41. CELUI QUI AIMAIT UN EX
Tu sais, il a un caractère de cochon, mais au fond, c'est un gars en or. Quand il est en panique, il est capable de balancer des choses qu'il ne pense pas. Ou d'être blessant. Le pire, c'est quand il refuse de faire face à l'inévitable : il cherchera toujours à changer les choses, quitte à se faire du mal. Eden m'avait un jour balancé ça sur Adel. Je ne me souvenais plus des propos exacts de notre conversation à ce moment-là, ni du sujet principal, et encore moins de comment il en était venu à parler d'Adel, mais ces phrases là, je m'en souvenais très clairement. Et ce soir, elles tournaient en boucle dans ma tête. Je m'en voulais de lui avoir potentiellement lâché qu'il m'intéressait. D'avoir été si transparente sans le vouloir avec lui. Parce que c'est ça le problème, hein, Louis ? Il t'intéresse beaucoup plus que ce que tu voudrais...
Je me retournais encore et encore dans mes draps, incapable de dormir. Comment avais-je pu en arriver là, hein ? C'était la question à un million. Je fermais les yeux, désespéré de ne pas trouver le sommeil. J'avais chaud. Mais pas assez pour m'extirper de sous ma couette. Mes bras le long du corps, je soupirais, rouvrant de nouveaux yeux avant de les river vers le plafond immaculé de ma chambre. J'avais à la fois envie de rire et de hurler, de pleurer et de m'esclaffer de nouveau. Je me sentais comme Néo dans Matrix, incapable de faire le choix entre sa pilule bleue, et sa pilule rouge. Me morfondre ? Ou me dire que demain était un jour nouveau et aller de l'avant ? La première option était la plus simple. Et puis, ruminer sur mon sort, je savais faire. Mieux que personne. Je passais une main sur mon front moite et fronçais les sourcils. Le souci, c'était lui. Lui qui refusait de me sortir de la tête. Je revivais nos baisers en boucle, et plus j'y repensais, plus les détails m'assaillaient. Je sentais de nouveau la douceur de ses lèvres sur les miennes, ses gestes lents et appliqués dans ma nuque, ses caresses dans mes cheveux. Et puis mon esprit s'égara de nouveau, et je me surpris à m'interroger sur son attitude quand les choses devenaient plus sérieuses. Mon cœur se mit à battre un peu plus vite, et plus fort aussi.
J'étais vraiment une personne tordue.
Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à lui alors que, clairement, ces dernières semaines, mon karma n'avait eut de cesse de me mettre en garde. Mais non. Louis Verbeeck, fidèle à lui-même sautait les deux pieds dans le plat. C'était tout moi. J'avais beau essayer de faire dériver mon esprit vers quelque chose d'autre ce soir-là, c'était toujours lui qui revenait. Agacé, je finis par me lever et par m'enfermer dans la salle de bain. Ma montre indiquait deux heures du matin. Deux heures du matin. Clairement, demain, j'allais manquer de sommeil. Je me penchais sur la vasque de la salle de bain et tournais les robinets. Quelques coups d'eau fraîche sur mon visage plus tard, je relevais vers le visage et me détaillai longuement dans le miroir en face de moi. Génial. Un bouton avait fait irruption. Presque au milieu de mon front. Je fronçais les sourcils et soupirais. J'étais bien maudis jusqu'au bout.
En face de moi, l'autre Louis Verbeeck me détaillait avec un peu de peine. Ses yeux clairs me scrutaient, comme pour chercher des réponses, en vain. C'était sûrement l'heure tardive qui me faisait penser tout ça, mais je m'en fichais. Je ne sus pas combien de temps je restais planté là, à observer mon autre moi et ses cernes de dix kilomètres de longs sous ses yeux. Franchement, il avait mauvaise mine. Et je trouvais même que ses cheveux commençaient à être un peu trop longs dans la nuque.
– Pathétique mon gars, murmurais-je.
C'était en somme le mot qui décrivait le mieux la personne que j'étais actuellement. Si Maya pouvait me voir, planté là en face du miroir de ma salle de bain à une heure aussi tardive. Elle rirait sans doute bien fort. Mes yeux se mirent soudain à me piquer, et je réalisais qu'enfin, le sommeil venait à me rattraper. Comme un zombie, je traînais les pieds jusque mon lit avant de m'écrouler sur mon matelas. Et une fois de plus, ce fut plus fort que moi, je me laissais sombrer dans le pays des songes avec son visage en tête.
