60. CEUX QUI SE CACHAIENT
Cela faisait désormais six jours que nous étions à Biarritz et je n'avais qu'une chose à dire : j'adorais réellement les vacances. Je n'avais toujours aucun coup de soleil sur les épaules, ce qui relevait du miracle, croyez le ou non, au contraire d'Isaac qui en était bourré. Monsieur avait les épaules rougies, ainsi que les mollets, et avait le droit à des séances massages à l'aloe vera de la part d'Eden tous les soirs avant d'aller se coucher, pour soigner sa pauvre peau abîmée. Là-dessus, étrangement, il ne se plaignait plus vraiment.
Nous avions désormais notre rythme, et presque nos habitudes dans la maison de la tante à Maya, que nous nous efforcions de tenir propre, et rangée. Dans le salon, le piano d'un de ses cousins était bien souvent occupé par Simon, qui avait fini par nous avouer qu'il en avait joué pendant plus de dix ans. C'était toujours un plaisir de l'écouter jouer, et j'en venais même à me dire que mon ami était drôlement doué pour quelqu'un n'ayant pas joué depuis des années.
Nous faisions souvent des groupes plage, et des groupes ville.(notez ici mon ironie, au grand damne d'Eden qui ne savait plus où donner de la tête) Le soir, nous avions établi un roulement quant à la personne ou le binôme qui préparerait le repas, ainsi que des recettes très saines (notez ici mon ironie, au grand damne d'Eden qui ne savait plus où donner de la tête) et jusqu'à maintenant, personne n'était mort de faim, ou d'intoxication alimentaire.
Nous avions revu de nombreuses fois la sauveteuse – et à chaque fois, je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir lui trouver à peu près tous les défauts de la terre – et visiblement, Adel en était ravi. Grand bien lui fasse. J'étais resté poli et courtois à chacune de ses apparitions, mais au fond, j'avais toujours cette même boule au ventre quand je la voyais tourner autour de mon ex petit ami.
– Bon, ce soir, comment on s'organise ?, demanda Eden.
Je relevai la tête, sortant de mes pensées. Ce soir, c'était le grand soir. Celle de notre fête nationale, et du magnifique feu d'artifice que j'avais grandement hâte de voir. Nous étions tous réunis dans le salon pour en discuter posément, et s'organiser pour que tout se déroule au mieux.
– Je propose que nous mangions ici, avant de nous prendre des glaces, puis de nous poser sur le meilleur point de vue pour admirer le spectacle !
Et aussitôt eut lieu un débat sur la situation géographique la plus adéquate pour regarder le feu d'artifice. Adel y rajouta son grain de sel, disant que sa nouvelle amie lui avait conseillé un petit coin très sympa et ils tombèrent tous d'accord sur son idée. Le soir, nous avions établi un roulement quant à la personne ou le binôme qui préparerait le repas, ainsi que des recettes très saines (notez ici mon ironie, au grand damne de Eden qui ne savait plus où donner de la tête) et jusqu'à maintenant, personne n'était mort de faim, ou d'intoxication alimentaire. fêter cette journée dignement avec mes amis. D'un commun accord, aujourd'hui nous nous reposions, entre piscine et bronzette sur le bord de cette dernière. Eden s'essaya à des grillades pour le repas du midi, et parvint à faire manger du poisson à Inès qui avait pourtant horreur les odeurs de poissons grillés en horreur.
Au bord de la piscine, je tentais de lire mon roman policier, tandis que Maya s'essayait à tenir debout sur deux frites de plage colorées, sous les encouragements de Inès. Il n'y en avait pas une pour récupérer l'autre. Sous l'abri du jardin, Eden, Flora, Simon et Isaac jouaient au jeu « Destin », jeu aussi vieux que nos parents, mais qui avait le don de tous nous rendre accro et beaucoup trop impliqué pour une vie aussi fictive. À mes côtés, lézardant lui aussi au soleil, Adel pianotait sur son portable.
– Elle va bien ?
– Mmh, elle n'a aucune envie de rentrer. Son vol est dans trente minutes.
Je me doutais que Louise n'avait pas envie de remettre les pieds en France. Cela voulait dire révisions pour elle, ainsi que retrouver le supermarché où elle s'occupait des caisses automatiques et franchement, je la comprenais de vouloir rester en Irlande. Le voyant sourire plus franchement devant son écran, je ne pus m'empêcher de plisser les yeux derrière mes lunettes et de me pencher légèrement.
– Tu fais quoi ?
– J'veux juste savoir qui te fait sourire comme ça.
– Depuis quand tu regardes par-dessus les épaules des gens ?
– C'est nouveau.
Adel soupira et décala son portable pour que je ne puisse rien voir.
– Je parle à ma pote de Corée.
– Oh.
