26. CELUI QUI RETROUVE MAYA
Elle n'allait plus tarder. Bientôt, j'allais enfin revoir la petite frimousse qui m'avait tant manqué. Ce beau visage, encadré de cheveux blonds légèrement ondulés et ses yeux noisette que l'on n'oubliait pas facilement. Assis à la table de la cuisine, mon père me lança un nouveau regard inquiet. Soupçonnait-il quelque chose ? Ma plus grande hantise de ces derniers temps, avait été qu'ils – mes parents – soient au courant : pour moi, ce que j'étais, pour Éden, pour ce qui s'était passé au lycée lors de ma dernière semaine de cours... Je voulais les laisser en dehors de ça. Maya savait, parce que j'avais fini par lui répondre. Évidemment, elle m'avait fait jurer que nous en reparlerions quand elle serait de retour dans la région bordelaise. Je n'avais pas hâte de parler de tout ça avec elle. Y repensez-me faisait mal, j'avais de nouveau envié de vomir, et d'éclater en sanglots. Je ne me retrouvais plus dans ces moments-là, et j'en arrivais à me haïr pour de bon. Je haïssais le louis que j'étais devenu ces derniers jours. Au moment où je jetai de nouveau un regard à ma montre, la sonnette retentit dans toute la maison. Je me levai d'un bon pour me ruer sur la porte d'entrée.
Maya était la même. Elle avait sans doute pris un centimètre, laissé un peu pousser ses cheveux depuis le mois d'août, mais elle était la même. J'aimais la blondeur de ses cheveux, les ondulations qu'ils avaient aujourd'hui, et leur souplesse. Ses yeux me détaillèrent un court instant, et puis, elle se jeta dans mes bras. J'étouffai un rire de joie, le premier depuis des lustres, et elle me serra fort contre elle, comme deux amis qui ne se n'étaient ni vus ni parlé pendant plus de dix ans. Son odeur me revint instantanément, et je plongeai dans ses cheveux clairs pour m'y perdre quelques instants. Je sentais derrière moi le regard de mon père, un peu trop lourd, qui devait sans doute sourire jusqu'aux oreilles.
– Tu m'as atrocement manqué, Louis, me souffla-t-elle.
– Moi aussi, moi aussi...
Elle se détacha enfin de moi, et alla saluer mes parents, avec ce sourire pétillant qui lui était propre. Deux minutes plus tard, nous étions dans ma chambre – fermée à clef – avachis sur mon lit. Ce genre d'après-midi m'avait manqué. Être avec elle ici m'avait manqué. Maya m'avait manqué.
– Je veux tout savoir, me dit-elle.
– Tu veux vraiment que l'on se mette à déprimer tous les deux ici ?
– Écoute, j'ai bien conscience que tu gardes tout pour toi Louis... Ce n'est jamais bon de tout accumuler en soi.
Elle n'avait pas tort. Je lâchai un soupir, avant de me lancer. Je lui racontais tout. Même ce dont j'avais déjà pu faire allusion par le passé. Tous dans les moindres détails. Elle m'écouta sans m'interrompre, hochant de temps à autre la tête, et tapotant mon avant-bras quand elle sentait que dire certaines choses était trop compliqué pour moi. Quand j'eus terminé l'histoire de ces trois derniers mois, elle se gratta la gorge.
– Je m'en veux tellement de ne pas avoir été là....
– Maya...
– Non, mais c'est vrai quoi, Louis... Tu affrontes ça tout seul, et moi je ne peux rien faire, je me sens nulle !
– Tu es là aujourd'hui. C'est ce qui compte, crois- moi.
– Comment tu vas gérer la suite ?
Je haussai des épaules. La suite ? Quelle suite ? Celle où mes camarades allaient continuer de me lancer des regards lourd de sous-entendus ? Celle où j'allais croiser Eden tous les jours ou presque jusqu'en juin prochain ? Je n'en avais aucune idée.
