Epilogue : Photo finish
Tududududududududu…
- Ouais…
- Caleb, mon chou, c’est l’heure de se lever !
- Byron tu te fous de ma gueule il est même pas 7h.
- Oui mais j’ai besoin de ton avis pour un truc donc tu bouges tes fesses, merci bien !
Je laisse mon corps lentement rouler jusqu’au bord du lit avant de tomber lourdement. Pas de panique, mon épaule a survécu, elle est devenue aussi solide que le crâne de Bryce à force. Y’a des choses qui changeront jamais dans la vie. Même six mois plus tard, alors qu’il fait -5 degrés dehors et tellement noir qu’on risque de se prendre des poteaux tous les 10 mètres, la vie ne me laisse aucun répit.
Mais, en même temps, y’a aussi des choses qui changent, et parfois pour le mieux. Depuis quelque temps, je ne me réveille plus en compagnie des cris d’enfants égorgés ou d’un Claude de mauvaise humeur (vous me direz, la différence entre les deux n’est pas bien grande), mais bien avec le doux son de la cafetière qui chauffe dans la cuisine. Ni une, ni deux, je m’en vais quérir le nectar divin, et est accueilli par un sourire affectueux.
- Bonjour mon chéri, bien dormi ?
- Salut m’man. Ça passe, et toi ?
- Moi ça va. Si tu as du mal à dormir, essaye de te coucher plus tôt, d’accord ?
Un sourire m’échappe pendant que je me serre une grande tasse de café avec des tartines. Je pourrais répliquer que j’ai 17 ans, que si je me couche à 1h du mat après avoir sombré dans le piège de Youtube et des vidéos de chat ça ne regarde que moi, et qu’un léger manque de sommeil n’a jamais tué personne, mais je n’en fais rien. Mine de rien, ça me touche, de la voir se soucier de détails aussi banals.
Et là, alors que je prenais le temps de déguster mon petit dej comme n’importe quelle personne lambda, je sens mon téléphone vibrer et je me rappelle que je ne suis pas autorisé à profiter de la vie.
[Conversation privée Inazuchat : Aphrodisiaque]
Aphrodisiaque : Dépêche toi pauvre mortel je suis déjà au portail
Racaille_de_l’espace : Je MANGE
Aphrodisiaque : Quel sacrilège
Aphrodisiaque : Tu dois mourir de faim pour ton dieu
Racaille_de_l’espace : Aw, pauvre chou, t’es vexé ? M’en fiche déjà que tu m’as réveillé
Aphrodisiaque : Pauvre fou
Aphrodisiaque : Qui sait ce qui arrivera à ce délicieux paquet de bananes Haribo si tu n’arrives pas à temps
Racaille_de_l’espace : Espèce de monstre
Aphrodisiaque : Dépêche toi~
C’est officiel, je le hais. Bon, une bonne marche matinale n’a jamais fait de mal à personne, pas vrai ? Quoique vu l’heure il serait plus juste d’appeler ça une marche nocturne. Dans le froid. Je hais ma vie. Je vous jure que si Byron me demande de l’aider à choisir entre ses écharpes vertes et vertes je les lui fais bouffer.
Allez, on enfile le gros manteau et tout l’attirail qui va avec, on galère à envoyer un message avec des gants qui n’ont de tactiles que le nom, on fait un bisou à la madre, et hop, c’est parti pour l’aventure ! Le pire, c’est qu’on se les gèle depuis deux semaines, mais on n’a toujours pas vu l’ombre d’un flocon passer. Si il neigeait, au moins, on serait pas obligé d’aller en cours, et on pourrait sortir faire des batailles de boule de neige tel les personnes très matures que nous sommes. Mais non, les seules bataille qu’on a le droit de mener sont celles contre le distributeur de la cours qui nous vole notre argent sans nous filer le café une fois sur deux.
En chemin, je croise Dave qui a l’air aussi enthousiaste que moi. En même temps, lui, il doit toujours se coltiner la clique des tarés… Ah, non, rectification, ils sont pas là. Ça y est, je crois qu’ils sont repartis dans l’espace. C’est pas très gentil de laisser Dave seul ici quand même. C’est Claude qu’il fallait abandonner.
- Yo, t’as largué les autres ou ils t’ont viré ?
- Ah, salut Caleb. Je t’explique, Aitor a choppé la grippe y’a trois jours. Il l’a filé à Jordan, qui l’a filé à Hunter, qui l’a filé à Claude, qui l’a filé à globalement tout le monde.
