Chapitre 36

« Je savais, au fond, que les personnes en quinous avions le plus confiance, étaient celles qui étaient le plus aptes à noustrahir. »

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Je faisais face une prison abandonnée, perdue dans un vieux quartier se trouvant à la frontière du King. Il n'y avait rien, autour, si ce n'était des silhouettes immobiles rappelant des griffes acérées prêtes à m'assaillir au moindre mouvement, quand le souffle du vent semblait siffler à travers les arbres à proximité, se joignant aux battements d'ailes de chauves-souris s'envolant au cœur de la nuit.

Je me dirigeai vers le bâtiment en ignorant mes membres tremblants, et pénétrai le lieu sombre. Le sol grinça sous mes pas, alors que j'ignorais l'odeur rance qui régnait, mêlée à l'humidité. Le toit se décomposait et laissait entrevoir le ciel noir. Le long couloir était vide, plongé dans les ténèbres.

Je continuai ma route en scrutant les alentours avant de m'attarder sur l'escalier se trouvant au centre du couloir, menant probablement aux anciennes cellules. Je les empruntai pour me retrouver à l'étage, où diverses portes fermées me faisaient face.

Un autre escalier me faisait face, menant à un autre étage. Assis sur une marche, un homme me contemplait, le menton fièrement levé.

Ignorant les sueurs froides dévalant mon échine, je croisai les bras en soutenant ses yeux d'un noir profond, comparable aux abysses. Sans se détourner, il se releva pour descendre quelques marches sans mot dire. Sa peau mate faisait ressortir la lueur arrogante qui luisait dans ses iris, mais également ses traits enfantins qui prouvaient qu'il était encore jeune. Il ne devait même pas avoir la vingtaine. Ses cheveux, de la même couleur que ses pupilles, retombaient en quelques mèches rebelles, et en le voyant se les ébouriffer, je compris qu'il était nerveux.

Bien qu'il cherchait à le cacher derrière son sourire mauvais.

— J'avais peur que tu ne me poses un lapin, me dit-il. Ça m'aurait brisé le cœur.

— Je viens toujours au rendez-vous, bien que je sois assez déçue de voir que j'ai affaire à un gamin.

Et je levai le menton pour poursuivre :

— Que veux-tu ?

Il fronça les sourcils sans perdre son rictus confiant. Lentement, il tourna autour de moi d'un pas félin, comme un prédateur le ferait avec sa proie.
Or, il rêvait, s'il pensait que j'en étais une...

— Je te l'ai dit, je ne veux rien... C'est dans l'intérêt d'une autre personne.

Il s'humecta les lèvres en me toisant avec froideur. J'en fis de même, le sang martelant contre mes tempes. Le silence régna, quand la tension s'alourdit. J'ignorai la rage qui irradiait dans mes veines, soutenant son regard acéré.

— Je me demande d'ailleurs pourquoi il en a après toi particulièrement. Qu'est-ce que tu as pu faire pour te le mettre à dos ? me demanda-t-il.

— Qu'importe ce que j'ai pu faire, sifflai-je. Qui es-tu ? Qui est ton chef ?

Son rictus s'accentua alors que ses yeux pétillaient.

— Pardonne-moi, je ne me suis pas présenté. Appelle-moi Gab. Mon chef ? Il ne l'est pas... Disons que je bosse exceptionnellement avec lui, en échange de bons procédés.

Mes muscles se nouèrent. Alors il ne faisait donc pas partie de ce mystérieux gang... Mais pourquoi obéir à leur chef ? Quel était son but ? Je serrai les poings avant de cracher :

— Et quel est ton intérêt, pour que tu bosses avec, dans ce cas ?

Sa mâchoire se crispa, et pourtant, il afficha un énième sourire cruel. Il pencha la tête sur le côté en me dévisageant. Je me crispai, agacée par son air si froid.

— Question intéressante... Réfléchis... Je voulais qu'il m'aide à atteindre une personne pratiquement intouchable. Petit indice quant à son identité : qui a des oreilles partout, au sein de ton gang ? Qui a le pouvoir sur tout ?

