Chapitre 39

« — Mais je n'ai jamais eu peur du Roi, parce qu'aux échecs, sans sa Reine, il n'est qu'un pion plein de désarroi. »

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L'acide irritant ma gorge me l'obstrua à tel point que j'eus du mal à reprendre mon souffle. Meurtrie par ces souvenirs si douloureux, je parvins à papillonner des cils pour repousser courageusement les images qui tentaient tourmenter mon esprit, et j'inspirai profondément avant de lancer un coup d'œil brouillé à Kyle qui, tendu, me dévisageait, sa main contre ma joue et son regard cherchant le mien, me permettant de rester ancrer à la réalité.

— C'est bon, haletai-je. J'ai eu juste un coup de chaud.

— Putain, mais à quel point il t'a détruite ?...

Je me pinçai fermement les lèvres en ignorant mes yeux qui me brûlaient, la peau couverte de sueur, et le front moite.
Il m'avait détruite à tel point que j'étais persuadée de ne plus jamais pouvoir goûter au bonheur.
Pour moi, ce n'était que chimère.
Il m'avait détruite à tel point que mon corps ne m'appartenait plus.
Qu'il me répugnait à chaque fois que je le voyais dans un miroir.
Oui, il m'avait brisée jusqu'à ce que, à son simple souvenir, je me sente perdre pied.

Il m'avait détruite comme on le faisait avec un jouet.
Détruite jusqu'à ce qu'il soit impossible d'être réparée...

Mes paupières se pressèrent sans que je ne sois capable de repousser ce souvenir qui me tourmentait constamment en ignorant la bile qui remontait dans ma gorge, la peau se couvrant de frissons de dégoût, me plongeant au sein de mes démons riant de mon malheur.

Je fermai un instant les paupières pour oublier sa silhouette refermant lentement la porte de ma chambre avant qu'il ne s'approche en souriant tendrement.
Repoussant le souvenir de sa main pressant mes lèvres pour m'empêcher de hurler, et de son souffle s'écrasant contre mon visage humide.
De ses paroles prétendant qu'il fallait que ça reste entre nous, que c'était un jeu, et qu'il y avait également joué, lorsqu'il était plus jeune...

De sa menace cachée derrière son visage se voulant tendre, aiguisée comme un couteau, me tranchant la peau, mais également le cœur, alors que la honte me terrassait en même temps que la peur, sans que je ne parvienne à me débattre davantage, incapable de savoir si ce qu'il faisait était bien.
Ou mal...

Tremblante, je rouvris les yeux avec affolement, dans l'espoir de ne plus visualiser son corps me couvrir, pour croiser ceux de Kyle me dévisageant, une lueur hantée y domiciliant, et je m'emplis les poumons pour ne pas perdre pied, me concentrant sur ses pupilles scrutatrices.
Agenouillé devant moi, il caressa à nouveau ma joue pour essuyer une larme solitaire, et je tressaillis en sentant son contact contre ma peau. Il suspendit son geste, par peur que je n'aie tressauté d'effroi, et silencieuse, je laissai ma mâchoire reposer contre sa main qui m'apporta bien vite une chaleur bienvenue.

On garda le silence pendant un petit moment, incapables tous deux de le briser, nos démons patientant dans notre ombre, prêts à nous assaillir à la moindre faiblesse.
Mais, quand il était si près de moi, je me sentais capable de leur faire face avec courage.

— Je suis sincère, quand je te dis que je ne suis pas de leur côté, me dit-il dans un souffle. Si j'ai tué mon père, c'est justement parce que je voulais quitter ce gang. Je ne me serais jamais douté que quelqu'un reprendrait les rênes.

— Est-ce que... Tu as une idée de qui pourrait être derrière tout ça ? demandai-je, encore troublée.

Il secoua la tête, l'air égaré. Je pris une profonde inspiration en ignorant mes poumons serrées avant de sentir son parfum. Et, malgré moi, je sentis mes muscles se détendre, quand sa chaleur continuait de m'envelopper.
De m'apaiser.

Je me figeai un instant en prenant conscience que son contact ne m'avait pas plongée davantage dans mes tourments.
Son toucher ne m'avait pas plus encore noyée dans mes tracas.
Comment s'y prenait-il ?
Que me faisait-il ?
Jamais aucun contact avant celui d'Ayoub n'était parvenu à me rassurer.
Aucun.