Pourquoi ça ne m’étonne même pas ? Y’a pas à dire, je suis quand même vachement heureux d’avoir quitté cette maison de fou. Bon, d’accord, j’avoue, des fois ils me manquent un peu. C’est pour ça que je leur rends souvent visite, quand j’ai le temps. J’habite pas très loin de toute façon, et Lina m’a dit que je serai toujours chez moi ici. Un peu plus et j’en avais la larme à l'œil. Du moins, jusqu’à ce que Jordan manque de m’étrangler en me faisant un câlin.
Je fais le reste du trajet avec Dave, même si on ne parle pas beaucoup. Faut dire qu’à 7h du mat, un lundi, en pleine vague de froid, on est tous les deux dans un état plus proche de la mort cérébrale que de l’éveil spirituel. Et autant dire que ça ne s’arrange pas quand j’aperçois une tête blonde qui m'attend devant le portail et me fait un petit signe de main en me voyant arriver. Au secours, sauvez-moi.
- Allez Caleb traîne pas, déjà que t’es à la bourre !
Bonjour à toi aussi Byron. Il me kidnappe sous le regard blasé de Dave, qui a probablement abandonné l’idée d’un jour comprendre ce qu’il se passe en ce bas monde. Bonne idée mon cher, bonne idée.
- Et donc, pourquoi tu m’as fait venir à une heure inhumaine ? je demande, bien qu’incertain de vouloir connaître la réponse.
Il m’ignore royalement, et continue simplement de me trimballer dans les couloirs comme s’il promenait son chien en laisse. La différence, c’est qu’il ne m’appâte pas avec des friandises à la viande mais à la banane. Au fond, l’homme n’est qu’un animal qui se donne l’air plus intelligent que le reste des êtres vivants.
Finalement, on s’arrête devant… la salle du conseil étudiant ? S’il espère me recruter dans sa secte, il peut oublier. De toute façon, vu le nombre de retards que j’ai accumulé depuis le début de l’année (ma défense : j’ai pas le cardio pour monter les escaliers assez vite), je crois que j’ai plus de chance d’intégrer le FBI.
- Là, regarde.
Il pointe du doigt un panneau rempli de photos. Tiens, c’est nouveau ça. Ou pas, j’en sais rien, les seules fois où je viens ici c’est quand j’accompagne Jude ou Dahlia. Mais bon, comme Byron avait l’air très (trop) impatient de me le montrer, j’imagine que c’était bel et bien pas là avant.
Et là, parmi toutes les photos montrant les membres du club à différentes occasions, j’en remarque une où… oh, c’est moi ! Je reconnais le décor de la vente caritative à laquelle j’ai participé en début de trimestre. C’est Jude qui m’a convaincu de participer, et je l’ai pas regretté. C’était marrant d’arnaquer Jordan en lui vendant 3 brownies pour le prix de 5.
- On les a affichées hier. Ça donne une meilleure ambiance à la pièce, tu trouves pas ?
Certes, c’est joli et mignon. Mais était-ce une raison valable de me faire venir au lycée une heure trop tôt ? C’est pas une photo de moi qui va me faire passer l’envie de lui en foutre une.
- Tiens, bonjour ! C’est rare de te voir ici aussi tôt Caleb.
Par contre, je connais quelque chose, ou plutôt quelqu’un, capable de me faire oublier mon fort désir d’assassiner l’autre fraude divine… D’ailleurs, ce dernier décide de s’éclipser, non sans me lancer un sourire provocateur.
- Allez, je vous laisse entre vous, à plus mes chéris ! Caleb, oublie pas que tu me dois deux euros pour le Twix hier !
J’ai rien dit, rien au monde ne sera jamais capable de me faire passer l’envie de lui couper ses beaux cheveux blonds et de les accrocher sur la porte de ma chambre en guise de trophée.
- Tu es venu voir le panneau des photos ?
Je me tourne vers Jude, qui entre temps s’est rapproché pour venir contempler l'œuvre de son comité. Contrairement à moi, il a l’air frais comme la rosée du matin, prêt à entamer une nouvelle journée de dur labeur. C’est sûr que pour lui, venir dix fois trop en avance, c’est une habitude, pas un phénomène plus rare que Claude ayant une bonne idée. Pardon, je me rends compte que je m’acharne beaucoup sur Claude dans mes comparaisons. C’est un phénomène plus rare que Xavier admettant qu’il ne lui reste plus une once de dignité en ce bas monde.
- Rectification, on m’a forcé à venir le voir. J’ai actuellement envie d’aller m’écrouler sur un banc et de ne plus jamais me relever.
Ce disant, je pose (ou plutôt j’écrase) dramatiquement ma tête contre son épaule. Il passe un bras autour des miennes, et je l’entends rire à ma remarque.
- Pauvre de toi.
- Merci, ça fait plaisir de se sentir soutenu.
