49. CELUI QUI ALLAIT PARTIR
Nous étions le dix juillet quand ce sentiment de peur me frappa de plein fouet. La peur de voir la fin du mois approcher, et avec elle, le départ de Adel vers l'autre bout du monde, pour bien trop longtemps à mon goût. Je n'étais pas prêt, très clairement, et il le savait. Et il en allait de même pour mes amis. En face de moi, Maya essayait de me rassurer. Ma meilleure amie était mon soutien numéro un dans cette affaire, et je ne pouvais pas plus lui en être reconnaissant. Quand Eden avait appris la nouvelle il y a quelques jours, je m'étais presque attendu à le voir hurler de joie. Mais non.
Adel avait été accepté, c'était acté. Il partait rendre visite à sa grand-mère en Corée, et il y restait un semestre de plus pour les études.
Et contre toute attente, Eden avait fondu en larmes. Devant moi. Devant Maya. Devant Inès. Adel ne lui avait annoncé la nouvelle que par message. Ces deux-là ne se parlaient plus vraiment depuis la fête de chez Inès, et personne n'avait voulu les forcer à se revoir immédiatement. Sauf qu'à la lecture de son message, Eden s'était effondré. Sans que je ne sache pourquoi. C'était moi, le petit ami d'Adel, moi qui devais être dans cet état là. Aussitôt, Maya avait essayé de le calmer, en lui tapotant le dos de manière un peu bourrin, mais amicale.
– Eh, Eden...
Quant à moi, je n'avais aucune idée de comment réagir. Notre relation était bien trop étrange à présent pour que je fasse l'effort de le prendre dans mes bras pour le câliner afin qu'il se sente mieux. Je laissais donc Inès le faire. Il fallait qu'entre lui et moi... Nous étions toujours amis, ça oui. J'y avais tenu, et mon petit discours dans la cuisine de Inès lui avait fait reconsidérer certaines choses. Étrangement, la rancœur à mon égard avait totalement disparu. Mais pas celle envers Adel. Pour des raisons que les regardaient tous les deux, ils s'en voulaient mutuellement et je ne pouvais pas tout arranger pour eux. Leur relation tumultueuse était à mon goût totalement hors de contrôle, et Adel (comme Eden), m'avait demandé à plusieurs reprises de ne pas m'en mêler.
– Je suis vraiment con..., pleurnicha-t-il.
Inès me lança un regard perplexe, aussitôt imité de Maya. Et je leur répondis pas un haussement d'épaules, tout aussi largué qu'elles deux.
– V-vous pensez que j-je pourrais aller ch-chez lui ?
– Comment ça ?
– J'ai... j'ai besoin de lui parler, je crois...
En silence, Maya me fit signe de prendre la parole, et Inès me regarda avec insistance. Gêné, je passais une main dans mes cheveux avant de prendre la parole :
– Je suppose que oui ? Je peux t'accompagner si tu veux...
– Je préfère y aller seul.
Ah. Maya, d'un signe de la tête et d'un froncement de sourcil me fit signe de continuer sur ma lancée.
– Oui, oui si tu veux je pense que... oui, ça ne le dérangera pas.
Eden leva ses yeux brillants vers moi, étonné.
– Tu penses ? Il t'a parlé de moi un peu ces derniers jours ?
Lui dire que non aurait été mentir. Bien sûr que Adel m'avait parlé de Eden. Il m'avait même un peu gonflé avec, mais je sentais qu'il en ressentait le besoin. D'abord, il avait craché tout son venin sur sa personne. Ensuite, il s'était lamenté sur leur relation perdue. Puis, était venu le temps des remords. Je m'étais senti un peu oublié, mais je ne m'avais rien dit. Je m'étais mis à sa place, et j'avais compris : Adel venait de perdre un de ses amis les plus précieux, du moins, c'était ainsi qu'il voyait les choses, et il était terriblement mal vis-à-vis de cela.
– Oui. Et pas qu'une fois. Je pense qu'il n'ose pas faire le premier pas non plus...
Eden esquissa un sourire léger et baissa les yeux.
– Je n'ai aucune idée de son emploi du temps et ce qu'il fait en ce moment...
– Il ne fait rien ce soir. Je devais aller le voir, mais si tu veux, je peux annuler. Et il comprendra.
– Tu es sûr ?
– Parfaitement.