Kyle retira sa main de ma joue et me contempla à travers ses longs cils assombrissant ses prunelles qui me coupaient le souffle. J'hésitai et parvins à balbutier :

— La personne derrière tout ça en a après moi, Kyle... Je n'ai aucune idée de ce qu'il me veut.

Il fronça les sourcils avant de fermer les paupières, probablement pour calmer la tempête qui faisait rage en lui.
Bon sang, que j'étais lasse.
Lasse d'être mêlée à un conflit qui n'avait aucun sens.
Fatiguée d'être traquée comme une bête...

— On trouvera ce qu'il veut, m'assura-t-il enfin en rouvrant les yeux.

Je ne répondis rien pas de suite, la langue semblant peser une tonne, avant de réfléchir, m'interrogeant à son sujet.

— Je ne sais rien à ton sujet, Kyle...

— Il n'y a rien d'intéressant à dire, avoua-t-il en haussant les épaules.

Et, en voyant à son visage qu'il croyait réellement être inintéressant, mon cœur se serra douloureusement. Prudente, je rapprochai mon pouce de sa mâchoire pour la caresser. Il tressaillit, une lueur brûlante au fond de son regard plongé dans le mien, et je l'interrogeai :

— Je suis certaine du contraire... Tu m'as parlé de ton père, mais qu'en est-il de ta mère ?

Son regard s'assombrit avant qu'il ne réponde :

— Je ne la connais pas... Mais ça ne m'étonnerait pas qu'elle soit l'une des victimes de Finn...

Je restai bouche-bée, retournée par son aveu.
Sa mère ? Une victime de Finn ?
Mais quelle horreur...
Je n'imaginais même pas la culpabilité qu'il devait ressentir...
Voilà peut-être la raison pour laquelle il était constamment en colère.
Pitié, que ça ne soit pas le cas... Je priais pour lui. Pour cette femme inconnue...

— Je suis désolée, je n'aurais pas dû...

— Tu es curieuse, m'interrompit-il. Tu es en droit de poser des questions.

Hésitante, je caressai à nouveau sa mâchoire. Il ferma les yeux pour profiter de mon toucher. J'hésitai ensuite à l'interroger sur sa famille. Sur son entourage. Sur des personnes sur qui il pouvait se reposer.
Oui, j'espérais tant qu'il ne soit pas seul. Qu'il ait un frère, ou une sœur. Une famille...
Je repensai ensuite à nos rencontres au sein du cimetière.
S'il n'avait jamais connu sa mère, et qu'il avait tué son propre père, alors a qui rendait-il visite ?

J'entrouvris les lèvres, mais, quand il rouvrit les yeux sur deux billes vitreuses, mon souffle se fit plus court.
Non, je ne pouvais décidément pas l'interroger.
Pas sur un sujet si sensible...

— Je suis là, Kyle, lui murmurai-je. Je suis là, comme tu l'as été pour moi...

Il ne répondit rien, probablement surpris par mes paroles.
Oui, je voulais être présente. L'écouter, s'il avait besoin d'une oreille attentive, l'épauler, s'il se sentait vaciller.
Je voulais lui tendre la main.
Permettre à son cœur de repousser la douleur qu'il devait ressentir...

On resta là, silencieux, encore un petit moment. Moi, à lui effleurer la mâchoire en cherchant à lui apporter de ma chaleur, et lui, muet, le regard lointain, mais profitant pourtant de mon toucher.

Je laissai bientôt mes mains retomber sur mes genoux tremblants, écrasée par mes tourments se faisant plus violents, par le chagrin que je ressentais pour lui, et soufflai, incapable de lutter davantage par toutes les émotions qui me troublaient. Lentement, je laissai ma tête reposer contre son épaule en fermant les paupières. J'entendis sa respiration se figer un instant, avant que ses doigts ne se plongent dans mes cheveux. Un frisson longea ma colonne-vertébrale quand il les caressa avec douceur, et que son souffle chaud s'échoua sur ma peau frémissante.

— Je suis fatiguée, Kyle, confiai-je soudainement. Fatiguée de vivre dans la peur. Lasse de vivre comme si chaque jour serait le dernier.

Quand son geste se suspendit, je pressai davantage mes paupières et ajoutai :

— Je veux vivre. Je veux vivre des choses fortes. Ressentir autre chose que de la peur...

Et je reculai légèrement pour ancrer mes yeux dans les siens, contemplant en silence la lueur qui luisait au fond de ses pupilles à la chaleur écrasante, affrontant mon reflet qui y miroitait, et chuchotai :

— Fais-moi oublier ce quotidien, s'il te plaît... Fais-moi encore ressentir des choses, tu es le seul à en être capable...

