04. CELUI QUI AVAIT OUBLIÉ SA VESTE

Je me réveillai le lendemain avec un mal de crâne terrible. La faute à une soirée prolongée beaucoup trop tard, à la musique et aux verres que j'avais bu en plus, juste pour suivre le mouvement, comme un mouton. Ce qui me réveilla, ce fut une main froide, collée à ma joue. Celle de ma sœur qui s'était assise sur le bord de mon lit, et qui me narguait comme jamais.

– Alors, ta soirée ?

Je lâchai un soupir avant de retourner sous ma couette. 

– C'était bien ? Il y avait le nouveau ? Tu es rentré super tard, et tu m'as réveillé.

Mince, moi qui pensais avoir été un véritable ninja en entrant dans la maison Hier soir.

– 'don. Ouais c'était bien...
– Clara a appelé.

Je sortis à peine la tête de mes couvertures. C'était original ça. Clara qui appelait sur le fixe.

– T'as oublié une veste chez elle hier soir.
– Ah.

Je m'extirpais du lit avant de m'étirer.

– Merci Sacha.

Ma sœur me colla une bise sur la joue avant de filer hors de ma chambre en rigolant. Connaissant Clara – et sa volonté que tout soit en ordre en permanence – elle devait m'attendre de pied ferme.

* * *

– Louis ! J'ai ta veste.

Clara m'invita tout de même à entrer le temps de me poser quelques instants.

– Tu veux un truc à boire ?
– Ça va aller, merci Clara.

C'était injuste : elle pétillait, ses traits n'étaient pas tirés comme les miens et c'était comme si la veille elle s'était mise au lit à vingt heures. Moi, il suffisait que je me couche un tantinet trop tard pour que l'on voit apparaître sous mes yeux bleus des cernes de vingt centimètres de long.

–Tu savais pour Eden ?

Là, je l'écoutais attentivement, elle avait toute mon attention. Puisque je ne savais pas de quoi elle parlait, je répondis par la négative.

– Je suis trop déçue, le nouveau mec canon de notre classe est déjà pris. Je suis dégoûtée.

Quoi ? Pardon ? Non. Non... Pourquoi ? Évidemment, à quoi je m'attendais ? Un si beau spécimen devait déjà avoir quelqu'un dans sa vie. Genre une jolie fille. Bien fichue. Une fille. Avec des seins. Avec un tas de trucs que je n'aurais jamais. Bref, pas moi. Mes rêves naissants venaient de s'envoler.

– Comment tu le sais ?

Clara leva les sourcils en me jetant un regard presque agacé.

– Tu es idiot ou tu le fais exprès ? Il a ramené son copain hier soir.

Il. A. Ramené. Son. Copain. Hier. Soir. Son copain. Oh bordel. Adel. Comment j'avais pu être aussi aveugle toute la soirée ? Comment ? Alors certes, ils n'avaient pas été super démonstratifs mais... Et puis merde, pourquoi je n'avais rien capté et elle si ? Si elle avait capté, alors les autres aussi. Sûrement parce qu'il a du leur dire de vive voix, crétin. 

– Hé hé, tu as presque l'air déçu, il te faisait de l'effet ?
– Ça va pas non ?

À ce moment-là, j'ai espéré que mes joues n'avaient pas choisi ce moment pour virer au rouge écrevisse.

– C'est juste que... j'ai dû rater un truc hier soir, ajoutais-je pour me rattraper.
– Je vois ça, gloussa-t-elle. Moi j'ai juste demandé s'ils étaient potes depuis longtemps, et Eden m'a dit qu'ils se connaissaient depuis un peu plus d'un an, mais qu'ils n'étaient ensemble que depuis sept mois.

Hop, double coup de couteau dans mon cœur. C'était un sentiment vraiment étrange qui m'envahissait : d'un certain côté, j'étais presque heureux de savoir ça – je n'étais plus le seul à aimer les garçons de ma classe bien que personne ne le sache – et puis d'un autre... Merde. Voilà Juste merde. Il avait fallu que le premier gars pour qui je prêtais une véritable attention, pour la première fois depuis des années, soit déjà pris.

– J'vais y aller. Merci pour la veste.

Sur le chemin du retour je me repassais en boucle les images de la soirée de la veille. À quel moment avais-je pu être aussi idiot ? Hein ? Je m'étais fait des histoires pendant des jours et puis, voilà. Au fond j'étais juste un adolescent de dix-sept ans pathétique qui attendait de mettre un peu de piment dans sa vie. 

« Gay ? Omg. J'y crois pas ! »

« Oui, bon... » 

« Et toi tu n'avais rien capté ?? »


Maya m'agaçait avec sa double ponctuation. Je l'imaginais derrière son écran, en train de taper à toute vitesse, totalement en délire face aux news que je lui balançais.

