Depuis la dernière fois que Cooper avait vu Emma, il s'était enfermé davantage sur lui-même. Il parlait peu, ne souriait presque plus, dormait à peine et ses pensées étaient sans cesse tournées vers son ex. Dès qu'il le pouvait, que ce soit dans les couloirs ou sur le campus, il la cherchait du regard. Ainsi, il avait pu découvrir que chaque matin, comme un rituel, elle s'arrêtait à ce distributeur pour s'acheter une petite bouteille d'eau.

Il essayait de faire comme si de rien n'était auprès de ses amis, dont aucun ne prononçait le prénom de la jeune fille. Bien qu'ils pensassent à elle. Pas autant que Cooper, mais personne n'osait la citer. Pas par crainte, mais parce que tous ignoraient comment leur ami pouvait réagir. Une semaine s'était écoulée depuis qu'ils l'avaient vue si proche d'eux. Lucy semblait toujours frustrée, comme ce jeudi midi, où tous étaient attablés au restaurant du campus sur le site de l'Arsenal. Sur les genoux de son copain, elle grignotait son repas. Will parlait à Cooper, qui regardait discrètement un endroit précis de temps à autre.

Mélanie ne les avait pas rejoints, mais cela ne tarderait pas, Cooper le savait. Il s'en moquait à vrai dire. Plus le temps passait, plus il se lassait de cette relation, qui n'en était pas vraiment une pour lui. Ce n'était qu'un plan cul. Et encore, ce n'était pas l'osmose ou l'explosion, la passion. C'était... mécanique. Voilà à quoi ressemblait son couple avec Mélanie qui s'accrochait à lui comme une sangsue.

Elle l'aimait. Il le savait. Pas lui. Il ne pourrait jamais être amoureux d'une autre qu'Emma, avec qui il avait entretenu une relation fusionnelle, remplie de sentiments forts. Pourquoi retournait-il auprès de Mélanie après l'avoir laissée tomber ? Par manque de contact peut-être. Il s'affichait à peine avec elle. Un peu sur le campus, sur le temps du midi, et dans son appartement pour assouvir ses besoins sexuels. Cela s'arrêtait là. Ils ne partageaient rien de plus, mais pour Mélanie, ça semblait suffire. Lui, il étouffait. Et depuis bien avant le retour d'Emma.

— Quelqu'un a vu Nathan ? s'enquit Will au bout d'un moment.

— Non, lança Simon.

— Il a peut-être fait la grasse matinée, marmonna Lucy.

— Tu en penses quoi, Cooper ? demanda Will.

— Hum ?

Ce dernier fixa son ami, assis en face de lui. Il ne pouvait répondre à la question, n'ayant rien écouté. Lucy regarda Cooper. Elle savait très bien ce qu'il observait, ou plutôt qui. Aujourd'hui, Emma se trouvait au restaurant contrairement aux autres jours. Elle était installée à une table à quelques pas de la leur, et ne faisait pas attention à eux. C'était comme si, aux yeux de la jeune fille, ils n'existaient pas, étaient invisibles. Elle menait sa petite vie tranquille, ne se souciant pas le moins du monde d'eux alors qu'ils étaient dans la même pièce.

— Je disais, tu sais où est Nathan ? réitéra Will.

— Non.

Mélanie, qui venait d'arriver, prit place à côté de Cooper et l'embrassa sur le coin de la bouche. Il ne réagit pas à ce contact.

— Salut, prononça-t-elle à l'intention des autres.

— Mélanie, tu as vu notre pote, toi ? la questionna Will.

— Nathan le fainéant, c'est ça ? énonça-t-elle, provocatrice.

— Ne l'appelle pas comme ça, lança Lucy en grinçant des dents.

Mélanie ne fit pas attention à la remarque de Lucy et se mit même à sourire de manière sournoise.

— Je l'ai effectivement croisé.

— Où ? s'enquit Simon.

— Dans les toilettes des nanas de la faculté des sciences.

— Qu'est-ce qu'il faisait là-bas ? demanda Will.

— Bah, il était avec une meuf, en train de fumer une clope.

— Une fille ? dirent-ils tous, sauf Cooper.

Cela les étonna, leur ami n'était pas du genre à s'afficher avec la gent féminine, sauf celles qui faisaient partie de son cercle intime.

Mélanie regarda son copain pour voir pourquoi il n'avait pas réagi. C'est à ce moment-là qu'elle constata que son attention était dirigée ailleurs, ce qui titilla sa curiosité.

— Tu observes qui comme ça ?

— Personne.

L'air de rien, Cooper s'empara de sa boisson et en avala une gorgée. Agacée par sa réponse, Mélanie pinça des lèvres et fronça des sourcils. Son copain lui cachait encore quelque chose.

Avec lui, elle ne savait jamais sur quel pied danser. Il pouvait lui porter une attention particulière, souvent lorsqu'ils n'étaient qu'à deux, être tendre pendant leur moment intime, mais l'instant d'après, il se repliait, creusait un fossé et s'éloignait d'elle. Il pouvait faire battre son cœur par un petit sourire en coin, ou la foudroyer d'un regard si assombri, qui n'autorisait aucune réplique de sa part.

