ce soir, j'avais réussi. J'avais réussi à rire, à m'émerveiller comme un gosse, et à être avec lui, comme si rien d'autre n'importait. Et tout cela, Adel l'avait remarqué. Il ne me quittait pas des yeux depuis que nous avions quitté le parc, et quand nous passâmes la porte de notre chambre, il se jeta sur moi pour m'embrasser. Je fus trop surpris pour répondre, et trop secoué pour réaliser ce qui était en train de se passer. Mes lèvres remuèrent toutes seules contre les siennes, et bientôt, je ne répondis plus de rien.
– Ne t'arrête jamais de sourire comme ça Louis., souffla-t-il.
Il encadra mon visage de ses deux mains, et plongea son regard dans le mien.
– De sourire... ?
– Promet le moi.
– D'accord.
Nous y étions, et je le savais très bien. Ce soir, tout était différent des autres fois où nous nous étions embrassés – furtivement ou non – depuis son retour. Ce soir, nous étions sur la même longueur d'onde. Je n'avais que son prénom à la bouche, et je ne parvenais pas à m'arrêter. De sourire. Le chemin jusqu'au lit se fit plus rapidement que prévu, et quand il me surplomba, son regard ancré dans le mien, je n'eus plus envie de me laisser envahir par mes doutes futiles et mes craintes imbéciles.
Ses grandes mains sous le tee-shirt que je portais, ses lèvres dans mon cou... Je me perdais une nouvelle fois entre ses bras et j'adorais ça. J'aurais été un menteur en prétextant que rien de tout cela ne m'avait manqué. J'aimais l'avoir contre moi, c'était un besoin presque vital, et je savais le sentiment partagé. Adel m'embrassait, à en perdre haleine, et moi, je peinais à respirer, mais je m'en fichais pas mal. Cette fois-ci, il n'y avait pas d'amis dans la pièce voisine pour nous déranger, pas d'amis pour venir tuer et briser cet instant. Il était à nous, rien qu'à nous, et je ne comptais pas l'arrêter aussi brutalement que les fois dernières.
La tension entre nous était palpable. Adel avait retiré son haut, et je levai les bras pour l'aider à me défaire du mien. C'était des gestes retrouvés, que ni lui ni moi n'avions absous : Adel savait exactement comment s'y prendre avec moi, comment j'aimais commencer ce genre de chose, et me montrait clairement qu'il n'avait rien oublié. Il fit glisser mon short le long de mes jambes, s'attaqua de nouveau à mes clavicules, et je fermais les yeux, aux anges. Il me connaissait par cœur. Dans quelques secondes, je le savais, il allait descendre un peu plus bas pour titiller cet endroit qui me faisait un effet tout particulier, et je ne répondrais cette fois-ci plus de rien. Je n'avais que son prénom en bouche quand il me demanda de m'allonger sur le ventre. J'ouvris les yeux, surpris. Il bousculait nos habitudes d'avant. Parce que généralement, c'était moi qui commençait à l'embrasser de partout, puis lui qui prenais le relais. Il réitéra sa demande, et je m'y pliais, à la fois curieux et excité comme jamais.
Je n'avais que son prénom à la bouche, et Adel était partout. Je sentais ses baisers se répandre partout dans mon dos, dans ma nuque. Son corps chaud contre le mien, ses mains caresser mes hanches. Et je ne tenais plus. J'avais envie de lui, et pour la première fois depuis notre première expérience commune, j'avais envie que ça soit lui. Je me retournais du mieux que je pus, il râla, mais je l'embrassais à nouveau, plaquant son bassin contre le mien.
– Vas-y, soufflais-je.
– Mmm ?
– Tu en as envie, non ?
– Je...
– Tu as ce qu'il faut ?
Évidement, quelle question. C'était à Adel que je demandais ce genre de chose... Bien sûr que je connaissais déjà la réponse. Il hocha presque timidement de la tête avant de fondre de nouveau dans mon cou. Il allait me tuer. À petit feu, mais il allait y arriver.
Ma respiration s'accéléra quand je sentis la fraîcheur de notre chambre partout sur mon corps. Mon ventre était en feu, tout comme mes joues, et tout le reste de mon corps. Ce n'était pas notre première fois, loin de là, pourtant, cette nuit-là me semblait être une sorte de renaissance. Adel avait toujours été du genre à respecter la moindre de mes envies quand nous étions au lit, et à mettre les siennes de côté. Pas ce soir. Ce soir, j'avais envie de quelque chose de nouveau. Et lui aussi. Il m'avait tanné pendant des mois alors que nous étions encore ensemble, et ce soir, j'étais prêt.
