Chapitre 38
TW : Abus sexuel
Attention, ce chapitre peut être difficile à lire. Il met en avant le souvenir de Melina, et ça décrit, en partie, ce qu'elle a vécu. Si vous ne vous sentez pas de lire ce chapitre, n'hésitez pas à le passer.
« Il cherchait seulement à me prouver son amour. »
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15 ans plus tôt :
Une réunion se déroulait dans la cuisine de notre appartement. Je savais que mon père avait regroupé ses plus fidèles acolytes, et ses bras droits les plus loyaux. Ma mère, elle, était partie en urgence, car l'un de ses patients avait eu un problème, de ce que j'avais compris.
Il fallait qu'elle soit près de lui pour le soigner.
Elle était comme ça, ma mère. Elle sauvait des vies, quitte à s'oublier.
Je l'aimais tant. Je l'admirais pour son courage.
Pour sa bienveillance.
Quand j'entendis, à travers les murs de ma chambre, la voix puissante de Filipp, un sourire étira mes lèvres avant que je ne me tourne et me retourne dans mes draps, incapable de trouver le sommeil.
Impossible de dormir, quand je savais que des hommes redoutés se trouvaient chez moi.
Des hommes qui effrayaient leurs adversaires, et qui, pourtant, me fascinaient. Certains d'entre eux étaient devenus comme des membres de ma famille. Comme des oncles.
Il fallait dire qu'ils étaient souvent ici, à discuter avec mon papa, à me charrier, parfois, et à me protéger, comme le feraient des membres d'une même famille.
Je ne savais pas quelle heure il était. Tard, je n'en doutais pas. Maman me répétait sans cesse qu'à mon âge, il fallait beaucoup dormir pour être en forme.
Elle avait raison, mais je pensais être assez grande, maintenant, pour me coucher plus tard...
J'aurais tant voulu rejoindre mon père et ses coéquipiers pour leur montrer que, comme eux, j'étais une guerrière.
Une battante.
Mon souffle se coupa quand j'entendis ma porte grincer, et je me figeai en fermant les paupières.
Si c'était mon père, il me disputerait, en voyant que j'étais encore debout.
Il fallait que je fasse semblant de dormir...
La porte se referma en silence. Quand des bruits de pas se rapprochèrent discrètement, j'ouvris un œil curieux.
Mon père ne se montrait jamais aussi silencieux pour vérifier si je dormais. Il restait, généralement, à l'entrée jusqu'à ce que je me trahisse seule...
En voyant une silhouette se tenir au pied de mon lit, immobile, je ressentis le doute me ronger l'esprit. J'ouvris le second œil avant de parvenir à percevoir ses traits.
En reconnaissant Joe, je retins mon souffle avant de me détendre quand il afficha un sourire, et d'un signe, il m'indiqua de garder le silence.
Et j'y comptais bien. Je n'avais pas aucune que mon père ne me dispute devant ses coéquipiers...
Il s'avança encore alors que je le dévisageais, surprise malgré tout de le voir dans ma chambre.
Que voulait-il ? Allait-il me raconter une histoire intéressante ? Me conter l'un de ses fameux combats ?
J'aimais tant l'écouter. Il était super intéressant.
Si gentil.
Je le connaissais depuis si longtemps.
Souvent, il me disait que, plus tard, on se marierait.
Et j'aimerais beaucoup, même s'il était plus vieux que moi !
— Pas un bruit, me dit-il dans un murmure. Ton papa ne serait pas content s'il savait que tu es réveillée.
J'acquiesçai en amenant mes mains à ma bouche pour me taire. Bientôt, il s'assit sur mon lit sans me quitter de ses yeux gris, tout sourire.
— Tu es très belle, ma puce, me souffla-t-il d'une voix douce.
Son compliment réchauffa ma poitrine.
Il était constamment en train de me complimenter, de m'assurer que j'étais jolie, ou que j'avais un beau sourire.
Et, je devais l'avouer, ça me faisait chaud au cœur.
Je voulais le croire. Je voulais être belle.
Il avait toujours les bons mots. En plus, il trouvait parfois du temps, malgré son rôle de bras-droit, pour s'amuser avec moi, pour me faire rire, et pour me raconter plein d'histoires. Il m'avait déjà dit que mon père lui demandait trop de choses.
