CHAPITRE XIV
J’inspire puis j’expire.
Les doigts entourent la lanière du sac, ça rime avec s’accrocher à la vie. J’ai le ventre en ébullition comme des milliers de pétards qui explosent dans mon ventre. La main d’Alexei sur mon avant bras me réveille, c’est le retour sur terre mais toujours avec ces feux d’artifices dans mon estomac. Il a un visage attendrissant, rongé par l'inquiétude on dirait. Comme s’il ne voulait pas que je parte.
— Je dois bien faire ma part, pas vrai ?
Opale traduit difficilement mes mots et aussitôt, Alexei secoue la tête en posant,cette fois, ses deux mains ancrées sur mon épaule. Comme s’il voulait enfoncer mes pieds dans la terre, de la même manière qu’on planterai un poteau ou un bout de bois, juste pour éviter que je ne m’en aille.
Je souris, malgré moi, car cette scène apaise le lourd fardeau qui pèse sur mon épaule : celle de la peur.
Ma main frotte la petite tête de la fillette et, le cœur battant, ma paume et mes doigts touchent le dos de sa main. Dans ma langue, j’appelle ça : ça va aller, tu n’as pas à tant faire. Je vais gérer.
Puis dans un calme absolu, je marche en direction de la ville brisée. Et même s’ils sont dos à moi, je peux sentir leur inquiétude imposante et l’envie qu’a Opale de me rejoindre pour me prendre dans ses petits bras. Puis Alexei, c’est plus subtil,plus discret alors j’ignore comment il est.
Cette fois-ci, fini le confort de faire ses courses dans le secteur. Désormais, il faut s’enfoncer un peu plus loin dans la ville pour dénicher de la nourriture. Et comme on fonctionne à tour de rôle, c’est à moi d’y aller. D’où tous ces petits pétards qui explosent. C’est le stress qui grandit, la peur de l’inconnue. Puis, Alexei m’a dit : nous ne sommes pas seuls.
Cela veut dire qu’il y a des gens, d’autres survivants, bons ou mauvais qui traînent dans les parages. Tapie dans l’ombre, sous les bâtiments, les décombres. J'ignore combien ils sont. S’ils ont, eux aussi, forment un groupe avec d’autres gens.Car c’est bien connu, on est plus fort ensemble. Et ce n’est pas moi la première qui le dit mais les dessins animes comme Ladybug et Chat Noir. Encore une preuve que je suis une gamine mais je n’y suis pour rien. A partir de la saison trois, la série est une pépite avec une intrigue qui commence enfin à avancer.
A partir d’ici, je ne reconnais presque rien.C’est dingue comme une ville peut changer après que des gens aient tout saccagé. Même le parterre de fleurs qui était pourtant si joli. Il y a du béton et du ciment de partout, de la poussière et plein de flocons de verres aussi tranchants qu’une lame de couteau bien aiguisée. L’odeur du sang aussi,qui noie mes narines de son odeur nauséeuse. Je dois regarder devant moi ou autour de moi mais surtout pas au raz du sol car, j’ai vu un cadavre un court instant. J’ai détourné l'œil aussi sec et mes mains ont verrouillé ma bouche pour m'empêcher de vomir et je retiens mes larmes péniblement. Je suis peut-être trop sensible mais je ne peux rien y faire,je suis obligé de vivre avec. Mon âme tout entière se met à leur place, avec des douleurs fantômes mais une douleur morale bien réelle. Voir quelque chose nous tomber dessus et, peut-être, connaître une vive douleur avant la fin. Ça doit être horrible.
Normalement, à cet angle, il devrait y avoir un magasin. Une petite épicerie qui venait d’ouvrir deux mois après le drame.
J’inspire, je souffle et je bloque avant de tourner. Ma paupière droite s’ouvre et tout le poids que je portais durant ces quelques secondes envolées comme des papillons blancs.
Finalement, malgré deux mois d’ouverture seulement ; il a résisté aux bombardements. Maintenant, plus qu’à voir a l'intérieur ce qu’il reste. En espérant que je puisse prendre un maximum de nourriture. D’une marche confiante et assurée, j’entre dans le bâtiment.
Mon corps parcourt chaque rayon, mes yeux scrutent chaque étagère et mes mains s'emparent de ce qui attire mon regard. Je ne suis jamais venue ici mais j’arrive à prendre facilement mes marques. En même temps, les épiceries ne sont jamais bien grandes.
Alors que je me dirige vers la sortie, mon cœur s'arrête tout comme mes jambes. Je ne suis plus seul. Il y a comme un bruit de chaussure, le même son que les miennes lorsque je marche ici. Des boîtes de conserve ont l’air de s’entrechoquer sans violence. Mon corps frémit d’angoisse.
J’inspire puis je bloque ma respiration.
Je dois me ressaisir et ne pas fléchir sinon c’est bien la mort qui m’attend.
D’une main tremblante, j’enroule mes doigts sur l'arme avant d’avancer sans un geste brusque. Je dois trouver une sortie et essayer de ne pas me faire repérer. Comme un tic dans ma tête : s’il n’est pas seul. Et s’il était attendu par des alliés à l'entrée principale. Je devrais trouver une autre sortie, ce serait plus judicieux. Manque plus qu'à trouver ou. De toute façon, ce n’est pas bien grand ici alors je devrais trouver facilement.
Je scrute tout en essayant de rester concentré sur les sons.Pas de porte pour le moment. Je m’avance un petit peu. Je cesse de respirer puis je penche la tête pour regarder le rayon : vide.
Je m’avance, tout en essayant de ne pas me faire repérer. Les battements de mon cœur sont assourdissants et ce ne sont plus des pétards logés dans mon ventre mais des bombes qui courbent mon dos. Les frissons traversent mon épiderme, mettent les poils au garde à vous sans broncher.
Toute cette force vient de l'adrénaline, c’est une chose qui m’est incompréhensible. Comment puis-je avoir ce courage ? Je me suis longtemps imaginé dans un univers apocalyptique. C’est toujours cette même image que j’ai : cachée, recroquevillée dans un coin sans être capable de bouger à cause de la peur. Et pourtant, me voilà debout à chercher cette foutue porte.
Je m'arrête.
Le silence résonne même sur les parois de chaque étagère, chaque mur. Mon souffle se coupe alors que l’ombre s’avance sur le sol, a pas de prédateur à la recherche de sa proie.
Et la proie : c’est moi.
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