28. CELUI QUI RETOURNAIT AU LYCÉE

                 L'ambiance au sein de ma classe était étrange. C'était un peu comme si... Rien ne s'était passé avant les vacances de Noël. Alors, il y avait deux solutions : où l'ensemble de ma classe avait pris la même résolution de ne plus me faire chier, ou bien, quelque chose se tramait, et je n'avais pas envie de savoir quoi. Ou bien, troisième hypothèse, les gens étaient passés à autre chose, un autre scandale dont je n'avais pas eu vent avait éclaté entre-temps, et j'allais enfin avoir la paix. Franchement ? J'espérais que la troisième hypothèse soit la bonne. 

Inès, elle, semblait camper sur ses positions : j'étais toujours un gros con à ses yeux, elle me le fit bien comprendre en m'ignorant complètement et en allant s'asseoir à l'exact opposé d'où je me situais. Super. Je notais que Eden n'était pas là ce matin. S'il avait chopé la crève au ski, tant mieux, au moins, je n'aurais pas à le supporter le jour de la rentrée. La dernière chose dont j'avais besoin, c'était que mon voisin de classe se remette à côté de moi en cours, et rende le tout encore plus gênant. La première heure se passa calmement, beaucoup trop calmement, et évidemment, il fallut que Blaise intervienne pour gâcher le début de ma journée.

– Ton copain n'est pas là Verbeeck ?

– Fou moi la paix.

– Il est malade ?

– Qu'est-ce que tu en comprends pas par, fou moi la paix, Blaise ?

Louis numéro deux ricana bêtement. Avait-il perdu en neurone pour cette nouvelle année ? Sans doute. Plus les années passaient, et plus la taille de son cerveau semblait rétrécir.

– Ou alors il n'a pas pu se lever ce matin après une nuit torride, hein...

Dans le fond de classe, Clara ou Sixtine éclata de rire. quant à moi mes joues se colorèrent immédiatement. Il était sérieux ?

 – Bah alors ?

– Bah alors monsieur Berges, vous êtes collé pour tout le mois, lança une voix.Derrière nous notre professeur d'histoire venait d'arriver, les cheveux en bataille, son sac sur les épaules. Ses yeux lançaient des éclairs, et son air franchement antipathique ne donnait pas envie de lui répondre. La bouche de Blaise se tordit légèrement et il fronça les sourcils.

– Un mot de plus, et je convoque vos parents.

Je remerciai le prof du regard avant de reporter les yeux sur mon bureau, couvert de dessins en tous genres, rouge de honte. Je cru même voir Inès me lancer un regard vaguement désolé de là où elle était, avant de se reprendre, et de continuer à m'ignorer royalement.

              À la fin de notre cours d'histoire, le professeur me fit signe d'approcher. Quand la classe fut vide, il referma doucement la porte, pas entièrement. Il tira une chaise qu'il positionna en face de son bureau et me fit signe de m'asseoir.

– Tu vas bien Louis ?

– Oui.

Mes yeux étaient rivés sur ses doigts qui tapotaient son bureau.

– Tu veux parler de ce qui s'est passé tout à l'heure ?

– Non.

– Tu peux m'en parler, tu sais ? Je suis là pour vous apprendre l'histoire, mais aussi pour écouter mes élèves quand il le faut.

Tient, ça, monsieur c'est un truc à dire à l'ensemble du corps enseignant de ce bahut de merde, pensais-je, amère.

– Les comportements comme ceux de Blaise sont interdits au sein de l'établissement, Louis. Tu es en droit de venir le signaler.

– Pour me faire casser la gueule après ? Ça va aller, merci. Ça ne va pas durer de toute façon, soufflais-je.

En face de moi, le professeur souffla. Je sentais bien qu'il ne demandait qu'à m'aider. J'avais juste du mal à lui faire confiance.

– Monsieur Verdier m'avait prévenu de son absence aujourd'hui, se contenta-t-il de dire. Je suppose que tu n'étais pas au courant qu'il ne viendrait pas aujourd'hui ?

Je secouais la tête.

– Il m'a aussi expliqué ce qui s'était passé avant les vacances. De pourquoi j'avais le droit à une salle ambiance avec cette classe.

Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel, c'était plus fort que moi. Eden était proche de notre professeur depuis ce fameux jour où Blaise avait cru malin de l'afficher devant toute la classe. Mais je ne me doutais pas qu'il lui avait parlé de ça.

– Je sais que tu traverses une phase pas facile Louis, et j'insiste si tu ressens le...

– Ok. J'ai compris.

J'avais envie de me lever et de partir. Le portable du professeur vibra sur la table, et avant qu'il ne le prenne pour raccrocher, je crus voir la photo d'un homme d'environ son âge.

– Bon, je suis attendu visiblement mais... Je voulais m'assurer que tu aies compris.

– J'ai compris.

Je me levai et, avant de partir, lui fit un sourire timide.

– Merci monsieur.Il acquiesça et je refermai la porte de la salle.