Qu'il travaillait trop, et que ça le rendait triste, parce qu'il me voyait peu.
Il m'avait répété que je ne devrais pas dire à mon père qu'il restait parfois avec moi pour passer du temps à mes côtés, sinon, ça nous retomberait dessus, car mon père penserait que Joe ne faisait pas assez son travail, et qu'il n'avait pas envie d'être disputé.
Et je n'en avais aucune envie non plus. Il ne méritait pas cela.
Joe passa sa main dans mes cheveux pour les ébouriffer, comme à son habitude, ce qui m'arracha un petit rire, mais il me fit signe de me taire en faisant les gros yeux. Je gardai le silence, par peur que mon père ne nous entende, en luttant pour ne pas craquer devant ses traits comiques, avant que l'homme que je considérais comme mon oncle ne caresse ma joue.
— Tu ne peux pas savoir à quel point je tiens à toi, ma chérie.
— Moi aussi, lui chuchotai-je avant de bâiller.
Peut-être que j'étais encore trop jeune, finalement, pour rester éveillée aussi tard.
Joe sourit à nouveau avant d'ajouter :
— On fait un jeu ? Je vais te montrer tout l'amour que je te porte.
Un jeu ?
Un peu troublée, je ne répondis rien.
Quel pouvait être son jeu montrant qu'il m'aimait ?
Je n'en connaissais aucun. Ou alors, je n'en avais pas encore entendu parler, et il m'apprendrait.
Mais j'étais curieuse. Je voulais découvrir ce qu'il avait en tête.
Je voulais m'amuser avec lui, au lieu de dormir.
— Moi, on m'a fait jouer à ce jeu quand j'étais plus petit, me dit-il en s'approchant un peu. Tu me fais confiance, de toute manière, pas vrai ? Tu verras, c'est super amusant...
Quand il était jeune ?
Je me demandais ce que c'était, ce jeu.
J'espérais que ça soit drôle.
Et, avant que je ne l'interroge, il poursuivit :
— Mais tu ne dois faire aucun bruit, sinon, on va se faire disputer. Ton papa serait furieux, en apprenant que tu ne dors pas, il dirait que tu ne l'écoutes jamais.
Si, je l'écoutais...
Du moins, quand ça m'arrangeait.
Joe avait raison, il fallait que je ne fasse aucun bruit, si je ne voulais pas que mon père me dispute.
J'opinai en perdant légèrement mon sourire. Bientôt, il posa ses lèvres contre ma joue, comme s'il s'apprêtait à me souhaiter une bonne nuit, avant que sa bouche ne s'éloigne. Je tressaillis quand son souffle à l'odeur de pipe qu'il fumait souvent et de bière s'écrasa sur mon visage. Je plissai le nez sans rien dire, par peur de le vexer.
— Tu aimes les bisous, ma puce ? me demanda-t-il.
Oui, j'aimais ça. Ma mère m'en faisait souvent sur la joue, et sur le front, pour me charrier, ou souvent, pour me rassurer.
Venant d'elle, ça m'apportait énormément de chaleur.
Pourtant, venant de Joe, ce n'était pas pareil.
D'habitude, quand il me faisait un bisou, je ne me sentais pas autant chamboulée.
Peut-être était-ce à cause de l'odeur qui émanait de lui ?
Ou de sa joue piquante à cause de sa barbe ?
Ne sachant pas trop quoi répondre, je gardai le silence. Joe ne se vexa pas. Il sourit avant que ses doigts ne me chatouillent les côtes. Bien vite, un rire m'échappa, mais il l'étouffa en plaquant sa main contre mes lèvres, l'air un peu troublé.
— Attention, me murmura-t-il. Ton papa va nous entendre, sinon.
— Pardon..., chuchotai-je.
Il hésita avant de laisser ses doigts me chatouiller encore. Je me mordis les lèvres pour ne pas rire, avant que sa main ne se baisse légèrement et frôle le bas de mon pyjama. Je cessai de rire, perturbée, alors que Joe me lançait un coup d'œil.
— Oh, je t'ai fait mal ?
