08. CELUI QUI S'ABONNAIT
– Arrête d'être parano comme ça. C'est gonflant.
J'entendis la voix de Eden dans le couloir, et je me figeai. En temps normal, il arrivait à l'heure. Jamais avec autant d'avance. J'étais le gars qui arrivais avec trente minutes d'avance, parce que j'aimais me poser dans le couloir, avec ma musique, à regarder mon fil d'actualité instagram sans que personne ne me dérange. Et là... je me surpris à continuer d'épier sa conversation qui, de toute évidence ne me regardait pas et l'agaçait fortement.
– On se voit ce week-end si tu veux... Voilà, comme ça on pourra parler tranquillement.
Il devait parler à Adel. Je ne voyais que ça. Enfin, je ne voulais voir que ça, parce que dans l'absolu, n'importe quel ami de Eden aurait pu être à l'autre bout du fil.
– J'aimerai réviser avant le contrôle si ça te dérange pas.
On n'avait pas de contrôle ce matin. Petit menteur...
– Aller, à samedi. Ouais, voilà, bye...
C'est à ce moment-là que je fis mine d'arriver, l'air de rien. Et terriblement fier de mon jeu d'acteur (qui avouons-le, était bien médiocre) je lui adressai un signe de la main, tout sourire. Je notai aussitôt qu'il portait le sweat que nous avions acheté ensemble. Il rendait tellement bien sur lui que s'en était presque injuste.
– Salut Eden ! Je n'ai pas l'habitude de te voir ici si tôt !
– Mon réveil a déconné, se justifia-t-il. Et puisque je n'avais rien à faire chez moi...
– Je vois...
J'avais souvent observé ce phénomène chez les gens : l'irrépressible (voilà un mot que ce débile de Louis numéro deux ne devait pas connaître au passage) besoin de se justifier quand ils bousculaient un peu leurs habitudes. C'était marrant, non ? De se sentir obligé de se justifier comme ça, en permanence... Eden se laissa glisser contre le mur pour s'asseoir par terre et je l'imitais pour m'asseoir en face de lui.
– Je sens que quelque chose t'agace.
– Ça te voit tant que ça ?
Non, pas trop, c'est juste que je t'ai entendu parler au téléphone...
– Mon copain me prend la tête quelques fois. Ça arrive, mais c'est chiant.
– Mmh...
La seule personne avec qui j'étais vraiment sorti, c'était Inès et nous formions un couple vraiment trop bizarre. Elle voulait toujours être avec moi, moi pas vraiment, on se parlait peu, mais on arrivait quand même à être dans les mêmes délires quand il fallait... En fait, Inès était plus une très bonne amie qu'autre chose, ça, je l'avais compris après. Je me souvenais encore de quand elle avait fait une fixette sur la couleur de ses cheveux, auburn, et que je m'étais pris la soufflante du siècle en lui disant que les teindre en blond ne serait pas vraiment une bonne idée. Elle ne m'avait pas écouté, elle l'avait regretté. Le blond n'allait pas à toutes les filles (et tous les gars), que voulez-vous que je vous dise !
En face de moi je sentais que Eden avait envie d'en dire plus, mais nous étions dans l'un de ces moments gênants où je n'osais pas demander plus de détails (parce qu'on n'était pas les meilleurs amis du monde et qu'au final, je ne connaissais rien de son Adel fabuleux trop beau merveilleux) et lui me regardait d'un air agacé parce que j'avais mis les pieds dans le plat.
– Vous êtes déjà là vous ?
Et malheureusement pour moi, Sixtine mit fin à ce moment en se pointant. Elle portait un de ces jeans taille haute qu'elle chérissait tant depuis qu'ils étaient revenus à la mode, et une queue-de-cheval très haute, qui me faisait penser aux coiffures des cheerleaders américaines.
– Vous êtes prêt pour le devoir ?
– Le devoir ?
– Celui que l'on a ce matin, huit heures trente Louis, souffla-t-elle d'un air agacé (elle n'avait d'yeux que pour la réaction de Eden).
Oh bordel. Alors tout à l'heure au téléphone ce n'était pas une excuse bidon pour raccrocher plus vite ? On avait vraiment un devoir ? Et là, j'étais vraiment en train de suer à grosses gouttes parce que j'avais complètement zappé ce devoir ? Oui, exactement.
– Tu avais oublié ?
Je relevai la tête vers Eden.
– Non non.
Si si. Alerte rouge, alerte écarlate même ! J'étais dans la merde. Bordel mais comment j'avais pu oublier le devoir ! Ce fameux devoir que le prof (en y repensant bien) nous avait rabâché toute la semaine dernière ! J'étais vraiment nul.
