Chapitre 1 : Un squelette perdu au fin fond d'un rêve

Lorsque je me réveille, mon souffle est court et je sens des gouttes de sueur perler sur mon front. Je jette un regard à l'heure. Il est 5h34. Je me rallonge sur mon lit en fermant les yeux, épuisée.

Ce rêve-là a été particulièrement éprouvant. Des fois, je me réveille juste normalement, comme si j'avais rêvé de licornes et de papillons arc-en-ciel, des fois, c'est comme si j'avais couru trois heures sans m'arrêter une seule fois.

Ça va faire trois ans que je fais ce genre de rêve. Etrangement, je n'ai eu aucune envie de le partager, à qui que ce soit. Je sais que ce n'est pas normal. Que je peux très bien en parler à mes parents, et ils m'emmèneront faire des examens, peut-être parler à une psychologue, et tout serait terminé.

Mais je sens que je ne dois pas faire quelque chose pour changer ça.

Alors environ une fois toutes les deux semaines, je revois le même squelette, crier, échapper à des gardes royaux, se débattre, puis à la fin...

Le pire.

Appeler à l'aide.

Tout de même, des fois, le décor change. Et je sais exactement où mon rêve se déroule, grâce à mes cours de géographie.

L'Underground.

Ça fait trois ans que les monstres sont revenus parmi nous. Certains humains ne l'acceptent pas, d'autres si... Pour ma part, je rêve d'un squelette, donc...on peut dire que j'ai été un peu contrainte à accepter les faits.

L'Underground est devenu la prison la mieux gardée au monde, à présent. On y enferme les pires criminels.

Mais, dans ces rêves, le squelette...il répète que c'est une erreur. Un malentendu. Qu'il ne l'a pas fait. Mais quoi ? Qui est-ce ? Si j'en savais un peu plus, peut-être pourrai-je agir ? Faire quelque chose pour lui, pour lui apporter l'aide dont il a l'air d'avoir tant besoin ?

D'après mes rêves, il serait dans l'Underground. Mais personne ne sait où se trouve l'entrée de l'ancien monde des monstres.

Je n'ai d'ailleurs aucune preuve de l'existence de ce squelette. Peut-être fais-je ces rêves uniquement parce que je veux avoir un petit rebondissement dans ma vie ? De l'aventure ?

Je ferme les yeux et soupire.

Oui. Peut-être que c'est juste ça, Frisk.

Pourtant, quelque chose au fond de moi n'est pas d'accord avec cette idée.

Je regarde de nouveau l'heure. Il est 5h40. Il me reste 1h20 de sommeil, exactement. Je ferai mieux de me rendormir si je ne veux pas m'endormir en cours demain.

Je me tourne sur le ventre dans mon lit et me rendors comme une pierre.

***

Dès que mon réveil sonne, je sais que la journée qui va suivre va être horrible. Je ne vais pas assumer mon réveil en plein milieu de la nuit.

Je grogne, l'éteins et sors de mon lit. Je sais que si dans la seconde où mon réveil sonne je ne suis pas debout, ma mère est parfaitement capable de remplir une bassine d'eau glacée et de me la balancer au visage. Ça m'est déjà arrivé deux fois, et je ne veux pas retenter une troisième.

Une fois habillée, je me rends dans la cuisine. Ma mère est déjà là, en train de faire cuire quelque chose – un œuf, peut-être ? Je ne sais pas à quelle heure elle se lève pour être toujours dans la cuisine en train de préparer le petit-déjeuner.

- Bonjour Frisk, me dit-elle en me voyant entrer. As-tu bien dormi ?

- Oui, je mens en me remémorant le rêve de cette nuit.

L'expression désespérée sur le visage du squelette flotte un moment dans ma tête. Rapidement, je la chasse pour mieux me concentrer sur le visage souriant de ma mère.

- Tu as des évaluations aujourd'hui ? me demande-t-elle en posant sur la table une assiette avec un œuf au plat dedans.

Je m'assois en réfléchissant à ma journée et à mes futurs cours.

- Je ne pense pas...

Mon estomac gargouille. J'attrape alors une tranche de pain et pose l'œuf dessus à l'aide d'une fourchette.

- Frisk... Il faut que tu fasses plus attention à tes études au lieu de rêvasser.

- Mais...

- Tu as seize ans – bientôt dix-sept – et tu ne sais pas encore ce que tu veux faire. Je ne veux pas vraiment te presser là-dessus, mais... Si un jour tu te rends compte que tu veux faire un métier en particulier, et que tu vois que tu n'as pas assez de bonnes notes dans les matières qui servent à ce métier, alors tu ne pourras pas faire ce que tu veux !

- Maman... C'est bon, je viens de me souvenir que je n'ai aucun contrôle aujourd'hui, je tente avec un petit sourire.

La vérité est que c'est le matin, et que j'ai la flemme de réfléchir, et que le rêve de cette nuit tourne en boucle dans ma tête, encore et encore.

Ma mère me dévisage un moment avant de se tourner de nouveau vers la cuisine sans rien dire.