Je secouai la tête, dans l'espoir de le rassurer.
Non, il ne m'avait pas fait mal.
Seulement, sa main avait frôlé un endroit qui ne devait pas être touché, d'après ce qu'on m'avait répété.
Joe sembla le comprendre, car il éloigna sa main de mon corps, et il sourit d'une manière rassurante.
— Je voulais te montrer comme je t'aime, ma puce. Tu me pardonnes ?
Devant son air chagriné, je hochai la tête en efforçant un sourire. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Il n'avait pas fait exprès.
Et puis, ça ne m'avait pas fait mal.
Il caressa à nouveau ma joue avant de me demander :
— Sûre ? Laisse-moi te montrer que je suis sincère. Je ne voudrais pas que tu me fasses la tête, je serais vraiment triste...
Mais je ne voulais pas qu'il soit triste. Je l'appréciais trop pour cela.
Alors, quand il déposa un bisou sur ma joue, puis sur mon nez, je le laissai faire, ne sachant pas trop comment réagir.
Il ne me faisait pas de mal, et il se montrait gentil, je n'avais aucune envie de lui dire que j'étais perturbée par son comportement, sinon, il se vexerait, ou il serait triste.
Quand ses doigts me chatouillèrent à nouveau, il posa son autre main contre mes lèvres pour m'empêcher de dire quelque chose, ou même de rire.
Et, bientôt, le malaise m'assaillit.
Sa présence ne me rassurait plus autant.
Son sourire n'avait plus rien de bienveillant.
Et ses yeux glaçants... Ils semblaient me dire de me taire.
Peut-être que j'étais ingrate, de penser ainsi.
Joe n'avait jamais été méchant, avec moi. Je ne devrais pas penser de telles choses.
Je me figeai quand il appuya un peu plus contre mes lèvres avant de trembler, et il caressa ma joue tendrement, tout sourire, et il m'ordonna :
— Chht, ne fais pas de bruit.
Quand il pressa davantage mes lèvres contre sa paume moite, je sentis mon souffle se couper d'angoisse, avant que ses doigts ne descendent à nouveau. Mon corps se mit à trembler d'appréhension, avant que je ne me fige, incapable de savoir ce qu'il voulait.
Il prétendait qu'il me montrait qu'il m'aimait.
Il cherchait seulement à me prouver son amour.
Le regard rivé sur le plafond, je contemplai mes étoiles phosphorescentes dans l'espoir de me détacher de ce qui se passait, peu confiante.
— Ne t'en fais pas, ma chérie, c'est un jeu qui fait du bien. Tu aimes jouer avec ton Joe adoré, pas vrai ?
Oui, mais son jeu était bizarre...
Pourquoi me touchait-il tant ?
Pourquoi me faire taire ainsi ?
Je ne comprenais pas...
Je ne voulais pas le vexer...
— N'en parle pas à ton papa, d'accord ? me demanda-t-il avant de me surplomber.
Et, quand ses doigts descendirent encore, ma respiration se fit plus douloureuse, avant que je ne sente mes yeux me brûler d'inquiétude. J'hésitai à appeler mon père, inquiète quant à ce qu'il se passait, mais Joe reprit :
— Sinon, ton papa sera en colère après toi. Il faut que ça reste entre nous deux. C'est notre petit jeu...
Et sa main écrasa encore plus ma bouche pour m'empêcher de hurler, mais également de respirer convenablement. Je sentis les larmes me monter à nouveau aux yeux suite à son contact, à la pression contre mes lèvres tremblantes.
— Tu aimes ? Je le vois bien..., me murmura-t-il.
Ensuite, il continua de jouer, de prétendre vouloir me chatouiller, en me répétant qu'il m'aimait beaucoup, et que ça se voyait, que j'aimais.
Que j'étais comme un membre de sa famille, et qu'il fallait qu'il me fasse du bien.
Que ce que je ressentais, lorsqu'il m'effleurait, qu'il me caressait, c'était également de l'amour à son égard.
Bientôt, mon esprit se détacha de mon corps, trop chamboulé pour rester présent, alors que Joe continuait de me souffler des paroles, tout en malmenant mon corps de ses doigts.
