21. CELUI QUI TOURNAIT UN JT

« Je ne sais pas ce qui me retient de prendre un billet de train, et d'aller lui casser la figure. »

« Maya... J'ai mis les choses au clair, elle sait qu'elle ne peut rien attendre de moi. »

« Mais quand même ! Vous êtes déjà sortis ensemble une fois, ça ne lui a pas suffi ? »

« Je ne sais pas comment je dois le prendre... xD »

« Qu'est-ce que ça me fait chier d'être loin de tous ces trucs... Moi ma vie au lycée est super calme. »

« On échange ? »

« Tss... »

« Je dois y aller, bisous Louis, tiens moi au jus ! »

Comme je l'avais prédit, Maya s'était emportée à la seconde où je lui avais annoncé qu'Inès voulait (encore) sortir avec moi. D'ailleurs, je ne m'étais toujours pas fait à l'idée ma seule ex revienne vers moi. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi, hein ? Pourquoi ? Ce n'était pas comme si j'étais le mec le plus populaire, sympa et beau du lycée. Ou même l'un des trois. Alors pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'avais de spécial à ses yeux ? 

Par ailleurs, Maya n'avait même pas bronché quand je lui avais dit pour le JT télé de Adel. Rien, aucune réaction agacée, excité ou je ne savais quoi. C'était là le cœur du problème, pas Inès ! Inès était devenue le cadet de mes soucis juste après ce coup de fil de Adel à son ex. Maya m'avait juste lâché un « oh cool, tu me diras tout ! » et avait embrayé sur le sujet Inès. Décevant. Je jetai un rapide coup d'œil à ma montre. Dans deux heures, j'avais rendez-vous à la fac pour ce projet maudit. Eden et moi y allions séparément, la faute à mon emploi du temps, et ce maudit rendez-vous chez le dentiste qui s'éternisait. D'ailleurs, ne pouvait-il pas bouger ses fesses et venir me chercher en salle d'attente ? J'en étais là, à maudire mon dentiste trop long, quand je reçus un texto de Eden.

« Je suis arrivé à la fac plus tôt que prévu. On se rejoint devant les bâtiments A quand tu y seras ;) Je vais boire un café en attendant ! »

Argh. Il y était deux heures en avance. Deux heures de trop où Adel pouvait... Je ne sais pas trop quoi faire d'ailleurs, mais ça ne me plaisait pas. La porte de la salle d'attente s'ouvrit enfin, je verrouillai mon portable et le dentiste me fit signe de le suivre.

Pour une fois, mon rendez-vous fut rapide. Il m'annonça la bonne nouvelle que mes dents étaient toujours parfaites, qu'une opération des dents de sagesse ne serait pas vitale pour moi, et je déguerpissais rapidement. Je sautai dans mon bus, priant pour que la circulation soit bonne à cette heure. Et elle l'était, heureusement pour moi.

Je n'avais jamais mis les pieds à la fac. Je m'attendais à quelque chose de... grand, certes, mais d'un peu plus... d'un peu moins... miteux ? Il fallait dire que les bâtiments, tristes, gris, avec une peinture qui devait sacrément dater, ne vendaient pas du rêve. Et dire que j'avais émis l'hypothèse d'étudier ici l'an prochain. Mon Dieu. Heureusement pour moi, le bus me déposa non loin du bâtiment A en question. Je n'eus qu'à traverser une sorte de préau, stylisé par de nombreux tags, sans doute réalisés par les étudiants en arts de la fac. Et ils étaient là, sur les marches, assis, en train de discuter. 

Je remarquai assez rapidement Eden, qui portait la veste verte que nous avions achetés ensemble, Adel, en face de lui et visiblement en pleine discussion avec ce dernier, la nana froide comme un glaçon de l'autre jour, et deux autres personnes que je ne connaissais pas. Ce fut madame glaçon qui me vit en premier. Je ne sus pas trop si sa bouche se tordit en un sourire mal aimable, un rictus, ou une moue, mais en tout cas, elle n'eut pas l'air ravie de me voir. Je me sentais déjà rougir jusqu'aux oreilles et puis, soudain, je remarquai que je ne bougeais plus, me contentant seulement de les fixer : mes jambes étaient comme clouées au sol. Bordel Louis, c'est clairement pas le moment d'être timide. Tu as voulu être ici. Ne fais pas de crise maintenant. Mais les deux inconnus avaient levé leurs yeux vers moi, suivi aussitôt d'Eden et Adel, coupés dans leur discussion. Bouge, aller. Impossible.

Et Eden capta ma détresse. Je ne sus pas comment, mais il la capta. Il se leva, s'avança vers moi en souriant et me posa une main sur l'épaule pour me faire avancer.

