Chapitre XVI

    Ça fait deux jours que l'on s'ignore en silence, lui et moi. On n'a jamais tellement communiquer par la voix donc ce froid m'est étranger. C'est une sensation bizarre dans le creux de mon ventre. Aucun regard, ou alors furtif, ni aucun geste échangé. Je plains la petite Opale qui subit notre dispute sans comprendre. Seulement, comment lui expliquer l'illumination que j'ai eue. Nos pensées, à lui et à moi, sont opposées. Son idée est de détruire ce portable car il pourrait nous mener au danger mais moi, j'y vois l'opportunité d'un potentiel espoir : celui de se connecter à d'autres survivants et peut-être que je pourrais trouver d'autres gens. Des gens que je connais comme des amis et peut-être que ma famille est en vie.

   Je n'ai pas la conscience tranquille. J'ignore s'ils vont bien ou s'ils sont morts. C'est le doute qui s'entremêlent entre espoir et désespoir, deux opposés qui se bousculent.

    J'inspire et expire.

    Ses yeux clos, aucun mouvement. Mon cœur palpite, mon ventre bourdonne alors que ma main grésille. Et chaque sensation s'arrête dès lors que ma peau est au contact du téléphone. Sans le moindre bruit, le moindre mouvement brusque, je le saisis et marche à reculons. Une fois hors de la chambre, la porte close, je m'empresse de prendre le sac et sans plus de bruit : je sors de la maison.

***

    Le mal est déjà fait. Enfin, le mal, je n'en suis pas sûr. J'ai fait ce qui me semble juste, protéger ce portable qui peut nous aider. Alexeï va probablement m'en vouloir quand je reviendrai mais j'ai la conviction que ce portable peut nous être utile.

    J’approche de l'épicerie, celle de la dernière fois, et rien que d’y penser ; j’en ai des frissons. Cependant, n’entendre que le vent autour de moi me rassure d’une certaine façon. Ce calme, tout ce silence autour de moi, autant par le son que par le paysage où il n'y a aucun mouvement. Comme si le temps était figé. Ce sentiment de solitude est bien mieux qu'avant, il me rend plus sereine. Mais je ne lâche pas ma vigilance.
Mes yeux ne cessent de scruter autour de moi alors que mon souffle ralenti pour mieux entendre les sons qui m'entourent. Quand soudain, un grésillement raisonne dans mes oreilles et quelque chose vibre dans mon sac. Alors mes jambes s'arrêtent alors que mon sourcil se lève. Je place le sac contre mon ventre avant d'ouvrir la poche. Le grésillement augmente, devient plus net. Je saisis le portable, un code inconnu avec une image anonyme. Mes sourcils se froncent et mes dents mordillent ma lèvre inférieure. Je le place dans ma poche puis je continue à avancer.

    Quelques minutes plus tard, le grésillement recommence. Un drôle de sentiment naît dans le creux de mon ventre. Intrigués, mes pieds s'avancent, cherchent les grésillement qui sont de plus en plus forts. Sauf qu'en même temps, mon poids ce fait plus imposant dans mon corps. Mon cœur balance, cogne ma cage thoracique à mainte reprise. Puis, ma mâchoire tremble tout comme mes mains et mes pieds me hurlent de courir. Soudain, le grésillement commence à disparaître pour laisser place à une…musique. Mes sourcils se froncent alors qu'un long frisson traverse mon épiderme. Puis d'un coup, mes jambes s'arrêtent. Je ne bouge plus d'un poil, les yeux rivés sur le portable avec toujours ce même code sauf que cette fois…j'entends un autre son. Un autre qui est similaire mais à la fois loin et proche de moi.

    J'enchaîne désormais sur des pas plus petits, l'angoisse montant crescendo. Ce silence que je trouvais serein se transforme en un poids lourd qui m’obsède à cause de ce foutu sentiment qui parcourt mon corps, parle avec moi, me donne un signe que je ne comprends pas.

   Soudain, ma respiration se coupe. La mélodie est nette, plus claire. Il n'y a plus aucun grésillement. Il n'y a plus qu'une musique sans défaut.
 
    Je déglutis puis je tourne la tête et me fige quand je crois les yeux de ce groupe d'individus. L'un d'eux me regarde intensément, les sourcils baissés et aussi froid que ténébreux. Et quand mes yeux se baissent sur l'objet dans sa main, une vague de frisson longe mon échine.
Mon pied part en arrière et aussitôt, ils me pointent tous du doigt et crient :
— C'est cette garce qui a le portable ! Attrapez la !

    Aussitôt, mes jambes contrôlent mon corps avant même que mon esprit ne se réveille pour prendre conscience de ce qu'il se passe. Mon cerveau n'arrive plus à réfléchir mais je remercie mes jambes qui m'emportent, m’enfoncent dans la ville pour éviter qu'il ne m'attrape.
   
    Leurs chaussures cognent à l'unisson le sol alors qu'ils me poursuivent. Mon souffle s'époumone à mesure que je fuis. J'esquive les débris qui jonchent le sol, je contourne certains immeubles pour tenter de les semer puis une idée me vient lorsqu'une voiture qui paraît intacte est devant moi. Je brandis l’arme et cogne la vitre qui se brise aussitôt. Ma main s'empresse d’ouvrir la portière et dès qu'elle est ouverte, mon corps fonce à l'intérieur puis mes fesses se posent sur le siège côté conducteur. Ma main prend la poignée puis je claque la porte du véhicule. Aussitôt, j'ouvre le casier de fil électrique. Il y a ça sur toutes les voitures désormais, les inventeurs n'ont pas été doué sur ce coup-là. Je coupe le bon fil qui fait frémir la voiture dans un ronronnement de moteur qui accélère mon rythme cardiaque.
    Les deux mains sur le volant, je scrute le rétroviseur et coupe mon souffle. Ils sont tous près alors mon pied enfonce la pédale et, sans délai supplémentaire, la voiture démarre à toute vitesse. Mon dos cogne le dossier avant de s'en séparer. Mes mains serrent le volant, à un point où j'ai l'impression que je pourrais le briser. Le stress me fait vriller. Je les entends hurler et mon souffle s'accélère.
Alors que je regarde le rétro, j'explose de joie mais je sens aussi les larmes montées aux yeux, l'adrénaline qui diminue pour me faire trembler. Mes doigts pianotent le volant et un souffle s'échappe de mes lèvres. Cependant, un grésillement m'arrête. Ce son désagréable me fige et fait bouillonner mon corps.

    J'arrête la voiture dans un endroit isolé puis mes yeux sont attirés par la borne radio du véhicule. Je fronce les sourcils jusqu'à pouvoir entendre :
— Cha…survivant…inviter…camp…

    Mon cœur et mon corps se figent alors que je n'arrive plus à lier aucun mot, aucune pensée dans ma tête. Comme si ma capacité à réfléchir venait de disparaître.

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