– Tu es certain, hein ?
– Adel, s'il te plaît, avant que je ne change d'avis...
– Pas de chifoumi ?
– Putain...
Il ricana, doucement, et je levai les yeux au plafond. Cette histoire allait donc me suivre à vie... Il ne rajouta rien, se contenta de disparaître entre mes cuisses et je laissais s'échapper un soupir de bonheur.
Notre nuit fut longue, pour mon plus grand plaisir. Adel était doux. Extrêmement doux. Je n'avais jamais vraiment compris le plaisir qu'il avait à se retrouver dans cette position, mais à présent... Je parvenais à saisir. J'avais essayé, bien des fois, de m'imaginer dans cette posture, et à chaque fois, j'avais décrété que jamais je n'y parviendrais. J'avais toujours eu peur de la douleur, que cela ne me plaise pas, de ne pas prendre autant de plaisir... Adel avait balayé toutes mes craintes d'un geste de la main. Et puis je compris quel plaisir, différent du mien, il y prenait. J'avais cette impression de ne plus rien contrôler, mais entre ses mains, je n'y voyais aucun problème. Mon corps tout entier le réclamait, ressentait chacun de ses mouvements, et je me sentais aussi léger qu'une plume.
Je t'aime tellement.
Moi aussi.
* * *
Le lendemain, je mis du temps à émerger. Adel avait mis un réveil pour que nous ne nous réveillons pas trop tard, et ce fut ce dernier qui me tira hors du pays des songes. Je m'étais endormis nu comme un ver, enroulé autour du garçon allongé à mes côtés. La couette hissée jusqu'au menton, j'étais incroyablement bien. Et je n'avais plus aucune envie de quitter ce cocon de douceur de la matinée. À mes côtés, Adel se réveillait à son tour, doucement. Il écarta ses mèches devant les yeux, et me déposa un baiser sur le bout du nez, un petit sourire sur le visage. J'avais beau être agrippé à lui comme un koala à sa branche, cela n'avait pas l'air de le déranger. Sa main dessinait des petits cercles dans le bas de mon dos, tandis que ses prunelles ne lâchaient pas les miennes.
– Comment tu te sens ?
– J'ai la tête dans le pâté. Et j'ai un peu... enfin...
Je n'osais pas le dire à voix haute, mes joues étaient déjà cramoisies.
– Ouais, c'est normal..., me répondit-il en comprenant de quoi je voulais parler.
Clairement, ce n'était pas aujourd'hui, ou en tout cas ce matin, que j'allais bondir dans tous les sens, et le traîner en courant d'attraction en attraction. C'était notre dernier jour ici, je comptais en profiter, mais nous allions devoir y aller doucement. Sa main ne cessait pas ses caresses dans mon dos, et je ronronnais presque de bien-être quand il me murmura que nous devrions peut-être nous préparer pour notre nouvelle et dernière journée.
– Encore un peu...
Je ne reconnaissais pas ma voix dans ces moments-là ; quand je me réveillais un lendemain d'amour et que mon corps ne répondait plus de rien. Je le sentis rire légèrement contre mon oreille, et il m'allongea sur le dos, ses mains de part de d'autres de ma tête.
– Tu ne vas jamais te lever après, et on a des manèges à faire.
Je haussais les épaules, et il leva un sourcil, narquois.
– Louis, je te le promets, dès que nous serons de retour sur Bordeaux, on passera une journée entière au pieu si tu veux.
– Promis ?
– Oui.
Je râlais un peu, pour la forme, et Adel se redressa lentement avant d'aller attraper ses affaires. Je filais à la douche rapidement, avant de me coiffer, m'habiller, et de faire mon sac pour la journée.
*
– Je ne suis pas certain de vouloir porter ça.
– Mais si ! On sera assortis comme ça !
Ma bouche se tordit un bref instant, avisant la sorte de serre-tête qu'Adel me tendait. Voulait-il vraiment que nous soyons assortis pour le reste de la journée ? Avec des oreilles de Mickey ? C'était un peu trop me demander. Pourtant, ce fut bien moi, quinze minutes plus tard, qui me retrouvais avec cette chose sur la tête à sourire le plus niaisement possible sur un selfie qu'il voulait prendre de nous. Il ne se fit pas prier pour l'envoyer à absolument tous nos amis communs, et la première à répondre fut Louise qui se moqua bien évidemment de ma tête de constipé.