Parce que, sans lui, mon corps était mort. Jamais il n'avait été si vivant que lorsque Kyle m'avait embrassée...
Jamais il ne s'était autant animé auparavant...
Mes lèvres frôlèrent les siennes, et je tressaillis encore quand son souffle caressa mon visage, et que ses yeux me dévorèrent. Pourtant, au lieu de briser la petite distance qui nous séparait, il observa chacun de mes traits, sans jamais se reculer, et il murmura d'une voix alourdie par le désir qui le dévorait :

— C'est à toi d'accepter de ressentir, tesoro, tant que tu te braqueras, tu ne pourras pas laisser autre chose que de la peur ou du dégoût t'animer...

Mes yeux me brûlèrent suite à ses paroles, et je lançai d'une voix chevrotante :

— Non, Kyle... Tu ne comprends pas...

Mon corps n'était plus mien. J'avais peur qu'il s'embrase.
Peur qu'il tremble de désir...
C'était répugnant, bon sang... Pas après ce que j'avais vécu...
Ce n'était pas légitime...
J'avais peur. Peur de le sentir vivre.

Assassiné à mes dix ans, il n'avait jamais été plein de vie.
Jamais.
Qu'est-ce que ça donnerait, si quelqu'un tentait de le découvrir, de le toucher ?
Aurais-je à nouveau aussi mal ?
Ressentirais-je encore tant de dégoût ? De haine ?

— Si, je comprends, cara, m'affirma-t-il en me détaillant. Je veux t'aider, mais tu dois commencer par accepter ton corps... Réapproprie-toi-en.

Mais comment ? Comment pouvais-je me réapproprier de mon propre corps, après l'avoir vu se faire tant souiller par un homme si cruel ? Comment l'aimer, quand il avait été profané ?
Quand il avait été détruit sans que je ne puisse rien faire ?
Impossible de l'accepter à nouveau.
Il me répugnait trop, pour cela...

Quand mes yeux se remplirent de larmes, j'avalai péniblement ma salive en luttant pour ne pas pleurer, et Kyle posa son front contre le mien avant de prendre mon visage en coupe. Son contact me fit tressaillir, avant que son pouce n'effleure doucement ma peau. Je me laissai aller à son contact en soupirant, le cœur battant la chamade.

— Ton corps t'appartient, tesoro. Je l'ai déjà dit, mais il n'y a rien de mal à ressentir des choses, me dit-il d'une voix douce.

Je tremblai quand ses lèvres effleurèrent les miennes en ressentant une chaleur se propager dans mon être entier, et il ajouta, en me caressant des yeux :

— Quand tu frissonnes de désir, ce n'est pas un mal, c'est la preuve que ton corps est encore capable de ressentir...

Son souffle effleura mon nez, et quand son pouce caressa mes lèvres entrouvertes, je frémis en sentant une chose s'éveiller au creux de mes reins, s'agitant avec violence. Kyle m'observa par-dessous ses cils baissés, et il poursuivit dans un souffle :

— Quand tu trembles d'envie, ou de peur, ça indique également que ton corps ressent des choses...

Sa main caressant ma joue s'éloigna pour descendre le long de ma nuque, avant de se poser sur mon bras. Mes poils se hérissèrent quand ses doigts suivirent le chemin de mes veines en laissant une traînée ardente derrière eux, et il dit encore :

— Donne-moi ta main, cara... Allonge-toi...

Prudente, je m'allongeai sur mon lit, tendue, et le laissai refermer ses doigts contre les miens, les scellant en une seule et même poigne. D'un geste lent, il guida ma main redescendre jusqu'à mon ventre couvert de mon haut. Je sentis pourtant la brûlure de son contact, et frissonnai encore, la bouche de plus en plus sèche, les épaules noueuses d'appréhension.
Mais également d'autre chose...

— Là, tesoro, tu vois ? C'est toi, qui te fais ressentir des choses...

Et il guida encore mes doigts pour qu'ils se faufilent sous mon haut. Quand il m'aperçut retenir mon souffle, il suspendit son geste, patient. Crispé par l'appréhension, je restai pétrifiée un petit moment. Lorsque ma respiration s'accéléra et que je hochai doucement la tête, il continua de mener ma main qui frôla la peau de mon ventre brûlant. Mes veines s'échauffèrent avant que je ne ressente des picotements le long de mes bras-nus, de mon épiderme, alors qu'une sensation étrange se diffusait dans mon estomac, quand un frisson parcourait ma colonne-vertébrale.

