14. CELUI QUI SE CONFIAIT
– Les garçons ?
Inès arriva dans la cuisine, avec son saladier de pop-corn vide. Et heureusement pour moi, Eden avait des réflexes surhumains. Des réflexes qui me sauvèrent, lui comme moi. En moins de temps qu'il en faut pour dire « oups » il s'était détaché de moi et se pencha vers le placard derrière moi.
– Vous faites quoi ?
– Je cherchais un verre.
– Ils sont dans le placard d'à côté ! lui répondit-elle tout sourire.
Bordel. Elle n'avait rien vu. Rien capté. De mon côté, j'étais rouge pivoine et tout simplement incapable de bouger. Et lui, comment faisait-il pour être aussi naturel après ce qui venait de se passer ? Je regardais Inès poser son saladier et le remplir à nouveau de chips, visiblement ravie de sa petite soirée film.
– Vous venez ?
– Ouais !
Eden fila et je le suivis en silence, toujours gêné comme jamais, avant de me rasseoir à ma place. Dans l'immédiat, je n'avais qu'une envie : me retrouver à nouveau seul avec lui et poursuivre là où nous nous étions arrêtés. J'avais encore la sensation de ses lèvres sur les miennes quand sa main se posa doucement sur la mienne. Cette fois-ci, je ne la retirais pas.
Le film se termina peu de temps après et les lumières se rallumèrent. Je sentis la chaleur de sa main quitter la mienne un peu précipitamment, et je me levai pour apporter mon aide dans le rangement du salon. Une petite heure plus tard, je dis au revoir à tout le monde (avec l'impression d'avoir fait la connaissance de gens vraiment cool ce soir-là) et Eden me demanda si on rentrait ensemble.
– Évidemment !
– J'me joins à vous les gars !
Je me retournai et Inès m'adressa un sourire immense. Non, vraiment, c'pas le moment... Inès ! Je la maudissais vraiment dans l'immédiat. Pourquoi fallait-il qu'elle gâche tout ? Parce que oui, j'avais eu comme projet de parler à Eden de notre baiser pendant notre trajet. Mais visiblement, cette discussion attendrait. Inès n'avait pas l'air de vouloir nous lâcher.
– Et puis, c'pas prudent pour une nana de rentrer seule le soir, à une heure pareille !
– Tu as bien raison, répondit Eden.
Je me suis retenu de lever les yeux au ciel, mais après tout, elle n'avait pas tout à fait tort. Mes parents ne me faisaient jamais de sketch quand je devais rentrer tard le soir, à une heure un peu tardive, mais ma sœur, Sacha, y avait déjà eu le droit, les rares fois où elle était rentrée une fois la nuit tombée.
Quelques minutes plus tard, nous étions donc tous les trois sur le chemin de tour. Inès s'était mise entre nous, pour nous tenir chacun de nous par un bras.
– Aaaah, quelle soirée ! J'adore ce film !
– Je ne m'en lasse pas moi non plus, renchéris Eden.
– Et toi Louis ?
– Euh bah...
– Ha ha, toi, tu as eu peur tout du long, hein ?
Elle éclata de rire.
– C'est ça, marres-toi. Je ne suis pas très fan des films comme ça, c'est tout... soufflais-je, agacé.
– D'ailleurs, Eden, est-ce que tu as réussi à comprendre la fin ? Parce que, ma grande théorie c'est que...
Je décrochai à ce moment-là de la discussion. À vrai dire, entendre leur théorie sur la fin d'un film que je n'avais pas du tout su apprécier à sa juste valeur (dixit Inès elle-même) ne me bottait pas plus que ça. À la place, je partis dans mes rêveries. J'étais à nouveau dans la cuisine, avec Eden. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de m'embrasser, hein ? Oui, j'en crevais d'envie depuis des semaines. Mais maintenant... Je ne sais pas. Quelque chose n'allait pas. J'avais appris qu'il n'était plus avec l'autre andouille (pardon Adel, mais le simple fait de penser à toi me crispait légèrement) et pourtant... Je n'en savais rien. J'avais comme l'impression que tout allait trop vite.
– C'est là que je vous quitte !
Inès arrêta de parler et salua Eden qui bifurqua dans une rue voisine. Je le saluai d'un geste de la main, très sobre. Je n'avais qu'une seule envie, c'était d'attraper mon portable, et de lancer la conversation qui aurait dû avoir lieu durant notre retour à la maison.
– Bisous ! À demain au lycée !