Je repensai à la chevalière ensanglantée, et mon cœur rata un battement. Troublée, j'entrouvris les lèvres pour souffler :

— Tu en avais après Filipp...

Ses traits se durcirent, et d'une voix glaciale, il répondit :

— Il méritait son sort. Il méritait plus que ça ! Sa mort a été trop douce, à mes yeux... Ne me regarde pas comme ça, tu sais très bien qu'il avait fait des choses atroces !

Je m'empressai de sortir mon arme, inquiète quant à la colère qui le dévorait de plus en plus, mais il en fit de même. Agacée, je claquai ma langue contre mon palais en cherchant un moyen de me sortir de là.
Ce gamin avait tué Filipp avec l'aide du chef de ce nouveau gang... Il avait assassiné mon boss.

— Que t'a-t-il fait pour que tu le détestes autant ? l'interrogeai-je en continuant de chercher un plan.

Sa mâchoire se contracta.
J'avais touché un point sensible.
Un sentiment de satisfaction irradia dans mes veines alors qu'il perdait son rictus. Ses pupilles noires me vrillèrent quitte à me clouer sur place, hantées par une émotion destructrice.
Oh, il était dévoré par la rancœur.
Par le chagrin.

— Tu oses me poser la question ? Toi ? Après tout ce qu'il t'a fait ? Après ce qu'il a fait à ton père ?

Mes épaules se tendirent davantage alors qu'il fronçait les sourcils, son arme toujours pointée vers moi. Face à mon air moins confiant, il retrouva l'ombre d'un sourire.

— Eh oui, Melina, je sais un tas de choses... Je sais que ton père était le chef du Tabu, autrefois... Que Filipp était son ami le plus proche.

Difficilement, j'encaissai ses paroles. La chaleur vengeresse dans mon corps s'accentua et picota mes doigts qui ne demandaient qu'à appuyer sur la détente pour le faire taire.

— Oh, à voir ta tête, tu ne sais pas tout, finalement, poursuivit-il. Laisse-moi t'apprendre une chose, alors. Filipp a trahi ton père. C'est à cause de lui, s'il a été tué...

Je m'apprêtais à siffler des paroles cruelles pour l'interrompre, mais il ajouta :

— Il voulait seulement prendre la place de ton père... Il n'a pas hésité à orchestrer son meurtre...

Aucune réponse ne me vint à l'esprit.
Non. C'était impossible. Mon père avait été tué lors d'une réunion avec un autre gang. Piégés, lui et certains de ses membres n'avaient pas pu se défendre.
Filipp ne pouvait pas être derrière cette attaque.

Pourtant, au fond de moi, le doute planait.
Pourquoi Filipp s'en était-il sorti, lui, de cette attaque ?
Je ne savais pas ce qu'il s'était passé, ce jour-là... Jamais je n'avais eu de réponses...

Et puis, je savais, au fond, que les personnes en qui nous avions le plus confiance, étaient celles qui étaient le plus aptes à nous trahir...

— Tu crois vraiment que je vais croire les paroles d'un gamin qui ne sait rien ? sifflai-je finalement.

La rage émanant de son corps me fit frissonner. Il me toisa à nouveau avant de répondre :

— Je ne mens pas ! Il a trahi ta famille. Mais rassure-toi, tu n'es pas la seule à qui il a fait du mal, cet enfoiré !

Il serra fermement son arme entre ses doigts, et en entrevoyant son regard habité d'un éclat tourmenté, je tressaillis.
Qu'avait-il vécu ? Qu'avait fait Filipp à ce jeune garçon pour qu'il soit tant en colère ?
Pouvait-il dire vrai ?...

Hanté, il poursuivit :

— Il a tué ma sœur... Elle est morte à cause de ce lâche... Tout ça parce que ma droguée de mère n'avait pas payé ses dettes... 

— Ta sœur ? répétai-je pour détourner son attention.