Kyle effleura le lobe de mon oreille de ses lèvres brûlantes, agenouillé près du lit, et je m'agitai quand son souffle s'échoua sur ma peau sensible. Je fermai les paupières en me crispant davantage, le brasier s'activant au creux de mes reins s'amplifia, alors qu'il continuait de mener ma main découvrir mon propre ventre.
Ma propre peau.
Elle frémissait. Elle s'échauffait.
C'était si étrange...
Si terrifiant...

— C'est bien, cara..., m'encouragea-t-il en me contemplant de ses yeux brillants.

Et, bientôt, sa main se détacha de la mienne, pour qu'il l'éloigne de mon corps et me laisse poursuivre, seule.
Pétrifiée, je laissai mes doigts figée sur la peau de mon ventre, avant de tressaillir encore quand son souffle rassurant s'échoua au creux de ma nuque.

— Je..., hésitai-je. Je ne crois pas que...

— Tu n'as pas à te forcer, me dit-il sans hésiter. Tu as déjà fait un bel effort, angelo mio.

Et, devant l'éclat intense de ses yeux, je déglutis avant de laisser ma main effleurer la peau sensible autour de mon nombril, découvrant sa douceur sous mes doigts, tressaillant quand elle se mit à frémir, pour remonter lentement jusqu'au début de ma poitrine, avant de me figer, peu convaincue. Kyle, la mâchoire serrée, me couvrit d'un regard brûlant et, quand je frissonnai en sentant mes entrailles s'embraser, le souffle précipité, il ferma les paupières un instant, me protégeant de la lueur embrasé de ses pupilles dévorantes.

Trop apeurée par ce que je pourrais ressentir en continuant d'explorer mon corps tremblant, je retirai mes mains avec empressement de sous mon haut et me redressai légèrement pour poser mes mains contre la mâchoire de Kyle qui rouvrit ses yeux sur mes lèvres, qu'il contempla avec envie.

Ses yeux me dévoraient, pendant que nos lèvres s'effleuraient, se provoquaient. Nos souffles haletants se joignaient, alors que nos iris se confrontaient, et que la chaleur de nos corps s'affrontait.

Je l'aperçus avaler sec sa salive, avant qu'il ne contemple à nouveau ma bouche frôlant la sienne, et il soupira, sa respiration haletante faisant écho à la mienne, miroir de ce qui m'animait.
Ce qui me dévorait.
L'une de mes mains s'approcha de ses cheveux bruns, pour que mes doigts les caressent, profitant de leur douceur, quand l'autre restait contre sa mâchoire.

— Je veux réussir, Kyle... Je veux réussir à m'en réapproprier, mais j'en suis terrifiée...

— Je le sais, cara... Et c'est normal... Ce n'est pas une honte.

Affrontant son regard désireux, ma main dans ses cheveux se reposa contre sa joue, et j'avançai vers lui, les joues rougies, pour finir par poser mes lèvres contre les siennes en fermant les paupières, les mains toujours posées sur sa mâchoire, reconnaissante de sa patience. De sa compréhension.
Mes veines s'embrasèrent à nouveau, quand mon cœur s'emballa contre ma poitrine, entre mes côtes, dans une valse endiablée. Un soupir m'échappa, bientôt avalé par la bouche brûlante de Kyle qui provoquait d'innombrables picotements le long de mon échine, prête à me dévorer. Ma peau s'échauffa, encore, quand mon sang dégageait une chaleur insoutenable dans mes veines.

Consumé par le désir, Kyle se redressa lentement, les bras tendus autour de mon corps, contre le lit, pour se rapprocher davantage de moi, ses épaules me surplombant de manière protectrice. Haletante, je me reculai en refermant mes doigts sur son tee-shirt pour l'emmener auprès de moi. Il s'avança lentement avant que je ne m'allonge sur le dos, essoufflée, le laissant se tenir au-dessus de moi, ses pupilles dilatées caressant chacun de mes traits, probablement à la recherche du moindre doute.
De la moindre peur.

Mais j'étais moi-même perdue, pour savoir ce que je voulais.
Du moins, j'étais certaine de désirer l'embrasser jusqu'à en perdre la raison.
Oui, je voulais qu'il scelle ses lèvres contre les miennes, encore et encore, quitte à ce que j'en sois ivre.
Fiévreuse à chacun de ses touchers, je n'avais pourtant aucune envie d'avoir une remède.
Pouvait-il l'être lui-même ?
J'aimais tant, son contact.
La sensation que ça faisait naître dans mes veines et dans ma poitrine.
C'était si bon.
Si rassurant.
Si différent.