– Ça va aller.

– Je ne suis pas à l'aise, murmurais-je.

– Je sais. Allez, je vais te présenter.

J'arrivai à leur hauteur, et me mangeai quatre regards un peu interrogateurs, voire un agacé en ce qui concernait madame glaçon.

– Je vous présente Louis, qui est au lycée avec moi. Louis, voici Timéo, Franc, Adel et Louise que tu connais déjà.

Heureusement pour moi, ledit Timéo fut le premier à venir me serrer la main, aussitôt imité par son camarade Franc. Adel me salua d'un geste de la tête et Louise l'imita.

– Maintenant que tout le monde est là, trancha-t-elle, on peut commencer ? Tu as ton matos Tim ?

– Ouais.

Je suivis le petit groupe dans un dédale de couloirs tristounets, et entrai dans une salle de classe vide, tout aussi triste. Je ne me voyais pas du tout faire des cours ici. Encore moins pendant toute une licence. Je les regardais se mettre en place et Adel me prit à part quelques secondes, alors qu'Eden était en pleine discussion avec ses camarades.

– Pourquoi tu es ici ?

– Il y a des chances pour que je vienne dans cette fac l'an prochain. C'était l'occasion de visiter, lâchais-je sans réfléchir.

Bon, ce n'était pas totalement faux.

– Mmh, ok.

Il n'avait pas l'air convaincu du tout. Et moi, je n'aimais pas le regard qu'il me lançait. Je posai mes fesses sur une chaise en les regardant se mettre en place. Pendant leurs diverses prises, je ne ratais rien, pas un détail. Après tout, regarder les gens, les analyser, c'était ce que je faisais de mieux. Franc avait l'air anxieux, et s'appliquait à articuler chacun de ses mots, sans doute pour ne pas se manger une remarque de madame glaçon, qui suivait chaque mouvement de ses camarades avec assiduité. Derrière la caméra, Timéo était ultra concentré. De temps en temps, il donnait des indications discrètes à ses camarades. Eden était dans son élément. Je l'avais déjà entendu parler anglais en cours, mais là, c'était autre chose. Et Adel...

– Concentres-toi Adel !

– Je suis concentré, râla-t-il.

– Non, tu l'es pas, répondit Louise. 

Il la fusilla du regard et bon sang, je n'aurais pas aimé être à sa place. À ses côtés Eden lui lança un drôle de regard et Adel sembla se calmer aussitôt. Ce que je faillis manquer, ce fut sa main posée sur son avant-bras. Et puis tout à coup, je n'ai eu aucun mal à les imaginer tous les deux. Ensemble. Ça me tuait de penser ça, mais ils formaient un vrai duo. Pas besoin de se parler, un geste suffisait pour calmer l'un, se faire comprendre de l'autre. J'imaginais parfaitement quel genre de couple ils avaient été. Adel le bougon et Eden le mec souriant. Ils se complétaient à merveille et moi, j'étais vert de jalousie sur ma chaise. J'en étais là, à me demander ce que Eden pouvait bien me trouver, quand ils relancèrent la prise et que mon portable vibra. Timéo me lança un regard l'air de dire « ne fait pas de bruit » et je déverrouillai mon portable en silence. C'était Maya.

« Alors ce tournage ? »

« Nul. »

« Tu y es toujours ? »

« Oui. »

« Ok Louis, vas-y, crache ton sel. »

« Je vais tuer Adel. »

« Bon sang. Encore lui ? Il a fait quoi cette fois-ci ? »

Je ne répondis pas tout de suite. Après tout, qu'avait-il vraiment fait ? Rien. Pas grand-chose. Il était juste là. Point barre. À ce moment-là, je me sentis ridicule de le jalouser de la sorte. 

« Rien, oubli. »

« Louis... »

« Je te jure, il n'y a rien. »

« Bon, très bien. »

Notre échange s'arrêta là. Un peu sèchement. Mais j'étais juste jaloux, c'était ça le souci. Au fond, Adel ne m'avait rien fait. Pas encore. J'ai reporté mon attention sur la dernière prise qu'il faisait, et Karl donna le clap de fin, visiblement fier de ce qu'il venait d'enregistrer.

– Vous voulez manger avec nous ce midi ? demanda ce dernier.

– Nos cours commencent dans une heure, ça risque d'être un peu court, répondit Eden. Mais merci !

Pour une fois, j'étais ravi d'aller en cours de philosophie. Vraiment. Parce que je sentais que j'aurais passé le pire de mes repas entouré de ces gens. 