– Ça va, rassuré ?
Je ne répondis rien, conscient qu'il se fichait complètement de moi. Je retournais donc à ma lecture, qui avait un peu perdu de sa saveur, en essayant de ne plus lui prêter aucune intention. Je ne me reconnaissais pas : je n'avais jamais été aussi agaçant avec aucun de mes amis, ni aussi intrusif. J'étais une petite fouine, mais cela n'avait jamais été ma manière de procéder, et je m'en voulais, car à présent, j'avais conscience que Adel était froissé.
D'ailleurs, il ne m'adressa quasiment plus un mot de la journée, jusqu'au repas du soir où il me demanda le sel, une fois à table. Évidemment, son comportement n'échappa pas à Eden, qui, juste avant que nous partions pour voir le feu d'artifice, me prit à part dans sa chambre.
– Il se passe quoi encore entre vous ?
– Rien du tout.
– Louis... Sérieusement, je ne suis pas aveugle, je sais voir quand les choses ne vont pas.
– Je l'ai un peu vexé cet après-midi, c'est tout... Rien de grave.
– Mmh.
Eden n'était pas convaincu.
– C'est à cause de cette fille ?
– Pardon ?
– La sauveteuse.
– Pas du tout.
– Bon. Louis.
Eden prit son air grave, et je soupirai. Il venait de prendre sa voix sérieuse, et de croiser les bras sur son torse, comme à chaque fois avant qu'il s'apprêtait à me donner une pseudo-leçon de moral, ou des encouragements pour mon futur. Cette fois-ci, je savais clairement qu'il s'agissait de la première option.
– Tu ne l'apprécies pas, et ça crève les yeux. Enfin, ça crève les miens en tout cas. Et ceux de Maya, puisqu'on en a parlé ensemble hier.
J'ouvris de grands yeux, ma propre Maya me faisait des cachotteries ? Allons bon.
– Elle est tout aussi agacée que moi, au passage. Mais sérieusement, qu'est-ce que ça peut te faire ?
– Rien.
– Bon. Voilà. Alors laisse Adel faire sa vie, il est comme ça, crois moi, c'est rien de sérieux.
Je penchais la tête sur le côté, intrigué.
– On se connaissait avant d'être ensemble, lui et moi, je te le rappelle. J'ai eu le temps de le voir à l'œuvre avant de sortir avec lui. Il est sociable quand il veut, les gens l'aime beaucoup parce qu'il dégage une aura de... De je ne sais pas quoi, mais les gens l'aiment bien, ne me demandent pas pourquoi. Il n'a même pas conscience de flirter quand il le fait, alors si c'est ça qui te dérange, ne soit pas agacé.
– Je -
– Je sais ô combien c'est dérangeant de voir son ex côtoyer de nouvelles personnes, crois-moi.
Je baissai les yeux, penaud. Évidemment qu'il en savait quelque chose.
– Mais... Je vais répéter les mots que tu m'as toi-même dis il y a deux ans ; laisse le tourner la page. Ne va pas le priver d'une nouvelle relation en l'étouffant, s'il te plaît.
– Oui...
Sans que je ne sache trop pourquoi, les mots de Simon me revinrent à l'esprit. Pourquoi maintenant ? Pourquoi est-ce que j'y accordais autant d'importance ?
J'étais perdu. C'était peut-être ça, au fond. J'étais perdu dans ce que moi-même j'éprouvais. J'avais l'impression de tout mélanger.
– Désolé Eden.
– Oh, t'excuses pas. Pas envers moi. Je sais que c'est compliqué pour vous deux, parce que vous avez horreur de ça, mais à la limite, va t'excuser auprès de lui.
Il n'avait pas tort, Adel et moi avions toujours eu du mal à nous excuser. Pas seulement l'un envers l'autre, mais aussi envers les autres gens. J'opinais du chef, et Eden me tapota l'épaule, comme pour m'encourager.
– Allez, prépare toi et on décolle, on a un beau spectacle qui nous attend.
– Eden ?
– Oui ?
– Merci.
– C'est normal. Tu sais, je t'ai fait une promesse il y a deux ans, et je compte bien la tenir. Je veux juste que tu sois heureux.
* * *
Nous avions trouvé l'emplacement idéal pour notre soirée. Déjà, la foule se massait non loin du petit glacier chez lequel nous avions tous acheté nos glaces, et à présent, nous nous pressions tous ensemble vers notre point d'observation. Nous nous postions non loin du rocher du basta, avec une jolie vue sur la grande plage. Inès trépignait d'impatience, et distribuait des bouchons d'oreilles à tout le monde, nous assurant que le spectacle était bien mieux si nous ne devenions pas sourd dans la foulée. La nuit était plutôt calme sans nuage, et nous n'eûmes pas vraiment a attendre avant que le ciel soit noir, et permette le début des festivités.