Kyle contracta les bras pour s'approcher davantage de moi, son nez frôla le mien avant que sa bouche ne caresse la mienne, et il les scella en silence. Troublée, je laissai mes mains se refermer sur ses épaules, comme si ce geste me permettrait de garder la tête haute.
De ne pas sombrer au cœur des nombreuses émotions qui faisaient rage en mon sein.
De ne pas me noyer dans l'intensité de ses yeux.

Le cœur tambourinant, je soupirai quand il se recula, et j'inspirai profondément, dans l'espoir de calmer ma respiration frénétique, mais également mon sang brûlant.
Impossible de savoir si j'aimais cela ou non...

On s'observa un long moment avant que je n'enveloppe sa nuque de mes bras en me redressant légèrement, avançant ma poitrine vers son torse, les jambes légèrement écartées pour qu'il se mouve près de moi, et je l'approchai, sans jamais me détourner de son regard brûlant afin de l'enlacer. Il entrava ma taille avant de se laisser retomber sur le lit pour nous faire rouler afin que je puisse me blottir contre lui, la tête reposant au creux de son cou. Je m'emplis les poumons de son parfum, bercée par les battements de son cœur.

— Merci, Kyle..., chuchotai-je faiblement, sans être certaine qu'il pourrait m'entendre.

Et, s'il ne répondit rien, le fait qu'il resserre ses bras contre moi me démontrèrent qu'il m'avait bien entendue. Je pressai les paupières en gardant mes bras autour de lui, savourant sa chaleur réconfortante.
Sa présence si rassurante.

Non, je n'étais pas répugnée, d'être contre son corps.
Son contact me faisait tant de bien...
Ses baisers, son toucher, ses regards, et son parfum... Tout de lui m'apportait de la chaleur.
Oui, j'appréciais sa présence.

Mais quand parviendrais-je à contourner mes propres limites ?
Quand serais-je capable de lui ouvrir mon cœur, et de lui permettre de découvrir mon corps ?
Quand me serait-il possible de le lui dévoiler ?
Quand parviendrais-je moi-même à supporter ma peau ?
Ma chair ?
Ma carcasse ?

— Reste avec moi, ce soir, s'il te plaît, lui demandai-je en levant légèrement les yeux vers lui pour scruter ses iris azurés. Ne me laisse pas seule...

Pas après tout ce qu'il s'était passé en si peu de temps.
J'étais déjà incapable de faire face à mes propres démons, et plus encore aux mortels...
La solitude me pesait tant.
Elle m'effrayait un peu plus chaque jour, et j'avais peur, qu'un jour, elle s'ajoute à cette froideur constante qui me dévorait.

— Je ne te laisserai pas, tesoro..., me dit-il avant que ses lèvres ne pressent mon front.

Mon pouls rata un battement suite à ce geste, et un sourire incurva mes lèvres. Sourire qu'il me rendit avant que sa prise ne se resserre contre mon corps se mouvant si bien, contre le sien.
Je restai près de lui en silence, écoutant le rythme de son cœur, envoûtée par sa chaleur.
Que m'arrivait-il, à la fin ?
Qu'est-ce qui prenait vie, au creux de mes reins ?

Troublée par mes émotions, je finis par m'éloigner légèrement pour m'asseoir sur le lit, essayant de fuir ce qu'il m'inspirait, et je ramenai mes genoux contre moi en contemplant Kyle, tout en m'attardant sur ses cheveux bruns, ébouriffés à cause de mes caresses, puis j'observai son tatouage dansant sur sa peau dorée quand il fit un mouvement pour se redresser à son tour, son éternel air arrogant couvrant ses traits, et je fixai ses lèvres pleines m'appelant, encore et encore, avant de me replonger dans ses yeux pers, luisants intensément, admirant les nuances jade qui s'harmonisaient avec le bleu de ses iris.

— Pourquoi a-t-on commencé ce jeu idiot ? lui demandai-je dans un murmure en soutenant son regard scrutateur.

Un sourire narquois étira ses lèvres avant qu'il ne souffle, moqueur :

— C'était ton idée, tesoro.