Il m'observa sans vraiment me voir. Ses yeux semblaient ailleurs, éteints.

— Ouais, siffla-t-il. Filipp avait envoyé l'un de ses collègues pour qu'il emmène ma sœur... Cet enfoiré cherchait à faire du trafic d'enfants...

Ma vue se troubla en entendant ses dires.
Filipp ? Faire du trafic d'enfants ?
Si je cherchais à garder la tête haute, je ressentis pourtant le doute me ronger.
Oui. Il en était capable...
Il était capable de tout, finalement...
Trop chamboulée pour réagir, je le laissai continuer d'une voix chevrotante :

— Elle a été sauvée par quelqu'un... Je lui ai fait une promesse, et je ne l'ai pas tenue. Elle est morte à cause de lui, putain... S'il n'avait pas mis la pression à ma mère, elle n'aurait pas quitté l'hôpital.

Ma bouche devint pâteuse. Je clignai rapidement des paupières, déstabilisée par ses dires.
Impossible...
Ignorant les nombreuses émotions qui me lancinaient le cœur, je déglutis.

— Comment s'appelait ta sœur ? osai-je.

Méfiant, il me dévisagea avant d'hésiter. Il finit par cracher :

— Sofia.

Mes jambes tremblèrent un bref instant.
Sofia...
L'air commença à me manquer.
La petite que j'avais essayé de sauver était sa sœur.

Elle était la sœur de Gab...

C'était lui, Gabriel... C'était lui, son grand frère...
Comment avais-je fait pour ne pas tilter avant lorsqu'il m'avait donné son surnom ?...

— Je... Je la connaissais, parvins-je à dire.

Ses muscles se nouèrent encore alors que son regard se faisait plus meurtrier. Je ne laissai rien paraître, la gorge nouée.
Filipp était derrière l'attaque de cet homme... C'était lui, qui avait voulu mettre la main sur Sofia.
Sa mère avait cherché à vendre sa propre fille à mon boss...

— Tu crois sincèrement que je vais te croire ?

— Je t'assure..., insistai-je d'une voix blanche. J'étais présente, ce soir-là.

Il ne dit rien, troublé. J'en profitai pour ajouter :

— L'homme qui voulait l'emmener est mort. Je l'ai tué avant qu'il ne puisse lui faire du mal.

— Tu...

— Laisse-moi finir, le coupai-je en serrant mon arme. Quand j'avais le temps, j'essayais de lui rendre visite à l'hôpital. J'ai été la voir, la veille de sa mort... Elle m'avait dit, que tu allais lui rendre visite...

Gab se mit à trembler, comme moi. Des larmes s'accumulaient dans ses yeux de jais, alors que son regard brisé me toisait toujours. Je tentai d'ignorer la douleur qui me dévorait les tripes en repensant à ses dires.
Alors lorsqu'on parlait d'un trafic d'enfants, c'était Filipp, qui était derrière tout cela...
Cet enfoiré était pire que ce que je ne pensais...

— Tu mens, finit par me dire Gabriel.

— Elle me répétait que tu étais son ange gardien, lui dis-je pourtant.

Sa mâchoire se crispa davantage. La lueur dans ses yeux m'enserra la poitrine.

Mi àngel, chuchotai-je. Elle t'appelait comme ça...

Ses yeux s'écarquillèrent quand il entendit mes propos. Sa bouche s'entrouvrit et son regard se perdit dans le vague. Je reculai d'un pas, mais il fronça les sourcils en levant le menton, les traits à nouveau assombris.

— Bien essayé..., me dit-il froidement.

Une larme solitaire s'écoula le long de sa joue. Ses doigts enserrèrent davantage son flingue, et il me dévisagea. La lueur meurtrière dans ses iris vacilla avant qu'il ne serre la mâchoire, furieux. J'ignorai le frisson traversa mon épiderme, soutenant son regard d'ébène.

— Tes mensonges ne me feront pas changer d'avis. Si je suis là, c'est pour tenir ma promesse. Il veut qu'on t'emmène jusqu'à lui...

