15. CELUI QUI AVAIT UN SECRET
Est-ce que Eden et moi étions ensemble ? Je suppose. Est-ce que tout cela était secret ? Totalement. Est-ce que je comptais le dire à mes parents, ou encore ma petite sœur ? Certainement pas.
– Louis ! Hé oh, Louis !
Je me souvins alors que j'étais en plein entraînement de volley et que cela devait faire dix secondes que je me retrouvais à être statique sur le bord de mon terrain. Mon capitaine d'équipe me fit signe de venir vers lui, blasé. J'adorais ce gars, parce que depuis le début, il avait été le premier à me soutenir, à m'aider pour progresser. Au final, il était celui avec le qui je m'entendais le mieux dans l'équipe. Je me suis rapproché de lui, un ballon sous le coude.
– Désolé, j'étais ailleurs...
– Je vois ça, s'esclaffa-t-il. Notre prochain match est dans deux semaines. Et ça serait pas mal de continuer à gagner !
Il me donna une tape dans le dos. Il était normal de le voir s'inquiéter pour la suite de la saison : il était capitaine depuis deux ans, et avait à cœur d'amener notre équipe le plus loin possible.
– Du coup, chaud pour l'entraînement demain soir aussi ?
– Sans soucis ouais !
– Super ! Je vais voir avec notre super coach si on peut réserver la salle, je te tiens au jus par texto !
– D'accord. J'vais ranger les filets.
Derrière nous, assis sur les bancs, Eden lisait un livre de philo – que je trouvais barbant mais bon, c'était pour les cours – et releva la tête pour m'adresser un signe de la main. Je lui fis signe que j'arrivais dans dix minutes et il me lança un clin d'œil avant de repartir dans sa lecture (qui avait l'air de le captiver, au passage).
– Il a l'air super sympa ton pote, me glissa l'un de mes coéquipiers en pliant le filet.
Je haussai les épaules en souriant, ne sachant pas trop quoi répondre.
– Moi j'aimerai bien que mon meilleur ami vienne assister à quelques entraînements, mais ça, je peux rêver ! Au moins tu'as un supporter !
– Il adore le volley.
Je n'en savais rien, mais si ça pouvait permettre de justifier sa présence ici... Quoique, dans l'absolu, je n'avais pas besoin de la justifier mais... C'était par habitude.
Je me changeais en quatrième vitesse dans les vestiaires, et filai rejoindre Eden qui m'attendait devant le gymnase.
– Tu t'es pas trop ennuyé ?
– Jamais !
Nous marchâmes quelques minutes vers notre arrêt de bus, dans le brouillard. C'était quelque chose que je n'aimais pas avec l'automne : le brouillard, et la nuit commençait à tomber plus tôt. Nous n'étions que début novembre, mais j'avais déjà l'impression que l'hiver était là. Et pourtant, deux semaines plus tôt, nous traînions encore en sweat-shirt dans les rues. Foutu dérèglement climatique.
– On va chez moi ?
Sa question me prit légèrement au dépourvu, mais je m'epressai de répondre que j'étais partant. À bien y réfléchir, je m'amuserai plus chez lui que chez moi, à réviser une matière dont je n'avais strictement rien à faire. Et à répondre aux questions incessantes de ma mère sur mon orientation scolaire, mes futurs vœux post-bac, et tout ce qui allait avec. Nous n'étions qu'en novembre quoi !
– Au fait, ça te dit de venir à notre prochain match ? Il ne sera pas très loin...
– Avec plaisir ouais !
Nous arrivâmes chez lui, et ce fut son père qui nous accueillit, rayonnant. Décidément, Eden ressemblait beaucoup trop à cet homme. Je les laissais parler un peu de leurs journées respectives et me rendis dans la cuisine pour me servir un verre d'eau. J'envoyai un message à mes parents pour leur préciser que m'attendre pour dîner ne servait à rien et Eden réapparut.
– Pizza, ça te va ?
– Carrément !