           Dans le bus du retour, je ne prononçais presque pas un mot. De temps en temps, je sentais Eden qui me jetait des regards inquiets, comme s'il craignait que je me mette à fondre en larmes sans raison. Puisque nous étions dans un lieu public, et que nous n'étions pas seuls, je sentais bien qu'il hésitait à prendre ma main.

– Est-ce que ça va ?

– Ouais. Vous vous êtes bien débrouillé. T'as un accent de fou, tu le sais ça ?

– Merci, rigola-t-il. Quand on a une mère qui vous a toujours fait regarder des films et dessins animés en version originale, ça aide.

– Carrément....

La mère de Eden était prévoyante. Et elle n'avait pas eut tort, son gosse était devenu quasiment bilingue. Je levai les yeux vers l'affichage du bus. Plus que trois arrêts. C'était peut-être le bon moment pour lui poser la question qui me brûlait les lèvres depuis que nous avions quitté la fac.

– Dis, Eden... Qu'est-ce que tu aimais chez Adel ?

Il ne me répondit pas immédiatement. Il me regarda d'abord l'air un peu étonné avant d'esquisser un sourire, et soupira.

– Honnêtement ?

Je lui fis signe de poursuivre. Oui, je veux que tu sois honnête, Eden.

– Un tas de trucs. Je comprends que lui et toi n'ayez pas accroché. C'est de ma faute. Mais vous vous seriez connu dans un autre contexte, vous vous seriez sans doute apprécié. C'est un mec génial. Je n'oublierai jamais qu'il a été mon premier soutien au lycée quand ça n'allait pas.

Il se tourna vers moi, les yeux légèrement perdu dans le vide.

– C'est sans doute pour ça que l'on est toujours amis.

– Parce que tu te sens redevable ?

– Tu n'y es pas, Louis. Non, je ne me sens pas redevable. Mais on a vécu un paquet de truc cool, et il reste un très bon ami.

Je haussai les épaules, à moitié convaincu. Eden le vit et s'appuya légèrement contre moi.

– Hé, ça veut pas dire que je vais retomber dans ses bras, hein ?

– J'espère bien, ronchonnais-je.

Il rigola contre moi et me déposa un baiser furtif sur la joue. En face de nous, une vieille femme haussa les sourcils et se replongea dans la lecture d'Orgueil et préjugés qu'elle avait entre les mains.

* * *

                     Le mois de décembre commença avec une tempête telle que le lycée fut fermé, ainsi que toutes les écoles de notre commune. Mes parents, eux, étaient super inquiets. Ils étaient partis tous deux pour la semaine, rendre visite à de vieux amis dans le nord de la France, et nous savoir tous les deux (Sacha et moi) seuls à la maison avec de telles conditions climatiques... Je dus passer une bonne heure au téléphone avec ma mère pour la rassurer. Oui, nous avions toujours un toit sur la tête. Oui, le courant était toujours là. Et non, nous n'allions pas nous aventurer dehors par ce temps terrible. Sacha, elle, était aux anges, elle avait Netflix pour elle toute seule, et pour toute la journée. Elle n'avait pas traîné après l'annonce de la bonne nouvelle pour se caler dans le salon, sous un plaid épais, un bol de céréales dans les mains. Elle lança ses épisodes, et je la connaissais assez bien pour savoir que je la retrouverais au même endroit ce soir. Maya m'envoya elle aussi un message pour me dire qu'ils étaient sous la neige, mais que son lycée était encore ouvert. Un lycée de brave. Ce n'était pas ici que ça allait arriver. 

Et puis, vers midi, alors que je m'empiffrais de chips (nourriture interdite en présence de ma mère) avec Sacha devant une série à laquelle je ne pigeais rien, mon portable sonna. Le nom de EDEN s'affichait sur mon écran alors évidemment, je fis un bond du canapé avant de décrocher, planqué dans la cuisine.

– Salut toi !

– Eden, ça va ?

– Ouais. Dis-moi, j'ai un service à te demander.

– Je t'écoute ?

– Tu te souviens que moi et Inès participons à élaborer cette sublime soirée au sein du lycée ?

– Ouais...

– J'aurais besoin de ton aide.

– Certainement pas non !

– Louis, écoute, j'ai juste besoin de t'emprunter une imprimante, si tu en as une.

– Ah, oui, j'en ai une.

– Génial, est-ce que je peux venir ? Parce que je devais imprimer les cartons pour les profs. Et qu'Inès me tanne pour que je lui porte demain matin sans faute.

– Ramène tes fesses, mon imprimante est la tienne.

– Bordel, mec, tu me sauves. Merci. J'arrive d'ici un quart d'heure !