Voilà, je passai le quart d'heure suivant à faire genre que moi aussi j'étais au jus, que j'étais prêt... bref, le genre de chose que l'on faisait pour se rassurer. Je disais quoi déjà ? Que les gens faisaient à peu près tout et n'importe quand un petit quelque chose venait bousculer leur plan ? Voilà, bien fait pour moi. Nous rentrâmes en classe, je m'assis, mal à l'aise et sortis mes feuilles, puis ma trousse.
– Louis ?
– Mmh ?
– C'est juste un devoir de maths.
– J'ai pas révisé, j'ai soufflé à mon voisin.
– Je sais ça.
Il était devin en plus d'être beau ? Ou alors la tête que j'avais tirée en face de Sixtine avait été si expressive que ça ? Je me pris la tête entre les mains et lâchai un juron tandis que notre professeur distribuait les copies.
– Si tu lorgnes discrètement sur ma copie, je ne vais pas t'en vouloir.
Je lui lançai le regard de cocker le plus légendaire de l'histoire. Le genre qui voulait dire « merci mille fois tu es adorable, tu es mon sauveur, on devrait rebaptiser ce lycée de ploucs à ton nom Ô grand Eden ! ». Et il me sourit.
* * *
Je sortis en dernier de ma classe. Allez savoir pourquoi, je m'étais entêté à vouloir faire le dernier exercice seul, sans l'aide de mon génie de voisin. Il m'attendait derrière la porte, les mains dans les poches de sa veste flambant neuve.
– Alors ?
– Un massacre. Mais merci.
Il haussa les épaules.
– De rien. J'ai cru que tu allais défaillir quand Sixtine nous a dit que c'était aujourd'hui.
Je lâchai un rire nerveux et il me donna une tape sur l'épaule comme pour me réconforter.
– On va bosser au CDI ?
– Si tu veux, répondit-il.
À ce moment-là son portable vibra et j'eus à peine le temps d'apercevoir le nom sur l'écran avant qu'il ne décroche. ADEL. Encore lui. Même à distance ce gars arrivait à interrompre des trucs. C'était un talent, en quelque sorte. Eden me fit signe d'avancer sans lui et ce fut donc en solitaire que je pris place à notre table (oui, notre, puisque je me posais toujours au même endroit quand j'allais bouquiner ou travailler). Eden arriva dix minutes plus tard, l'air encore plus agacé que ce matin, mais cette fois-ci, je me retenu d'enfoncer le clou. J'allais mener mon enquête tout seul, comme un grand. Comment, je n'en avais pas la moindre idée, mais je ne voulais pas passer pour le mec lourd qui se mêlait d'affaires qui ne le regardaient pas. Il ne décrocha presque aucun mot pendant l'heure qui suivit.
* * *
« Ils ont peut-être rompu ? La voie est libre mon coco, fonce ! »
« Maya... tu es horrible. Pauvre Adel, il est peut-être sympa, et regarde ce que tu lui souhaites... »
« Hier tu m'as dit qu'il pouvait aller brûler en enfer. »
« J'étais agacé. Ce n'est pas la même chose. Je le pensais pas, évidemment. »
« Tu es juste jaloux. »
« Bien sûr. »
Maya se moquait de moi. Mais je la comprenais : là-bas loin, à se demander à quoi tout ça ressemblait en vrai. En vrai, à rien. Ma vie ne ressemblait pas plus à celle d'une série télévisée américaine que la sienne.
« En tout cas, Adel écoute des musiques tristes. J'ai vu ça dans sa story sur insta. »
Elle n'était pas croyable. Maya, Maya, Maya... tu es un phénomène. Alors comme ça elle stalkait sans pression le copain du garçon sur lequel je faisais une fixette depuis la rentrée ? Et puis ça voulait tout et rien dire. Moi aussi je mettais des musiques déprimantes de temps en temps dans mon fil d'actualité...
Les messages de ma meilleure amie continuèrent d'affluer toute la soirée. Finalement, au bout d'un long moment d'hésitation, je cliquai sur le bouton « s'abonner » du profil d'Adel. Ce fut ma première connerie cette année.
* * *
Hey hey ! Voici un petit chapitre, le dernier pour clore cette année 2018 ! ☻Ouf, j'ai bien cru que je n'allais pas pouvoir le poster aujourd'hui ! J'espère qu'il vous plaira, n'hésitez pas à me faire des retours ♥
En attendant, je vous souhaite une bonne fin d'année, une joyeuse nouvelle année un peu en avance, et on se retrouve en 2019 pour les aventures de Louis et toute la clique ! ☺
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