Toute la journée, la main de Adel ne quitta pas la mienne, et je n'eus que faire des regards que certains posaient sur le binôme bruyant que nous étions. C'était la première fois depuis des années que je me sentais aussi bien de m'assumer en public, et je ne comptais pas ruiner cela à cause de quelques parents coincés des fesses. Quand le soleil commença à décliner, Adel commença à vouloir prendre une dernière photo de nous devant le château de la Belle au bois dormant. Nous nous postâmes donc devant ledit château, et Adel attendit de voir quelqu'un passer devant nous pour lui demander de nous photographier.
Et ce fut une petite mamie, aux cheveux blancs comme la neige, qui s'arrêta d'elle-même pour nous le proposer. Je lui tendis l'appareil – qu'elle complimenta – et nous nous mîmes en place devant le château et les parterre de fleurs tout bonnement splendides du parc.
– Je vais essayer de faire au mieux !, nous lança-t-elle, sourire aux lèvres.
Je sentais qu'elle avait à cœur de bien faire, et son petit-fils, à ses côtés, patientait sagement qu'elle termine sa tâche.
– Vous ne voulez pas changer de pose ?
J'aurais embrassé Adel si je n'avais pas été aussi timide. Et lui de même. Et même si ce dernier avait toujours été moins gêné que moi, il n'avais jamais voulu s'afficher aux yeux de tous avec moi.
– Euh... Ça ira, vous savez...
– Tu peux embrasser ton copain mon p'tit, vous savez, j'en ai vu d'autre !
Adel ouvrit de grands yeux. Et moi, je me fis la réflexion que les vieilles personnes cachaient toujours bien leur jeu. Adel s'exécuta sans poser plus de questions – et sa joie était palpable – et la mamie nous mitrailla, avant de s'approcher de nous pour nous rendre l'appareil.
– Vous avez choisi la bonne heure, la lumière est magnifique., nous dit-elle.
– Merci beaucoup pour les photos..., murmurais-je.
– Avec deux beaux modèles, tout est beaucoup plus facile !
– Seulement si l'on tombe sur une photographe de talent !, renchérit Adel.
La vieille dame rigola, son petit-fils avec elle.
– Prenez soin de vous les garçons, bonne soirée, et que Dieu vous garde !
Adel et moi la saluâmes d'un geste de la main, avant de la regarder s'éloigner, son petit-fils dans la main. Que dieu vous garde. Je savais que Adel n'était pas croyant, à vrai dire je n'avais jamais vraiment pratiqué non plus mais... Les mots de cette femme le touchèrent d'une manière assez étrange. Il n'y avait eu que de la gentillesse dans le moindre de ses gestes, aucun dégoût dans son regard, et cela me fit chaud au cœur. J'avais craint toute la journée les regards un peu lourds sur nous, certaines remarques que je lisais aisément sur les lèvres, de personnes ne pensant faire de mal à personne. Mais elle ? C'était différent. Elle était le genre de personne que je souhaitais continuer de croiser toute ma vie. Le genre de personne qui me redonnait confiance en moi avec un geste simple, un sourire ou une parole réconfortante.
– Punaise, je déconnais pas..., murmura Adel.
– Quoi ?
– C'est vraiment une photographe de talent.
Je jetais un œil vers mon appareil et ouvris des yeux ronds. C'étaient les plus belles photos de notre séjour.
Et je remerciais cette vieille dame d'avoir réussi à capturer un moment aussi unique entre nous. C'était comme si elle avait su, à l'instant même où nous lui avions tendu l'appareil, comment capturer ce souvenir important à nos yeux. Elle n'avait pas eu à poser plus de questions, elle avait su. Ce n'était peut-être pas grand chose, où alors moi qui me faisait trop d'idées, mais j'avais eu l'impression que nous n'avions pas croisé cette femme par hasard. Tout en elle m'avait hurlé de prendre mon courage à deux mains. De ne plus avoir peur. Et maintenant, j'en étais certain. Elle m'avait décidé. J'allais réaliser tous mes projets, et ne plus avoir peur.
De nous.
* * *
Serait-ce un deuxième chapitre dans la même semaine ? Ouah, je vous gâte ! J'espère qu'il vous aura plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, et à la semaine prochaine, prenez soin de vous !
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