Chapitre 7 - Bobby mis en échec


- Judith ? Judith ? Ca va ?

Judith ouvrit les yeux. Dans un brouillard, Célia et une jeune femme qu'elle ne connaissait pas étaient penchées sur elle.

- Loïc... dit-elle faiblement.

- Calmez-vous, essayez de bien respirer et de vous détendre, lui dit l'inconnue.

Elle portait une blouse blanche et un stéthoscope autour du cou.


On avait installé Judith tant bien que mal dans un grand fauteuil assez profond, avec ses jambes allongées sur un autre siège.

La femme en blouse était le médecin affecté à l'infirmerie de ce grand commissariat. On l'avait appelée à la suite du malaise de Judith.


Ca sentait la menthe et elle avait ce goût dans la bouche. Sans doute lui avait-on donné un sucre imprégné ou quelque chose comme ça, elle ne se souvenait plus.

Le médecin prit son pouls et sa tension à plusieurs reprises.

Au bout d'un moment, elle finit par reprendre enfin ses esprits.


Elle descendit les jambes du siège qui leur servait de support et regarda le policier qui avait annoncé la mauvaise nouvelle.

Il paraissait bien ennuyé :

- Je ne sais pas si nous pouvons poursuivre. Mlle Malzen ne semble guère en état d'en entendre plus... dit-il en regardant Judith.

- Si, si, dit-elle. Excusez-moi, ça va mieux.

- Vous ne voulez pas qu'on reparle de ça plus tard, insista-t-il ?

- Non, ce sera pire, je préfère maintenant. Comment êtes-vous sûr, est-ce bien Loïc ?

- J'aimerais vous dire que je ne suis pas sûr mais hélas, il n'y a aucun doute : il portait ses papiers d'identité. Comme je venais de renseigner le fichier à la suite de votre main-courante, dès que mes collègues ont essayé de l'identifier, ça a matché. Ses parents ont été prévenus de suite et son père est venu presqu'aussitôt. Il a identifié le corps de son fils...

- Mais, comment est-ce arrivé ? demanda Célia, le visage embué de larmes.

- M. Mérieux marchait près de la faculté, se rendant très vraisemblablement à ses cours pour 14 heures lorsque, d'après deux témoins de la scène, une voiture a surgi, une Renault Mégane bleu foncé d'un modèle ancien d'après eux. Le conducteur aurait alors volontairement foncé tout droit sur Loïc Mérieux à grande vitesse. Le choc a été très violent, M. Mérieux a été projeté en l'air par-dessus le capot sans que la voiture ne ralentisse, puis celle-ci a disparu en trombe. Personne n'a relevé l'immatriculation. Au vu des circonstances, ce Bobby est bien évidemment suspecté. Nous mettons une équipe complète sur cette affaire et plaçons votre domicile ainsi que celui de Mlle... Célia je crois, sous surveillance constante.

-Je vous remercie, s'entendit dire Judith.

Elles quittèrent le commissariat. Célia semblait complètement hébétée. Quant à Judith, elle était anéantie.


- Je ne sais pas si c'est le moment de te parler de ça lui dit Célia, mais tu devrais peut-être appeler Paolo. Tu te vois jouer à Berlin dans ce contexte ?

- Oui, tu as raison. Je lui dis de passer chez toi ?

- Judith, je te l'ai dit, tu es comme chez toi, surtout avec ce qu'il vient de se passer. Tant qu'ils n'auront pas coffré ce cinglé, tu restes à la maison.


Mis au courant des événements, Paolo avait fait vite : il les attendait déjà devant chez Célia.


Il semblait enfin avoir pris la mesure de la gravité des choses et était cette fois d'une gentillesse rare à l'égard de sa joueuse.

- Tu ne peux pas te préparer dans de telles conditions, lui dit-il doucement. Et je comprends bien que, même si avec ton niveau foncier tu es capable de bien figurer à Berlin, tu n'aies pas le cœur à jouer, avec ce type qui te harcèle. Tu sais, j'ai été très con l'autre jour au club, excuse-moi, je ne pensais pas ce que j'ai dit, pour le reportage du magazine... Je suis un vieil ours mal léché, tu me connais...


Il s'approcha, lui passa son bras derrière les épaules et l'embrassa affectueusement sur le dessus de la tête, dans ses cheveux.