* * *
La semaine où mon professeur d'histoire devait partir à l'autre bout de l'Europe arriva et, par je ne sais quel tour de force, le lycée nous dégota un remplaçant. Sauf que le type en face de nous était ennuyeux à souhait, qu'il parlait dans sa barbe, et que hormis lorgner sur Sixtine et ses amis comme un vieux pervers, il ne faisait pas grand chose de ses cours. Au milieu de la semaine, il en eut marre, et nous colla un devoir surprise pour s'épargner de faire cours pendant deux heures. Technique de lâche, mais bonne technique, je devais le reconnaître quand on avait aucun charisme et qu'on ne parvenait pas à tenir une classe de lycéens dissipés. Au bout d'une heure et demi j'avais terminé mon devoir, et je me retrouvais donc seul à attendre, devant notre salle de classe. Enfin, seul, non. Blaise était là, assit en face de moi et me fixais depuis cinq bonnes minutes comme s'il cherchait à lire dans mes pensées.
– Un problème ?
Ma voix résonna dans le couloir vide et Blaise leva un sourcil, comme étonné de me voir enfin prendre la parole. Il haussa les épaules et, sans répondre quoi que se soit, attrapa son portable. Agacé, je fronçais les sourcils.
– C'est marrant, avant, tu ne te retenais pas de m'en mettre plein la tronche.
– Ferme la, cracha-t-il.
– Oh, je vois. Si tu veux que je la ferme, arrête de me dévisager comme une bête curieuse.
À ce moment-là, Eden sortit de cours à son tour et s'arrêta quelques secondes pour nous regarder tous les deux, en plein duel de regard.
– On y va Louis ?
Je me relevais, jetant mon sac sur mes épaules, quand la voix de Blaise s'éleva.
– C'est ça, barrez-vous...
Eden se retourna, intrigué et je lui fit signe de continuer à marcher.
– Tu voulais qu'on attende tes potes avec toi peut-être ? demanda-t-il.
Je serrais les dents. Et voilà. Il n'avait pas pu s'en empêcher. Blaise se leva à son tour et gonfla le torse. Malheureusement ce genre d'attitude ne m'effrayais plus depuis longtemps, et il en allait de même pour Eden qui, de toute façon, était désormais plus grand que Blaise. Ce dernier s'en rendit d'ailleurs compte et recula d'un pas. Dommage pour lui, mon ami avait fait une poussé de croissance assez impressionnante ces deux derniers mois.
– Tu te crois malin, hein Verdier ? Parce que tu penses qu'ils seront toujours là pour sauver ton cul..., siffla-t-il entre ses dents.
Loin de se laisser démonter, Eden esquissa un large sourire, puis tourna les talons. Je l'imitais aussitôt, soulagé que ni l'un ni l'autre ne se soit jeté à la gorge.
– C'est ça !
Blaise s'était mis à hurler tout seul dans son couloir. Il me faisait beaucoup de peine. Et juste avant qu'Eden et moi descendions les escaliers, il beugla un grand coup.
– Retourne sucer d'autres tapettes dans ton genre !
Mes joues virèrent au rouge cramoisi, Eden soupira et leva un pouce en sa direction, sans se laisser démonter. Et avec ce sourire colgate qui le caractérisait si bien, il lui répondit avec un flegme assez incroyable :
– Avec grand plaisir mon ami !
Avant de tourner les talons pour de bons, me prenant par la manche. Ce fut plus fort que moi : alors qu'il éclatait de rire, je me mis aussitôt à l'imiter. On peinait à reprendre notre souffle, tant la tête qu'avait tirée Blaise était magique.
Un mélange de rage, d'incompréhension et de gêne qui allait si mal sur son visage. Il n'avait pas répondu après ça, et même s'il l'avait fait, nous étions désormais trop loin pour l'entendre jurer dans sa barbe. Clairement, avec lui, l'humour était la meilleure des parades.
Ma journée aurait pu continuer sur cette lancée. Ce midi, Inès se lança dans une imitation brillante de ce cher remplaçant, qui nous faisait vraiment regretter notre professeur d'histoire habituel. Inès ne l'aimait pas, mais alors pas du tout. Alors évidemment, elle s'en donnait à cœur joie pour lui cracher allégrement sur le dos. Inès avait teint ses cheveux. Encore. Mais avec ses cheveux très courts, je devais admettre que cela lui donnait un charme fou. Désormais blonds cendrés, ses beaux cheveux légèrement ondulés en faisaient se retourner plus d'un dans les couloirs. La voir ainsi me remplissait vraiment de joie : Inès, tout comme Eden, avait su s'affirmer cette année, plus que jamais.