Il me remercia du regard et je fis de même : Adel allait être frustré de ne pas me voir ce soir, mais c'était pour lui que je faisais ça.
* * *
J'étais avec Inès et Maya pour la dernière visite de notre future coloc. Aujourd'hui, nous signions les papiers. Et le 3 septembre, nous pourrions y poser nos valises pour l'année qui allait suivre. Je devais bien l'admettre, cette situation me faisait sourire. Jamais, en septembre dernier, je n'aurais imaginé faire une collocation avec Inès, et encore moins avec deux filles qui ne s'entendaient pas. Mais il fallait croire que cette année nous avait bien tous fait mûrir, et nous y étions. Inès, qui arborait à présent des cheveux lavande, ouvrait toutes les pièces de la coloc, en poussant des grands « ooh » émerveillé à chaque pièce qu'elle découvrait.
– Pas touche à la chambre du fond !, lança Maya.
– Pourquoi ?
– C'est la mienne.
– Rooh... Tu as choisi aussi Louis ?
– Non, je t'en prie.
Je me fichais pas mal d'atterrir dans la chambre la plus petite de la coloc : elles étaient toutes bien agencées, et meublées. C'était tout ce qui comptait à mes yeux. Maya me donna un coup de coude, son regard noisette se posa sur moi et elle leva les sourcils.
– Alors, tu as eu des échos de comment ça s'est passé hier soir ?
– Non... Mais je vois Adel ce soir, je lui demanderais.
Les deux autres garçons étaient restés étonnamment silencieux depuis leur entrevue hier soir. J'espérais du fond du cœur que cela n'avait pas fini en crises de larmes et de poing dans l'appartement de Adel.
– J'ai trouvé la chambre de mes rêves !, clama Inès en revenant vers nous.
Je m'attendais à voir Maya soupirer, mais il n'en fut rien. Elle lui adressa un sourire amical avant de tourner les talons vers la sortie.
– J'ai hâte Louis, si tu savais...
– Moi j'espère surtout recevoir des réponses positives pour mon job étudiant...
– Tu n'avais pas un poste sûr ?
– Si mais... ça serait seulement pour trois mois. Je pourrais renouveler, visiblement, mais si je pouvais trouver quelque chose de plus certain...
Inès leva les épaules.
– Moi j'ai trouvé un taff dans un supermarché pas loin... je sens que ça va vite me gonfler. Mais bon, c'était la condition avec laquelle mes parents me laissaient faire une coloc avec vous. Sinon, je partais avec eux sur la côte, et à moi les heures de train pour venir à la fac !
Je rigolais.
– Toi aussi ?
– Sacré parents, hein..., marmonna-t-elle.
Je regardais toutes les heures mes mails, en espérant une réponse positive. Et c'était terriblement angoissant. J'avais à peu près postulé pour tous les jobs étudiants ingrats que me proposait ma ville : bosser en supermarché, en intérim, pour la mairie de ma ville, pour des associations, et j'avais déposé également tout mes cv dans les musées de Bordeaux. Adel m'avait accompagné dans ma démarche. Lui donnait des cours de langue étrangères à des lycéens et autres étudiants de son âge, et pour l'heure, cette petite source de revenu lui suffisait en plus de ce que lui donnait ses parents. Mais moi, je n'avais pas la chance de pouvoir parler trois langues parfaitement pour faire la même chose que lui.
J'avais fini par raccompagner Inès chez elle, et j'étais sur le retour avec Maya. Elle passa un bras par-dessus le mien, tout sourire, et soupira un grand coup.
– Tu sais quoi Louis ? Je sens que cette année va être géniale. On fait quoi ce soir ?
– Je vais voir Adel, je te l'ai dit tout à l'heure.
– Oui, mais quand tu rentreras ?
– Je...
– Oh. Ok. Tu passes la nuit là-bas.
– J'ai évité toutes ses invitations à rester dormir depuis que tu es à la maison !, glapis-je.
– Dis que c'est de ma faute !
– Tss...
– Louis, je suis très sérieuse, ne fais pas ça, ok ? Ne t'empêche pas de voir ton copain parce que je suis chez toi, tu vas me supporter dans la même baraque que toi pendant un an mon gars !
Je ne pus m'empêcher de sourire. Elle n'avait pas tout à fait tort.
– À moins que ça soit autre chose, j'me trompe ?
