Chapitre 3 - Le facteur du dimanche matin
Judith se réveilla tard ce dimanche matin.
Elle traînait dans son lit en repensant à la soirée d'hier.
Et à Loïc, bien sûr.
Dans sa tête, se mit en place une curieuse partie d'échecs :
« Ne réfléchis pas, c'est l'homme de ta vie », disaient les blancs.
« Tu dois garder la tête froide », disaient les noirs.
Les blancs ont toujours l'avantage de commencer la partie, le trait, dit-on en langage échiquéen.
A eux de garder cette petite avance...
Les yeux fermés sur ses pensées, elle sursauta et crut avoir rêvé : on avait sonné à sa porte.
Elle se leva paresseusement et se dit que si c'était Paolo, il allait le regretter.
Elle vit immédiatement la feuille de papier qu'on avait glissée sous la porte d'entrée.
Pas d'enveloppe cette fois.
« Ma Judith, tu n'es pas venue. Tu ne le sais pas mais Dieu nous a choisis. Je te convaincrai. Je t'aime.
Bobby ».
Elle eut un instant de panique : il était venu jusque derrière sa porte, il était là ! Elle n'osa pas ouvrir la porte, ni même regarder dans l'oeilleton.
Il était presque midi.
La lettre à la main, livide, elle appela Célia et lui expliqua ce qu'il venait de se passer. Elle avait si peur qu'il écoute derrière la porte qu'elle chuchotait.
- Je ne sais pas quoi faire, lui dit-elle. Tu te rends compte, il est venu là et il a sonné à ma porte ! Je suis sûre qu'il est dans le couloir à écouter.
- Ecoute, calme toi, tu es enfermée, personne ne peut entrer. Le temps de me préparer et je vais passer d'ici... allez, maximum 45 minutes, ça va ?
- Oui, s'entendit-elle dire. C'est sympa. Je t'attends.
- Ok, lui dit encore Célia, je sonne trois fois, comme ça tu sauras que c'est moi.
Elle raccrocha et essaya de raisonner calmement.
Célia avait raison, personne ne pouvait entrer, elle avait une porte très solide.
Mais ensuite ? Et s'il l'attendait dehors ?
Elle fila prendre une douche, pas rassurée...
La sonnette retentit trois fois.
- C'est moi, dit la voix de Célia dans l'interphone.
Judith actionna l'ouvre-porte du bas.
Célia monta avec l'ascenseur et elle la vit arriver dans l'oeilleton. Une fois entrée, Célia la regarda et la prit dans ses bras.
- Ca me fait peur, dit Judith, tu ne peux pas t'imaginer.
Elle lui montra les trois lettres signées Bobby.
Célia réfléchit et secoua la tête :
- C'est un siphonné, dit-elle. « Dieu nous a choisis », c'est quoi ces conneries ?
- En tous cas, Loïc avait raison : il m'a dit hier soir que ce mec n'en resterait pas là... Tu crois qu'il faut prévenir la police ?
- Je n'en sais rien. Ce n'est pas un peu prématuré, tout de même ? Tu ne vois pas que ce soit quelqu'un qui te fasse une blague ?
- Ah non, ne parle pas comme Paolo, dit Judith. Je n'imagine personne dans mon entourage assez bête pour me foutre la trouille comme ça.
- Ecoute, on va aller grignoter quelque chose et on ira chez moi ensuite. Luc est absent pour trois semaines, il est au Japon pour son job.Tu vas rester avec moi ce soir. Je ne t'imagine même pas passer la nuit seule ici. Et puis demain on avisera, tu peux rester le temps que tu veux à la maison si c'est nécessaire. Tu as parlé de cette histoire à tes parents ?
- Non, je ne veux pas les alarmer, tu connais ma mère. Et puis ils sont à Lyon, que pourraient-ils faire ?
Elle partirent toutes les deux et déjeunèrent dans une petite brasserie non loin de chez Célia.
Judith ne put quasiment rien avaler.
Puis elles prirent le métro et gagnèrent l'appartement de Célia.
- On se met un petit film ? demanda celle-ci. Un truc marrant, ça nous changera les idées.
- Si tu veux. Dis-moi, tu le connais depuis longtemps, Loïc ?
- Tiens tiens... Attends, disons... à peu près 6 mois. C'est un ami de Luc. Il est sympa non ? demanda Célia en faisant un clin d'oeil.
- Oui, très sympa. Et toi tu es une véritable entremetteuse.
- Il faut bien que je prenne ton destin en mains, Paolo t'accapare et tu ne penses qu'aux échecs !
- Célia, c'est mon métier !
- Oui, oui, mais gaulée comme tu es, à 22 ans, il y a autre chose dans la vie.
Célia mit le film et le smartphone de Judith sonna.
- Allo ?
Il y eut un silence à l'autre bout. Elle répéta « Allo ». Nouveau silence, un souffle, puis on raccrocha.
Judith regarda le journal du téléphone : numéro masqué.
- Personne au bout, l'interrogea Célia ?
- Si, j'ai entendu un souffle mais c'est tout.
Elles se regardèrent, pensant à la même chose.
- Arrête, dit Célia, réfléchis, il ne peut pas avoir ton numéro !
- Il a bien eu mon adresse, dit Judith d'une voix blanche... Je suis sûre que c'était lui !
Judith regardait le téléviseur mais c'était comme s'il n'existait pas.
Perdue dans ses pensées, elle ne vit rien du film.
L'appartement de Célia avait deux chambres mais cette nuit-là, Judith passa la nuit pelotonnée contre son amie, comme une petite fille apeurée qui ne veut pas dormir seule.
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