Prisonnière. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque je parviens à ouvrir les yeux dans une obscurité profonde. Bien que consciente, je suis incapable de remuer ne serait-ce qu'un doigt. J'écoute d'une oreille attentive les bruits autour de moi tout en essayant d'apaiser la vague de panique. Où suis-je ? Que s'est-il passé ? Ma mémoire est trouble, j'ai quelques images de ma dispute avec Ayla, mais ensuite c'est le noir complet. L'odeur de terre me chatouille le nez. Elle est suffisamment puissante pour que je prenne conscience que quelque chose cloche. Je tente d'appeler au secours en vain car ma voix ne produit que de faibles gémissements à peine audible. Ma langue sent le goût salé de mes larmes. J'aimerais hurler, me débattre et comprendre ce qui s'est réellement passé pour que je me retrouve dans cet endroit inconnu.

Un craquement sourd retentit, ce qui me pousse à lever les yeux et à croiser un regard familier. Je frissonne lorsqu'elle se penche vers moi pour me soulever avec une infime délicatesse afin de me sortir de ma prison. Des faibles gémissements s'échappent de mes lèvres à cause de la douleur dans mon corps. J'ai beau ne pas pouvoir bouger, je suis encore capable de ressentir la souffrance provenant de mon dos, mes jambes ainsi que mes bras. La sorcière me dépose délicatement sur ce qui me semble être de la pelouse puis fouille dans la poche de sa cape pour extirper une petite fiole. Le liquide est glacial dans ma bouche, il parcourt mon corps de l'intérieur éliminant chaque parcelle brûlante.

― Est-ce que ça va ?

Je parviens à incliner la tête pour me tourner vers la femme que j'aime. Des sensations commencent à revenir dans mes jambes, ce qui me rassure. Cléo repousse une mèche de mes cheveux en me contemplant durant de longues secondes.

― Je suis vraiment désolée, mais c'était l'unique solution pour te faire gagner du temps.

― Ne... comprends... pas...

― Je te présente mes excuses les plus sincères pour cette décision, mais je n'avais pas le choix. Tes décisions ne cessaient de te mettre en danger et je n'avais aucun moyen pour te convaincre de faire attention. J'ai toujours eu de l'instinct et cette fois-ci j'ai eu le pressentiment de devoir te protéger.

Elle marque une pause.

― Le seul moyen de regrouper les preuves nécessaires pour faire tomber ta grand-mère est ton besoin de temps. En disparaissant de son champ de vision, tu es libre de faire ce que tu veux et de fouiller davantage en profondeur dans le passé de ta famille. Je sais que tu aurais voulu un autre choix, mais c'était le seul à notre disposition susceptible de te protéger.

― Qu'est-ce que tu as fait ?

J'arrive à aligner des phrases plus ou moins cohérentes, mais cette conversation commence à me chambouler. Que s'est-il réellement passé ? Je ne sais toujours pas où je me trouve et la raison pour laquelle je me retrouve dans un tel état, mais j'éprouve beaucoup de crainte.

― Je savais que tu ne renoncerais pas même avec un discours comme le mien alors je me suis occupée de tout organiser pour rendre la chose la plus réaliste possible. Il était inconcevable de te laisser risquer ta vie en restant les bras croisés. Tu te souviens de notre soirée toutes les deux ? La boisson contenait une potion capable d'imiter la mort pendant une courte durée.

― Ne me dit pas...

Elle pince ses lèvres.

― Aux yeux du monde, tu es morte et enterrée.

05.06.2024