Quand il s'approcha, je donnai un coup contre son bras pour le désarmer. Surpris, il relâcha sa prise contre son arme dont le canon pointa le plafond, et je parvins à le lui arracher des mains pour le jeter plus loin afin qu'il ne puisse pas le récupérer. Vive, je le menaçai en visant sa poitrine le souffle court, déstabilisée malgré tout par cette révélation.
Je faisais face au frère de Sofia...

Surpris, il se figea avant de loucher sur mon arme pointée dans sa direction. Il ne cilla pas, les sourcils froncés sur des pupilles brillantes de chagrin et de colère.

— Que tu sois son frère ou non, je n'hésiterai pas à te tuer..., le menaçai-je pourtant.

On se défia alors silencieusement du regard. La tension m'écrasait sous son poids, et mon cœur battait à tout rompre.
Un rictus étira lentement ses lèvres, en opposition à ses yeux humides. Cette constatation m'arracha un frisson d'angoisse.

— Méfie-toi davantage des personnes qui t'entourent, Melina, me siffla-t-il. C'est un conseil...

Surprise par ses propos, je me figeai.
Me méfier ?
Qu'est-ce qu'il voulait dire ?

Des bruits de pas s'élevèrent, indiquant que quelqu'un montait les escaliers, je retins mon souffle en comprenant qu'il y avait quelqu'un d'autre. Gabriel sourit un peu plus, ses yeux noirs soutenant les miens avec amertume, bientôt remplacé par autre chose.
Hésitante, je reculai avant de tourner la tête pour apercevoir une silhouette s'avancer. Quand deux pupilles glaciales croisèrent les miennes, mes jambes manquèrent de vaciller. J'entendis Gabriel en profiter pour s'éloigner, s'enfonçant le long du couloir de ce grand étage. Je lui lançai un coup d'œil affolé avant de me figer quand le nouvel-arrivant se figea, surpris de me voir. Il baissa son flingue en fronçant les sourcils.

— Melina ? demanda-t-il.

— Kyle ? Mais...

Bientôt, je repensai aux propos de Gabriel, disant que je devais me méfier davantage de mes proches.
Est-ce qu'il voulait dire que Kyle était derrière tout cela ?
Pouvait-il se jouer de moi ?

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? crachai-je.

Il entrouvrit les lèvres pour répondre, mais une voix claqua :

— Ah, quelle surprise !

Perturbée, je tournai le nez pour apercevoir un homme de la cinquantaine aux cheveux flamboyants s'approcher, suivi de trois hommes impressionnants. Un rictus mauvais tordit ses lèvres quand il se dirigea vers nous d'un pas calculé.
Qui était-il, bon sang ?
Je le toisai avec froideur avant de m'attarder sur le tatouage couvrant son avant-bras.

Le symbole du nouveau gang...

Je lançai ensuite un coup d'œil aux hommes qui l'accompagnaient avant de retenir mon souffle en reconnaissant celui qui avait été présent, à la mort de Rosa, dans le bar...
Le coéquipier de celui qui était rentré chez moi par effraction...

— Luc..., siffla soudainement Kyle en serrant son arme entre ses doigts.

Je retins mon souffle quand il prononça son nom.
S'il le connaissait, c'était qu'il était bien lié à ce nouveau gang...

Je pointai mon arme vers l'homme, mais sa voix claqua :

— Oh, je ne ferais pas ça, si j'étais toi. Si tu me tires dessus, tu finiras le crâne ouvert deux secondes après. On est plus nombreux que tu ne le crois...

— Mais tu seras mort aussi..., lui dis-je d'une voix glaciale en souriant ensuite.

Pourtant, je ne tirai pas et levai le nez vers l'étage, par peur de voir des hommes prêts à nous tirer dessus.
Mais il n'y avait rien.
Alors où étaient ces autres hommes ?
Qu'est-ce que Kyle fichait ici ?
Et eux ? Ils comptaient m'emmener voir leur patron, c'était évident... Gabriel m'avait emmenée ici pour ça...
Pourquoi, bon sang ?

