Chapitre 23

« Pourquoi devenais-je si contradictoire, près de lui ? »

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J'avais refait un saut dans l'ancien entrepôt le lendemain de l'incendie, mais je n'avais rien trouvé. Pas un seul indice.
Heureusement, je n'avais pas croisé de flics, mais j'avais aperçu des membres Des Indomptés. Ils ne m'avaient pas remarqué, et j'en avais profité pour repartir, toujours assaillie de questions.

Seulement deux jours s'étaient écoulés depuis cette mésaventure, et j'avouais ne pas vraiment m'en remettre, dans un sens, car je n'avais aucune réponse à mes questions, et je m'interrogeais sur le but des personnes qui avaient agi.

Je tressaillis quand un énième hurlement s'éleva, résonnant entre les murs, entre les parois de mon cœur. Marco et Steven torturaient un homme qui n'avait pas payé ses dettes à temps.
Et j'en étais lasse. Le monde n'était-il pas déjà assez cruel ? Pourquoi faire souffrir pour un rien ?
Je voulais tant partir d'ici.
Quitter ce gang.

Oui, j'avais déjà fait du mal, moi aussi.
Parfois, c'était même injustifié, car les ordres de Filipp étaient clairs.
Mais je n'avais jamais pris plaisir à faire souffrir des innocents. Jamais je n'en avais tué, d'ailleurs...

Quand je frappais, c'était en m'imposant des limites. Mes victimes, pour la plupart, avaient commis des choses atroces.
Alors je leur avais infligé la même chose en quadruple.

Le karma ne frappe pas ? C'est simple, soit le karma...

J'observai silencieusement le blessé qui était ligoté pieds et poings. Son œil droit était enflé tandis que le reste de son visage était boursouflé. Ses lèvres saignaient abondamment pour laisser le liquide vermeil ruisseler le long de son menton et rejoindre la flaque qui gisait par terre. Des larmes perlaient de ses yeux.
Cette constatation enserra ma poitrine.

D'un pas confiant, je m'approchai pour lui retirer ses chaînes, ignorant Steven qui affichait un sourire goguenard, alors que Marco me toisait avec colère.

— Qu'est-ce que tu fous ? rugit-il. On n'en a pas fini.

— Pardon ? demandai-je avant de sourire faussement. Je ne crois pas t'avoir demandé quoi que ce soit.

Steven ricana et recula, alors que l'autre homme me dévisageait en s'avançant, prêt à m'arrêter, mais je lui lançai un regard d'avertissement en sifflant :

— Filipp vous a demandé de le faire souffrir, pas de le tuer. Je pense que ça suffit, regarde son état.

— Tu deviens faible, Melina. Tu étais plus drôle avant, râla Steven en s'essuyant les mains.

— Faible ? répétai-je, amère. Non, je suis seulement humaine...

Ayoub, qui venait d'entrer dans la pièce, fronça les sourcils avant de rouler des yeux devant le visage ensanglanté du blessé qui laissa sa tête retomber en avant, le souffle chaotique.

— C'est bon, effectivement, il s'est mangé assez de coups, il me semble, claqua la voix de mon ami qui lança un regard noir à Marco. Vous pouvez arrêter.

— On ne peut pas simplement se débarrasser de lui ? siffla Marco. Il n'a pas réglé ses dettes.

— Filipp vous a demandé de le torturer, non ? Qu'est-ce que tu ne piges pas là-dedans ? renchérit Ayoub en se plantant devant Marco.

Tous deux se défièrent du regard avant que Steven ne s'interpose en disant :

— C'est bon, on a compris. Viens, Marco.

— Non, c'est pas bon, répliqua-t-il. J'ai aucun ordre à recevoir de leur part.

Ayoub ne se détourna pas, prêt à l'affronter. Je me postai à ses côtés en plongeant mon regard dans celui de Marco, le sang bouillonnant dans mes veines, appréhendant la suite.

— L'ordre ne vient pas de nous, mais de Filipp, dis-je pourtant.

— Tu devrais tenir ta langue, Melina, me rembarra-t-il sèchement avant de sourire avec cruauté. Sauf si c'est pour t'en servir...

