13. CELUI QUI EMBRASSE EDEN
Et voilà. J'y étais de nouveau. Le lycée ne m'avait vraiment pas manqué. Le seul point positif de la journée : la météo, avec un beau ciel dégagé qui m'encourageait à ne pas déprimer tout de suite. Non, je pourrais déprimer, mais plus tard, après mes heures d'économie qui s'annonçaient longues et ennuyeuses comme toujours. Ce matin j'aperçus la voiture d'Adel arrêtée non loin du portail du lycée. De temps en temps il y déposait Eden, généralement quand ils avaient passé le week-end ensemble. Je ne pus m'empêcher de me sentir mal en le voyant sortir de cette voiture. Adel sembla lui dire quelque chose mais Eden se retourna à peine, les sourcils levés, l'air dire « quoi encore ? ». Adel leva les mains, visiblement agacé et Eden referma la portière avant de s'engouffrer dans le lycée. Le brun démarra et, en passant à ma hauteur, me lança le regard le plus mauvais qu'il devait avoir en stock. J'eus envie de m'enfuir en courant, mais je continuais de marcher comme si de rien était.
Comme d'habitude, je m'assis à côté d'Eden. Ce dernier me salua d'un grand sourire – comme si de rien était – et je fis de même. Je sortis mes affaires, et en jetant un coup d'œil à son sac (beaucoup plus volumineux que d'habitude) je remarquai toute une tripotée de fringues en bouchons dedans.
– On déménage ?, je lançai sur le ton de la plaisanterie.
Il leva les yeux vers moi, surpris par ma question. Et puis, il comprit que je parlais des habits dans son sac et lâcha un soupir.
– Ah, ça ! Non, j'ai juste récupéré quelques affaires chez Adel.
– Ok.
Pourquoi ? J'avais envie de demander. Mais je gardais la bouche fermée. Pour une fois, c'était pas plus mal. Non, celui qui enfonça le clou avait un prénom commençant par un B, et une intelligence relativement faible.
– Alors, on s'est fait larguer par sa princesse ?
Blaise apparut comme un screamer dans un jeu vidéo : effrayant et contre toute attente. Les deux mains posées à plat sur notre bureau commun, il ne quittait pas Eden des yeux. En face de lui, Eden soutint son regard, les sourcils levés. C'était quoi encore cette histoire ? À ce moment-là, le groupe des filles de la classe rentra, Sixtine à sa tête. Évidemment, quand elles virent Blaise penché vers nous, ses deux potes derrières lui, elles se dirigèrent vers nous, tout sourire.
– Il n'avait pas l'air très content ce matin...
– En quoi ça te regarde ? demanda Eden d'un ton froid.
– Je suis curieux, c'est tout...
– Bah la curiosité est un vilain défaut.
– Ou bien, il en a eu assez de se mettre à quatre pattes et est allé chercher une vraie relation ?
– C'est quoi ton putain de problème ?!
Eden se leva d'un seul coup. Derrière Blaise ses potes ricanèrent bêtement. Les filles ouvrirent de grands yeux mais seule Inès s'interposa, même si sa grande cheffe Sixtine voulu l'en empêcher.
– Les garçons !
J'étais blanc comme un linge.
– Blaise t'es vraiment trop con !
– Qu'est-ce que tu veux Inès ? Il te plaît ? Tu veux essayer de sortir avec une pédale ?
Elle ouvrit la bouche, choquée et... Lui colla une baffe qui résonna dans toute la salle. Blaise devint rouge tomate, et s'apprêta à gueuler un grand coup quand la porte s'ouvrit à nouveau pour laisser entrer notre professeur, en retard, et complètement à la ramasse.
– Il se passe quoi par ici ?
– Rien monsieur, cracha Blaise.
Il n'avait même pas les couilles d'assumer. Tu parles d'un mec qui se voulait fort, viril, et tout ce qui allait avec. Inès le foudroya du regard, Blaise l'imita, mais sur Eden.
– Bon, dans ce cas, vous pourriez peut-être regagner vos places ?
À ce moment-là je ne suis pas sûr d'avoir bien vu, mais je crus bien voir Eden sécher rapidement une larme.
* * *
Eden ne resta pas pour la suite de la journée. Je le cherchais des yeux dans la queue de la cantine quand Inès vint vers moi.
– Il est rentré chez lui...
– Ah bon... merci.
– Blaise est vraiment trop con.
– Bien joué pour tout à l'heure.
Elle me donna un coup de coude et rigola un peu.