— Tu tombes vraiment mal, Kyle... Je peux savoir ce que tu fais ici ? l'interrogea Luc, nullement perturbé.

Kyle ne dit rien. Il se contenta de toiser les quatre hommes d'un regard brûlant de rage en gardant son flingue pointé vers Luc. La colère qui émanait de lui me glaçait le sang.
Jamais je n'avais vu autant de rage dans ses yeux...

— Oh, quand tu me regardes comme ça, tu me rappelles tant ton père..., lui dit Luc en affichant un sourire cruel. Lui aussi, était plein de colère...

Et, d'un signe de tête, il ordonna à deux de ses hommes d'avancer. L'un d'entre eux saisit mon poignet violemment pour que mon arme se dirige vers le plafond, et il m'asséna un coup contre la tempe pour me sonner. Je lâchai mon flingue, et il agrippa violemment mes épaules pour me maintenir. J'aperçus, à travers ma vue trouble, Kyle repousser l'autre homme et s'avancer vers nous, mais celui me maintenant le contraignit à s'arrêter en plaquant son flingue contre mon crâne.

Kyle le menaça également de son arme, et ils se défièrent des yeux, quand les deux autres hommes armés le menaçaient, prêts à tirer. Luc rit froidement en contemplant la scène d'un œil malsain.

— Kyle, tu tombes peut-être mal, mais le fait que tu sois là est également une aubaine. On en avait marre, que tu nous files entre les doigts... C'est fini, maintenant.

Qu'il leur file entre les doigts ?
Mais qu'est-ce que cela signifiait ?
Qui étaient-ils, pour Kyle ?

Il s'approcha de lui d'un pas félin. Kyle le toisa avec froideur et me lança un regard que je ne parvins pas à lire. L'homme garda le canon de son arme plaqué contre ma tempe, mais il relâcha sa prise contre mon épaule en voyant que je restais figée. Je déglutis avec peine, toujours sonnée, des sueurs froides perlant le long de ma nuque.

— Tu as le choix. Soit tu reviens parmi nous, et on oubliera ton acte, soit je te réserve dès maintenant le même sort que ton père...

Kyle retroussa ses lèvres en un rictus glacial alors que la rage dans ses yeux semblait le consumer. Je tressaillis en clignant rapidement des paupières, à la recherche d'une échappatoire, impressionnée par le canon froid plaqué contre ma peau.
Mais ils étaient quatre, dont trois armés, et j'étais seule.
Impossible de savoir si je pouvais compter sur l'homme qui avait éveillé mes démons, mais qui avait également repoussé mes craintes...

— Revenir parmi vous ? demanda Kyle d'une voix sourde. Ce gang ne devrait plus exister...

— Parce que tu as tué le patron ? ricana Luc. Que crois-tu ? Que notre gang allait être démantelé pour ça ?

Et il se tourna vers moi pour me dévisager attentivement. Clouée par ses iris d'émeraude, je soutins son regard en ignorant le goût âcre qui obstruait ma gorge, les oreilles sifflantes de rage, la tempe toujours endolorie, répugnée par le contact de l'homme qui me maintenait.
Kyle avait fait partie de ce gang... Il avait tué leur patron...

Bon sang, mais qu'est-ce que tout cela signifiait ?

— C'est marrant, cette situation, parce que vos pères se connaissaient..., nous annonça-t-il. Celio était redoutable, je dois l'avouer.

Quand il prononça le nom de mon père, ma vue se troubla, et j'aboyai, folle de rage :

— Qu'est-ce que tu racontes, bordel !

L'homme me menaçant pressa le canon de son arme contre ma tempe, me contraignant à m'arrêter de gesticuler. Je cessai tout mouvement et aperçus Kyle frôler la détente, prêt à tirer sur mon assaillant. Je déglutis en fronçant les sourcils, pleine de haine.

Comment connaissait-il mon père ? Qui était le père de Kyle ? Je ne comprenais plus rien...