Je m’écarte légèrement pour poser mon regard sur le sien. Après six mois, ses yeux écarlates sont toujours aussi beaux, toujours aussi envoûtants. Je pense que je ne m’en lasserai jamais. Bon, évidemment, on ne reste pas planté comme ça pendant dix ans non plus. On commence à s’embrasser, parce que oui les enfants, c’est ce que les gens font quand ils sont en couple.
- Ça va, je vous dérange pas trop ?
On sursaute tous les deux à l’entente de la voix de Dahlia, et Jude s’écarte en rougissant. Perso, je reste juste là à mal regarder Coeur de Pirate. Oui, de base, c’est la salle du conseil étudiant et on a rien à faire là. N’empêche que c’est elle qui s’est incrustée, on était là avant.
- Allez, dehors, elle poursuit, y’en a qui ont du boulot ici.
- Dahlia ! T’aurais pu m’attendre quand même !
Décidément, cette salle est un coin populaire dès le matin. Célia débarque, à bout de souffle, tenant son appareil photo entre les mains. Elle fait partie du club de photographie, mais, au vu de son talent, le conseil étudiant fait souvent appel à elle pour garder une trace visuelle des événements.
- Oh, tiens, bonjour Jude, bonjour Caleb ! Qu’est-ce que vous faites là ?
- Ils squattent, sort-les d’ici, répond Dahlia.
Et hop, en moins de temps qu’il n’en faut à Jordan pour dire pistache, Célia nous met à la porte. Ça fait tellement plaisir de se sentir apprécié, dit-donc. Avant de refermer la porte, elle demande à son frère :
- On se retrouve ce midi Jude ?
- Ça marche, à ce midi, il répond en souriant.
Entre eux aussi, les choses ont changé. Ils se voient bien plus souvent qu’avant. Presque tous les jours, en fait. Faut dire qu’ils en ont, du temps à rattraper. Ils ne le rattraperont sûrement jamais, mais, au moins, ils peuvent bien profiter de celui qu’ils ont, maintenant.
Bon, en attendant, nous, on est toujours plantés comme des cons en plein milieu du couloir vide, parce que je rappelle que les cours commencent dans une heure et que j’ai toujours envie de décéder et d’embarquer Byron dans ma tombe. Je regarde Jude, qui me regarde en retour et me demande :
- On fait quoi ?
Très bonne question mon cher Watson.
- J’sais pas, il me faut un café pour être en capacité de réfléchir.
- Tu bois trop de café.
- Pauvre fou, on ne boit jamais assez de café.
Je lui prends la main, puis on se dirige vers la cafétéria. Jude lève les yeux au ciel, et je l’ignore royalement. Je veux mon café, et je l’aurai. Pour la suite, je pense que trouver un banc sur lequel décéder en me servant de mon copain comme oreiller me semble être un bon plan. Finalement, c’est peut-être pas si mal d’arriver en avance. Mon dieu, qu’est-ce que je raconte moi. Le froid m’a vraiment gelé les neurones.
Et pourtant, quand je vois Jude sourire et entrelacer nos doigts, je me dis… que l’amour c’est quand même vachement niais. Mais, en même temps, je repense à tout ce qu’on a fait ensemble ces derniers mois. En soi, pas grand chose. On va en cours, on passe certaines pauses tous les deux, on se rend à des fêtes ensemble, bref, rien pour rendre un film américain jaloux.
Sauf que ça, on s’en fiche. Notre bonheur, il est simple, mais c’est un bonheur qui dure. On ne demandait pas grand chose, depuis le début. Jude était à la recherche de la personne qui lui prouverait qu’il est digne d’être aimé, et moi, quelqu’un qui me prouverait que l’amour vaut la peine d’être poursuivi, malgré les risques de peine. Et on y est arrivé. Ça a été compliqué, mais on y est arrivé. Et on ne demande rien de plus.
C’est pour ça que, quand je regarde dans ses yeux écarlates, je me dis que le bonheur n’aurait jamais pu prendre une autre couleur pour moi.
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Je vais pas vous mentir, je suis pas fan de cet épilogue. Mais bon, quitte à l'avoir écrit, autant le publier.
Sinon, que dire de cette fic que je finis de poster un mois après l'avoir finie ? Je vous jure jpp de moi. Mais bref, c'était très fun à écrire. Je n'exagère pas quand je dis qu'il m'est arrivé de me taper des barres tout seul sur certaines blagues. Je crois que je dois aller consulter. Ça faisait longtemps que je voulais écrire quelque chose d'humouristique (avec une touche d'angst quand même) comme ça, et le résultat final me plaît bien.
Donc voilà, merci infiniment d'avoir lu Écarlate 💜 Sur ce, on va encore m'engueuler si je publie l'annonce du chapitre en retard donc bye bye 👋
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