– Je t'avoue que ça me démangeait pas mal. Depuis le jour où il a critiqué mes fesses en gym en fait.
Ses fesses ? Elles avaient quoi ses fesses ? Elles n'étaient sans doute pas assez bien pour Blaise, qui, de toute façon, ne jurait que par les filles ultras minces et trop maquillé comme Sixtine.
– Je peux manger avec toi ?
– Euh... Si tu en as vraiment envie...
– Je ne te demanderais pas sinon, imbécile.
Pourquoi n'allait-elle pas manger avec ses supers amis ?
– Je crois que Six' m'en veut pour la baffe d'ailleurs. Je n'aurais pas du toucher à son précieux Blaise.
– Mmh....
C'était donc ça. J'étais un super bouche-trou, une fois de plus. Quoique, on parlait d'Inès. Une fille sympa une fois extraite de son groupe de vipères. Elle et moi étions amis. Je l'appréciais. Elle m'appréciait. Peut-être que je n'étais pas totalement un bouche-trou ce midi.
– Mais franchement, c'est quoi son souci... Eden ne lui a rien fait.
– Tu t'entends bien avec lui ?
– Avec Eden ? Carrément ! Il est franchement adorable. On se croise de temps en temps les week-ends quand il vient sur Bordeaux.
J'oubliais de temps en temps qu'Inès était la seule de notre classe à habiter aussi loin du lycée.
– Mais bon, puisqu'il n'est plus avec Adel, je ne sais pas s'il viendra aussi souvent me voir...
– Il n'est plus... avec lui ?
– Bah non.
Bah non. Elle me disait ça comme si je devais être au courant. Comment elle avait su ça avant tout le monde ? Elle capta mon air un peu désemparé et reprit de plus belle :
– Tu dois te dire que je suis une sacrée fouine. En fait, c'est que j'ai plutôt bien accroché à leur drôle de duo. À la soirée de Sixtine, j'ai pas mal parlé avec Adel, alors on se parle de temps en temps par SMS. On s'est déjà vu quelques fois aussi sur Bordeaux. Il est adorable : il m'a fait visiter sa fac quand il a appris que je voulais y aller l'an prochain. Et puisqu'on est potes, bah on parle un peu de tout et de rien. Et il y a quelque temps j'ai compris que ça n'allait plus vraiment entre eux. Breeeef, on va enfin pouvoir manger, c'est à nous !
Je maudissais le pion qui nous avait fait signe d'avancer. Elle était si bien lancée ! Inès m'attrapa par le bras pour me faire avancer et me lança un grand sourire. De temps en temps, j'étais vraiment pris de remords en pensant à notre brève relation. Je n'avais su être un copain à la hauteur pour elle. Elle m'avait dit tout le contraire mais... Je n'en croyais pas un mot. À l'époque déjà, je savais que les filles n'étaient pas mon truc. Mais j'étais quand même sortis avec elle. Comme si j'avais quelque chose à me prouver.
– On ira le voir après les cours s'tu veux. Moi aussi ça m'embête de laisser un poto déprimer dans son coin.
Inès, tu es parfaite. J'aurais été un mec hétéro que j'aurais tout donné pour t'avoir. Vraiment. Tu es si gentille... Que je me demandais vraiment comment tu faisais pour supporter cette bande de greluches avec laquelle tu traînais.
* * *
Et voilà. Nous y étions, plantés devant la porte d'entrée de chez les Verdier. Inès me jeta un coup d'œil avant d'appuyer sur la sonnette. Ce fut Eden en personne qui ouvrit la porte. Sur le coup, il parut étonné de nous voir tous les deux ici. Je ne pouvais que le comprendre : Inès et moi en traînions pas vraiment ensemble. Alors nous voir tous les deux sur le pas de sa porte... J'avais la bouche sèche, et à vrai dire, je ne savais pas trop quoi dire pour justifier notre présence. Heureusement pour moi, ce fut Inès qui prit les devants.
– Yo poto. Comment tu vas ? On peut rentrer ?
Son visage se fendit d'un large sourire, et en face d'elle, le visage de Eden s'illumina. Il nous fit signe d'entrer et referma la porte derrière nous.
– Vous n'aviez pas à vous en faire, je vais très bien vous savez ! Ma mère est passé me chercher tout à l'heure, elle a aussi touché un mot au directeur du comportement de Blaise. Et vous voulez rire ?
Je n'avais pas envie de savoir. Parce que je savais déjà ce que le directeur avait pu leur répondre. Et j'en avais marre de voir que les adultes fermaient délibérément les yeux sur ce genre de violences dans leur propre établissement.