Elle m'agaçait, de lire aussi bien en moins. Elle était comme Adel sur ce point-là.
– Tu sais que tu peux tout me dire, hein ?
– C'est depuis la soirée chez Inès. Il est bizarre.
– Ah...
Elle cherchait ses mots, et moi, j'avais accéléré un peu notre rythme de marche, pressé de rentrer.
– Tu sais, peut-être qu'il stresse aussi de partir pendant une aussi longue durée ?
– Il est distant, quand on est tous les deux.
– Justement, ça se manifeste peut-être comme ça.
– Et il s'en veut.
– Tu comptes trouver une parade à tout ce que je dis ?, protesta-t-elle en me donnant un coup sur le bras.
– Aïe !
– Tu l'as bien cherché, monsieur drama queen. Parlez-en ce soir ! C'est l'occasion !
Maya avait raison – comme bien souvent – et je le savais. De toute façon, il n'allait pas pouvoir se dérober jusqu'à son départ et moi, je n'allais pas pouvoir continuer à ignorer le fait qu'il était différent depuis cette soirée catastrophique chez Inès. Quelque part, je me surprenais à penser que peut-être, la discussion qu'il avait eu avec Eden l'avait aidé. Mais sans nouvelles de sa part depuis, j'avais de sérieux doutes.
Et je haïssais mon imagination trop fertile de m'imposer des tonnes de scénario de cette soirée-là, dont je ne voulais pas. Car c'était là tout le souci : quand vous laissiez quelqu'un sans réponse et sans nouvelle, ce quelqu'un avait de forte chance de se faire des films. Et c'était exactement ce que j'étais en train de faire.
Ce soir-là donc, je manquais de rater mon bus pour aller chez lui. Pendant tout le trajet, mon cerveau m'imposa des images dont je n'avais clairement pas besoin, environ des milliers de scénarios catastrophes entre Adel et moi. Mais rien de positifs. Quand j'arrivais en bas de chez lui, j'en étais presque exténué d'avoir cogité autant. La porte s'ouvrit et je grimpai les marches deux par deux, pressé de l'avoir de nouveau contre moi. Entendez-moi bien : depuis la soirée, nous nous étions à peine embrassé, et sa sensation de ses lèvres sur les miennes me manquait cruellement. La porte de son appartement, le numéro huit, s'ouvrit et Adel m'apparut sur le seuil, noyé sous des vêtements beaucoup trop larges pour lui, mais qu'il adorait quand même porter. Il était « à l'aise » disait-il dans des fringues qui faisait disparaître la moindre de ses formes.
– Salut toi.
Il ne m'en fallu pas plus pour me jeter à son cou. Derrière nous la porte claqua, Adel me réceptionna comme il put dans ses bras et répondit à mon baiser avec ardeur. Je manquais d'air rapidement, mais cette sensation m'avait tellement manqué que je n'avais aucune envie de le lâcher. Ce fût Adel, pantelant, qui me repoussa doucement, le sourire aux lèvres.
– Ça m'avait manqué..., souffla-t-il.
Et en un claquement de doigt, toutes mes angoisses s'envolèrent.
– Comment ça s'est passé hier soir ?
Je crus voir son sourire faiblir légèrement, mais il ne parut pas s'agacer pour autant.
– Je n'avais pas parlé des heures comme ça avec lui depuis longtemps, me répondit-il.
Bon, ça ne répondais pas totalement à ma question, mais au moins, j'avais la certitude qu'ils avaient pu parler tous les deux, et sans doute mettre les choses à plat.
– On est revenu sur... pas mal de choses depuis l'an dernier.
Carrément. Ils avaient fait une rétrospective complète de l'année 2018-2019 ?
– On a merdé sur un tas de choses tous les deux et... Je crois que nous n'avions jamais réellement pris la peine de tout nous dire. Maintenant, c'est chose faite.
Et, je le connaissais, Adel n'irait pas plus loin dans les détails. Et après tout, certaines choses ne me regardaient pas. Un jour, il m'en parlerait. Peut-être. Lui ou Eden.
– Dis, Louis...
– Mmh ?
– Tu restes ici ce soir ?
– Ouais.
Il afficha un air soulagé.
– Enfin ! Bon sang, j'ai cru que tu m'en voulais ou je ne sais pas quoi...
– Comment ça ?
– Je te trouvais distant.
Ah. C'était la meilleure ça. C'était lui le gars distant !