Je finis en vitesse de manger et remonte finir de me préparer.

Je lance un rapide « A ce soir ! » avant de claquer la porte derrière moi.

Je commence à courir. Je suis l'une des rares personnes dans ce monde à aimer courir. Je cours depuis trois ans, deux fois par jour : pour aller au lycée, et pour en revenir. Ça me défoule et me fait éviter de penser à mes rêves, et à la sensation que je dois aider et guider ce squelette perdu.

Tu ne peux rien faire pour lui.

Je serre les dents et accélère mon rythme. Inspirer deux fois par le nez, expirer trois fois par la bouche, encore et encore. Les battements de mon cœur s'accélèrent progressivement, et enfin, je plonge corps et âme dans la course.

Dix minutes plus tard, ma vision se trouble. Je m'arrête brusquement. Le paysage change pendant deux secondes.

A quoi vais-je avoir droit aujourd'hui ?

C'est Waterfall, avec ses reflets bleus et ses eaux scintillantes, qui se présente sous mes yeux. Puis, le paysage redevient normal.

Je reprends tranquillement ma course. Une fois par jour, j'ai une vision. Toujours la même : un des paysages de l'Underground. Pourquoi ? Est-ce lié au squelette ? Aucune idée...

J'arrive au lycée cinq minutes plus tard. Eleonore, une amie, m'attend juste devant. Elle est en train de manger son petit-déjeuner, comme tous les matins.

Elle me salue de la main tandis qu'elle se dépêche d'avaler sa bouchée.

- Salut Frisk, dit-elle en souriant.

Je respire fort, les mains sur les genoux en reprenant mon souffle.

- Coucou, je réponds. Tu me passes un truc à grignoter ?

- Mais tu as bien mangé quelque chose ce matin, non ? Ton petit-déjeuner par exemple ?

- Je me suis dépêchée. Ma mère me demandait s'il y avait des contrôles aujourd'hui.

Eleonore rit un peu et me passe un bout de pain.

- Eh bien ne t'inquiète pas, tu pourras rassurer ta mère ce soir ! On n'a rien aujourd'hui.

Je mange le morceau de pain en remerciant le ciel. Je tremble déjà un peu moins. Je constate qu'au fur et à mesure des jours, je me remets de plus en plus rapidement de ma course quotidienne.

- Merci ! dis-je à Eleonore en lui offrant un sourire.

- Je t'en prie, rit-elle. Allons-y ! Prête à affronter la journée ?

Je lui jette un regard fatigué.

- Absolument pas, je marmonne en la suivant.

Elle n'attend pas de réponse. Elle est déjà en train de parler à d'autres personnes. Je les salue rapidement et écoute leur conversation d'une oreille distraite.

***

La journée passe vite. Rien d'extraordinaire ne s'est produit. Tout est normal. Mes amis se sont juste plaints quelques fois de ma fatigue et de mon manque de participation aux conversations.

Tout ce que j'attends, c'est de dormir. Me glisser sous ma couverture, et tout oublier.

Tandis que je cours pour rentrer chez moi, d'un coup, le paysage se brouille. Un peu déstabilisée, je m'arrête soudainement.

Cette fois-ci, ce n'est pas juste un paysage. Ce sont des barreaux, juste en face de moi.

Cette « pièce » ressemble à une prison. En face de moi, une ombre bouge, faisant des allers-retours dans sa cellule.

Je reviens sur Terre, un peu sonnée. C'est la première fois en une journée que j'ai deux visions. Généralement, c'est une, point.

Peut-être ai-je juste...rêvé ?

Non. Impossible. C'est clairement une vision. Et une vision différente, cette fois.

Perplexe, je me remets à courir. Et bien vite, j'oublie tout. C'est tout ce que je demande.

Oublier l'appel à l'aide de ce squelette, qui résonne toujours dans ma tête.

***

Il marche. Il regarde le sol. Il y a de la neige par terre. Il shoote dedans. Il a l'air en colère, perdu et désespéré.

Moi, je suis là, à l'observer. Mais il ne me voit pas. Je le sais, j'ai déjà essayé de l'appeler, d'attirer son attention...

Il ne répond jamais.

Soudainement, il tombe à genoux dans la neige, et hurle.

Son cri me transperce les oreilles, rentre dans mon cerveau, envahi mes pensées... Je ferme les yeux et frissonne. Je sais que j'entendrai ce cri toute la journée, le lendemain.

Puis, je me rends compte que j'ai déjà fait un rêve hier. Je n'ai jamais fait un rêve deux nuits de suite.

Je rouvre les yeux. Le squelette a arrêté de crier et s'est assis sur le sol. Il fixe le vide devant lui.

Je m'avance et m'agenouille devant lui. Je plonge mes yeux dans ses orbites noires.

Au bout d'un moment, ça devient gênant. Pour moi, en tout cas. Je détourne alors le regard et soupire.

- Comment puis-je t'aider ? je murmure.

J'attends une réponse. Qui, comme d'habitude, ne vient jamais.

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