Chapitre 13 : Faire surface
- Je sais où se trouve l'ancien emplacement de la barrière. Je connais à peu près l'ancien château du Roi Asgore...
- Moi, je le connais parfaitement, je le coupe.
Il hausse un sourcil.
- Comment, poupée ?
Je me sens rougir un peu.
- Grâce...aux visions, j'avoue.
- Quelles visions ? Tu ne m'en as pas parlé. Je croyais que nous avions un accord...
Sa voix est de plus en plus menaçante.
- Ce n'est pas si important ! Le jour, j'avais deux ou trois visions d'un endroit de l'Underground. Et avec les cours de géographie, je connais cet endroit parfaitement.
- On vous enseigne la géographie de l'Underground en cours ? s'étonne G. Mais à quoi ça sert ?
Je hausse les épaules.
- C'est juste dans le programme.
- C'est pas logique.
- Mais c'est comme ça. Donc si tu veux, je peux te faire un plan détaillé du château.
Il me dévisage un instant avec une expression étrange avant de lâcher :
- Allons chez Grillby pour trouver du papier.
***
- Quand est-ce-que tu as fini ? s'impatiente G en tapant du pied.
Je grimace.
- Arrête de faire du bruit. Ça me stresse...
- Tant que tu restes concentrée ça passera.
- Le bruit me déconcentre aussi.
Il arrête alors avec son pied en soupirant.
- Merci. J'ai presque fini.
G m'observe alors travailler avec intérêt. Je dois avouer que son regard suivant mes moindres gestes me perturbe un peu. J'ai les mains qui commencent à trembler.
Après une éternité, je trace enfin le dernier trait de cette carte, répétée tant de fois en cours.
- J'ai fini, j'annonce en m'étirant.
J'ai tellement serré le crayon que j'en ai mal à la main.
Il se penche juste à côté de moi pour observer mon travail. Si je tourne la tête, je serais juste face à lui.
Prudemment, je me décale sur le côté, sans qu'il ne remarque quoi que ce soit. Je déglutis en le voyant du coin de l'œil froncer les sourcils.
- J'ai... j'ai besoin d'un verre d'eau, je marmonne avant de me lever précipitamment et presque courir vers le comptoir du bar.
Je me sers un grand verre d'eau avec des glaçons dedans. Je le vide d'une traite et ne laisse que les glaçons au fond. Puis, je respire. Pourquoi je réagis comme ça ? Ce n'est pas la fin du monde !
- Gamine, m'interpelle G, les yeux toujours fixés sur la carte.
- J'ai seize ans !
- Rien à foutre. Viens par là.
En le maudissant de tout mon être, je le rejoins.
- Qu'y a-t-il ?
- Je pense avoir trouvé un début de plan.
Parfait. Je vais me concentrer là-dessus et oublier le reste.
- Dis-moi.
***
G est intelligent, je ne peux pas le nier. Je lui ai aussi indiqué à peu près l'emplacement des gardes autour de l'ancienne barrière.
- Tu ne peux pas connaître exactement l'heure des tours de garde ?
- Non.
- Tant pis. On sera obligés d'attendre l'heure du déjeuner.
Il reste un instant silencieux, fixant la carte, concentré. Puis, il hoche la tête et dit :
- On part dans une heure.
Il commence à plier soigneusement la carte. Je l'observe un instant avant de remplir mon sac de provisions et une gourde d'eau.
Va-t-on se quitter si vite ?
Je sens mon cœur se serrer.
Où irai-je, sachant que je suis totalement seule à présent ?
J'irai voir la police. Peut-être. Je ne sais pas.
Je me dirige vers le vieux canapé. Je vais me reposer avant de quitter définitivement cet endroit. Avec lui, comme je l'ai toujours voulu.
***
Nous marchons depuis quelques minutes. Une question me trotte dans la tête.
- Que vas-tu faire une fois à la surface ? Aller voir un juge ?
-En quoi ça t'intéresse, petite princesse ?
Je hausse les épaules.
- Pour savoir. Et parce que tu dois être un minimum reconnaissant envers moi.
Il grogne.
- Je ne vais pas aller voir un juge pour demander qu'on me blanchisse. Sortir de l'Underground est un crime. En connaître l'entrée aussi, d'ailleurs. C'est sûrement pour ça qu'ils ont tués tous tes proches, pour éviter que tu ne révèles où est l'entrée de cette prison.
J'expire tout l'air de mes poumons en sentant une pointe de douleur transpercer mon cœur.
- Je vais tout simplement trouver un moyen de faire diffuser la vidéo partout.
J'écarquille les yeux.
- Sérieusement ? Mais...
- Je n'ai aucunes compétences en informatique. Je ne veux l'aide de personne. Je vais me débrouiller.
Nouvel instant de silence.
- Quel âge as-tu ? je demande subitement.
- Tu me fais passer un interrogatoire ? lâche-t-il avec fureur.
- Je veux juste te connaître un peu...
- A quoi ça te servirait ?