– Maya est chez moi, je voulais profiter d'elle et... Merde, c'est moi qui te trouvais distant !
Adel ouvrit des yeux ronds en face de moi et éclata de rire.
– Moi ?
– Oui, toi !
– On allait tourner longtemps comme ça autour du pot toi et moi..., glissa-t-il sans s'arrêter de rire.
– Hé, te moque pas !
– On est vraiment deux idiots quand on s'y met...
– Embrasse moi plutôt que de dire des conneries.
– T'es en manque on dirait.
– À qui la faute.
Et il s'exécuta, pour mon plus grand bonheur.
Il avait commandé des pizzas (avec beaucoup, beaucoup de fromage parce qu'il savait que c'était mon pêché mignon) et maintenant, nous étions avachis sur son lit, devant son petit ordinateur portable, à regarder une série vraiment pas fameuse. J'avais décroché au milieu du deuxième épisode, mais mon cerveau persistait à vouloir comprendre l'enjeu de cette série, passant outre les jeux d'acteurs vraiment médiocres. Adel lui, avait complètement décroché. Il jouait avec mes doigts, la tête calée contre mon épaule. Il ne suivait plus rien et quand je sentis ses lèvres se poser dans mon cou, je mis la série en pause.
– C'est nul, hein ?
– Sans doute, je suis plus depuis la première minute de cet épisode., me glissa-t-il.
– Mes mains sont plus intéressantes ?
– Carrément. Continue de regarder, stu veux...
– Pendant que tu me fais ce genre de trucs ? Sérieusement, je suis incapable de me concentrer maintenant.
J'étais beaucoup trop faible. Du bout des doigts, je refermais l'ordinateur et le glissais sur sa table de chevet. Adel n'attendit pas plus longtemps pour se coller plus contre moi et continuer ses baisers dans le creux dans mon cou, passant une jambe par-dessus les miennes. Il y avait clairement un truc de différent ce soir... Il me semblait beaucoup plus impatient que les autres fois.
– Est-ce que c'est un peu abusé si je te demande de recommencer ce que tu m'as fait l'autre jour ?
Le feu me grimpa aux joues et je pouffais contre ses lèvres. Et lui qui me demandais ça comme ça, sans aucune autre entrée en matière...
– J'en ai vraiment très, très envie.
Devant un regard comme ça, je ne pouvais pas résister.
– Parce que j'te jure, à chaque fois qu'on se retrouve dans ce lit...
Il m'embrassa avant de finir sa phrase, en un souffle.
– J'ai envie de te faire de ces choses...
Ok. Il venait littéralement de m'achever. Ses baisers dans mon cou, ses mains sous mon tee-shirt, s'en était beaucoup trop pour moi. Et le voilà qui s'acharnait juste en dessous de mon oreille... J'allais mourir à petit feu. J'étais raide de partout. Vraiment, partout. Et ça, il ne manqua pas de le remarquer, de me lancer un regard lourd de sens avant de glisser ses mains sur mes cuisses.
Et là, ce fut le chaos. Dans ma tête, dans mon cœur, absolument partout. Parce qu'implicitement, il avait laissé tomber sa première idée pour me demander s'il pouvait aller plus loin ce soir. Si nous pouvions aller plus loin.
Et j'avais stoppé tout mouvement.
– Louis ?
Il claqua des doigts sous mon nez comme pour me sortir de ma torpeur, et je réalisai que je m'étais figé en face de lui, comme une statue de glace.
– Si tu ne veux pas, on est pas obligé.
Bien sûr que si, j'en avais envie. Je l'embrassai pour le lui faire comprendre, et retirai le tee-shirt que je portais par la même occasion. Il ôta le sien dans la foulée et repartit à l'assaut de me mon corps. Il perdit ses lèvres dans mon cou, sur mon torse et descendit le long de mon ventre. D'un geste subtil, il retira mon jean, puis remonta lentement jusqu'à ma bouche.
– Tu es beau, tu le sais ça Louis ?
Il me fit rougir violemment. Il le savait : j'avais horreur des compliments. Mais sortant de sa bouche, je ne pouvais que les accepter. Nos habits continuèrent de tomber, et bientôt, j'eus tout le loisir de sentir sa peau sur la mienne. Il se coucha à mes côtés, et passa une main dans mes cheveux. J'aurais pu passer des heures comme ça, à caresser sa joue, ses cheveux avec leur drôle de couleur, mes jambes entremêlées aux siennes. Je lui demandais s'il avait tout ce qu'il fallait et il hocha la tête, sûr de lui.