Je rejoignis ma sœur et me plantai devant le poste télé. Elle ronchonna et leva les yeux vers moi.

– Bouge ton cul Louis ! J'vois rien !

– On a de la visite.

– Merde, papa et maman sont déjà sur le retour ? Planque les chips ! Ne leur dit pas que j'ai passé plus de quatre heures devant mes séries au lieu de bosser ! Ne...

– C'est Eden, la coupais-je.

– Ah. Ah ! Bon bah ça va. 

Elle tordit le cou pour regarder l'écran derrière moi.

– Aller, pousses-toi, si c'est tout ce que tu avais à me dire...

– Tu seras sage ?

– Bordel Louis, j'ai quinze ans, pas trois ! Je crois pouvoir me comporter correctement il sera là, je l'ai déjà vu en plus ! Maintenant... Raaah ! J'ai raté un moment que j'attendais !

Je tournai les talons, grimpai en quatrième vitesse à l'étage pour checker ma chambre. En bas, Sacha râlait en tentant de revenir en arrière sur une scène apparemment cruciale. Bon sang. Ma chambre n'était pas du tout rangée. Enfin, en comparaison avec celle de Eden. Bon, j'allais partir du principe qu'il ne ferait qu'un aller-retour, sans s'attarder dans cette pièce. J'eus à peine le temps de me brosser les dents, puis les cheveux qu'il sonna. Dehors le temps ne s'était pas calmé, et je me demandais comment il avait fait le déplacement. 

J'ouvris la porte pour accueillir un Eden les cheveux en pétard (spectacle rare que je savourais), une écharpe qui se faisait la malle, les yeux tout rouges, sans doute à cause du vent, et trempé, de surcroît.

– Mauvaise idée de venir en vélo. Mais mon bus ne venait pas, me dit-il pour justifier son allure.

J'eus envie de rire et le laissai entrer pour se mettre à l'abri. Depuis son canapé, Sacha se retourna pour lui faire un signe de la main et le salua.

– Salut ! Pouah, tu es trempé !

– Viens, pose tes affaires, je vais te chercher une serviette.

– Merci, répondit-il en souriant.

Depuis la salle de bain je l'entendis s'exclamer devant la série de ma frangine, sans doute était-il fan aussi. C'était toujours bon à savoir. Je lui ramenai la serviette et accrochais son manteau dans l'entrée avant de lui faire signe de me suivre. L'imprimante de mon père devrait faire l'affaire pour ses petites affaires.

– Merci, tu me sauves vraiment...

Je le regardais imprimer de belles invitations. Ils avaient faits ça bien pour notre corps enseignant. Moi, je savais que je ne me serais jamais donné toute cette peine. Mais Inès était minutieuse, et Eden aussi. Ils s'étaient bien trouvés.

– Tu aurais une grande enveloppe pour les mettre ?

– Je dois avoir ça dans ma chambre.

Et merde. Il me suivit et avant qu'il ne dise quoique se soit, je levai un doigt en l'air pour le prévenir.

– Je sais, c'est le chaos ici.

– J'ai encore rien dit, pouffa-t-il. J'ai déjà vu pire, crois- moi.

Je me mis à farfouiller sur mon bureau pour trouver ce dont il avait besoin et lui ai tendu l'enveloppe.

– Je te fais un truc chaud ?

– Un thé, si tu as.

– J'ai, je reviens !

Sacha regarda mes allers-retours d'un œil curieux et esquissa un sourire qu'elle crut que je ne vis pas.

– Quoi ?

– Rien rien.

– Sacha, accouche.

– Soyez sage, chantonna-t-elle en me voyant remonter les escaliers.

– Pfft, tu es bête.

Je n'avais pas d'autre répartie sous la main. Est-ce qu'elle savait ? Non, sans doute pas. Elle devait dire ça pour m'embêter. Je refermai ma porte de chambre avec soin, portant le plateau avec le thé d'une seule main.

– Quel temps de merde, hein ?

– Ça, je te le fais pas dire...

– Merci pour le thé, me dit-il en le prenant.

– Cannelle.

– Parfait.

Je profitais de ce qu'il avale quelques gorgées pour regarder plus en détail les invitations qu'il avait imprimées. Je pouvais reconnaître son côté sobre dans la mise en page, et celui plus fantaisiste d'Inès dans le choix des polices et des couleurs. Il reposa sa tasse sur ma table de chevet, prenant bien garde à mettre quelque chose dessous et me regarda.

– Tu en penses quoi ?

– C'est très mimi.

– Mimi...

– Oui, bon, c'est sympa quoi ! Ça va le faire.