Et, s'il prétendait que c'était de l'affection, au fond de moi, je ressentis un doute.
Est-ce que c'était normal, ce qu'il me faisait ? Ma mère et mon père m'aimaient davantage encore, et ils ne m'avaient jamais fait une chose semblable.
Pourquoi Joe, lui, oui ?
Pourtant, malgré les doutes, je ne dis rien, le laissant faire ce qu'il désirait de moi, trop écrasée par la peur, mais par d'autres émotions contradictoires.
Entravée par la honte, le cœur menaçant de s'arrêter pour ne plus ressentir cette douleur lancinante.
Quand il quitta ma chambre après avoir entièrement détruit mon âme et souillé mon corps, je ne compris pas de suite que non, son prétendu jeu, n'en était pas un.
Que ce n'était pas de l'amour.
Je le compris trop tard.
Ce soir-là, je ne fermai pas l'œil de la nuit, pleurant sans que je ne sache pourquoi toutes les larmes de mon corps en essayant de garder le silence, par peur que mon père ne m'entende, et qu'il m'engueule.
Salie, je me retins de hurler, le corps tremblant, meurtri, mais surtout profané.
Souillée par un adulte prétendant être comme un membre de ma famille.
Bousillée par la cruauté de ce manipulateur.
Parce que oui, je finis par comprendre que ses paroles n'étaient que des mensonges pour mieux m'appâter. Je le compris, oui, mais bien trop tard...
Et la honte que je ressentis après ça me brisa davantage.
La honte de m'être laissée faire, de l'avoir cru, et d'avoir pensé qu'il me montrait son affection...
D'avoir ressenti diverses choses...
Peut-être avait-il raison, lorsqu'il avait dit que j'aimais ?
J'étais pourtant sûre que non... Mon cœur n'avait pas aimé. Il en avait souffert.
Mais mon corps, d'après Joe, avait bien réagi...
Je n'en savais rien. Je devenais folle...
Au fond, je n'étais pas comme mon père ou les membres du Tabu.
Je n'étais pas une battante.
J'étais une perdante.
Un être sale...
Mon père apprit plus tard ce qu'il avait fait, en voyant que je ne me comportais plus comme d'habitude.
Je ne savais pas ce que Joe lui avait dit, pour me retrouver dans ma chambre sans éveiller de soupçons, mais il dut trouver un magnifique mensonge, pour réussir à tromper son monde.
Et, plus tard encore, j'appris sa mort. Abattu par mon père après une longue torture.
Et si j'avais peur qu'il ne m'engueule, comme ce monstre l'avait prétendu, il n'en fit rien.
Au contraire. Jamais je n'avais vu mon père autant chamboulé.
Autant brisé.
Autant honteux de m'avoir laissée entre les griffes de ce pédophile.
Ma mère, elle, en apprenant ce que j'avais subi, s'écroula et pleura à chaudes larmes en me répétant qu'elle était désolée. Qu'elle aurait dû être présente pour moi.
Mais je ne leur en tins pas rigueur.
Comment ?
La seule fautive, c'était moi.
Seulement moi.
Et je le savais.
Joe avait cru que je l'aimais pour agir ainsi.
Je méritais tout cela.
Je le méritais...
On déménagea ensuite dans un autre appartement, sans pourtant que ça ne me permette de tourner le dos à mes démons.
Non, ça m'avait seulement permis de ne plus dormir dans la chambre dans laquelle Joe m'avait souillée sans scrupule.
Mais même en partant, encore et encore, je savais que ce qui me rongeait me suivrait constamment.
Impossible de fuir cette douleur.
Cette honte.
C'était ancré en moi pour toujours.
Jamais je ne pourrais m'en décrocher.
Jamais.
Hello !
Voilà un chapitre flashback montrant ce que Melina a vécu. Qui était l'homme ayant abusé d'elle. J'avoue que j'ai eu du mal à l'écrire, parce que se mettre à la place d'une enfant subissant une chose aussi atroce, c'est compliqué. Et c'est également dur à lire.
Pourtant, j'espère que ce chapitre parviendra à vous toucher, comme il m'a touchée.
N'hésitez pas à me donner vos avis, vos théories, et vos réactions.
Gros bisous ! ❤️
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