Je n'avais jamais vraiment planifié ce moment-là de ma vie. J'avais imaginé des choses, oui, mais... Mais maintenant, je stressais comme un dingue. Pourquoi ? Parce que nous n'étions pas d'accord du tout sur la manière de procéder. Et je me sentais comme un con, assis en tailleur, un oreiller sur les genoux pour planquer les endroits stratégiques. Clairement, notre désaccord nous avait ne serait-ce qu'un peu coupé dans notre élan.
– Écoute Louis, je n'ai jamais été en dessous. Avec les filles, comme les mecs.
Bon sang, ça veut dire qu'avec Eden... Non, ce n'était clairement pas le moment de penser à ça.
– Moi non plus.
Il leva les yeux au plafond et je sentais bien qu'il faisait un effort pour ne pas me remémorer que... bah, je n'étais jamais allé aussi loin avec personne. J'avais juste répondu du tac au tac, sans réfléchir, parce que je n'avais aucun argument.
– Tu fais chier, râla-t-il.
– Toi aussi d'abord. T'as qu'à commencer, et la prochaine fois, on inversera !
Il leva un sourcil, à moitié amusé par ce que je venais de lui sortir. C'est que je commençais à frissonner avec ces conneries, on était toujours à poil lui et moi. Et il avait beau faire très doux dehors en cette belle soirée de juillet, je n'en restais pas moins un mec douillet.
– Sérieux ?
– Ouais.
– Non. Tu commences.
Je fronçai les sourcils et lui arrachai d'un geste rapide la boite de préservatifs.
– Louis ! T'es vraiment con putain, rends moi ça !
Je lui fis mon plus beau sourire et levai la boite bien haut.
– Chifoumi.
– C'est une blague ?
Et pourtant, il fut partant. Merde, Louis, t'es vraiment en train de jouer ta première fois avec une partie de chifoumi ? Ta vie n'a t-elle donc aucun sens ? En trois manches, décréta Adel. Je gagnai la première. Puis il remporta la deuxième. Pour la dernière, j'avais les yeux rivés sur ses mains, comme si j'avais subitement obtenu du bon Dieu le pouvoir de deviner son prochain coup. Et il gagna. Victorieux, il sifflota, repris la boite, qu'il ouvrit et j'ouvrais de grands yeux. Merde. Je devins cramoisie, et me planquai le visage derrière les mains. Bordel. J'en avais envie. Bon sang ce que j'en avais envie. Mais j'avais peur. De quoi, je n'en savais rien, mais j'avais peur. Il rapprocha son visage du mien et m'embrassa tendrement.
– Tu as vraiment cru que j'allais te laisser faire ça hein ? Louis, j'm'en fou que tu sois au-dessus.
Je fronçais les sourcils.
– Sérieusement, je pensais pas que tu allais vraiment aller jusqu'à me proposer une partie de chifoumi pour décider de ça, t'es trop drôle.
Je secouai la tête avant de l'attirer contre moi.
– T'es con..., murmurais-je en l'embrassant.
– Toi aussi, mais c'est ça que j'aime.
– Tu es sûr que...
– Oui.
Son oui était sans appel.
Si en septembre, on m'avait dit que le mec paumé au bord de la piscine finirait dans le même lit que moi onze mois plus tard, je ne l'aurais pas cru. J'avais essayé de le détester, à maintes reprises et maintenant, je m'en rendais compte : je n'avais jamais vraiment su y arriver. À chaque fois que j'avais essayé de le fuir, il était revenu. Je lui avais volé son ex, il lui avait volé le sien. Plus d'une fois, j'avais pensé tout perdre à cause de lui. J'avais voulu croire que c'était à cause de lui. Mais maintenant qu'il me murmurait des mots doux, qu'il me touchait et m'embrassait pour m'encourager, et faire redescendre toutes mes appréhensions, je comprenais juste une chose : j'étais tombé amoureux sans le savoir.
* * *
Je me réveillai le lendemain avec une étrange sensation. Adel était collé contre moi, sa tête dans le creux de mon cou, une jambe par-dessus les miennes, et il dormait encore. Je passai une main dans ses cheveux bruns parsemés de mèches plus claires par endroit, rêveur. Quand il remua mollement, je m'immobilisai, suspendant mes gestes.