Luc ne me répondit pas. Il se contenta de sourire froidement et sa voix claqua :

— Emmenez-la.

Plusieurs coups de feu s'élevèrent et firent écho dans mon crâne, semblable à une sinistre litanie, à une promesse cruelle. Je fermai les paupières par automatisme, sous le choc, prête à affronter la mort.
Je sentis du sang gicler sur mon visage, et ma gorge se noua.

Surprise, je rouvris les paupières et croisai le regard de Luc qui m'observait sans me voir, du sang s'écoulant de ses lèvres, mais également de son crâne. De sa poitrine.
Il retomba en avant dans un bruit sourd, et l'homme qui me maintenait se figea, surpris, avant qu'il ne presse mon épaule.

Kyle tourna les yeux vers lui, et la surprise peignant ses traits fut balayée par la rage. Cela me fit comprendre que ce n'était pas lui, qui avait tiré sur Luc.
Je levai le nez rapidement vers l'étage du dessous pour apercevoir Gabriel tenant son flingue, le visage sombre.
Il avait tué Luc...
Je repris mes esprits et aperçus Kyle appuyer sur la détente pour laisser une balle fendre l'air et viser l'homme qui me maintenait, avant que les deux autres ne se dirigent vers lui, prêts à le cribler de balles.

D'autres intonations s'élevèrent sans que je n'en trouve la source, trop chamboulée pour ça.
Je m'empressai de me baisser pour ramasser le flingue de l'homme qui m'avait menacée, raide mort, et je tirai sur l'un des hommes qui faisait face à Kyle. Il hurla quand je touchai sa jambe, et il s'écroula à genoux sans cesser de gémir. J'appuyai encore sur la détente pour laisser la balle percer sa poitrine dans une giclée de sang.

J'aperçus Kyle s'avancer vers moi, couvert de sang, et avant que je ne puisse le rejoindre, le quatrième homme tira dans sa direction. Kyle se baissa à temps et pointa son flingue vers lui pour l'achever d'une balle dans la poitrine. D'un regard entendu, on descendit les marches pour s'approcher de la sortie. Une voix s'éleva dans notre dos avant qu'on ne quitte le bâtiment :

— Melina ! Kyle !

Je me tournai pour apercevoir Gabriel. Il m'observa de ses grands yeux noirs brillants d'un drôle d'éclat. Méfiante, je pointai mon arme vers lui, mais il leva sa main tenant son flingue en me disant :

— Sauve-toi immédiatement, Melina !

Surprise, j'entrouvris les lèvres en baissant mon arme, et il en profita pour reprendre rapidement :

— J'avais envoyé un message à Kyle pour qu'il vienne ici en lui indiquant qu'il y avait des indices au sujet du gang. J'étais censé te piéger, mais je voulais également mettre un terme à ces histoires. Fuis, par pitié, avant que tu ne sois davantage mêlée. Ses coéquipiers sont à l'extérieur, face à certains membres.

Je lançai un coup d'œil à Kyle qui, les traits assombris, me dévisagea en silence. Des voix s'élevèrent à l'étage du dessous. J'entendis des personnes emprunter les escaliers rapidement, ce qui me glaça le sang. Gab s'avança d'un pas prudent, avant de me souffler :

— Je te crois. Je te crois, quand tu dis que tu connaissais ma sœur... Si tu es vraiment celle qui l'a sauvée, alors je veux en faire de même.

Gabriel lança un regard à Kyle et lui dit :

— Rejoignez le sous-sol avec tes coéquipiers, vous trouverez certaines femmes enfermées dans des cellules... Mais faites attention, parce qu'il y a des guets. J'essayerai de vous envoyer d'autres informations au sujet de ce gang.

— Traître ! entendis-je dans mon dos, suivi de bruit de pas. Gabriel, tu es mort !

Kyle se tendit net et tira vers l'homme s'approchant sans ciller. Gab retint son souffle et recula de quelques pas, le visage assombri. Il me lança ensuite un regard que je ne parvins pas à cerner, et un triste sourire étira ses lèvres.