Il ne pouvait pas me faire plus plaisir. Les pizzas et moi, c'était une grande histoire d'amour. Sa mère n'étant pas rentrée de son boulot, nous mangions à trois dans le salon, et heureusement pour moi, les Verdier étaient de grands bavards. Je n'avais pas vu son père très souvent depuis notre première rencontre, mais je devais bien l'avouer : cet homme savait mettre les gens à l'aise. Et me mettre rapidement à l'aise était un grand défi, croyez-moi. À peine eut-on terminé notre repas que Eden lança à son père que nous avions un devoir à terminer.
– Ça ne va pas faire trop tard pour toi Louis ?
Je jetai un rapide coup d'œil à ma montre. Il était vingt heures trente. Je haussai les épaules.
– Ça devrait aller, j'ai envoyé un message à mes parents.
– Dans ce cas, révisez bien !
Nous montâmes à l'étage et, une fois dans sa chambre Eden lâcha un petit rire.
– On a un devoir à finir ?
Ok, ma question était très bête parce que la réponse, je la connaissais déjà : non.
– Nope, je voulais juste qu'on passe un peu de temps ensemble.
Je me sentis un peu bête l'espace de deux secondes, puis mon esprit fleur bleue reprit le dessus et je ne pus m'empêcher de sourire de manière très... niaise. Il s'avança vers moi et doucement, posa ses lèvres sur les miennes. Je sentis mon cœur faire un bond, mais je le laissait faire, puis approfondir un peu plus notre baiser, passer une main sur ma nuque.
– Je dois t'avouer que je ne suis pas passé par la case « douche » aux vestiaires tout à l'heure, murmurais-je.
Il se recula un peu et me sourit franchement.
– Mince alors... ça veut dire que je n'ai plus le droit de t'embrasser ? rigola-t-il.
– Si si !
Moi et ma manie de tout devoir préciser, je m'agaçais vraiment moi-même par moment !
– Tu es vraiment trop drôle quand tu prends cet air paniqué comme ça..., continua-t-il pour se moquer gentiment.
Pour le faire taire, je l'ai attiré contre moi pour l'embrasser à mon tour. Il avança, je reculai, mes jambes touchèrent le longeron du lit et trois secondes plus tard, Eden se retrouva au-dessus de moi. Il me souriait toujours, fier de sa manœuvre (que oui, je n'avais pas vue venir), et m'embrassa sur une joue avant de se blottir contre moi. J'eus l'impression qu'en dix-sept années d'existence, je n'avais jamais été aussi bien. J'avais l'impression de rêver, mais son souffle contre ma joue me faisait bien dire le contraire. On ne m'avait jamais pris comme ça dans les bras, on ne m'avait jamais embrassé de la sorte, je n'avais jamais ressenti autant de chose lors d'un simple contact avec un autre garçon. Tout ça était totalement nouveau, et je m'en délectais.
Je fermai les yeux quelques secondes, et j'attrapai l'une de ses mains pour la coller contre ma joue gauche. J'avais l'impression d'être un gamin le jour de Noël : complètement aux anges. Eden avait fermé les yeux aussi, et le silence qui nous berçait n'avait rien de pesant : il était magique. Les yeux clos, j'avais même l'impression d'entendre battre nos deux cœurs à l'unisson.
Je le sentais caresser le haut de ma joue du bout du doigt. Cette peau qui n'avait jamais plus été lisse et parfaite depuis les ravages de mon acné quand j'étais encore au collège. Cette peau si différente de la sienne qui semblait ne jamais avoir subi les stigmates de l'adolescence. À côté de moi je le sentis remuer puis enfouir sa tête dans le creux de mon cou.
– Eden ?
– Mmh ?
Il releva la tête et m'effleura le bout du nez avec le sien. Ses yeux clairs étaient en train de sonder mon regard. Je l'ai attiré doucement contre moi, jusqu'à que nos fronts se touchent légèrement. Je pouvais sentir la chaleur de son corps contre le mien, et nos souffles entremêlés. Et puis, je pris mon courage à deux mains, et je demandai à mi-voix :
– On est ensemble ?
C'était une question légitime, non ? Je vis son sourire s'étirer légèrement et ses yeux se plisser. C'était peut-être étrange comme question, posée comme ça, mais...
– Tu en as envie ?