– Continue... murmura-t-il.
Je ne pus m'empêcher de sourire comme un idiot. Je me tournai, face à lui, continuant mes caresses. Nos nez se frôlaient, nos souffles se mêlaient et j'avais l'impression de vivre un rêve éveillé. Quand enfin, il ouvrit ses yeux en amandes, je ne résistai plus, et lui déposai un baiser sur les lèvres. Je le sentis sourire et fermai les yeux un instant, mon front posé contre le sien. Il ramena les draps sur nous, et bientôt, il n'y eut plus que lui et moi. Les bruits de circulations s'évaporèrent. Les cris des enfants dans la rue aussi. Il fit taire tous les bruits parasites, disparaître la lumière du jour qui passait à travers ses volets. Il n'y avait que lui, et moi. Il passa un doigt sur une de mes joues, souriant et m'embrassa à nouveau, tendrement. Les images de la vieille me revirent en tête, me faisant rougir de plus belle. Je lui avais fait l'amour, et j'avais aimé ça. Ça avait été terriblement maladroit au départ. Je m'en étais voulu, l'espace de quelques secondes, mais Adel avait eu les mots justes pour que je me sente à l'aise. Ma plus grande angoisse ayant été de lui faire mal. Ça avait été ma première fois, la sienne aussi en quelque sorte, et j'avais voulu que tout se passe pour le mieux. On avait beau m'avoir répété que les premières fois n'étaient pas idylliques comme le laissait penser la fiction, j'étais buté, ma première fois parfaite, je la voulais.
– Je t'aime, chuchota-t-il.
J'ouvris de grands yeux. Sa voix m'avait presque parut irréelle. Venait-il vraiment de me le dire ? Est-ce que je lui avais déjà dit « je t'aime » moi ? Merde. Je n'en savais plus rien. Je... j'étais perdu.
– Je t'aime Louis, répéta-t-il.
– Je t'aime aussi.
Je le fis sourire. Finalement, ce n'était pas si compliqué. Il m'embrassa encore une fois, et je me pressai contre lui, par peur qu'il ne s'écarte trop de moi. Le visage enfoui dans mes cheveux, il me demanda en murmurant :
– Tu restes encore un peu ?
– Évidemment.
Je n'étais pas prêt de le lâcher. La nuit dernière, je lui avais offert tout ce que j'avais de plus précieux. Je resterais la journée entière dans ce lit s'il le désirait. Et puis Maya se moquerait de moi quand je reviendrais, parce que je le savais déjà, elle allait tout deviner. Nous passâmes de longues minutes juste à nous câliner, sans dire un mot. J'étais bien là, juste dans ses bras. Nous n'avions pas besoin de nous en dire plus. Ce fut Adel qui rompit le silence quand son ventre se réveilla.
– Par contre... j'ai super faim. J'vais nous chercher un truc à bouffer.
Sauf que non, la douleur le cloua au lit et il retomba sur le matelas, les yeux écarquillés.
– Bordel.
– Quoi ? Ça ne va pas ?
Il grimaça et me jeta un regarda mi-agacé, mi-amusé.
– À ton avis...
Je le regardais sans comprendre et il s'agaça, et me donna un coup dans l'épaule.
– Vas-y toi.... J'ai trop mal au dos.
– Oh...
Sans plus de cérémonie, je me levai, enfilai à la hâte mon caleçon et filais dans la cuisine pour trouver de quoi grignoter. J'entassais tout pleins de chose sur un petit plateau que je posais à plat en revenant dans sa chambre.
– Tu veux un truc pour ton dos ?
– Ouais.
Il boudait. Pour une raison qui m'échappait. N'était-il pas content que je reste ?
– Laisse Louis, j'ai ce qu'il faut dans ma table de chevet.
Et il se pencha – en grimaçant toujours – et attrapa ce dont il avait besoin. Puis, il bu une gorgée de jus de pamplemousse, directement à la bouteille parce que monsieur faisait toujours ça et je croisais les bras sur mon torse.
– Me regarde pas comme Louis...
– Promis, la prochaine fois je... je serais mieux.
Et sous mes yeux, il s'étouffa avec sa boisson et manqua de tout recracher sur les draps. Il se fendait la poire devant moi, voilà, maintenant, c'était moi qui boudais.