Dans la minute qui suivit, mon professeur rappelait l'homme de tout à l'heure , qu'il appela chéri. Je venais de comprendre pourquoi tout ça lui tenait à cœur.

* * * 


                 J'avais promis autre chose à Maya et Adel, c'était de lui parler. À lui. La cause de tous mes maux actuels. Alors avant de rentrer chez moi, j'avais jugé utile de faire un tour par chez lui. Je dus prendre sur moi avant d'aller sonner. Je dus prendre sur moi pour ne pas faire demi-tour, et courir vers l'abribus pour me planquer. Je dus prendre sur moi pour ne pas m'effondrer quand il ouvrit la porte. Je l'avais évité pendant plus de deux semaines, je n'avais pas croisé une seule fois son regard. Je m'étais même interdit d'aller sur instagram pour voir sa tête. Il n'avait pas changé.

Enfin, si, un peu. Il n'avait pas coupé ses cheveux depuis longtemps, parce que ces derniers dépassaient sur ses oreilles, et qu'il ne laissait jamais passer ça. Ses yeux verts étaient toujours aussi magnifiques, bien que cernés. Il ne semblait pas avoir dormi si bien que ça ces derniers temps.

– Louis ?

Et sa voix... Sa voix me ramena immédiatement sur terre. Merde, j'étais en train de le contempler là ?

 – Salut.

Je vis bien qu'il avait envie de sourire, mais qu'il se retenait pour que cela ne soit pas mal interprété. Il ouvrit un peu plus la porte, me demandant si je voulais rentrer et je m'exécutais, sans un mot de plus. Il referma la porte, et passa une main dans ses cheveux châtains en bataille.

– Tes parents ne sont pas là ?

– Ils bossent.

– Ok.

– Louis...

Je m'avançais dans le couloir et m'installais dans la cuisine sans un mot. J'avais perdu toute mon audace, je ne savais plus par où commencer. À la place, je fixais le plan de travail devant moi, en me demandant si Eden allait prendre les devants.

– Louis...

– Tu comptes répéter mon prénom en boucle ?, terminais-je par cracher à moitié.

– Non. C'est juste... 

– Pourquoi tu n'étais pas là aujourd'hui ?

– Tu aurais voulu que je le sois ?

– Réponds à ma question plutôt.

– Je suis malade comme un chien.

– Ah.

Oui, je ne sus pas pourquoi, mais maintenant qu'il mettait le sujet sur le tapis, j'aurais aimé qu'il soit là, oui. Je dus prendre sur moi pour qu'enfin mes yeux se décrochent des siens. Oui bordel, au fond, j'avais voulu qu'il soit là. Qu'il me tienne la main, qu'il m'encourage, qu'il m'aide. Qu'il me chuchote des paroles apaisantes, qu'il me prenne dans ses bras...

– Je suis désolé, fini t-il par dire.

– Bien sûr.

– Je suis sérieux, Louis. Je suis désolé. J'ai merdé, et grave. Et je vais m'en vouloir longtemps, crois- moi. Mes propres parents m'ont fait une belle leçon de morale merde ! Et Adel... Adel était furieux. J'ai été un connard, je suis désolé et... je sais pas quoi faire pour que tu me pardonnes.

Quoi faire ? Moi aussi je n'en avais aucune idée. Je voulais juste que tout redevienne comme avant. Rentrer de nouveau dans mon placard, et vivre ma petite vie normalement. Non, mieux, je voulais ne jamais l'avoir rencontré.

                  Eden s'était approché pour tenter de prendre mes mains dans les siennes. Je me dégageais d'un coup sec, lui en voyant au passage un regard fâché. Mon geste ne lui échappa pas, évidemment, et il fronça les sourcils. Alors je me levai, et sortis de la cuisine en trombe. Je l'avais vu, je lui avais parlé, il s'était excusé, basta. Je ne voyais pas quoi dire, quoi faire de plus.

– Louis attend !

Il me rattrapa sans mal avant que j'atteigne la porte d'entrée. Il murmura quelque chose comme « s'il te plaît » avant de plaquer ses lèvres sur les miennes. Mon premier réflexe fut de vouloir le repousser violemment. Pourtant je fermai les yeux, répondis même à son baiser, le laissant passer une main dans mes cheveux, derrière ma nuque. C'était toujours aussi bon. Ses lèvres avaient toujours le même effet sur moi. Pourtant, il y avait quelque chose en moins. Quelque chose avait changé. Quand nos visages se décollèrent enfin, je plantais mon regard bleuté dans le sien.

– C'était la dernière fois.

– Qu'est-ce que...

– Toi et moi, c'est terminé, soufflais-je contre ses lèvres.

Je tournais les talons, claquant la porte derrière moi. Eden était resté là, sans rien dire, les yeux grands ouverts. Je venais de le blesser, et je le savais. Je m'en voulais. Un peu. Rien qu'un peu. Après tout, il m'avait blessé le premier. 


* * * 

Petit chapitre pour cette semaine, j'me rattrape la semaine prochaine, c'est prévu ;)

la bise !

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