C'est à mon tour de sentir doucement la colère m'envahir, telle une douce vague que l'on aperçoit de loin, et qui grossit au fur et à mesure qu'elle s'approche de la plage...
- Parce que ça faisait trois ans que je te voyais dans mes rêves ! Je ne veux pas rentrer en me disant que je n'ai rien appris de toi.
Il sourit moqueusement.
- Tu as appris à échapper à des gardes. Je t'ai transmis un peu de mon savoir, princesse.
Il sort alors une cigarette de sa poche, ainsi que son briquet pour fumer un peu.
- Tu ne devrais pas fumer, je ne peux m'empêcher de dire. C'est mauvais pour la santé.
Il rit en recrachant de la fumée qui, heureusement, ne m'atteint pas.
- Ce genre de merde ne fonctionne pas sur moi, ma belle. Mais merci de t'inquiéter pour moi.
Je le maudis intérieurement.
- Tu n'as toujours pas répondu à ma question.
- Hum... Elle disait quoi, déjà ?
- Quel âge as-tu ?
G réfléchit un instant.
- Environ vingt-cinq ans.
Surprise.
- Tu ne connais pas ton propre âge !?
- J'ai été coupé de tout. C'est pas facile de célébrer son anniversaire lorsque t'as aucune notion du temps. Et seul, en plus.
- Désolée...
Il ricane et crache un nouveau nuage de fumée.
- Je me suis habitué. Ne te fais pas de soucis pour moi.
- C'est triste...
- Mais c'est comme ça.
Les yeux de G se fixent au sol. Ils ont l'air d'être légèrement teinté de tristesse.
-Tu sais, maintenant j'arrive à peu près à savoir ce que tu ressens... Ce que ça fait de perdre quelqu'un. C'est pour ça que tu m'appelles « princesse » ? Parce que je n'ai jamais ressenti la douleur de perdre quelqu'un ?
Il reste silencieux un instant. Je remarque alors qu'il a ralenti et qu'il traîne des pieds, à présent. Je cale mon rythme sur le sien, et patiente comme je peux.
- Peut-être..., finit-il par répondre. Je n'ai jamais vraiment pensé à ça. Je t'appelle peut-être comme ça à cause de...ta posture.
- Ma posture ? je demande en fronçant les sourcils.
Il détache ses yeux du sol et m'observe de la tête aux pieds. Cet instant semble durer une éternité...ou un millième de seconde. Je ne sais pas si j'aime la façon dont il me regarde actuellement. Ça me fait me sentir bizarre.
- Tu te tiens droite. Comme si tu étais sûre de toi. Pourtant, tu manques de confiance en toi. Mais tu fais semblant... alors le mot « princesse » te convient parfaitement.
Il me fait un clin d'œil qui déclenche un petit rougissement. Il sourit moqueusement face à ma réaction.
- Je te fais de l'effet, princesse ?
Je rougis encore plus et accélère le pas, furieuse.
- Comment fais-tu pour arriver à me cerner comme ça ?
Je l'entends rire un peu derrière moi.
- Il suffit de te regarder.
Je me tourne vers lui brusquement.
- Je suis si transparente que ça ?
- Oh, tu n'aimes pas ?
Je fais mine de réfléchir, puis lance une contre-attaque :
- Et toi, tu aimerais ça ?
- Non, répond-t-il sans hésiter.
- Alors on se ressemble sur ce point là...
Mes mains tremblent lorsque je prononce cette phrase. Une étrange chaleur commence à s'allumer dans mon ventre.
***
- Nous y voilà, enfin, me chuchote-il à l'oreille. Il n'y a plus qu'à attendre.
Je m'écroule au sol, épuisée. J'ouvre mon sac et tombe sur...une bouteille de bière.
Pendant quelques secondes, je reste silencieuse. Puis je la sors. Et en découvre une deuxième.
Suis-je amnésique ?
- Ah, merci beaucoup ma belle, dit G en m'arrachant la première bouteille des mains.
Je suis tellement surprise que je ne réagis pas, le temps qu'il avale sa première gorgée. Puis, je me réveille et lui arrache à mon tour des mains.
- Et en plus de fumer, tu bois ? je m'exclame. Alors qu'on doit rester concentrés pour pouvoir passer à la surface ? Non mais franchement, G, t'abu...
Il pose son doigt sur ma bouche à une vitesse incroyable et reprend sa bouteille.
Je vais la lui éclater sur la tête.
Noir.
Puis la lumière revient.
G a les mains autour de mes poignets, sur les restes de mes chaînes. Ses yeux sont plongés dans les mies. Il est dans une espèce de transe...
Que s'est-il passé ?
Je cligne des yeux. G lâche mes poignets sans retirer ses yeux des miens. Une lueur étrange danse dedans.
- Qu'y a-t-il ? je murmure.
Il semble surpris.
- Tu ne vois pas ce que tu viens de faire ?
- Qu'est-ce-que j'ai fait ?
- Tu as jeté la bouteille dans la lave... Puis, j'ai remarqué...