Sans surprise, le feu d'artifice fut grandiose. Nos yeux brillaient de mille éclats, et je fus absorbé par le spectacle coloré du début à la fin. J'avais toujours été admiratif du don qu'avaient les artificiers à faire des spectacles aussi prenant avec quelque chose d'aussi simple que quelques pétards colorés. L'espace d'une dizaine de minutes, ils nous entraînaient dans leur monde de lumière et de festivités, et tout le monde se laissait prendre au jeu. Cette année, les couleurs rouges et vertes étaient à l'honneur, pour mon plus grand bonheur. J'aimais la couleur rouge, et je savais que de son côté, Eden était aux anges de voir autant de vert dans le ciel. La main de Maya se faufila dans la mienne, et elle posa sa tête sur mon épaule, les yeux rivés vers le ciel.
Et puis une autre main se saisit de celle qui était encore libre, et je n'eus pas besoin de baisser les yeux pour la reconnaître. Je sentis mes joues chauffer instantanément, et remerciai alors la nuit de camoufler ma gêne et ma surprise. Cependant, je ne dégageais pas ma main, et resserrai ma prise autour de ses doigts, sans même m'en rendre compte. Je n'avais aucune idée de ce que lui cherchait, de ce que moi je recherchais également, mais je n'avais pas envie de briser cette communion. Et puis au fond, c'était un peu notre manière de nous excuser l'un envers l'autre.
Eden avait raison, nous n'avions jamais été doués avec les mots quand il s'agissait de s'excuser. Tout passait par des regards, des gestes. Nous nous étions très peu embrouillés, du temps où nous étions ensemble, mais je me souvenais très bien que les seuls moments de froid (provoqués par quelque chose de futile, la plupart du temps), avaient toujours été résolu par un regard désolé sur le canapé, puis une tête posée sur l'épaule de l'un, ou de l'autre.
L'apothéose fut incroyable. Et quand enfin le silence retomba sur l'assemblée, nos mains se lâchèrent. La foule toute entière se mit alors à applaudir les artificiers. Alors que la foule commençait à se disperser, Maya proposa d'aller se balader le long de la côte, nous répondîmes tous unanimement que nous étions partant. Simon s'était lancé dans une explication poussée sur les feux d'artifices, et Flora et Eden semblaient boire ses paroles comme deux élèves suspendu au nez de leur maître rempli de savoir ancestraux. Je n'avais strictement aucune idée de d'où mon ami tirait toutes ses informations, mais je n'aurais pas été étonné d'apprendre qu'il avait avalé l'entier dictionnaire des feux d'artifice, leur création et leurs évolutions à travers le temps.
– Il faut que j'aille passer un coup de fil..., marmonna Adel alors que nous nous étions un peu éloignés.
Je lui lançais un regard intrigué.
– Moon, me dit-il tout simplement.
Il devait être vers sept heures du matin chez elle, et je me demandais vraiment quelle était la raison de son appel.
– Ok ! lança Eden. Tu nous envoies un message quand tu as terminé, on va essayer de se trouver un coin tranquille par trop loin !
– Mmh, ok.
Je le regardai s'éloigner, pianotant à vive allure sur son portable, et soupirai. Il avait l'air ailleurs depuis le début de la soirée, et ma curiosité me titillait, me poussant à savoir pourquoi.
*
Après une dizaine de minutes sans nouvelles, je commençais sérieusement à m'inquiéter. Eden jetait de temps à autre des coups d'œil sur son téléphone pendant que, bières en main, les autres papotaient gaiement de la super soirée que nous avions passé jusque-là. Et puis ce fut plus fort que moi, je ne pus me résoudre à rester ainsi dans le flou.
« hey, tu fais quoi ? »
J'espérais très fortement ne pas me faire ignorer. Et fort heureusement, j'eus une réponse dans la minute qui suivit, et les battements de mon cœur se calmèrent peu à peu.
« Désolé, j'ai été plus long que prévu. Je viens juste de raccrocher. »
« Ok. Nous sommes au rocher. Tu es où ? »
« Sur la crique. »
« C'est pas interdit ? »
« Ils ont rouvert après le feu d'artifice. Mais je suis seul, je crois que les gens ne sont pas au courant. C'est agréable. »
« Tu nous rejoins ? Tu veux que je vienne te chercher ? »
« Laisse moi cinq minutes, et j'arrive. »
– Les gars, Adel a fini., annonçais-je.
– Ah, super !
Eden eut l'air soulagé et s'autorisa enfin à boire une gorgée de sa boisson.
– Je vais le chercher, on revient !