– Au téléphone, ta mère m'a dit que tu passais tes journées dans ta chambre. Elle me dit que c'est pour travailler, que tu es très angoissé pour tes futurs examens mais je sais que c'est faux. Rester cloîtré chez toi ne t'aidera pas Louis...
– Tu veux que je fasse quoi Maya ? Je n'ai pas envie de sortir. Eden m'envoie des messages tous les jours pour savoir comment je vais. Inès refuse de me parler, et c'est con, c'est la seule amie que j'avais réussie à vraiment me faire cette année, et qui semblait un peu s'intéresser par moi.
– Parce que tu la faisais baver. Laisse tomber pour Inès, répondit Maya sèchement. Les messages de Eden, tu les as lus ?
Je baissai les yeux, l'air coupable. J'avais craqué, oui. Je les avais tout lus, plusieurs fois même. J'avais senti mon ventre se tordre à chacun de ses messages.
– Je vois...
– Non, tu ne vois pas, murmurais-je.
– C'est ta première grosse peine de cœur Louis, et euh... elle n'est clairement pas facile.
– Tu peux le dire.
– Je ne veux pas avoir l'air de prendre sa défense, mais de mon point de vue, il n'a pas l'air d'avoir faits ça pour être méchant, ok ?
Je lâchai un rire jaune.
– Non, il a juste fait ça pour ne plus se planquer, parce que ça le gonflait d'attendre.
– Et tu n'arrives pas à comprendre ça ?
Je me redressai sur mon lit.
– Si, si ! Mais... putain. Il savait que je ne voulais pas. Il le savait ! C'est juste un connard égoïste qui...
– Ne te force pas à être comme ça, me coupa Maya.
– Je ne me force pas à l'insulter, ça me vient naturellement figure toi, répliquais-je, agacé.
– Ok....
– Et je fais quoi si mes parents l'apprennent, hein ?
– Ils finiront bien par le savoir Louis... Tu n'avais pas l'intention de te planquer toute ta vie de toute façon, hein ?
– Oui mais...
– Dis leur toi-même. Avant qu'ils ne l'apprennent de la bouche de quelqu'un d'autre. Pas besoin d'avoir vécu cette situation pour deviner que ce n'est pas super qu'un voisin ou un connard de ta classe leur lâche cette bombe en plein visage.
Je fermai les yeux. Ces derniers jours j'avais beaucoup imaginé le moment où je pourrais tout leur dire. Mais à chaque fois, quelque chose me bloquait. Est-ce que mes parents pourraient accepter ça ? Tolérer ça chez les autres, et le refuser chez soi, c'était un grand classique.
– Ils vont peut-être me détester...
– Ne dit pas n'importe quoi ! Tu as des parents super.
– Oui mais là...
– Si tu veux Louis, je peux être là quand tu leur diras.
Je secouai la tête : étrangement, je voulais être seul avec eux. Je voulais connaître leurs réactions, sans qu'elles ne soient influencées par Maya, ou même Sacha.
– Très bien. Mais sache que je suis là encore une semaine, si jamais...
Je pris de nouveau Maya dans mes bras et cette fois-ci, je ne lâchai plus.
* * *
Maya était restée deux jours entiers chez moi. Nous avions vite repris nos vieilles habitudes, et ma mère était ravie de me voir à nouveau sourire et participer à la vie de famille. Elle ne posa plus de question sur mon état pendant ces deux jours. Maya avait de la famille à voir un peu plus dans le sud de la France. Elle profita de ses deux derniers jours dans la région bordelaise pour aller visiter d'anciennes amies du lycée et du collège, et puis vint le temps des au revoir. Elle revenait en février, elle me l'avait promis. Et je lui fis une autre promesse en retour : je dirais tout à mes parents dans la semaine.