– Que c'était des querelles d'ado, et qu'il ne pouvait rien faire, au fond. Quel connard. Je l'emmerde.
Je baissai les yeux vers le sol tandis que Inès lui tapotait amicalement l'épaule. Voilà, c'était ça le souci.Tant que les situations ne dégénéraient pas, il fermait les yeux sur des violences qui ne l'atteignaient pas, qui ne lui parlaient pas et ne faisait qu'envenimer le problème. C'était à cause de directeur aussi irresponsable que nous ne pouvions toujours pas être nous-mêmes. J'avais quand même une petite pensée pour notre professeur d'histoire, visiblement sensible sur ce sujet, qui lui était le genre de personne à s'inquiéter du malaise de ses étudiants. C'était si compliqué que ça de lutter contre toutes ses violences gratuites ? Visiblement, oui.
– Blaise va finir par se calmer tu sais... chuchota Inès. Je ne sais pas pourquoi il t'a pris en grippe toi, et pas un autre.
– Il est juste mal dans sa peau ouais... Et du coup, il a besoin de taper sur un autre. Ce type est un sombre enculé, cracha Eden.
Je n'avais toujours pas dit un mot. Le voir aussi énervé me faisait peur en réalité : je ne pouvais pas m'empêcher de me demander comment la situation aurait été si j'avais été à sa place. Est-ce que j'aurais réagi comme ça ? Est-ce que je me serais enfoui en courant de la salle ? Est-ce que j'aurais fondu en larmes devant toute ma classe ? Est-ce que j'aurais pu supporter les moqueries malsaines de mes camarades de classe ? Certainement pas non, j'en étais convaincu.
– Vous voulez rester dîner ?
– Je dois rentrer, je voulais juste passer, m'assurer que tu allais bien.
– C'est adorable, merci Inès.
Elle le prit brièvement dans ses bras.
– J'lui en colle une quand tu veux ! rigola Inès.
Eden rigola et se tourna vers moi.
– Louis ?
– Euh je... Ouais, pourquoi pas.
– Dans ce gars, les gars, à demain !
À peine eut-elle refermé la porte que la mère de Eden fit irruption. En me voyant, son sourire sembla s'élargir et elle me salua d'un geste de la main.
– Louis ! Quel plaisir ! Tu restes pour dîner ?
Je hochai de la tête.
– Tu n'as rien contre les légumes ?
– Non, ça va !
– Parfait !
Eden se pencha vers moi pour me chuchoter à l'oreille :
– Elle a l'habitude que je lui ramène des potes capricieux sur la bouffe... On monte dans ma chambre en attendant ?
Je le suivis à l'étage. Comme la dernière fois, sa chambre était impeccablement rangée. La seule chose qui avait changé, c'était le mur derrière son lit. Quelques photos étaient manquantes. J'ai deviné qu'il devait s'agir de celle sur lesquelles Adel et lui se bécotaient.
– Je ne savais pas que tu étais proche d'Inès...
– Proche n'est pas le mot que j'emploierais, mais on s'entend bien tous les deux. C'est une fille en or.
Il s'assit sur son lit et lâcha un petit soupir avant de reprendre :
– Vous êtes sortis ensemble à ce qui paraît ?
– Ouais...
– Ça devait être épuisant.
– Un peu, avouais-je en rigolant. Je crois que ni elle ni moi ne savions vraiment pourquoi on était ensemble en plus...
– Tu savais déjà que les nanas c'était pas ton truc à l'époque ?
Il savait. De toute façon, à quoi bon le cacher, il m'avait cramé depuis longtemps de toute façon. Je haussai les épaules. Dire non serait mentir. À l'époque, je savais déjà. J'avais été égoïste en acceptant la proposition de ma camarade.
– Mmh...
– Elle le sait ?
– Inès ? Non ! Surtout pas, elle ne sait rien ! Personne ne sait... Sauf ma meilleure amie et ma sœur.
– Et moi.
– Et toi.
C'est le moment. Lèves-toi, et embrasse-moi. Presse tes lèvres contre les miennes, je te laisserais faire, promis, parce que j'en meurs d'envie. Brise les barrières et laisse-moi te prendre dans mes bras...
– Les garçons ?
La voix de la mère de Eden me parut si lointaine, et pourtant. J'étais en train de fantasmer sur son fils et moi quand elle ouvrit la porte. Et d'ailleurs, entre parenthèses, je devais vraiment tirer une tronche bizarre.
