Chapitre 17

TW : Ce chapitre parle de maladies et se passe dans un hôpital.

« Et c'était cette candeur qui rendait les enfantssi beaux, si humains.  »

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Les couloirs étaient sans vie. Les murs blancs projetaient mon ombre alors que l'odeur des médicaments s'infiltrait dans mes narines jusqu'à me retourner l'estomac. Quelques personnes déambulaient, et je passais entre elles, le regard vide.
Je haïssais cet endroit. Pourquoi étais-je venue ?

La jeune rouquine à l'accueil avait les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur. Ses doigts tapaient rapidement son clavier et, en m'entendant, elle releva des iris azurés vers moi en esquissant un sourire poli.

— Bonjour, me salua-t-elle. Que puis-je pour vous ?

Je lui souris à mon tour en lui demandant le numéro de la chambre de Sofia, la petite que j'avais aidé quelques jours avant. J'étais encore épuisée de cette mésaventure, et mes blessures me faisaient toujours aussi mal, mais je lui avais promis de venir la voir. Pour ne pas attirer les regards sur mon visage toujours boursouflé, je m'étais maquillée, en espérant tromper les autres.

La secrétaire fronça les sourcils d'un air méfiant.

— Vous êtes de sa famille ?

Sa question me figea. Je déglutis en réfléchissant à un mensonge. Les choses se compliquaient.

— Je vous pose la question, car sa mère, il y a quelques jours, l'a emmenée à l'extérieur alors qu'elle n'en avait pas le droit. À part elle et son frère, personne n'est jamais venu lui rendre visite.

Mes sourcils se froncèrent suite à ses propos. Oui, j'avais bien compris que sa mère avait tenté d'emmener sa fille hors de l'hôpital, et je savais pour quelle raison.
Quant à son frère... Sofia en avait vaguement parlé. Mais où était-il, maintenant ?

— Pour tout avouer, je suis sa cousine, mentis-je en efforçant un rictus. Je ne suis pas de cette ville, mais en entendant ce que sa mère avait fait, je suis venue aussi vite que j'ai pu afin de lui rendre visite. J'espérais d'ailleurs croiser son frère pour avoir de ses nouvelles également.

Quel piètre mensonge.
La secrétaire m'observa attentivement en plissant les yeux, peu convaincue par ce que je venais de dire, mais elle poussa pourtant un soupir à fendre l'âme, ce qui serra mon cœur d'inquiétude.

— Je dois vous prévenir, commença-t-elle, mais son état s'est aggravé. Pire encore depuis que sa mère l'a traînée dehors alors qu'elle était déjà très affaiblie.

Une boule d'angoisse obstrua ma gorge suite à ses propos, et je compris bien vite que sa maladie était beaucoup plus grave que je ne le pensais.
Quelle horrible situation. Cette pauvre enfant se retrouvait seule, sous traitements, et aurait pu y passer quelques jours avant...

La jeune femme tapa à nouveau sur son clavier, alors que de nombreuses voix autour de nous s'élevaient. Les oreilles sifflantes, je la regardai contempler son écran avant qu'elle ne reprenne la parole :

— Chambre deux-cent-une, annonça-t-elle soudainement dans un souffle. L'ascenseur est sur votre gauche. S'il vous plaît, soyez discrète, et surtout, apportez-lui du soutien. Sa situation me brise le cœur, et savoir qu'une personne extérieure vient prendre de ses nouvelles me rassure un peu.

Elle me dévisagea pendant un moment qui me sembla être une éternité, probablement pour trouver sur mon visage un indice quelconque quant à ma véritable venue. Après ce que sa mère avait fait, elle avait de quoi se méfier, et c'était normal.
J'étais même surprise qu'elle m'ait donné le numéro de la chambre de Sofia.

— Merci, finis-je par souffler en souriant.

Et je me hâtai jusqu'à l'ascenseur, le nez plissé, répugnée par les nombreuses odeurs qui se confondaient.
Lorsque les deux portes s'ouvrirent, je me décalai pour laisser un homme en sortir en poussant un fauteuil roulant sur lequel était assis une fille d'à peu près huit ans. J'ignorai mon cœur serré et pénétrai dans le petit appareil qui, bientôt, arriva à l'étage indiqué.

J'aperçus bien vite de nombreux enfants circuler dans le large couloir. Une petite fille sanglotait dans les bras d'une femme qui essayait de la consoler en chantonnant, alors que d'autres, un peu plus âgés, discutaient. Un garçon en blouse blanche, portant un bonnet, passa devant moi. Ses grands yeux fiévreux croisèrent les miens, et face à son teint blafard, ma gorge s'assécha. Pourtant, il afficha un immense sourire. Je le lui rendis, peinée.

Il avait l'air fort. Vraiment fort. Il fallait énormément de courage pour combattre la maladie. J'admirais ces personnes-là.

J'arrivai enfin devant la chambre indiquée. Je pris une grande inspiration, vérifiai que personne ne me regardait, et toquai. J'y entrai ensuite d'un pas lourd en appréhendant ce que je verrai.
La pièce, éclairée par la lumière de la télévision, était remplie de machines, et le bruit de la respiration de Sofia accompagnait le son émanant de l'appareil projetant un film animé. La petite tourna la tête vers moi et me dévisagea de ses grands yeux.