Avant qu'il ne termine, j'envoyai mon poing percuter sa mâchoire avec violence. Ayoub s'empressa ensuite de s'interposer quand Marco tenta de me foncer dessus, mais notre adversaire lui donna un coup de crâne pour le faire reculer, et il en profita pour se diriger vers moi, les yeux fous.

J'aperçus, trop tard, ses mains se refermer sur mon haut, et il me faucha les jambes pour me faire tomber à terre, en plein sur les cuisses. Un gémissement m'échappa quand la douleur me lancina. Marco en profita pour m'asséner une gifle. Le bruit résonna et, malgré ma vue trouble, je me relevai avec hâte en ignorant mon corps meurtri, et avant qu'il ne puisse envoyer son poing dans ma direction, je saisis son poignet pour lui tordre avec rage.

Ayoub se servit de son moment d'inattention pour le saisir par le col, et il le plaqua contre le mur pour le retenir, furieux, le front rougie par le coup. Marco se débattit, fou de rage, et s'apprêta à répliquer, mais Steven retint son bras, avant que d'autres membres ne s'interposent, ayant probablement entendus le tapage.

Le souffle haletant, je les regardai d'un œil vide et croisai le regard furibond de Marco qui était maintenu par plusieurs membres, loin d'Ayoub qui, malgré son calme apparent, était retenu par deux membres, ses yeux verts luisant de colère. Quelques filles vinrent près de moi voir mon état, et Dalila me demanda comment j'allais, inquiète.

— Stop, ça suffit ! s'énerva Chris qui se tourna vers Ayoub. Oh, mec, arrête, c'est bon !

— Marco, ferme-la, t'as dit assez de merde comme ça, s'agaça Steven à son attention. Tu l'as bien cherché !

Les membres emmenèrent Marco hors de la pièce en ignorant ses jurons. Les quelques filles présentes m'interrogèrent, me demandèrent si je n'étais pas blessée, et s'attardèrent sur ma joue rougie par la gifle. Je passai ma main dessus pour leur cacher, et dis d'une voix légère :

— Vous inquiétez pas, il n'a pas autant de force qu'il ne le prétend, mentis-je.

Pourtant, j'avais bien senti ses coups, ma joue endolorie pouvait en témoigner, tout comme mes cuisses après cette chute. Ayoub, un peu plus calmé, se rapprocha de moi et scruta attentivement mon visage. J'en dis de même avant de lui dire :

— Désolée de t'avoir mêlé à tout ça.

— Arrête de dire de la merde, Melina, souffla-t-il. Il n'avait pas à parler comme ça. D'ailleurs, tu lui as foutu une sacrée droite.

Un petit rire m'échappa alors qu'il ajoutait :

— Sois honnête, tu es blessée ? Je t'ai vu tomber, et la chute était plutôt violente.

— J'ai vu aussi, Mel', ajouta Dalila en fronçant les sourcils.

— Non, ça va, marmonnai-je. Je douille un peu, mais rien de grave. Je me suis mal réceptionnée.

Chris, qui avait gardé le silence, s'avança et, avant qu'il ne puisse parler, Naël pénétra dans la pièce rapidement, et il cracha :

— Comment ça, il t'a cogné, l'autre con ? Je vais me le faire ! Où il est ?

— Pas ici ! répliqua Chris. Naël, évite de le provoquer, il est assez remonté comme ça.

— Remonter, remonter, j'en ai rien à foutre !

Et il remarqua ensuite l'état d'Ayoub. Sa colère s'intensifia davantage, et il jura :

— Mais quel gros connard ! Il t'a aussi cogné !

— Je pense qu'il s'en était aperçu, vu la gueule qu'il tire, ricana Dalila devant l'air renfrogné d'Ayoub.

Naël continua de s'agiter avant que les autres membres présents ne le charrient, amusés par la colère qui l'enveloppait. Plus détendus, on quitta la pièce, et Dalila nous proposa de sortir ensemble, ce soir, histoire de penser à autre chose. Ayoub accepta, à ma plus grande surprise, en déclarant qu'il fallait qu'on vive un peu. Qu'on respire. Chris, lui, hésita en disant que c'était risqué.

Et il avait raison. Pouvions-nous nous permettre de sortir et de profiter vraiment, avec ce qu'il se passait ?

Et puis, je n'aimais pas les soirées réunissant un tas d'individus. Je n'étais pas à l'aise.
Mais peut-être que, comme le disait Dalila, cela nous permettrait de nous changer les idées.

