CHAPITRE XVII

    Ce simple mot à réussi à me provoquer une vague de chaleur, d'espoir et de joie, telle une déferlante. Nous ne sommes pas les seules. C'est là que ça a commencé à naître dans mon esprit et là, un camp ? Qui dit camp, dit protection !
Mes poumons s'épuisent alors que mes jambes grimpent la petite montée qui m’essouffle. J'ai du mal à respirer mais c'est le sourire aux lèvres que je franchis la porte.

    Je brandis mes mains devant moi lorsque je découvre le regard furieux d’Alexeï, toujours avec sa petite barbe.
— Attends avant de parler ou de me gronder ! lâché-je essoufflée.

    Ma poitrine ondoie alors que je tente de reprendre mon souffle. Mes pensées s'entrechoquent puis en faisant gigoter ma main en cercle, je demande à Opale :
— Tu peux traduire ?
    Elle acquiesce, hésitante et sans vraiment comprendre mon empressement.
— Très bien alors, il y a des camps de survivants qui existent. On peut y aller. On y sera en sécurité.

    Elle traduit, seulement, ses gestes qui étaient lents deviennent rapides. La surprise se lit sur son visage pour ensuite laisser place à la joie tandis que Alexeï fronce les sourcils. Il commence à parler dans sa langue maternelle avant de traduire puis continuer en langage des signes.
— Il demande comment tu as…eu…connaissance de ça…
   Je soupire comme pour évacuer puis, quand je m'apprête à révéler tout, je m'arrête. Ma main passe dans mes cheveux.
— C'est pas important. C'est sur une radio que j'ai entendu ça…

    Aussitôt que c'est traduit, il penche la tête avec les bras croisés. Un petit frisson assez vif parcourt ma peau. Il est furieux. Alors nerveusement, j'affiche un sourire penaud tout en sortant le portable de ma poche et le lui rend. La main cachée dans ma poche se serre lorsqu'il m'arrache le portable sans douceur. Puis, sans un mot, il s'en va avec le pas lourd.

   Ma main se faufile sur ma nuque.
Pour être honnête, je l'ai un peu cherché. Je comprends qu'il soit en colère même si je n'ose pas l'admettre car pour moi ce portable était un symbole d'espoir. Au fond, sans ça, je n'aurai peut-être jamais entendu ce message-radio.

    Ma lèvre bascule sur le côté alors que mes dents mordillent l'intérieur.
La porte close me semble lourde.
Alors que ma jambe avance vers elle, je cesse de bouger pour rebrousser chemin et préparer à manger pour me sortir ce souci de la tête.

    Alexeï voulait détruire le portable, et j'en ai profité pour le prendre et le mettre en sécurité pendant l'expédition. Cependant, j'ai vexé le militaire. Je l'ai déçu, j'ai désobéi à ses ordres et donc ; il fait la tête.

    J'étais pourtant sûr de moi, convaincu. Et, j'y pense seulement maintenant mais ce portable m'a causé des ennuis. Sans ce portable, jamais je n'aurai attiré l'attention de ce groupe de survivants et jamais je n'aurai été prise en chasse. Cependant, sans cet incident, jamais je ne serais allée dans ce véhicule mais je n'aurai jamais entendu ce message. Donc, dans le fond, je n'ai pas totalement foiré.

    Je soupire.

    Le froid que j'ai créé, c'est de ma faute. Déjà que l'on s'est disputé hier, c'est encore pire désormais et ça me prend la tête. Ce n'est pas le moment de se faire la tête, ni d'être en froid. Je dois le convaincre d'aller au camp, qu'on y aille tous ensemble : moi, Opale et Alexeï.
Dans les camps, il y a forcément des militaires. On doit y aller. Cette fois, j'en suis persuadé à deux-cents pourcents.
La petite Opale balance ses jambes d'avant en arrière, elle a la tête baissée comme dans ces pensées. Moi aussi j'étais dans ce genre de situation. Je dessinais sur ma feuille, assise à une table tout comme elle, pour penser à autre chose et oublier le froid qui pesait dans l'appartement. Quand je la vois, j'ai le cœur qui se serre d'un seul coup. Puis je pose tout et me dirige vers la porte de la salle de la chambre avant d'ouvrir sans un geste brusque.
   