– Me dis pas des choses comme ça quand je bois ! Bordel !
Il riait, sans pouvoir s'arrêter et essuya même une larme qui avait tenté de s'échapper.
– Je vois pas ce qu'il y a de drôle..., je bougonnais.
– C'est que... – il avait du mal à articuler deux mots – c'était aussi la première fois pour moi dans ce sens-là, c'est normal que je sois en train de douiller, ne te met pas la pression pour ça !
Oh bon sang. Ce n'était que maintenant que mes neurones faisaient la connexion entre son mal de dos, et hier soir. J'étais vraiment long à la détente. Merde. Maintenant je m'en voulais encore plus. Tout ça, c'était... raah, j'étais vraiment mauvais ! Adel passa les dix minutes qui suivirent à me rassurer, et à me consoler. De nous deux, j'étais pourtant celui qui en avait le moins besoin, au fond.
Et tandis qu'il me parlait – tout en mangeant pour quatre son petit-déjeuner – je ne pus m'empêcher de me dire que j'avais un petit ami parfait. Non parce que, physiquement, il était parfait, point barre, je n'acceptais aucune remarque disant le contraire. Enfin... si. Quand il mettait ses barrettes plates pour relever sa frange. Là, j'acceptais une ou deux remarques négatives. Mais sur tout le reste, Adel m'épatais. Son caractère de cochon, je l'aimais. J'avais le même les trois quart du temps, alors ça ne pouvait que coller. Mais au-delà de ça, Adel vivait un peu dans son petit monde. Avec son humour tout pourri, et ses réactions auxquelles jamais personne ne s'attendait. Et puis je revivais en boucle notre soirée d'hier soir. Oui, elle n'avait pas été parfaite. Mais elle avait finalement été au-delà de mes espérances.
* * *
Je ne m'étais pas trompé, Maya m'attendait au tournant, elle et ses questions gênantes. Et puisque j'étais quasiment sûr que Adel allait tout raconter à Louise, je ne me privais pas pour raconter ma soirée à ma meilleure amie, qui ne s'arrêtait plus de pouffer.
– Désolé pour toi chou, mais ça ne m'a clairement pas donné envie !
Je lui filais une tape sur la tête.
– Tss, c'pas une course, trouve la bonne personne, et après, on en reparlera !
– Oh oui bah tient, on en reparlera !
Elle me lança un drôle de regard que je su pas vraiment interpréter.
À cet instant, du moins. Le Louis de dans quelques mois, ou années, finirait bien par comprendre.
– Il me plaît ton mec. Dommage qu'il parte aussi loin, et aussi longtemps.
Ça, elle l'avait dit.
– Mais vos retrouvailles ne seront que plus belles ! C'est beau l'amour à distance aussi !
Je me retins de lui demandais ce qu'elle en savait : elle voulait juste me rassurer, et me dire que tout irait bien.
– Sinon.... tu sais que Sacha m'a questionné toute la soirée ?
– Oh merde...
– T'inquiètes, je lui ai passé les détails.
– Parce que tu lui as dit ce que je faisais ?
– Ce n'était pas très dur à deviner. J'ai un flair pour ces trucs-là.
– Maya ! C'est encore un bébé !
– Un bébé au lycée.
– Même ! C'est ma sœur !
Maya haussa les épaules. Ces deux-là n'étaient pas croyables...
– Oh ça va, relaxe... La pire question qu'elle puisse te poser au fond, c'est qui faisait quoi.
Je roulais des yeux vers le plafond et elle éclata de rire.
Clairement, ma coloc de cette année n'allait pas être de tout repos. Parce que quelque chose me disait que Inès et Maya allaient prendre un malin plaisir à me faire tourner en bourrique.
* * *
J'espère que vous avez apprécié votre lecture, parce que très clairement, j'me suis éclatée lors de l'écriture de ce chapitre ♥ Le suivant sera tout aussi long je pense, c'est que j'en ai des choses à dire avant de conclure cette première partie ! (parce que oui, je ne sais pas si je l'ai déjà précisé, mais le chapitre 50 sonnera la fin de la première partie de ECLIPSE ! je peine encore à réaliser (ಥ﹏ಥ) Du coup, je vous dis à bientôt pour le 50, qui arrivera normalement dans la semaine, si je ne traîne pas trop :3
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