— Menteur, renchéris-je, amusée. Tu as commencé en me menaçant, tu le sais très bien. Sois honnête, et dis-moi ce que tu avais en tête, en lançant les hostilités...

Sans se démunir de son air insolent, il répondit :

— L'intérêt devait être le même pour nous deux.

J'avalai avec peine ma salive.
Oui. Peut-être, du moins.
En se défiant ainsi, nous avions cherché à nous pousser à bout, dans l'espoir de briser la carapace de l'autre, mais également de repousser le trouble que nous nous inspirions en la transformant en rancœur.
En un jeu où tous les coups étaient permis, dans l'espoir de développer de la haine à l'égard de l'autre.
Il était plus facile de nous détester pour éviter l'attirance que nous éprouvions l'un pour l'autre, discrète, mais présente.
Ainsi que cette curiosité dévorante.
Mais en agissant ainsi, nous n'avions, en aucun cas, réduit cette chose qui dévorait nos tripes.
Nous l'avions attisé.

Ce jeu n'était qu'une misérable excuse...

Pourtant, joueuse, je répondis :

— Tout dépend, ton intérêt, c'est de montrer que le Roi n'a aucune valeur, sans sa Reine ?

— La Reine n'est rien, sans son Roi, me provoqua-t-il sans hésiter.

Et, lentement, il s'approcha, le regard félin, ses lèvres charrièrent les miennes sans les atteindre. Je frémis sans céder à la tentation, tout comme lui. On se défia des yeux, se provoquant en silence.

— Et face à lui, elle est démunie, souffla-t-il ensuite avant que son sourire ne soit plus arrogant. Tu le sais, tesoro. La preuve, tu ne dis plus rien...

Il fronça les sourcils, la lueur malicieuse dans ses yeux s'intensifiant. Mes muscles se tendirent face à son sourire désarmant.

— Est-ce que je te trouble, cara ? demanda-t-il dans un murmure rauque.

Je ne répondis rien quand il s'approcha légèrement, et qu'il effleura un peu plus mes lèvres des siennes, ses pupilles pétillantes.

— La Reine aurait-elle peur du Roi ? poursuivit-il dans un souffle.

Réagissant à ses propos, je fronçai les sourcils en reprenant mes esprits, et je penchai la tête sur le côté pour lui montrer que je n'étais en aucun cas troublée, face à lui, avant de répondre d'une voix se voulant sensuelle :

— Mais je n'ai jamais eu peur du Roi, parce qu'aux échecs, sans sa Reine, il n'est qu'un pion plein de désarroi.

Amusé par mes dires, il recula légèrement pour me permettre de m'échapper à sa chaleur, et me couvrit d'un énième regard brûlant, pétillant de malice, avant que je ne l'interroge plus sérieusement :

— Au final, qui a gagné ? demandai-je en scrutant ses iris qui me happaient constamment dans leur profondeur abyssale.

Je manquai de vaciller en remarquant qu'il observait mes lèvres avec convoitise de ses iris dilatés par le désir. Quand la chaleur de son corps m'embrasa et se joignit au mien, je poussai un profond soupir.

— Personne, répondit-il en dévorant la distance qui nous séparait pour m'embrasser encore.

Je le laissai me coucher sur le dos en frémissant à nouveau, bercée par sa chaleur incandescente, avide, et peut-être même destructrice.

Oui. Quoi de mieux que de se provoquer, de s'affronter, et de se détester pour faire taire cette flamme en notre sein ?
Une flamme bien trop grande pour l'éteindre si facilement.

Une flamme qui avait la possibilité de tout ravager.

À commencer par nous...

Kyle recula, à bout de souffle, et m'approcha de lui pour laisser son cœur battre près du mien. J'enfouis mon nez dans son cou avant de sourire en inspirant pleinement son parfum, et, taquine, je lui lançai à nouveau une pique, à laquelle il répondit, vif.
On discuta pendant des heures, s'enlaçant parfois, sans jamais qu'il ne se montre impatient, apprenant à nous apprivoiser davantage.
À nous découvrir un peu plus, bercée par la chaleur de l'autre.

Holà !

Voilà un chapitre permettant à nos deux joueurs de s'apprivoiser davantage.
Selon vous, Kyle a-t-il raison, de dire à Melina qu'elle devrait s'ouvrir ?
Que devrait-elle faire, pour prendre un peu plus confiance ?
Se découvrir elle-même lui serait bénéfique ?

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !

 J'espère que ça vous plaira ! Bisous ❤️

Musique : NF - Paralyzed 

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