Bisous. Si seulement je pouvais me sentir aussi à l'aise qu'Inès avec lui... Moi aussi je voulais paraître aussi proche de lui. Mais j'avais peur de paraître décalé.
– Dis, Louis...
– Oui ?
– Ça te dirait pas de traîner plus souvent avec moi ?
Je l'ai regardé avec des yeux ronds avant de me reprendre.
– Ok c'était maladroit comme requête. J'veux pas que l'on se remette ensemble, mais je veux dire... Toi et moi, on s'entend bien. On devrait faire des trucs le week-end. Avec Eden aussi !
– Tu es sûr ? Je veux dire, tes autres potes, elles ne vont pas t'en vouloir ?
– Je fais encore ce que je veux...
– Clara est très possessive... Et Sixtine...
– Pour être franche avec toi Louis, puisque je l'ai déjà été avec Eden, je n'en peux plus de ces filles. Je suis en terminale, et j'ai toujours l'impression d'être dans une cour de récré de maternelle avec elle. C'est les mecs par ci, les mauvais coups par là... Moi, j'veux juste vivre cette dernière année de lycée à fond, et m'amuser. Et avoir mon BAC, évidemment.
Je ne pus m'empêcher de sourire. Inès m'épatait, encore une fois.
– Ah, c'est là que passe mon dernier bus. Tu attends avec moi ?
– Bien sûr.
Nous nous assîmes sous l'abri pour attendre son bus. Inès se remit à parler du lycée, de son groupe qu'elle trouvait de plus en plus toxique jusqu'à que son bus arrive. Je la regardais monter puis s'asseoir tout au fond, je lui fis un signe de la main, et je repris mon chemin.
Une fois dans mon lit, entièrement changé, sous ma couette, j'ai attrapé mon téléphone portable. Maya m'avait bombardé de messages pendant la soirée. J'hésitais à lui répondre, mais d'abord, j'avais une question à poser à Eden.
« Bien rentré ? »
Hop, message envoyé à Eden. Au dernier moment j'avais jugé que commencer ma discussion par un « pourquoi tu m'as embrassé tout à l'heure ? » était peut-être un peu trop brute de pomme. En attendant une réponse, j'ouvris les nombreux messages de ma meilleure amie.
« Hey hey mon chou ! Tu vas bien ? J'ai tellement hâte qu'on se revoit, je compte les jours ! »
« C'est encore moi, tu m'as parlé d'une soirée film avec des potes à Inès, c'était bien ? »
« Tu dois êtes très occupé, j'ai toujours pas de réponse, et j'aime pas passer pour une forceuse. Tu me répondras une fois rentré ! »
J'esquissai un sourire en lisant tout ça.
« Salut Maya, ça va, et toi ? La soirée film, c'était génial. Tu ne vas pas me croire... Je l'ai embrassé. Enfin, il a fait le premier pas mais... »
Je cherchais quelques secondes à comment ponctuer cette phrase, mais faute de trouver une bonne tournure de phrase, je l'ai envoyé ainsi. Au même moment, Eden répondit à son tour.
« Bien rentré ;) »
Mon portable se mit à vibrer sans interruption pendant dix secondes : Maya venait de m'envoyer trois tonnes de messages.
« OMG »
« J'y crois pas ! »
« Je le savais ! »
« Géant ! Eden x Louis is love ! »
Ce type de réaction de sa part était prévisible. Elle m'arracha encore une fois un rictus, et je rougis bêtement derrière mon écran, en repensant au baiser. Je basculai de nouveau sur la discussion avec lui, et tapai aussitôt la question qui me taraudait.
« Pourquoi tu m'as embrassé tout à l'heure ? »
J'eus une réponse presque immédiate.
« Tu n'en avais pas envie ? »
« Bien sûr que si ! »
Bordel j'avais tapé – et envoyé – trop vite.
« C'est juste que... ça m'a surpris, c'est tout. »
« J'en avais très envie aussi. »
Ok, il ne répondait pas tellement à mes questions. Même si, je devais bien l'avouer, je n'avais aucune idée de ce que j'avais envie de lire comme réponse de sa part. Eden, Eden, tu es mystère ! Je répondis rapidement à Maya avant qu'elle ne décède d'une crise cardiaque de l'autre côté de son écran, et je reposai mon portable sur la table de chevet. J'allais bien voir. Demain, au lycée, j'allais bien avoir son ressenti, quelque chose, non ?
* * *
Le lendemain, Eden arriva en retard et, j'eus l'impression que ce n'était pas totalement un oubli de réveil. Il s'assit à côté de moi, s'excusa d'un signe de la tête et sortit ses affaires.