On voyait qu'il était ennuyé et que ses regrets étaient sincères. Judith savait que ce n'était pas le genre de type qui s'excuse souvent.


- Si je le tenais, ce Bobby ! gronda-t-il. Il faisait un geste comme s'il écrasait quelque chose entre les doigts de sa grosse main droite.

- Tu crois qu'ils vont l'arrêter ? demanda Judith.

- Ben bien sûr. Je suis persuadé que s'il est givré comme nous le pensons tous, il ne prend pas de précautions. Si ça se trouve, et si c'est bien lui qui a fait le coup, il a même utilisé sa propre voiture pour écraser ton ami.


Judith se cacha la tête dans les mains.


Il vint s'assoir à côté d'elle et lui prit le bras :

- Ecoute Juju, de toute façon, on savait que Berlin n'était pas l'enjeu majeur de ta saison. Tu as fait ta norme de grand-maître avec les points remportés à Paris, c'était l'objectif. Moi, je te propose de te reposer, de te changer les idées, d'oublier tout ça comme tu le peux. Si j'ai raison et qu'ils coincent rapidement ce fumier, il sera toujours temps d'aviser. Nous ne sommes pas en peine de trouver un hôtel à Berlin au dernier moment et, compte tenu de ton classement désormais, ton inscription tardive ne poserait pas de problème avec l'organisateur du tournoi. On fera selon ce qu'il va se passer. On fera surtout comme tu le sens, c'est toi qui joue, ce n'est pas le staff ni moi.

- Merci Paolo, dit simplement Judith.


Son smartphone se mit à sonner. Numéro masqué, indiquait l'écran.

Elle blêmit et son visage se décomposa.


Célia regarda Paolo et lui fit de gros yeux écarquillés en lui désignant le téléphone du regard, pour lui montrer que l'appel venait sans doute encore de ce maniaque.

- Réponds, lui dit Paolo.

Judith saisit lentement l'appareil et prit l'appel.

- Allo, dit-elle d'une voix mal assurée.


Comme d'habitude, il y eut un instant de silence à l'autre bout, puis un souffle, et enfin la voix au drôle de timbre dit lentement, d'un ton monocorde :

- Judith, c'est Bobby. Ton ami est mort, Dieu l'a puni.


Judith ne pouvait plus articuler un son.

Paolo lui arracha le téléphone et hurla :

- Ecoute bien ce que je vais te dire, espèce de cinglé, si je te trouve, je te crève, t'as compris, je t'éclate la gueule, tu vas regretter tes conneries !

Bobby avait déjà raccroché.

Paolo n'avait même pas pu entendre sa voix.

Ce n'était pas forcément très habile de menacer ce type comme ça, pensa Célia.



Trois jours passèrent.

Célia allait à la boutique les matins et restait avec Judith les après-midis.

Une voiture de police banalisée avec deux hommes dedans était en permanence stationnée aux abords de la résidence, même la nuit. Dès qu'elle partait, une autre la remplaçait.

Judith ne trouva pas la force d''assister aux obsèques de Loïc.


Elles sortaient assez peu, toutes les deux. En fait, dès qu'elle mettait le nez dehors, Judith était terrorisée.

Elle essayait de jouer un peu aux échecs sur son ordinateur mais au bout de 10 minutes, ses mauvaises pensées prenaient le dessus. Il n'avait pas fallu longtemps pour que Loïc prenne une place dans sa tête et il était mort à cause d'elle, en quelque sorte...

Elle se dit que, sans Célia, elle serait devenue folle.


Etait-ce l'intervention de Paolo au téléphone qui avait désarçonné Bobby ? En tout cas, il ne donnait plus de nouvelles.

Plus d'appels.

Plus de lettres.

Plus de mots dans la boîte aux lettres.

Qu'était-il en train de mijoter ? ne pouvait s'empêcher de se demander Judith.


La situation était devenue intenable.


Cependant, Paolo avait vu juste : le samedi en fin de matinée, le téléphone de Judith sonna.

C'était le commissariat.

- Mlle Malzen ? demanda le capitaine de police.

- Oui, que se passe-t-il ? l'interrogea Judith, redoutant encore une mauvaise nouvelle.


- Vous allez pouvoir dormir tranquille cette fois, lui dit-il, on le tient !!!



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