Si j'en avais envie ? Évidemment que oui. Je rêvais de ça depuis des semaines. Est-ce qu'il était en train de me tester ? De guetter la moindre de ma réaction ? Voyant que je ne répondais pas, il se redressa sur un coude, les sourcils levés. Devant le drôle d'air qu'il avait sur le visage, mes joues ont pris une teinte cramoisie.
– É-évidemment..., bafouillais-je.
Super, j'avais l'impression d'être un enfant de six ans que l'on venait d'accuser de tous les maux. Et puis Eden passa une main dans mes cheveux – mon point faible – et rigola doucement.
– Faut que tu apprennes à rester zen... Tu vas finir par exploser un jour sinon...
J'eus envie de lui répondre que ce n'était pas quelque chose que je contrôlais, que j'étais comme une nappe de magma qui bouillonnait sous la terre : je grondais, mais je ne montais jamais à la surface. Je remuai les épaules, il se remit à m'embrasser quand quelqu'un frappa doucement à la porte. Il fit un bond, digne d'un personnage de cartoon et je me redressai aussi sec sur le lit. Je passai une main dans mes cheveux, et je me relevai et plantai au milieu de sa chambre. Merci seigneur, le père de Eden est un homme bon, qui a appris à frapper aux portes avant d'entrer. Ce n'est pas ma mère qui aurait fait ça... ai-je pensé.
– Ouais ?
– Faites attention à l'heure les garçons, il se fait tard, et demain, vous avez cours.
– Oui papa... !
Je jetai un rapide coup d'œil à ma montre : clairement, il était temps que je mette les voiles, ou ma mère allait criser et me faire une morale sur mes horaires de sorties nocturnes aussi longue que chiante.
– Je vais y aller, j'ai murmuré à Eden.
Il me raccompagna, et sur le pas de la porte, en a profité pour me donner un tout dernier baiser.
– À demain !
– À demain Louis.
Je rentrais léger et le cœur en fête.
* * *
Allongé dans mon lit, comme à mon habitude, je fis un rapport de ma journée à Maya. Sur ô combien Sixtine m'avait cassé les pieds en cours de maths en passant son heure à râler sur sa calculette qui ne fonctionnait plus, sur la vie qui était vide de sens en général, et sur Inès, qui voulait m'inviter au cinéma pour voir je ne savais trop quel film à l'eau de rose. J'avais bien compris qu'elle voulait que l'on soit super potes tous les deux, mais pourquoi un cinéma tard le soir ? Maya me disait qu'elle avait des idées derrière la tête, mais je refusais de la croire : c'était absurde.
Et puis, arrivé à la fin de journée, j'hésitais. Pour la première fois, je n'avais pas envie de tout de lui dire. j'avais envie de garder encore un peu rien que pour moi cette soirée chez Eden. C'était idiot, complètement idiot, mais je n'avais pas envie de répondre à dix mille questions ce soir-là, ni de devoir me justifier pour tous mes actes. Maya comprendrait. Je lui dirais, mais plus tard. Une fois que j'aurais réussi à faire officialiser notre relation par Eden, par exemple.
Est-ce qu'il en avait envie, lui ? Est-ce que j'en serais capable ? Soudain, mon estomac se mis à se tordre dans tous les sens. J'avais envie que l'on soit ensemble. Vraiment. Mais j'avais peur. Peur de le dire à mes parents. Peur de me montrer à ses côtés, de voir la réaction des gens. Peur d'être moqué pour celui que j'étais réellement. Peur d'être noyé sous une masse de haine, ou de moquerie à mon égard. Si j'avais caché celui que j'étais pendant tant d'années, ce n'était pas pour tout voir voler en poussière. Alors voilà, je venais de me coincer moi-même. Je voulais être avec lui, mais j'étais paralysé par la peur.
J'avais pour le moment un secret, celui de Eden et moi, mais il me faisait peur.
* * *
Et voici, comme promis, le chapitre 15 ! J'espère qu'il vous plait ! ☻ Au passage, je tiens à remercier @SkylarBluewen qui a bien voulu être la bêta lectrice de ECLIPSE ! Merci à toi ♥
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