– Tu sais ce qui est mimi ? me demanda-t-il en se penchant légèrement vers moi.

– Je sens que je ne vais pas tarder à le savoir, marmonnais-je.

Toi. Quand tu te met à bafouiller comme ça....

Il se pencha un peu plus, jusqu'à que mon nez frôle le sien et ferma les yeux. Je n'avais qu'une envie en le sentant si près de moi, son souffle contre mon visage, c'était de l'embrasser. Ce que je fis. Mon baiser fut doux, et il me le rendit aussitôt. Je glissai une main derrière sa nuque, une autre sur son genou. Il me laissa le renverser sur mon matelas, riant contre mes lèvres. On se regarda de longues secondes, les yeux dans les yeux, dans cette position assez inconfortable mais que ni lui, ni moi, ne voulais changer. Mes lèvres se plaquèrent à nouveau sur les siennes, un peu plus brutalement cette fois-ci, mais cela ne parut pas le déranger. Je sentis ses doigts froids se glisser sous mon tee shirt, et comme l'autre jour dans les vestiaires, mon corps s'embrasa. Je quittai ses lèvres pour l'embrasser dans le cou. S'il avait été nu, j'aurais couvert son corps de millier de baisers, je le savais. Eden se redressa, roula pour prendre l'avantage et attrapa mes poignets, les yeux rieurs.

– On est d'humeur joueuse, Verbeeck ?

Son ton, l'emploi de mon nom de famille, son air espiègle... tout me fit rire. Et tout me donna envie de poursuivre.

– Câline plutôt, j'ai répondu.

Il passa une main dans mes cheveux. Et puis elle continua sa course le long de ma joue gauche, puis de mon cou, mon torse avant de s'arrêter juste sous mon nombril.

– Eden, ma sœur est en bas... murmurais-je.

– Ah, oui... Il va falloir que tu sois discret alors.

Je piquai le fard du siècle quand il m'embrassa de nouveau, son corps collé contre le mien, sa main bataillant avec la fermeture éclair de mon jean. Il avait beau encore avoir les cheveux humides et porter sur lui cette drôle d'odeur qu'avait la pluie, je m'en fichais éperdument. Soudain, à ce moment-là, mon ouïe excellente entra en action et je perçus des bruits de pas dans l'escalier.

– Merde, putain !

J'avais peut-être juré un peu trop fort, puisque visiblement, Sacha nous avait entendus. En moins de dix secondes Eden se retrouva au bout de mon lit, sa tasse de thé dans la main comme si de rien était, et moi, assis à l'autre bout, un gros oreiller dans les bras pour étouffer toute mon excitation. La porte s'ouvrit, Sacha nous regarda quelques instants avec un drôle d'air sur le visage (que je n'aimais pas du tout) et son sourire s'agrandit.

– J'me suis inquiété, je n'entendais plus un bruit. Vous parliez, et puis, d'un coup...

– Personne n'est mort. C'est bon ? Tu peux partir ?

– Rooh, ça va, je te laisse câliner ton oreiller en paix...

Mes joues rougirent de plus belle et Eden éclata de rire, manquant de renverser sa boisson désormais tiède sur mon lit. Les yeux de ma frangine s'attardèrent sur les cartons, en vrac sur mon lit.

– Je suppose que les secondes n'auront toujours pas le droit de se joindre à vous ?

– Nan. Dégage, sifflais-je.

– Pfft....

Elle referma la porte et repartit dans le salon en sifflotant. Eden rassembla les cartons, sans s'arrêter de rire et je lui lançai un regard de travers.

– Je ne sais pas ce qui est le plus drôle, me glissa-t-il. Te voir soit disant en colère comme ça, ou en train de bafouiller comme tout à l'heure...

– Elle aurait pu nous voir en train de...

Eden releva les yeux vers moi, terminant de fermer son enveloppe.

– Faire des trucs.

– Mais ça n'est pas arrivé. Au moins maintenant, je sais ce qu'il me reste à faire.

– Quoi donc ?

– T'inviter un jour où je serais seul chez moi pour enfin avoir la paix.

Merde. Il voulait qu'on passe à l'étape suivante ? Parce que clairement : je n'étais pas prêt. Pas du tout même. J'en avais envie, oui, sans doute, mais je n'étais pas prêt du tout. Je lui fis un grand sourire, qu'il me rendit. Inconsciemment je savais que je venais de lui donner le feu vert. Pour quelque chose que je ne voulais pas encore. 


* * *

Toujours un grand merci à @SkylarBluewen pour lire et me donner son avis sur mes chapitres avant leur parution :3 

&& Merci à veux qui lisent cette histoire <3

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