    La deuxième porte qui mène à la salle de bain est ouverte alors j'approche et toussote pour attirer son attention. Ce qui fonctionne car il tourne sa tête vers moi. Lorsque mes yeux s'abaissent sur ce qu'il fait, je découvre une mousse blanche.
— Euh…

    D'un coup, je perds mes mots.
    Ma main passe dans mes cheveux.
J'inspire puis je m'exprime à voix haute, en même temps d'enchaîner les signes ; mot par mot, avec ce que je connais en tout cas.
— Je voulais m'excuser. C'était pas…cool d'agir comme ça alors que tu fais…beaucoup pour nous et tu t'y connais sûrement bien plus en survie que…moi.

    À la fin de mon monologue, un long silence plane et fait bouillonner mon ventre vide. Un vide si imposant que je déglutis. Je n'ose pas bouger. Ni partir, ni avancer. Tandis que lui, baisse la tête.
Un long frisson parcourt ma peau alors qu'il s'approche de moi et me tend le rasoir en métal, ça m'a l'air d'être ce qu'on donne aux soldats. Ces rasoirs au design simpliste.

    Il insiste d'un petit geste, mes yeux remontent jusqu'aux siens et un battement explose dans ma poitrine.
Son silence ne devient plus aussi imposant, il devient tendre.
Je pince ma lèvre et mes doigts frôlent sa peau lorsque je prends le rasoir. Lentement, des fourmis traversent mon estomac.

    Il s'installe sur le rebord de la baignoire et sa main saisit la mienne et, doucement, m'amène vers lui. Entre ses jambes.

    Je peine à déglutir alors que son regard est ancré sur moi. Je n'arrive plus à penser ni à réfléchir correctement. Je suis comme paralysé, mais pas de peur, car la respiration n'est jamais saccadée comme ça dans ce genre de moment. La peur est un sentiment désagréable et je la connais. Cependant, ce que je ressens est étrange mais aussi agréable.
Je cesse de respirer lorsque ma main applique la mousse sur sa barbe. Lui, ne me quitte pas des yeux.

    Et enfin, j'inspire et je commence à passer la lame sur sa peau. Lentement, sans geste maladroit. Du moins, c'est ce que j'essaie car ses yeux bleus, sur moi, me déconcentre. J'ai peur de le couper par maladresse. Mes yeux se baissent sur ses lèvres et je me rappelle de nouveau de ce baiser forcé, lorsqu'il m'a fait boire de l'eau.

    Je dérive mon regard sur mes gestes et passe le rasseoir sur la dernière partie.
Mon corps recule et s'apprête à poser le rasoir sauf que sa main se pose soudain sur ma taille tandis qu'il se redresse, et me dépasse de quelques centimètres qui me font déglutir.

   Puis son visage se rapproche de mon oreille pour me chuchoter des mots de sa langue natale qui me font frémir alors que je ne comprends rien, mais son accent me fait vibrer. Il fait palpiter mon cœur.

   Et lorsqu'il s'écarte, c'est comme revenir hors de l'eau.
— Allons à ce camp, prononce-t-il en français avec son accent.

   Je ne réfléchis même pas au sens de sa phrase. Je ne vois que lui, je n'entend que sa voix. Et, son regard tourne en boucle dans ma tête.
  Ai-je le droit d'aimer dans ces conditions ?
  Ai-je le droit de ressentir ces choses ?
  Ai-je le droit d'être niaise…
  Je dois m'interdire ces sentiments. C'est peut-être l'effet de survie qui me provoque tout ça, ce besoin de vivre et d'être aimé. Je ne suis pas sûr mais le doute m'empêche de penser correctement.
   Mais je vais arrêter de penser aux palpitations de mon cœur. Ce n'est pas correct…

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