— Salut, Sofia, dis-je doucement en m'approchant de son lit.

En silence, je m'assis sur la chaise qui se trouvait près d'elle en scrutant la chambre d'un œil curieux, évitant ainsi son regard scrutateur.

— Tu es venue, dit-elle faiblement avant de sourire.

Je reportai mon attention sur elle, affrontant son regard vitreux. Ses cheveux de jais étaient étalés sur son oreiller pour ressortir son teint blême. Le drap, remonté jusqu'à sa poitrine, accentuait son aspect si frêle. Cette vue m'enserrait le cœur, et c'était pour cette raison que je voulais tant me détourner.

Pourtant, je souris.

— Oui. Je te l'avais promis.

Son sourire se fit plus large. La gorge nouée, j'affrontai ses yeux fiévreux qui me regardaient attentivement, et elle reprit la parole :

— Tu ne m'as toujours pas dit comment tu t'appelais.

— Je vais te le dire, mais garde-le pour toi, ça sera notre petit secret, d'accord ? demandai-je en lui lançant un clin d'œil.

Amusée par mon air complice, elle hocha la tête. Bien, au moins, ça lui donnait le sourire. C'était le principal.

— Je m'appelle Melina.

— Oh, je connaissais pas ce prénom ! s'exclama-t-elle.

Et elle fut prise d'une quinte de toux. Elle fronça les sourcils avant de déglutir, les joues rouges. Inquiète, je la dévisageai, mais elle me fit un sourire.

La pauvre enfant était rongée par une maladie, et pourtant, elle semblait si forte. Si innocente. Et c'était cette candeur qui rendait les enfants si beaux, si humains.

— Tu sais, lorsque je suis revenue ici, on m'a posé un tas de questions. Je n'ai pas été capable de répondre. Je ne sais même pas où est partie ma mère..., m'apprit-elle d'une voix tremblante.

Elle baissa les yeux tristement, et son corps se mit à trembler. Je fronçai les sourcils, peinée par l'effroi qui peignait ses traits.

— En fait, je ne voulais pas leur dire que ma mère voulait me remettre à cet inconnu. J'en étais incapable. J'ai bien compris ce qu'elle avait en tête, mais elle reste ma mère, et si je l'avais dit aux médecins, ils l'auraient probablement empêché de revenir me rendre visite...

Je dirigeai ses dires, les poumons en feu. Sofia avait donc bien conscience que sa mère avait de sales projets en tête. Mais pourquoi avait-elle fait cela ? Dans quel intérêt ?
Je déglutis ensuite. La petite, pourtant, ne lui en tenait pas vraiment rigueur, car elle voulait que sa mère revienne lui rendre visite.

Sa voix s'affaiblit avant qu'elle ne relève un regard humide vers moi, et elle ajouta :

— Je n'ai plus qu'elle et mon frère...

— Je comprends, soufflai-je péniblement. Et tu n'as pas à te sentir honteuse de leur avoir caché ça.

— Mais ça ne fait pas de moi une énorme menteuse ? Ma mère ne supporte pas les mensonges, je le sais bien, mais je l'ai fait pour elle.

Que pouvais-je répondre à cela ? D'un geste maladroit, je posai ma main contre la sienne avant de tressaillir face à la froideur de ses doigts. Elle me contempla à travers ses longs cils, et ses lèvres tremblèrent.

— Non, tu as fait ça parce que tu ne voulais pas faire de mal à ta mère, malgré ce qu'elle a fait.

Ensuite, je poursuivis :

— Et regarde-toi. Tu gardes ce beau sourire, malgré tout. Cela prouve que tu es une battante, et je suis certaine que tu te rétabliras vite !

Je n'étais pas douée avec les enfants, et encore moins pour les apaiser. Sofia en avait pourtant besoin. Elle s'était montrée si loyale envers sa mère, alors qu'elle, en retour, avait cherché à la remettre entre les mains d'un homme pourri jusqu'à la moelle.

— Mon frère me répète souvent ça, lui aussi..., chuchota-t-elle.

Un petit sourire tordit mes lèvres avant que je ne m'attarde encore sur les cernes qui dévoraient son visage. Elle était épuisée.

— Je vais te laisser dormir, lui dis-je doucement.

— Est-ce que tu reviendras me voir ? me demanda-t-elle, la mine implorante.

Les larmes lui montèrent ensuite aux yeux face à ma mine déconfite. Je m'empressai d'opiner pour la rassurer.
Comment lui refuser ? Je ne pouvais décidément pas l'abandonner.

— Bien sûr...

La porte s'ouvrit sur un médecin qui se figea en me remarquant. Il fronça les sourcils avant de siffler :

— Vous ne devriez pas être-là, mademoiselle ! C'est l'heure de son traitement !

Je lançai un coup d'œil à Sofia et dis joyeusement :

— On se revoit vite, cousine !

Puis je lui fis un clin d'œil complice. Elle retrouva l'ombre d'un sourire et acquiesça. Je passai rapidement devant le médecin en lui lançant un regard noir, qu'il me rendit, les bras croisés contre sa poitrine.