Ma journée donc, aurait pu être parfaite de A à Z. Sans compter ce message, que je reçus juste après la fin des cours, alors que je venais de poser mes fesses dans le bus qui me ramenait chez moi. En voyant le nom de ADEL sur mon écran, je ne voulu d'abord pas y jeter un coup. Mais en face de moi, Eden avait bien vu que j'étais gêné par le message que je venais de recevoir, et il ne me quittait pas des yeux. Une fois chez moi, je grimpais dans ma chambre, saluant au passage ma mère et mon père, présents tous les deux dans la cuisine et se chamaillant à propos de la recette du tiramisu. Ma sœur était entre eux, tentant d'imposer sa propre version culinaire et ce spectacle me fit sourire tendrement. Seulement voilà, mon portable vibra à nouveau dans la poche arrière de mon jean. Il n'allait pas me lâcher.
« Est-ce qu'on peut se voir ce soir ? »
Le premier message était plutôt bref. Je fermais la porte de ma chambre d'un coup de pied, laissais tomber mes affaires de cours par terre et m'assis sur mon lit.
« C'est important. »
Il fallait comprendre par là « répond moi s'il te plaît ». Je commençais à savoir comment traduire les messages que m'envoyait Adel. J'hésitais avant de répondre. Tout simplement parce que je n'étais pas sûr d'avoir envie d'entendre ce qu'il avait à me dire.
« Je passe te prendre dans cinq minutes. »
Pardon ? J'ouvris des yeux ronds, hébété. Avais-je bien lu ? Je me redressais, sautais hors de mon lit et attrapais une veste. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il était sans doute déjà dans ma rue, et que dans deux secondes, j'allais recevoir un nouveau message m'intimant de venir. Je descendis les marches quatre par quatre et fit un petit détour par la cuisine ou mon père tentait toujours de faire entendre raison à ma mère.
– Papa, maman... Je sors ce soir.
Ils se turent, me regardèrent en plissant des yeux.
– Tu vas où ?
– Je ne rentre pas tard, promis.
Ça ne répondait pas du tout à la question de ma mère et ma sœur me lança un air suspicieux.
– Mais Louis tu n'as pas encore mang-
– Ce n'est pas grave, bisous !
Et je filais, sans demander mon reste. Je laissais le soin à Sacha de m'inventer une excuse bidon. Ce qu'elle allait très certainement faire. J'ouvris la porte de chez moi, et bingo. À ce moment-là, la voiture de Adel se stoppa devant chez moi et il tendit le bras pour m'ouvrir la portière. Sans un signe, sans un mot, j'entrais dans l'habitacle et il démarra à nouveau.
Nous roulâmes dix minutes sans que ni lui, ni moi, n'osions dire quelque chose. Et puis, finalement, je me mis à reconnaître la route. C'était la même que ce jour où il m'avait amené à l'exposition de peinture. Il termina par garer sa voiture sur le parking et coupa le moteur avant de se tourner vers moi, un air résigné sur le visage.
– Tu ne comptais pas me répondre, hein ?
Il me connaissait si bien. J'étais grillé.
– J'me suis dit que te me pointer chez toi te ferais paniquer. Et que tu sentirais obligé de me répondre. Mais tu ne m'as pas répondu. J'étais déjà en route, je pensais faire demi-tour, mais tu m'as forcé à aller jusqu'au bout Louis.
Il avait vraiment l'air consterné. Je ne le suivais pas trop.
– En revanche, je ne pensais pas que tu allais monter dans ma voiture.
Gros blanc. Quoi... ?
– Je pensais que tu allais juste m'engueuler pour m'être pointé chez toi, ou un truc du genre, soupira-t-il. Et qu'on parlerait à ce moment-là. Mais tu es monté.
Donc cette virée en voiture n'était pas absolument pas prévue. Super.
– Bon, ben, du coup, je nous ai amené ici. En faisant genre que c'était calculé, mais maintenant, tu sais tout.
J'avais à la fois envie de rire, de l'étrangler, et de lui faire la morale. C'était sans doute possible de faire les trois à la fois.
– De quoi voulais-tu qu'on parle ?
– De ton dernier message.
Oh non. Pas ça.
Jésus marie joseph.
Je me mettais à réciter les jurons de mon grand-père.
– Ah.
– Oui, ah. C'est la tête que j'ai tirée quand je l'ai reçu.
– P-pourquoi ?
On y était, je perdais mon sang-froid. Et ma timidité revenait au grand galop.
– Parce que j'ai répondu « pas du tout » ?
Il m'avait semblé que ma réponse pouvait faire illusion. Je baissais les yeux pour fixer mes doigts, qui s'entortillaient entre eux. Je ne trompais ni lui, ni moi, en agissant de la sorte. J'étais mal à l'aise, mes joues commençaient à surchauffer et même avec le petit éclairage de sa voiture, il devait bien commencer à s'en rendre compte.
– D-depuis quand tu lis à travers les lignes aussi..., je bafouillais.
Autant m'avouer vaincu, il savait. Je ne savais pas comment, mais il savait. Voilà, je venais de lui admettre qu'il n'avait pas eu tord de me poser la question. Et je me sentais vraiment pas bien. Je l'entendis claquer la langue contre son palais et son regard se détacha – enfin – de moi.