Mais avant ça, j'avais un autre souci à régler. Il ne commençait par un « a » et se finissait par un « l ». Si Eden n'avait pas arrêté de me bombarder de messages, j'avais tout de même reçu quelques mots de la part de son ex petit ami. Que pour le coup, je n'avais même pas pris la peine d'ouvrir. Que lui voulait-il au juste ? Il avait forcément appris ce qui s'était passé entre lui et Éden, ce dernier ayant du tout lui raconter. Venait-il prendre la défense du garçon qui l'avait balancé devant tout le lycée ? Après deux semaines à l'ignorer royalement, je pris enfin le temps de les lire un par un.
« J'ai appris ce qu'il a fais, si tu veux parler, je suis là. »
« Je comprends que tu ignores mes messages, sache que je viens pas pour prendre sa défense ou quoi que ce soit, je veux juste m'assurer que tu ailles bien. »
« Toujours pas de nouvelles, mais j'ai cru comprendre que tu étais toujours en vie. Je sais que nous ne sommes pas les plus grands amis du monde, mais si tu veux, je suis là :) »
« Tu vas finir par croire que je te harcèle, mais est-ce que tu pourrais au moins me dire que tu lis mes messages et que je ne parle pas à un autre Louis ? Je me sens con. »
Ce message me fit sourire, et je continuai ma lecture.
« Toujours pas ? Tu sais, couper les ponts avec tout le monde n'est pas la meilleure chose à faire. Tu en as parlé à quelqu'un ? Ta meilleure amie peut-être ? Il le faut, ça te soulagera. »
Pour qui se prenait-il, mon psy ?
« Bouh ! Encore moi, je reviens à la charge, il faut croire que réviser pour mes partiels en janvier ça me fais grave chier. Eden me dit qu'il n'a aucune nouvelle de toi, et s'inquiète. Tu pourrais lui donner un signe de vie . Après, c'est chez moi qu'il vient pleurer. Pitié, pour un pauvre homme qui n'a rien demandé à personne, Jpp. »
« Est-ce que ça te dit que l'on se voit ? Si tu vois ce message un jour bien sûr. Si jamais, je suis dispo tout le temps, j'ai pas l'argent pour aller faire du ski en décembre. »
Ce message était le dernier. J'esquissai un sourire. Finalement, c'était bien moins pire de ce à quoi je m'attendais. Je soupirai avant de tapoter un message rapidement.
« Dis à Eden que je suis toujours en vie. Si tu veux, je suis dispo ce soir. »
J'étais curieux de voir ce qu'il avait à me dire. Pour de vrai. La réponse ne tarda pas à arriver. Visiblement, Adel était comme moi : suspendu à son téléphone à longueur de journée ces derniers temps.
« IL EST VIVANT WESH ! Je passe le mot, et jviens de chercher à 18 h. »
« Tu passes me chercher ? »
« Ouais, avec mon jet privé et je t'emmène sur une île privé pour te changer les idées. »
« Sérieusement... »
« En voiture, idiot, il pleut comme vache qui pisse ce soir. »
« Et on va faire quoi ? »
« Jsp. On verra. Lol. »
Je levai les yeux au ciel. Pour deux choses : je n'aimais pas les surprises, et le language SMS et moi... Disons que j'avais tendance à l'associer aux kikoos que je n'aimais pas au collège. Alors forcément... En tout cas, Adel devait se sentir drôlement plus détendu avec moi pour parler comme ça. C'était comme s'il avait pris des pincettes jusque-là. Mais maintenant que je déprimais seul dans mon coin, il fallait croire que les choses avaient changé.
* * *
– Un garçon t'attend devant le portail, lança mon père à l'autre bout de la maison.
Je sursautai sur mon lit et ouvris de grands yeux. J'étais tellement crevé ces derniers jours que je m'étais assoupis. Adel ! Je me passai de l'eau en vitesse sur le visage, priant pour que mon air bouffi disparaisse rapidement, et attrapait mon manteau avant de descendre les marches quatre à quatre.
– C'est un ami !
Mon père leva un sourcil.
– Je sors ce soir, m'attendez pas pour manger !
– Euh, mon chéri..., commença ma mère.