Il allait me détester. Mais c'était plus fort que moi. Aussitôt, je me levais et pressais le pas en direction de la crique. J'espérais ne pas me tromper, mais il n'y avait qu'un seul endroit un peu planqué pour que Adel aille s'y mettre. Évidement, je le voyais mal aller sur la grande plage avec toute la foule, ou sur les petites plages intimistes où venaient se poser des groupes d'amis. Je connaissais les lieux par cœur, et je savais exactement où il s'était posé.
Et je ne m'étais pas trompé. Il était face à l'océan, assit en tailleur. Je m'approchais doucement, et évidement, il me sentit venir.
– Je t'ai dit que j'arrivais.
– Tu me connais, c'est plus fort que moi. Et puis, c'est plus prudent de se déplacer à deux.
– Tu es venu tout seul.
– Certes.
Il marquait un point, mais je ne lui laissais pas le temps de savourer sa victoire que je pris place à ses côtés.
– C'est bon, je suis pardonné ?
– Comment tu as deviné ?
– À ton avis.
Un sourire fin naquit sur son visage, puis sur le mien.
– Disons que tu l'es, à moitié.
– Eh !
Adel haussa les épaules, et afficha un sourire plus narquois. Je lui donnais une tape sur l'épaule, les sourcils froncés.
– Que dois-je faire pour l'être entièrement ?
Adel sembla réfléchir deux petites secondes, et me tendit sa main.
– Ta main.
Je lui obéis sans réfléchir.
– Et ?
– C'est tout.
– Ok.
– Ça et ton silence pendant deux minutes.
– C'est long, deux minutes.
– Louis.
Je soufflai par le nez, mais terminais par me taire, plantant à mon tour mes yeux sur l'étendue sombre qui s'étalait devant nous.
Nous restâmes ainsi en silence, moi à me questionner sur la raison de mon existence tout entière, et à Adel, la mine renfrognée comme à chaque fois qu'il était concentré sur quelque chose. J'avais beau savoir depuis des années qu'il était le genre de personne insondable, je ne m'y faisais jamais. J'avais envie de savoir à quoi il pensait, là, tout de suite. La seule chose qui me faisait garder les pieds sur terre était nos mains, entrelacées dans le sable. J'avais envie de poser ma tête sur son épaule, mais je craignais que ce geste soit trop décalé. C'était idiot, car je le faisais sans peine avec Eden quand j'étais vraiment fatigué, et cela ne nous avais jamais posé aucun souci.
– Ils vont finir par s'inquiéter si nous ne revenons pas..., murmurais-je.
– Mmh. Ouais.
Il n'avait pas l'air décidé de se lever, alors je tournais vers lui, et passais une main devant ses yeux, rivés sur le même point invisible depuis deux minutes.
– Eh oh ?
– Lou, s'il te plaît.
Je le sentis se raidir au même moment que moi. Je n'avais pas entendu ce surnom depuis des mois. Depuis l'an dernier, en réalité. La dernière fois, nous étions chez lui, front contre front, et il déposait une myriade de baiser sur mon visage. J'avais toujours adoré qu'il me surnomme ainsi quand nous n'étions que tous les deux, dans une situation pareille. Cela me faisait quelque chose, j'étais forcé de l'admettre.
Adel réalisa ses mots et retira sa main de la mienne, comme piqué au vif. On se releva, sans dire un mot, j'époussetais mon short et mon tee-shirt, et il fit de même. Il avait le regard fuyant et, je le devinais sans mal, il était mal à l'aise. Lou était resté au placard depuis des mois, il ne m'avait plus jamais surnommé ainsi après notre rupture. Il pivota et prit la direction des marches nous menant un peu plus haut là où nous avions regardé le feu d'artifice, pour rejoindre le reste du groupe.
Et puis, un éclair de quelque chose – pas de génie, ni de lucidité, peut-être juste de bêtise en fin de compte – me traversa l'esprit. Je le rattrapais en quelques enjambées, avant de lui attraper le bras et de le tirer vers moi. Au départ, j'avais voulu le prendre dans mes bras, tout simplement. Pourquoi ? Peut-être parce que j'en ressentais le besoin.
Mais au final, ce furent mes lèvres qui s'écrasèrent sur les siennes sans aucune douceur. Et Adel ne me repoussa pas.
* * *
Alors... D'abord... Je vous souhaite à tous un très bon 14 juillet et je suis terriblement fière de poster ce chapitre le bon jour, vous n'imaginez pas ! (≧▽≦) Ensuite... Ouah. 60 chapitres. Ça me fait tout drôle ! J'espère que ce soixantième chapitre vous aura plu - étrangement je ne doute pas trop trop vu la fin de ce dernier - et je vous dis à la semaine prochaine pour la suite 8D (parce que oui, je n'ai pas d'âme, je vous laisse là-dessus ~ )
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