– J'ai raté des trucs ?
– Oh, tu sais, il est repartit sur Freud...
La moitié de la classe avait décidé de prolonger leur nuit en dormant sur leur bureau, alors non, il n'avait pas raté grand-chose. D'ailleurs, notre professeur était tellement inspiré, qu'elle avait à peine remarqué mon voisin arriver à la bourre. Eden haussa les épaules, l'air de dire que ça allait et écrivit la date du jour dans la marge d'une nouvelle feuille. Je n'avais même pas pris cette peine : les cours de philo étaient bien les seuls où notre professeur se lançait tout seul dans un long discours (souvent ennuyeux) à propos de théories diverses et variées, sans jamais rien écrire au tableau (même pas un nom d'auteur) ou bien nous faire participer. Depuis le début de l'année, je me contentais de prier très fort à chaque devoir rendu pour avoir une note correcte et, pour le moment, ma stratégie avait payé.
– Euh, dis-moi...
– On mange ensemble à midi ? me coupa-t-il.
– Ouais, s'tu veux !
– On parlera ce soir en rentrant... de la soirée film, ok ?
Il regarda un peu autour de lui, méfiant.
– Je n'ai pas vraiment envie de... Tu vois ?
Je hochai de la tête. Attirer l'attention. Ce que je pouvais comprendre. Il suffisait que Clara ou Sixtine tendent l'oreille au mauvais moment pour que tout parte en vrille assez vite. Et clairement, je n'avais pas envie de me retrouver au cœur des ragots du moment. Et à partir de cet instant, j'eus l'impression que les heures, les minutes, voire les secondes passaient au ralenti. Pourquoi était-ce toujours le cas quand on attendait impatiemment quelque chose ? Encore plus quand ce quelque chose venait de Eden ?
* * *
À la fin de la journée, nous nous retrouvâmes comme d'habitude dans le même bus, assis l'un à coté de l'autre. C'était une chance pour moi de prendre le seul bus qui ne desservait qu'une partie minuscule de notre commune, partie minuscule ou personne de la classe ne vivait hormis moi et Eden. Ainsi, pas de risque de me retrouver face à Blaise, Louis numéro deux où une autre personne que je n'avais pas du tout envie de voir pour le moment.
– À propos de ce qui s'est passé Louis...
Très bien, il ouvrait le bal.
– Je t'apprécie beaucoup et...
Et... et ? C'était quoi la suite ? J'attendais, les yeux rivés sur son visage concentré : il n'avait pas lâché des yeux le siège devant lui, vide.
– Je n'ai pas envie que tu me prennes pour un connard.
– Ah.
– Ah ?
Oui, ah. Je ne m'attendais pas à ça pour la suite, voilà tout. Disons que, l'espace de quelques secondes, j'ai cru qu'il allait me sortir qu'il regrettait, que c'était pas bien, ou je ne sais trop quoi d'autre.
– Pardon c'est que... je ne m'y attendais pas. Pourquoi je te prendrais pour un connard ? À ce que je sache, tu ne m'as pas blessé.
– À cause d'Adel.
Encore LUI. Bon sang !
– Disons qu'on est plus vraiment proche depuis début septembre, mais nous n'avons rien laisser paraître parce que... Je sais pas, je suppose que lui comme moi, on ne voulait pas se blesser mutuellement. Mais on a fini par faire le point, et on s'est dit que c'était mieux de tout arrêter.
– Et ?
– Et je me suis dit, puisque c'est assez récent, que tu allais me prendre pour un de ces cons qui changent de copains comme de chaussettes.
– Pas du tout !
J'aurais pu, mais j'étais incapable de voir tes défauts.
– Oh, bah euh...
Alors comme ça, il y avait de l'eau dans le gaze depuis des semaines et des semaines déjà ? Je me sentais égoïste en pensant à tous ces moments où j'avais prié pour voir Adel prendre le large. Il quitta enfin le siège devant lui des yeux, et pris ma main dans la sienne.
Finalement, mon vœu avait été exaucé.
* * *
Hey hey ! Voilà, nouveau petit chapitre en ligne o/ Rendez-vous dans deux semaines pour la suite ♥ Si vous voyez des fautes, surtout, n'hésitez pas !
Sinon, vous avez vu, j'ai changé la couverture de ECLIPSE, vous en pensez quoi ?
꒰⑅•ᴗ•⑅꒱
Passez une bonne soirée, ou journée !
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