Je pouvais désormais affirmer une chose : j'adorais les parents d'Eden. Ils étaient le genre d'adultes à tout de suite me mettre à l'aise. Sa mère était aussi souriante que son fils, et je devais bien avouer que cela aidait pour se sentir bien. Son père était un homme discret, mais avec le cœur sur la main. J'essayai de m'imaginer le jour où Eden leur avait dis qu'il aimait les garçons. Est-ce qu'ils avaient bien réagi ? Est-ce qu'ils étaient restés aussi calmes et souriants que maintenant ? Est-ce que mes propres parents seraient aussi adorables le jour où... Je prendrais mon courage à deux mains ?
* * *
Une semaine s'était écoulée après l'incident avec Blaise. Depuis ce jour, Eden et lui s'évitaient soigneusement et évitaient même tout contact visuel. C'était peut-être puéril pour certains, mais je trouvais ça justifié. J'étais en train de me dire que maintenant, nous allions être – Eden et moi – persona non grata à toutes les soirées organisées par l'un de nos camarades quand Inès apparut sous mes yeux, tout sourire.
– Dites les gars, demain soir j'organise une soirée avec des potes du club de natation... Ça vous branche ?
De temps en temps j'oubliais que Inès faisait de la natation. Elle était comme Maya, multitâche, et je m'y perdais très souvent. Eden se tourna vers moi, comme s'il attendait ma réponse pour donner la sienne.
– On la fait chez une pote qui habite pas très loin du géant casino, pour des raisons pratiques. C'est plus une soirée film qu'autre chose mais...
Une soirée film. Ce n'était absolument pas le genre de chose que les gens de ma classe faisaient. Pour eux, soirée c'était alcool et fumette à gogo. Il fallait serrer de la gonzesse, tripoter un gars aux chiottes, ce genre de chose qui me laissait pantois. Inès, vraiment, comme tu fais pour traîner avec ces gens h24 et être avec d'autres gens cool le reste du temps ?
– Je suis partant !
– Pareil, lança Eden.
– Cool ! J'vous enverrais l'adresse ! Vous venez à partir de vingt heures !
Elle repartit se dandinant (pourquoi?) vers ses amies et je me focalisais à nouveau sur le bouquin que je tentais de lire depuis plus d'une heure. À mes côtés, Eden se remit à mordiller son stylo vert (vous savez, ce stylo qui pouvait vous durer le cycle du lycée tout entier?) en se concentrant à son tour sur ses propres devoirs. Depuis l'autre jour, j'avais envie de poursuivre notre discussion. Mais à chaque fois, il esquivait habilement le sujet, quelqu'un venait faire irruption entre nous, où Maya m'envoyait un texto en s'inquiétant pour Eden, moi, et pour cracher sur Blaise.
Maya, de là où elle était, n'avait rien raté des faits de ces dernières semaines. Elle me confia qu'elle n'était qu'à moitié étonnée du pétage de plombs de Blaise.
« Du coup, tu vas faire une soirée film avec Inès ? Tu sais qu'elle ne rêve que d'une chose, c'est de te mettre le grappin dessus encore une fois ? »
« Soit pas mauvaise langue Maya... Franchement, avec Eden c'est l'une des seules personnes de la classe à être cool avec moi cette année. »
« Ça cache forcément un truc. »
« Mais non... »
Si pour une fois Maya pouvait se tromper sur un truc... J'avais envie d'y croire moi, qu'Inès n'avait aucune arrière-pensée. Et puis franchement... Quelle fille avait envie de sortir avec un type comme moi quand on avait des garçons comme Eden dans sa classe ? Alors oui, elles savaient toutes que Eden n'était pas intéressé, mais il était canon. À lui seul il était comme un baromètre beauté/charisme : il imposait des normes et je ne lui arrivais pas à la cheville. Mon seul atout, c'était mes yeux. Ils étaient beaux – d'après Inès, Maya, ou encore ma mère – et c'était à peu près tout.
« Bon, tu me tiens quand même au jus de cette soirée, hein ? »
« Évidemment ! »
« Comme si j'y étais ? »
« Comme si tu y étais. »
* * *
Mon sang ne fit qu'un tour quand je compris quel genre de films nous allions regarder ce soir. Les potes d'Inès étaient tous chauds, Eden aussi et moi... Eh bien je venais de sortir mon meilleur jeu d'acteur pour leur montrer que, moi aussi, j'étais dans le truc. Mais bordel... Les films d'horreur et d'épouvante... ce n'était pas DU TOUT mon truc. J'avais une sainte horreur des films où on ne voyait jamais le méchant, où la musique te faisait flipper comme jamais, où les corps se tordaient dans des positions vraiment chelou... Rien que d'y penser, j'avais la chair de poule. Et pourtant. Nous y étions. Tous installés sur des plaids disposés par terre, sur des poufs ou le canapé du pote de Inès.