Je finis par accepter en leur annonçant qu'on devait malgré tout se montrer prudents, et on se retrouva, Dalila et moi, chez moi, à se préparer pour cette petite soirée. Sa peau noire était ressortie par la robe vermeille qu'elle portait, mettant en valeur ses cuisses élancées. Ses grands yeux noisette pétillaient de joie, d'excitation.
Et ça faisait plaisir de la voir ainsi.
De la voir détendue.

Ayoub et Chris ne devraient pas tarder à nous rejoindre en bas de l'immeuble, ce qui nous laissait un peu de temps pour prendre du temps pour nous.

Silencieuse, je passai une main dans mes cheveux châtains lissés pour l'occasion, avant de baisser le nez vers ma robe noire dévoilant mes jambes bleutées à cause de ma chute de ce matin.

— C'est super voyant..., se désola mon amie. Il ne t'a vraiment pas loupé, cet enfoiré... En plus, tu boîtes un peu, j'ai remarqué ça quand on marchait jusqu'à chez toi.

— Ouais, j'avoue qu'il ne m'a pas loupé, me rembrunis-je. Mais j'espère que ça se rétablira vite, parce que Filipp ne nous lâche pas avec ses missions, en ce moment.

Et c'était difficile de les mener à bien en étant blessée.
Dalila s'attarda sur ma mâchoire rougie, sur laquelle j'avais passé du fond de teint pour couvrir la marque laissée par Marco.
Dalila, moins rayonnante, saisit ma main dans la sienne pour m'apporter de sa chaleur, et dit :

— J'espère que cette soirée nous changera les idées. On en a besoin, après tout ce qu'il s'est passé, ces quelques semaines. Mais n'hésite pas, Melina, quand tu en as marre, préviens-nous.

Je la remerciai et, bientôt, elle reçut un message de Chris disant qu'ils nous attendaient. Dalila retrouva son sourire, sourire que je lui rendis, plus légère.

***

Le pub était immense. L'entrée donnait sur une piste de danse. Au bout se dressait un bar où quelques personnes discutaient, leurs traits s'illuminant sous la lumière des néons. Il y avait une mezzanine où quelques clients convoitant la tranquillité se dressaient.

Sirotant un cocktail sans alcool, je m'égarais depuis un petit moment dans mes réflexions. Dalila, déjà pompette, insistait auprès de Chris pour qu'il descende danser avec elle, mais il ne semblait pas d'accord, déjà agacé par la tournure que prenait cette soirée.

— Allez, s'il te plaît ! lui dit Dalila en lui faisant les yeux doux.

— Oui, allez, fonce, Chris, nique tout ! lui balança Ayoub, moqueur.

Chris, qui se laissait traîner, répliqua, vexé :

— Nique déjà une nana, et on en reparle ! entendis-je de la part de Chris avant que sa voix ne soit étouffée par le brouhaha.

J'éclatai de rire tandis qu'Ayoub se décomposait, piqué. J'affichai un sourire mesquin et m'approchai de lui pour saisir sa manche.

— D'ailleurs, toi aussi tu vas danser, mon pote !

Dans un rire jaune, il secoua la tête, peu confiant. Mon sourire s'élargit face à son désaccord.

— Hors de question ! persifla-t-il.

Pourtant, lorsque le l'entraînai avec moi, il me suivit en émettant un juron, en opposition avec son petit sourire amusé.
On retrouva bien vite nos amis sur la piste de danse. Dalila riait en se déhanchant, les joues rosies à cause de la chaleur. Une belle rouquine s'approcha d'Ayoub d'un pas félin, et elle l'emmena avec lui, le regard brûlant.

Légèrement tendue, j'accompagnai Dalila dans sa danse. La voix des autres danseurs se mêlait à la mélodie qui m'assourdissait.
Profiter faisait un bien fou.
Oui, je devais profiter.
Profiter...

Au diable les interrogations et mes tourments. Je prétendais vouloir vivre une vie normale, mais j'étais incapable de me lâcher.
Qu'est-ce que cela me coûterait, de danser, et de rire aux éclats, sans penser au lendemain ? Sans penser au Tabu ?