– On est dans la merde, hein ?, soupira-t-il après un long silence embarrassant.
– On ?
– Oui Louis, on.
Qu'est-ce que je devais comprendre par là ? J'eus envie de le regarder à nouveau, mais désormais c'était mes chaussures qui retenaient toute mon attention. Dans mon cerveau, c'était le branle-bas de combat. Clairement, tout mon corps était en mode off. Pourquoi « on » ? Depuis quand étions nous un « on » ? Je... Je me sentais vraiment confus. Il soupira, et ce fut comme si un courant d'air glacé traversa l'habitacle du véhicule. Il avait enfin lâché le volant de ses mains crispés et les laissant tomber sur ses genoux. Du coin de l'œil je le vit gonfler légèrement les joues, comme s'il cherchait ses mots, ou tout simplement, comme s'il cherchait quoi faire maintenant qu'il avait lâché une phrase pareille.
– Adel ?
Ma voix était si faible, si petite, que je peinais à me retrouver en elle. Prenant mon courage à deux mains, je relevais la tête, posant mon regard sur lui, et d'un geste doux, posais une main sur les siennes, nouées sur ses genoux.
Quand il releva les yeux vers moi, son regard me fit fondre. J'y lisais une profonde tristesse. J'avais envie de poser mes mains sur ses joues, les embrasser pour lui dire que tout allait bien. Ses yeux se posèrent sur ma main, toujours sur les siennes et il esquissa un sourire.
– Louis ?
Lui aussi, je ne reconnaissais plus sa voix. Depuis quand était-elle aussi grave bon sang ? Je ne répondis pas, mais il comprit qu'il pouvait continuer.
– Je peux t'embrasser ?
Oh.
Merdouille.
Sérieusement ?
Il me demandait ça ?
À moi ?
Maintenant ?
Calme toi Louis. Respire un grand coup. Sauf que non, l'air avait cessé d'approvisionner mes poumons. SOS. Mon cerveau venait subitement de tomber en panne, tandis que je le dévisageais bêtement, en clignant des yeux comme le dernier des demeurés. J'avais déjà embrassé Adel. Trop de fois d'ailleurs. Mais là, c'était différent. J'étais ni au bord du gouffre, ni dans un lendemain de soirée chaotique ou j'avais passé la nuit chez lui. Et puis, jusque là, j'avais initié les baisers. Adel s'était laissé faire. Ma bouche s'ouvrit, sans que je parvienne à répondre correctement, mais mon regard lui suffit pour comprendre que j'étais d'accord. Et comment aurais-je pus ne pas l'être ? La nuit dernière, j'avais complètement fantasmé sur la nuit passée chez lui.
Un baiser dans une voiture, ce n'était clairement pas le must. Cependant, très vite, ses lèvres me firent oublier la position pas vraiment confortable dans laquelle je me trouvais, et son accoudoir qui me rentrait dans le ventre. Je fermais les yeux immédiatement pour ressentir pleinement toutes les sensations qu'il avait à m'offrir. Il se pencha un peu plus, approfondissant le baiser et je me sentis sombrer dans un tourbillon de plaisir. Ses mains agrippèrent ma nuque, il me laissa respirer une fraction de seconde avant de repartir à l'assaut de mes lippes, complètement emporté lui aussi. Notre baiser était bruyant, chaotique, mais pour rien au monde, je voulais arrêter ça. Je le voulais sur mes genoux pour ressentir plus de sensation. Qu'est-ce que... Sa langue venait de se joindre à la mienne et j'ouvris les yeux de surprise. Son initiative m'arracha un hoquet, mais il continua, sans s'en soucier. Et bordel, c'était bon. Quand enfin il se recula, les lèvres gonflées, je pus respirer de nouveau. Mon cœur battait à cent à l'heure, et je me sentais... Léger. Il était magnifique, comme ça, les cheveux en bataille, les lèvres rougies. Et surtout, il le devint encore plus quand il réalisa qu'il m'avait vraiment embrassé, comme si sa vie en dépendait.
* * *
DOUBLE UPDATE AUJOURD'HUI.
Oui, j'étais de bonne humeur. Et dans la foulée, je dédicace (je ne sais pas si la fonctionnalité wattpad fonctionne bien donc je le dis ici) ce chapitre à une miss adorable avec qui j'ai commencé à faire connaissance il y a peu, et qui m'a rappelé que oui, sur internet on peut rencontrer des gens vraiment géniaux. Elle se reconnaîtra :D
Ils se sont assez tourné autour ces deux-là, non ? Il était temps qu'ils "mettent les choses au clair", à leur manière ! (' ε ' )♡
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