– Très bien, parfait, amuses-toi bien ! lança mon père, coupant ma mère dans son élan.
Il devait être bien trop ravi de me voir sortir après des jours à déprimer seul dans ma piaule. Adel m'attendait au volant de sa voiture grise sans âme. Il pianotait sur son téléphone, et je vis rapidement qu'il était occupé à gravir les niveaux à un jeu de gestion en ligne. Je toquai doucement à sa vitre qu'il baissa.
– Je vous dépose quelque part jeune homme ?
Je levai les yeux au ciel et ouvris la portière avant de m'installer à côté de lui.
– Tu as l'air moins déprimé que ce qui j'imaginais. Enfin, je ne dirais rien pour tes cernes et ta trace d'oreiller mais....
– Ne commence pas, soufflais-je. Où va-t-on ?
– Regarder les étoiles dans un endroit calme, fit-il en mettant le contact. Go faire un pique-nique romantique, j'ai à bouffer et les capotes.
Je manquai de m'étouffer avec ma propre salive.
– Rooh, détend toi ! C'est une blague. De l'humour. Tu connais ?
– Ta gueule.
Il rigola avant de prendre à droite au bout de ma rue. Les yeux rivés sur le paysage urbain qui défilait sous mes yeux, je ne disais mot. Je sentais mes joues rouge écrevisse repasser lentement à leur couleur originelle. Je n'avais aucune idée de l'endroit où nous allions, mais j'avais décidé de me laisser la surprise. Adel ne semblait pas prêt à me dire quoi que ce soit de toute façon. Au bout d'une dizaine de minutes de route il se gara devant ce qui ressemblait un vieil entrepôt abandonné.
– T'es pas super bavard hein... Tu aimes l'art ?
– Ça peut aller.
– Ça peut aller ? Genre tu aimes quoi ?
– J'ai du mal avec l'art contemporain...
Adel sembla réfléchir quelques instants.
– Ça devrait aller. Aller, tu descends ?
Je le suivis, longeai l'entrepôt, les mains dans les poches. Je n'avais aucune idée de l'endroit où nous étions, ni ce qu'il m'apprêtait à me faire voir. Il poussa une porte et aussitôt, je me sentis mieux. L'ambiance à l'intérieur était nettement différente de celle à laquelle je m'attendais.
– C'est un artiste vraiment sympa. Il revient de Corée du sud, d'où il est originaire, et ses œuvres respirent l'Asie. C'est magnifique, m'informa Adel.
– Oh.
Je ne voyais pas quoi répondre de plus.
– Mon père est coréen, rajouta-t-il. Il l'adore.
– Vraiment ?
C'était donc ça. Je m'étais posé la question la première fois que je l'avais vu, quand j'avais capté qu'il était clairement eurasien.
– Il ne pouvait pas être là ce soir, mais il m'a dit que l'exposition valait le coup.
Je le suivis alors, me frayant un passage dans la petite foule qui était venue admirer les œuvres exposées. Et je me surpris à aimer ça. Je me surpris à aimer une soirée en compagnie d'Adel.
Il ne revint pas une seule fois sur ce qui s'était passé avec Eden. Pas une seule allusion. Pas un seul regard de pitié. Rien sur mon coming out complètement foireux. Il avait tenu parole : ce soir-là, il avait juste voulu me changer les idées. Et ce soir-là, je m'accordais à donner raison à Eden : Adel était un mec bien.
* * *
hey hey ! poster sur ECLIPSE m'avait manqué ;_;
clairement, mon but c'est de vous faire aimer Adel, parce que je ne sais pas si je l'avais déjà dis ici, mais c'est mon chouchou ♥ curieux choix, mais que voulez-vous, c'est pas des choses qu'on décide quand on écrit une histoire xD
chapitre un peu plus "calme" cette fois-ci, j'espère qu'il vous a plu tout de même ♥ merci à ma bêta lectrice, toujours présente malgré mon rythme de parution pas du tout régulier =°
à bientôt :3
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