La musique changea pour laisser place à un slow. Je me figeai en étouffant un rire jaune. Chris dévora Dalila de ses yeux brillants, et il la rapprocha tendrement d'elle pour qu'ils dansent sensuellement. Cela m'arracha un sourire attendri.

Je m'apprêtais à quitter la piste pour remonter dans la mezzanine, mais une main se posa sur ma taille pour me tirer lentement en arrière. Je frissonnai de peur malgré moi, et la panique m'enveloppa. La peur obstrua ma gorge tandis que mon souffle s'accélérait.

Bientôt, je me retrouvai plaquée contre un torse, et quand un parfum ne m'étant pas inconnu effleura mes narines, je tressaillis. Je levai vivement le nez pour croiser le regard azuré de Kyle, alors que mes épaules s'affaissaient.

— Comme on se retrouve, ragazza, me lança-t-il d'une voix douce. Oh, ne prend pas cet air surpris, tu n'as pas pris l'habitude qu'on se croise constamment ?

Perplexe, je m'apprêtai à répondre, mais ma voix se tut. Je scrutai attentivement ses yeux, la gorge sèche.

Ses iris étaient dilatés et injectés de sang. Un drôle d'éclat y dansait. Je frissonnai et sa main resserra sa prise contre moi et, lentement, il me rapprocha de lui. Mon cœur s'affola et son souffle chaud effleura mon visage blême. Que fichait-il ?

— T'es bourré, constatai-je d'une voix contrôlée en fronçant les sourcils.

Dans quel cas, il ne se serait jamais montré aussi téméraire avec moi. S'il était confiant, jamais il n'avait été tactile ainsi.
Mais quelque chose de plus complexe semblait le dévorer. Cette inquiétude qui me rongeait me le prouvait.
Il n'était pas lui-même.
Je le sentais.

— Bourré ? répéta-t-il en ricanant. Peut-être, et alors ? Pratiquement tout le monde l'est.

— Non, y a autre chose, marmonnai-je en scrutant ses pupilles élargies. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Et, quand ses traits s'assombrirent, je me tendis en suivant le mouvement de ses pas. De sa valse.
Je devais rester calme. Il y avait du monde autour de nous...
Peut-être se montrait-il si téméraire pour me déstabiliser ? Était-ce là l'un de ses nouveaux coups-bas ?
Voulait-il me troubler ? Avait-il remarqué que, parfois, sa présence, ne me laissait pas indifférente ?

Pourquoi étais-je tant contradictoire, avec lui ? Peur, curiosité, colère, et trouble. Voilà tout ce qu'il m'inspirait. Et le fait que sa main me retienne par la taille, comme si je risquais de m'enfuir, me perturbait.

Silencieusement, je l'affrontai à nouveau du regard. Sa chaleur m'enveloppait, tandis que sa haute stature me dominait.
Alors que l'un de ses mains restait contre ma taille, l'autre vint se refermer sur mes doigts pour me contraindre à suivre ses pas. On suivit le mouvement en se défiant des yeux. Mes doigts, entrelacés aux siens, tremblaient légèrement.
Comme lorsque j'avais tenté de déboutonner sa chemise...

Il le remarqua, et ses sourcils se froncèrent. Sa main contre ma taille s'éloigna assez pour respecter mon intimité, alors que ses doigts enserrant les miens relâchèrent légèrement leur prise. Je me détendis à cette constatation, et me crispai quand son regard s'abaissa jusqu'à mes jambes dénudées. Un éclat embrasa ses pupilles avant qu'il ne s'humecte les lèvres sensuellement. Mon estomac se tordit à cette vue, et une sensation étrange enflamma ma poitrine.
Pourtant, le froid régnant dans mon cœur persistait, encore et encore. Il défiait la flamme qui crépitait dans les pupilles de Kyle. 

Je devenais dingue. Je ne savais plus où donner de la tête. Fuir, me rapprocher. Peur. Attirance. Froid. Chaud. Les sentiments qui déferlaient en moi étaient si différents, ils s'entrechoquaient et formaient un cocktail explosif.

Et, à chaque fois, c'était quand je lui faisais face, que je ressentais ces choses...

Soudain, son visage se durcit, et sa mâchoire se crispa. Quand la lueur brûlante dans ses yeux s'éteignit au profit d'une colère sourde, mon sang se figea.

— C'est quoi, ça ? demanda-t-il.