« Tu crois quoi ? Que j'ai un radar spécial homosexuel implanté dans mon cerveau ? »

« Je blaguais Louis, détend toi. Je suis triste pour toi. J'étais allée voir son compte insta, et il avait l'air grave mignon. Je vous voyais bien ensemble. »

« ... »

C'était tout elle, ça. Même à plusieurs centaines de kilomètres de distance, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Maya, depuis qu'elle avait su pour moi, n'avait cessé de m'imaginer avec tout un tas de gars. Je savais qu'elle ne voulait que mon bonheur, mais souvent, c'était lourd. Heureusement pour moi, elle ne vit pas la grimace que je fis derrière mon portable.

« Bah quoi ? »

« Tu n'en loupe pas une... »

« Que veux-tu, je suis irrécupérable ! »


* * *


Quand il entra dans le salle de cours, je me surpris à dévisager mon voisin de table comme s'il s'agissait d'un alien. D'ailleurs, il ne manqua pas de le remarquer et quand il posa ses fesses sur sa chaise il me lança un regard de travers. Merde.

– Tu vas me faire le même discours que ton pote ?

D'un geste de la tête il me désigna Blaise au premier rang. Je secouai la tête.

– Je vois même pas sur quoi.
– Ah. Cool. Alors c'est parce que j'ai un épi ou un truc sur la figure que tu me jauges comme ça ?
– Non non pas du tout ! 

Je m'enfonçai.

– Ton visage est très bien, parfait même !

Quel con.

– 'Fin euh c'est juste que...

Aller, tu peux encore creuser mon brave Louis.

– J'étais dans la lune et je te regardais sans te voir. Comme quand tu as le regard perdu dans le vague, tu vois ?

Un sourire fin naquit sur son visage et je le sentis se détendre aussitôt.

– Tant mieux, parce que pendant un bref instant, j'ai cru que tu étais aussi con que ce mec.
– Pourquoi ? Il a fait quoi ?

Eden me jeta un regard un peu surpris. D'accord, j'avais parfaitement compris que c'était à cause du fait qu'il soit gay. Je n'arrivais juste pas à mettre les mots dessus.

– Oh, juste le discours d'un mec un peu flippé et aussi coincé qu'une nonne. Il a cru quoi, que j'allais essayer de lui rouler un patin à chaque fois qu'on se croiserait ? Il est mignon, mais faut qu'il se calme.

Je ne pus m'empêcher de lâcher un petit rire. Je n'avais encore jamais vu Eden agacé, et c'était plutôt drôle à voir à vrai dire.

– Quoi ?
– Ne non, rien, c'est juste que ce n'est pas totalement faux... Blaise a toujours été coincé sur le sujet.
– Ah. Bah... J'espère que je nuirais pas à l'ambiance de votre classe parfaite.

Et sans un mot de plus, il se plongea dans le cours, sans décrocher un autre mot ou sourire pendant toute l'heure. 

Ce soir dans les vestiaires, il y avait une ambiance étrange. Il s'était mis à pleuvoir des trombes d'eau à la fin du cours, et le professeur avait décidé d'abréger les quinze dernières minutes du cours. Et tandis que nous entendions des rires de l'autre côté du mur – chez les filles – le nôtre était vraiment silencieux. On entendait de temps en temps Louis numéro deux balancer une vanne sur Inès qui s'était ramassée deux fois pendant le cours, et l'un de ses potes rire bêtement.

Et puis, je remarquai un détail. Eden. Dans son coin, le même que lors du premier cours de sport. Si la première fois je ne l'avais pas remarqué, aujourd'hui il me frappait. On avait rarement des tabous dans les vestiaires. On pouvait se changer devant les autres sans trop se préoccuper du regard des autres. Au pire, on se mangeait une ou deux remarques, mais entre mecs... C'était normal dirons-nous. Moi j'avais toujours été un maître du rhabillage rapide et discret. Je n'aimais juste pas comparer la taille de mes muscles. Puisque aucun mec de la classe ne m'attirait franchement, je ne m'étais jamais surpris à mater à la dérobée l'un d'entre eux. Et puisqu'ils ne savaient pas pour moi, il n'y avait pas de malaise. Mais Eden... Eden était dans son coin. Si l'autre jour il avait pris part à nos discussions il était maintenant discret, reculé dans les douches pour se changer, le regard dirigé vers le mur. Tu devais avoir peur, c'est ça ? Peur des remarques que tu allais te manger si tu osais poser le regard sur l'un d'entre eux, d'entre nous. Même s'il n'y avait rien. Tu vois, c'est ce que je redoutais. C'était pour ça que je restais muré dans le silence. 


* * *


Hey hey ! Voici le chapitre quatre de ECLIPSE, j'espère que jusqu'à maintenant, l'histoire vous plait ! Je pose mes bases doucement, j'aime bien prendre le temps de poser le cadre de mon récit. ♥ Merci pour vos votes, ce n'est jamais facile pour une nouvelle fiction d'avoir de premiers lectures, alors merci aux personnes qui laissent une petite trace de leur passage ♥

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