Jamais encore, elle n'avait rencontré un mec avec une telle personnalité, si renfermé, qui ne disait pas ce qu'il pensait ou éprouvait. Cooper était une énigme pour elle. Elle savait qu'elle n'avait pas sa place auprès de lui, qu'il n'était avec elle que pour une seule chose : le sexe. Cependant, elle l'aimait et ne pouvait se résoudre à le quitter.

Chaque fois qu'ils se séparaient, c'était lui qui revenait, réclamant de la tendresse et de l'attention. Et elle lui donnait tout ce qu'il lui demandait avec l'espoir qu'un jour, il puisse éprouver des sentiments pour elle aussi forts qu'elle en avait à son égard. Plus lunatique que Cooper, ça n'existait pas. Cependant, s'il retournait tout le temps vers elle, c'était qu'il devait tenir à elle un tant soit peu. Sinon, pourquoi recoller à chaque fois les morceaux de leur histoire, si spéciale soit-elle ?

Quelques tables plus loin, dans la ligne de mire de la bande de Cooper, Emma lisait, offrant simplement son profil au regard sombre de son ex. Benjamin était assis à côté d'elle et Caroline juste en face. En silence, le jeune homme mangeait à la vitesse de l'éclair, c'était le seul moment où on ne l'entendait pas, tandis que Caroline se restaurait tout en prenant des notes dans un cahier.

Toutefois, ses yeux bleu clair ne restaient en aucun cas inactifs et c'est ainsi qu'elle put constater qu'à plusieurs reprises, un garçon observait sa meilleure amie. Son regard était sombre, profond, ses cheveux brun foncé lui donnaient un charme époustouflant. Caroline le trouvait mignon, mais il n'était pas son genre.

Elle le reconnut. C'était l'un des mecs qui étaient juste à côté d'Emma l'autre matin, en compagnie de Lucy, sa copine de chambre. Elle en conclut donc que sa meilleure amie devait l'intéresser. Pourquoi n'avait-il rien tenté depuis ? Elle l'ignorait. Il attendait sûrement une ouverture, ou qu'enfin, Emma le remarque.

— Tu as tapé dans l'œil d'un garçon, Emma, lança-t-elle.

— Ça m'est égal, répondit-elle tout en tournant une page de son livre.

— Tu pourrais au moins voir à quoi il ressemble, non ? Il t'observe en ce moment.

— Allez, Em', se mêla Benjamin en lui donnant un coup de coude gentiment.

Emma soupira. Si elle ne prêtait pas attention à ce mec qui, selon les dires de sa meilleure amie, avait jeté son dévolu sur elle, les deux jumeaux allaient continuer à insister et elle ne serait pas sortie de l'auberge. Ils n'étaient pas du genre à abandonner si vite.

Elle délaissa donc son livre, se retourna de biais et son cœur manqua un battement malgré la barrière qu'elle avait érigée tout autour. Cooper Barrett la fixait de ses pupilles sombres et, un instant, il capta son regard. Cela ne dura que quelques secondes, car elle brisa le lien, reprit sa position initiale, ainsi que sa lecture.

Depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus et qu'elle avait fait comme s'il n'existait pas, elle essayait de ne pas penser à lui. Seulement, le fait qu'il braquait ses yeux sur elle la faisait trembler intérieurement, bien qu'elle n'en montrât rien.

— Il est mignon, non ? demanda Caroline.

— Il n'est qu'une perte de temps, répondit la jeune fille.

Le frère et la sœur échangèrent un regard et soupirèrent. Décidément, leur amie ne changerait jamais et ils devaient faire quelque chose. Benjamin se retourna et reconnut le garçon qui les observait ou plutôt, qui ne lâchait pas Emma de ses prunelles. Cooper détourna le visage et Benjamin fixa à nouveau sa jumelle qui avait les pupilles qui brillaient. Il devina qu'elle avait déjà une idée derrière la tête. Aussi farfelue soit-elle. Il avait hâte de voir ce qu'elle allait concocter pour qu'Emma sorte de sa coquille.

Celle-ci se renfrogna derrière son livre, évitant le regard de ses amis. Son cœur cognait si fort contre sa cage thoracique ! Heureusement que ses mains ne tremblaient pas, elle serrait d'ailleurs son bouquin de ses doigts. Elle ne devait pas montrer que Cooper arrivait encore à faire accélérer son rythme cardiaque. Jamais !

À la table de Cooper, celui-ci n'était pas mieux. Son pouls battait affreusement vite ! Elle s'était retournée ! Leurs regards s'étaient agrippés durant un instant où il avait cessé de respirer. Elle avait rompu le contact la première, mais elle avait daigné lui accorder une piètre attention. Et il espérait qu'elle recommence. Il avait besoin de ce lien glacial, indifférent, douloureux auquel il s'accrocha plus qu'il ne le devrait.