Je suivis son regard et m'attardai sur les bleus recouvrant ma peau. Je relevai le nez en cherchant une excuse, et des sueurs froides perlèrent le long de mes tempes. Kyle replongea ses yeux dans les miens, les sourcils froncés, et je l'aperçus se tendre.

— Je suis tombée, mentis-je.

Je voulais partir. Ma conscience me hurlait de m'éloigner. De fuir. Elle me disait que j'étais en danger.
Que je l'étais avec tous les hommes.

Et particulièrement près de lui. La dangerosité qui émanait de ses pores, ce soir, s'harmonisait avec ses traits sombres. Avec ses pupilles obscurcis.
Oui, quelque chose n'allait pas, avec Kyle.

— Je sais que tu n'es pas douée, mais tu n'es pas le genre à tomber et à te blesser comme ça, souffla-t-il.

Et il détailla longuement ma mâchoire, quitte à me donner l'impression de me transpercer de part et d'autre. Sa main enveloppant la mienne relâcha mes doigts, et il approcha les siens de ma joue. J'eus un mouvement de recul. Il suspendit son geste, l'air inquisiteur, et quand il m'aperçut bomber le torse, le visage se voulant confiant, il comprit qu'il pouvait poursuivre son geste. Ce qu'il fit avec lenteur.

Ses doigts frôlèrent doucement ma mâchoire, quitte à effleurer ma blessure. Je tressaillis encore, la gorge sèche, luttant pour ne pas fuir.
Mais ce que je ressentais était si agréable. Si nouveau.
Que faire ? Que faire ?
Fuir, ou l'affronter, comme j'avais tenté de le faire plus d'une fois, afin de voir jusqu'où ça irait ?
Je voulais remporter notre jeu, et pour ça, il fallait que je joue comme une Reine.
Donc sans peur...

Kyle approcha lentement son visage, et son nez frôla le mien. Son souffle brûlant et saccadé s'échoua sur mon visage rougie, et mes poils se hérissèrent. On continua de se défier des yeux, ses doigts frôlant toujours ma joue, son autre main près de ma taille, et je pris une profonde inspiration, troublée par ce qui prenait forme dans ma poitrine, tout en continuant de danser, en rythme avec la mélodie lente et sensuelle qui s'élevait.

— Dis-moi la véritable raison, Melina, murmura-t-il d'une voix rauque.

Sa main près de mon visage finit par s'égarer contre mes hanches pour me rapprocher encore davantage de lui. Mes paumes se plaquèrent contre son torse tandis que je lui lançais un regard d'avertissement. Je sentis ensuite son cœur faire trembler mes doigts, et ses muscles se tendre. Devant son regard dévorant, je me décidai à le repousser pour l'éloigner suffisamment de moi, le cœur serré, en opposition avec les frissons brûlants qui traversaient mon échine.
Je ne voulais pas qu'il me touche, et pourtant, mon corps voulait être près du sien.
Je l'avais voulu, moi aussi, durant ce laps de temps.

Mais bon sang, pourquoi étais-je aussi perdue ?

Au fond, mon cœur pleurait. Tremblait.

Et c'était lui qui avait le dernier mort. Constamment.

Kyle recula encore et me détailla attentivement à travers ses longs cils faisant de l'ombre à ses joues. Je serrai les dent, la respiration haletant, à l'instar de la sienne.

— Qu'est-ce qui te prend, Kyle ? finis-je par demander en reprenant mes esprits. T'es bizarre... Plus que d'habitude, je veux dire.

Il se mordit les lèvres, comme s'il hésitait à répondre, et son regard s'embrasa jusqu'à intensifier la lueur incandescente qui dansait dans ses yeux.

— Il faut avouer que tu ne me laisses pas indifférent, Melina, susurra-t-il sensuellement.

Les flammes dans ma poitrine s'amplifièrent et brûlèrent mes tripes, jusqu'à étouffer davantage la peur enfouie au fond de moi. Un sourire désarmant étira ensuite ses lèvres, ce qui m'arracha un vertige, et j'eus l'impression que le monde s'écroulerait sous mes pieds.

— C'est quoi ton problème ? m'exclamai-je soudainement, déstabilisée. Qu'est-ce que tu me veux ?