— Tu as été l'ange de ma Sofia. Su àngel... Laisse-moi l'être pour toi.

Et il s'éloigna rapidement pour se diriger à l'étage, où des bruits de pas s'élever. Kyle soupira, les yeux fous de rage, et il me siffla :

— Planque-toi dans une cellule, Melina.

— Mais...

— Maintenant ! répliqua-t-il sèchement. Je vais faire en sorte de mener mes coéquipiers jusqu'au sous-sol. Tu en profiteras pour t'échapper.

Et d'un coup d'œil, il me fit comprendre que j'avais plutôt intérêt à obéir. D'un pas tremblant, je m'approchai de l'un des cellules poussiéreuses, et Kyle me dit :

— Ne sors pas de là tant que tu n'es pas certaine d'être seule.

Et des pas s'élevèrent avant qu'il ne ferme la cellule, et il s'éloigna rapidement. J'entendis des coups de feu, des cris, des gémissements, ainsi que des bruits sourds, rappelant des corps s'écroulant. Pétrifiée par l'appréhension, je reculai sans faire de bruit jusqu'au mur du fond, les joues blêmes.

Le souffle haletant, je tendis l'oreille pour entendre des voix ordonner certaines choses. Un homme prononça quelques mots que je ne parvins pas à déchiffrer, si ce n'était « prisonnières ». Mon sang se glaça davantage, et je me remémorai des propos de Gabriel, disant qu'il y avait des femmes séquestrées dans le sous-sol.

Il avait mené Kyle sur une piste, tout en me piégeant...
Mais bon sang, quel était son véritable objectif, en agissant de manière aussi contradictoire ? Et Kyle... Qu'avait-il caché d'autres, en plus d'être lié à ce gang ?
Depuis le début, il savait des choses...
Il en avait fait partie, d'après Luc...

Le regard dans le vague, je remarquai qu'un léger rai de lumière traversait les barreaux se trouvant dans mon dos, illuminant faiblement un coin de la cellule, où de la poussière virevoltait sans un bruit. Je plissai le nez, impatiente, les doigts tremblants sur mon arme.

Quand le silence régna, je me décidai à sortir prudemment. D'un œil d'œil, je vérifiai que l'étage dans lequel j'étais soit libre, ignorant le corps de l'homme que Kyle avait tué pour sauver Gabriel, et j'empruntai les marches pour retourner jusqu'au sous-sol. Il y avait encore les cadavres de Luc et ses coéquipiers, mais également deux portant une combinaison.
Je tendis l'oreille pour entendre des voix étouffées, probablement en provenance du sous-sol.

Hâtivement, je m'approchai de la sortie, et je soupirai quand l'air frais effleura mon visage. Un dernier coup d'œil en arrière me permit d'être certaine qu'il n'y avait personne. Le cœur battant la chamade, je m'élançai à travers cet endroit sinistre, tournant le dos au bâtiment délabré, des sueurs froides dévalant mon échine.

Il fallait que je rejoigne le repaire. Que j'explique la situation à mes coéquipiers.
Du moins...
Le pouvais-je, après les dires de Gabriel, me prétendant que je devais me méfier ?
Faisait-il allusion à Kyle, ou à d'autres personnes ?
Qui ?

Assourdie par les battements de mon cœur, je continuai de courir pour rejoindre ma voiture garée dans un coin isolé, tenant fermement mon arme entre mes doigts, m'apportant un peu de réconfort.

Bientôt, je démarrai. Mes phares percèrent les ténèbres, et ma voiture s'élança dans un rugissement à travers la nuit, s'éloignant enfin de ce lieu sinistre, la tête emplie de questions.
De tourments...

Hellooo !

Désolée pour ce long chapitre, mais je devais placer des révélations ;)

Qu'avez-vous pensé de Kyle ? De Melina ? De Gab ?

La fin approche à grands pas !

~Chapitre revu~

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