Je tins bon devant la première moitié du film. Mais que voulez-vous, j'étais du genre vraiment peureux devant ce genre de chose. J'avais beau avoir Inès collée contre moi (qui ne semblait absolument pas dérangée par l'enfant qui venait de se faire posséder par un démon juste là, sous nos yeux) : je n'étais pas bien. À côté de moi, Eden avait l'air super-relax. Il du sentir ma frustration quand l'enfant cria de nouveau avec ses yeux exorbités car il me donna un petit coup d'épaule en me demandant discrètement si tout allait bien. Je secouai la tête (non ça n'allait pas. C'était l'enfer ce truc!) et... J'ai senti ta main se poser sur la mienne. Malgré l'obscurité de la pièce, je t'ai vu clairement me sourire. Et malgré ça, j'ai retiré vivement ma main et je me suis penché vers Inès:
– J'vais boire un verre, je reviens...
– Ok, a-t-elle chuchoté, complètement dans son film.
Je me levai sans gêner personne et je fonçai dans la cuisine. J'attrapai un verre que je remplis de la première boisson qui se présentait à moi.
– Pardon...
La voix derrière moi me fit sursauter (comme quoi ce genre de film me mettait vraiment trop à cran, c'était atroce) et je renversai la moitié de mon verre sur moi. Je me retournai pour voir Eden qui se retenait de rire devant ce spectacle pitoyable.
– Chui vraiment con, prestais-je à voix basse...
Il ricana et fit un pas vers moi pour attraper mon verre et le poser sur la table. C'était dans ce moment-là que je maudissais mes quelques centimètres manquants pour ne pas être totalement à sa hauteur.
– C'est le film ou moi qui te met dans cet état-là ?
– Les deux, je répondis sans réfléchir.
Louis. Sérieux. Il était si près. Deux pas à peine. Non, un, je pouvais sentir son souffle. Je n'arrivais même plus à le regarder en face, mes yeux dévoraient ses lèvres. Et puis, tout doucement, je sentis sa main attraper à nouveau la mienne. Ce fut un peu comme lors du premier cours de sport de l'année : je sentis sa peau brûler la mienne, laisser sa trace. Tu voulais quoi Eden ? Me rassurer ? C'était bidon. Ou alors, tu tenais vraiment à prendre ma main dans la tienne ce soir.
Un drôle d'éclat passa dans son regard, et je compris qu'il s'apprêtait à m'embrasser. Je levai une main pour la poser sur son torse. Pas ici, pas maintenant. Et puis, ne venait-il pas de se remettre tout juste d'une rupture ? Ou peut-être que leur couple battait de l'aile depuis longtemps sans que je ne le sache ? Oh, et puis, après tout...
Eden ne s'arrêta pas, sa main remonta sur mon épaule, puis effleura ma nuque avant de toucher mes cheveux. Je sentis mon corps tout entier s'embraser, j'avais envie de plus : je ne pouvais pas en rester là. Il murmura quelque chose, mon prénom peut-être, mais je ne l'entendis pas, toute mon attention étant tournée vers ses yeux verts. Nos lèvres se frôlèrent, une fois, deux fois. J'allais exploser. Je le sentis sourire quand nos visages se sont touchés à nouveau. Il remonta sa main dans mon cou, m'embrassa une joue avec une infinie douceur. Et puis je l'embrassais. C'était chaotique, mais jubilatoire. Je crus bien qu'à ce moment-là, plus rien n'avait d'importance. Je n'entendais plus que son souffle et le mien. Je goûtais aux lèvres de Eden pour la première fois, et je n'étais pas prêt d'y renoncer. Dans mes rêveries, j'avais imaginé ce baiser des milliers de fois, mais jamais je n'aurais pu imaginer qu'il soit si bon.
* * *
Pfiou, chapitre conséquent, mais important ! C'est la fin de la première phase de cette histoire les amis. Maintenant que l'exposition est faite, les personnages mis en place, les éléments déclencheurs lancés... Vous en pensez quoi vous ? N'hésitez pas à me faire part de vos retours, c'est toujours sympa et encourageant ! ♥
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