Et, avant que je ne puisse finir, un homme me bouscula. Je me tendis net et sentis mon visage blêmir. Le métis s'excusa avec hâte et repartit en me laissant seule avec Kyle qui me couvrait d'un regard indéchiffrable.

J'en regrettais presque sa présence...

Il fallait que je m'en aille. Ses propos m'avaient retourné le cerveau. La fatigue commençait à m'écraser. Mes poumons me faisaient souffrir, et la chaleur de Kyle n'arrangeait rien. Des points noirs se formaient devant mes yeux, alors que mon souffle se raréfiait.
Oui, il fallait que je parte.
Fuir. Fuir.
Vite. Vite.

Kyle chercha mon regard agité, et quand ses yeux crochetèrent les miens, il fronça les sourcils. Il fit un pas dans ma direction avant de s'arrêter, hésitant. J'en profitai pour m'extirper enfin de sa chaleur, et je m'enfonçai dans la foule pour qu'il me perde de vue, quitte à affronter la présence d'inconnus.

Je cherchai vivement mes amis du regard et, quand j'aperçus Ayoub scruter également les alentours, je me dirigeai vers lui avec hâte. Quand il me remarqua, un soupir s'échappa de ses lèvres, et il dit :

— Je me suis un peu perdu.

— Quoi ? Mais Ayoub, combien de verres tu as bu ? m'indignai-je devant son air perplexe.

— Enfin, vous êtes là ! siffla Chris qui traînait Dalila. On se casse, j'en ai ras le cul de vos conneries !

Il se dirigea vers la sortie en lançant un coup d'œil à Ayoub qui suivit le mouvement, les joues légèrement rosies, et l'œil pétillant à cause de l'alcool. Chris ordonna à l'Algérien de lui donner ses clés pour qu'il conduise, et on pénétra dans le véhicule rapidement. Dalila, du côté passager, s'affala, épuisée.

Moi, je ne cessais de relater cette soirée, luttant contre le sommeil, contre mes pensées sinistres.

— J'ai envie de vomir..., se plaignit soudainement Dalila.

— Eh ! s'exclama Ayoub. T'as pas intérêt à vomir dans ma bagnole, sinon, je-

Mais il baissa la tête et rendit le contenu de son estomac dans un bruit qui me retourna le bide. Chris jura et ouvrit les fenêtres pendant que je hurlais sur Ayoub qui était livide.

— Enfoiré ! Eurk ! J'en ai sur moi ! criai-je alors qu'il rigolait.

Dalila rit, la tête tournée vers nous. Je m'empressai de sortir mon visage hors de la fenêtre pour inspirer pleinement l'air, furieuse et fatiguée. J'en avais la nausée....

Une fois arrivée en bas de mon immeuble, je sortis avec hâte en attendant Dalila qui bailla. Chris nous lança un coup d'œil et dit :

— Je dépose Ayoub chez lui. Il se démerdera seul pour nettoyer sa caisse. Prenez soin de vous, toutes les deux.

Je lui fis un sourire et aidai mon amie à monter les marches. Ellebondit sur mon canapé en me disant qu'elle avait trop dansé, et elles'assoupit. Je la recouvris d'un plaide avant de prendre une douche.

Une fois propre, j'allai sur le balcon et contemplai les étoiles. Le comportement de Kyle ne quittait pas mes pensées. Qu'avait-il ? Pourquoi cette lueur dans ses yeux ne quittait pas mon esprit ? Pourquoi devenais-je si contradictoire, près de lui ? C'était étrange.

Ce soir, j'avais cru voir à travers ses yeux un cœur brûlé à vif. J'avais pu voir ses blessures. Je savais que quelque chose le dévorait. Quelque chose de destructeur. Le danger qui émanait de lui était la preuve que les ténèbres régnaient dans son être et risquaient d'avoir raison de lui.

Oh oui, un rien suffisait parfois pour déraper.
Kyle était-il de ces âmes tourmentées, sombrant parfois dans la folie, ou était-il de celles qui se battaient, encore et encore, contre leurs démons, sans jamais baisser leurs armes ?

Qui était-il ?

Que cachait le Roi ?

Salut 💙

Que pensez-vous du comportement de Kyle ? De Melina ? Pourquoi elle se méfie de lui, à ce moment-là ? Pourquoi serait-il différent ?

Bonne soirée !

~Chapitre revu~

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