Il ne finit pas sa phrase. Il continue toujours de m'observer avec cette lueur dans les yeux.
- Tu as remarqué... ? je demande pour qu'il finisse.
- Il m'a vue dans tes yeux...
Je sursaute. G remet sa main sur le bout de chaîne autour de mon poignet. Il serre fort.
- Arrête de le regarder. Tu sais que c'est dangereux.
Chara. Elle est toujours là. C'est elle qui m'a fait oublier ce que j'ai fait ?
Avec un ricanement, je la sens s'effacer.
- Quel est ton problème, gamine ? siffle G en emprisonnant mon bras de son autre main.
Cette fois, c'est un contact direct avec ma peau. Je sens mon cœur s'accélérer et je baisse les yeux.
- Je...
Heureusement pour moi, je n'ai pas à finir ma phrase. G me lâche soudainement.
- Les gardes sont partis.
Je profite de ma liberté pour m'éloigner de lui. Je ferme mon sac tant bien que mal avec mes mains tremblantes et le suis vers l'entrée du château.
G rabat sa capuche sur sa tête. Je sors mon châle et le drape rapidement sur la mienne.
C'est pour les caméras de sécurité. L'ancien château du Roi Asgore est encore plus sécurisé que le Laboratoire. C'est la porte de sortie vers la liberté.
G donne un coup de pied puissant contre la porte. Elle s'écrase sur le sol. Une fois de plus, je suis impressionnée par sa force démesurée.
Nous savons qu'à cause des caméras, nous serons immédiatement repérés.
Une sonnerie stridente retentit partout. G se tourne vers moi et me lance un coup d'œil furieux, l'air de dire « Tu aurais pu me prévenir ».
Puis, il sort un pistolet de sa veste.
J'écarquille les yeux lorsqu'il me le lance. Je l'attrape maladroitement. Il est lourd et froid. Cet objet me dégoûte...
- On fonce, dit-il en sortant une autre arme. Oublie le plan.
Il tire sur les caméras. Il est précis. Il est...doué. Un seul coup, et elles explosent.
Je faillis lâcher mon arme sous le coup de la surprise. Je ne l'ai jamais vu utiliser de pistolet. Même dans mes rêves. Et apparemment, il est très doué dans ce domaine.
- Cours ! me hurle-t-il avant de se mettre à accélérer.
Je me mets donc à courir, tenant fermement mon arme dans ma main, prête à l'utiliser. Même si je ne sais pas vraiment comment faire.
Nous entendons de nouveau des cris de gardes :
- Allez tous à la porte !
- Il s'est passé quelque chose !
- ATTRAPEZ LES INTRUS !
G ralentit un peu pour se mettre à ma hauteur.
- Passe devant. Mène-nous à la surface.
Je hoche la tête et accélère. Il me laisse le dépasser.
Droit devant nous, nous entendons des bruits de gardes. Affolée, je m'arrête et regarde autour de moi pour tenter de me repérer.
Je vois une porte.
- Par ici !
G regarde à l'intérieur et hausse une arcade sourcilière. Impatiente, je le pousse et referme la porte derrière nous.
Oh non...
Nous sommes dans un minuscule W.C.
***
- Tu veux t'assoir sur mes genoux ?
- Tais-toi !
- C'est toi qui parle fort là.
Je colle encore plus mon oreille contre la porte. A cause de lui, qui n'arrête pas de se plaindre, je n'entends rien.
Il grogne et soupire. Une espèce de tension règne entre nous. Je sens mon corps tremblant, et j'essaye un maximum de me concentrer sur les bruits au-delà de la porte.
Je suis si concentrée que je n'entends pas G s'approcher.
D'un coup, il se colle juste à côté de moi et pose sa tête contre la porte. Même si techniquement il n'a pas d'oreilles, peut-être que ça l'aide un peu.
Avec la façon dont nous sommes côte à côte, je peux sentir la force qu'il dégage, son assurance et la grandeur de son égocentrisme.
Pourquoi je me sens si attirée ?
Je recule subitement. Mon cœur bat trop fort. La chaleur dans mon ventre renaît, un peu plus intense.
G ne se rend compte de rien. Il reste contre la porte pendant quelques secondes, les yeux fermés, sérieux.
Puis il les rouvre et me regarde. Confuse, je le regarde aussi. Et il articule :
- Trois, deux...
Il a la main sur la poignée de la porte.
- Un...
Il l'ouvre et se précipite dehors, moi à sa suite.
- On y est presque, je lui souffle une fois à sa hauteur. Encore un couloir, puis à droite. Et on y sera.
Je remarque le garde dès que nous tournons à droite.
Il semble déjà prêt à nous accueillir. Son arme levée, il commence à viser.
Pour moi, le temps semble alors ralentir.
Je vois G lever lui aussi son pistolet. Je sens le mien s'alourdir dans ma main.
Puis je le lève aussi. Je ne veux pas le faire. Je n'ai pas confiance. Mais comme animée par une force étrange, je le fais.
Je vise à peine.
Je tire avant les autres.
La balle atteint sa cible.
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