Après ça, le cœur lourd de peine, je rejoignis le repaire pour m'entraîner, assaillie par le chagrin.
Dalila, Naël et Chris n'étaient pas présents, à l'inverse d'Ayoub et de quelques autres membres.

— Eh bien, Melina, te revoilà ! lança Steven, un membre. Où tu étais ?

— Depuis quand ma vie privée te regarde ? répliquai-je, déjà agacée.

Les membres présents ricanèrent quand Steven fronça les sourcils, piqué, et il renchérit :

— Dis donc, il est suspect, ton comportement. T'es de mèche avec un autre gang pour te braquer autant ?

Deux amis à lui chantonnèrent en prétendant que j'étais une traîtresse. Et si je savais qu'ils plaisantaient, je sentis pourtant mon sang bouillir. Je lançai un coup d'œil blasé à Steven et sifflai :

— Oh, mais vous inquiétez pas, la traîtresse que je suis ne dira rien quant à vos petits secrets.

Et je me tournai entièrement vers Steven qui affichait un air narquois, puis je retroussai mes lèvres en un rictus mauvais :

— D'ailleurs, ta copine est au courant que tu as mis enceinte une prostituée ?

En voyant son visage se décomposer, je repris, moqueuse :

— Oh, je ne devais pas le dire ? Oups, pardon. Faut croire que je ne garde pas aussi bien les secrets.

Les personnes présentes explosèrent de rire et charrièrent Steven qui se rembrunit, rouge de honte. Les membres savaient qu'il était un coureur de jupons, donc ce que je venais de dire n'était pas étonnant. Au contraire, ça les amusait.
Je tournai les talons en ignorant Ayoub qui me suivit des yeux, silencieux, pour rejoindre la salle d'entraînement, les oreilles sifflantes.

Je m'élançai bientôt vers un sac de frappe et me mis à le cogner à plusieurs reprises. Mes jointures devinrent rouges, car je n'avais pas mis de gants, mais cela m'importait peu. Je continuai de frapper pour extérioriser toutes les émotions qui me tiraillaient, alors que mon sang cognait contre mes tempes. Mon corps se plaignait, encore meurtri, mais je continuai d'asséner des coups.

— Melina ! m'interpella-t-on.

Mais j'ignorai la personne en continuant de faire pleuvoir les coups, la vue troublée par la colère.
Par la peine.
J'étais submergée. De plus en plus, d'ailleurs. J'étais perdue. Trop de choses s'étaient passées en si peu de temps. J'étais en manque de souffle.

Il fallait que j'extériorise. J'étais à bout. Ce fichu poids qui m'écrasait me rendait dingue, et il revenait constamment à l'attaque, quitte à piétiner mon cœur.

Et, un jour, il écraserait mon être entier, je le savais.

— Calme-toi, Mel', entendis-je.

On encercla soudainement ma taille, et mon dos se retrouva plaqué contre un torse. Je me retins d'envoyer mon poing contre lui, un frisson froid dévalant mon échine.

— Calme-toi..., chuchota-t-il.

J'inspirai profondément, figée, avant de me dégager rapidement pour dévisager Ayoub, haletante. Ses yeux de jade emprisonnèrent les miens avant qu'il ne me détaille, une lueur inquiète dansant au fond de ses iris.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? me demanda-t-il. Ils te taquinaient, là-haut, et tu le sais. Pourquoi t'es-tu mise dans cet état ?

Devant son air implorant, je soufflai et, vaincue, je baissai la tête honteusement. Je finis par lui raconter que j'étais encore chamboulée par l'incident concernant la petite. Il était au courant, Chris lui en avait parlé, et je savais que, s'il n'avait pas été présent, cette histoire l'avait touchée.
Ayoub était ainsi. Il avait beau agir comme un caïd, il avait un cœur en or. Il était d'ailleurs bien trop empathique...

— Et comment se portait-elle, quand tu l'as vue ? me demanda-t-il.

— Pas très bien..., avouai-je. Je ne sais pas quelle maladie la ronge, mais c'est dur. Elle est si jeune.

Il se pinça les lèvres, et un éclat sombre traversa son regard. Oh oui, il savait à quel point c'était dur. Sa mère avait été terrassée par le cancer, donc Ayoub était le mieux placer pour savoir à quel point il était difficile de voir des personnes malades se battre.

En silence, il me détailla avant de dire :

— Quand tu retourneras la voir, préviens-moi, comme ça, je te couvrirai auprès du boss et des autres. D'accord ?

Ses propos réchauffèrent ma poitrine. Je confirmai ses propos d'un geste du menton et souris difficilement :

— Merci, Ayoub.

Il se contenta de hocher la tête avant de s'attarder sur mes jointures ensanglantées. 

— Soigne-toi.

Silencieusement, il embrassa mon front avant de repartir, me laissant seule, perdue dans mes pensées.

Voici un nouveau chapitre !

Manifestez-vous ! Dites-moi ce que vous en pensez ! Je veux tous savoir !

Bisous ! ❤️

~Chapitre revu~

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