CHAPITRE VIII

    Un hurlement sanglant transcende mon corps tout entier. C'est à ce moment-là que j'ouvre les yeux mais si j'avais su, je les aurais laissé fermer car celui qui était son allié et dans un état pire qu'une simple rage folle. Ce simple tir m'écroule au sol, aussitôt l'arme tombe de mes mains. Je n'arrive même pas à les calmer. Elles ne cessent de trembler. Et tandis que mon regard scrute la main de cet homme qui se maintient fortement l'épaule, entre ses doigts, du sang en ressort pour dégouliner sur sa main.

    Nos regards se croisent et aussitôt un rire grinçant s'échappe sèchement de ses lèvres sèches. Je commence à regretter mon geste. Malheureusement c'est trop tard. J'aurai dû réfléchir bien avant au lieu de foncer dans ce merdier. Résultat, je vais mourir. Rien que d'y penser, j'ai peur. Je suis terrifié, tétanisé. Mon corps tremble et refuse de s'éloigner de là comme si j'étais scotché au sol. Sa main se glisse dans une poche, ma gorge s'étrangle quand mes yeux se posent sur le couteau aiguisé qu'il tient fermement dans le creux de sa main. Je suis sûr que je vais mourir. C'est mon heure. Finalement, je n'aurai sacrifié personne. Jusqu'au bout, j'aurai été moi-même et c'est mon plus grand regret car j'ai couru pour sauver quelqu'un au détriment de ma propre vie. En parlant de ma vie, elle défile dans ma tête à mesure qu'il s'avance. J'essaie de positiver comme mon amie, d'être optimiste malgré ce qui arrive vers moi. Alors que mes yeux se ferment, que les battements de mon cœur diminuent, il s'arrête de battre et mes yeux s'ouvrent d'un coup au son du cri de l'ennemi.

    Le bond a sauté sur le brun et les deux enchaînent à nouveau un combat acharné. Je recommence à respirer mais un déclic fait rage dans mon esprit quand le gémissement plaintif du soldat parvient à mes oreilles. Le soldat, Alexeï, grince des dents. Les regrets submergent mon âme lorsque je vois son uniforme abîmé avec du sang sur les extrémités des coupures. Sa main posée sur la lame du couteau pour la saisir avec force, creusant une entaille sur sa paume.
Je n'ai pas le temps de réagir qu'il assène sur un coup de poing qui immobilise son adversaire d'un seul coup. Mes yeux sont rivés sur le brun, cet homme horrible et flippant, au corps maigre et à la cicatrice qui longe son visage. Je suis réveillée par la main du soldat qui sort un grognement de sa gorge en même temps que de m'emporter dans sa course.
Il saisit l'arme au passage et on court le plus loin possible. Je devine à son regard qu'il me demande où est Opale mais aucun son ne sort de ma bouche, mes bras refusent de porter mes mains pour donner la direction. Soudain je me cogne contre son dos et son regard me transmet ses pensées. Il saisit mes épaules avec un regard si sérieux que j'ai envie de craquer. Une veine apparaît sur sa tempe, ses sourcils se froncent sous le coup de la panique. Mélangé à de la colère. Son regard, son geste. C'est une évidence. Alors, la main tremblante, je tends le bras dans la direction où j'ai laissé le petit ange. Et aussitôt, on part la chercher.

    C'est avec soulagement qu'on la retrouve saine et sauve à l'endroit où je l'ai laissée. Mon sourire n'a même pas le temps d'apparaître qu'une ombre court vers la fillette alors mon corps s'arrête aussitôt lorsque je découvre une nouvelle facette de cet homme. On dirait un grand frère, il est si inquiet que je ne sais plus comment réagir ni quoi penser. Je ne sais plus où me placer, le temps commence à devenir long alors je croise mes bras et mes yeux scrutent les alentours. Soudain je croise son regard puis son corps se lève en même temps d’aider la petite à sortir de la cachette. C'est si frustrant de ne pas pouvoir déchiffrer ses pensées ni même ses gestes.
 
     Lorsqu'on reprend notre route, je suis de nouveau à l'arrière. Mes pensées sont dirigées sur ce que j'ai fait tout à l'heure. Je crois qu'il me déteste et je ne sais pas pourquoi ça m'affecte autant. J'ai la sensation d'être un poids, un obstacle à leur survie. Il pourrait protéger la petite mais pas moi, je suis bien trop têtu et débile. Je me suis méfié de lui alors qu'il…il m'a sauvé. Deux fois. Deux putains de fois. Ça devrait être un signe, un déclic. Et là encore j'ai du mal à l'admettre. S'il était comme ce taré, l'homme qui est censé être son allié, alors j'aurais dû être morte depuis déjà bien longtemps. Je n'arrive pas à être égoïste, mon corps ne peut l'être. Surtout que mes jambes ont réagi d'elles-mêmes, elles ont couru vers lui. Seulement, à cause de moi, il est blessé. Sa main tient fermement ses côtes. La culpabilité m'envahit à mesure que mes yeux restent focalisés sur cette main.
 
   Soudain, on arrive à un endroit isolé, le soleil nous tape dessus comme des punching-ball enflammés. On arrive à un endroit de la ville où tout est muet, où l'on aperçoit toute la ville d'en haut. Et la vue est cauchemardesque. D'ici, la ville est en ruine. Des zones sont en feu, une fumée épaisse s'échappe d'un peu partout pour obscurcir le bleu du ciel. Des milliers de picotements traversent ma colonne vertébrale puis soudain mon corps sursaute lorsqu'une petite main saisit la mienne. Malgré l'angoisse qu'elle doit ressentir, elle garde le sourire. Je suis censée être la plus adulte d'entre nous deux et pourtant, je me sens si minable face à la force de cette petite.
 
    Lorsque mon pied franchit le seuil, je découvre une maison des plus normales et cet instant donne envie à mes larmes de couler. Elle n'est ni délabrée, elle est parfaitement normale même s'il y a peu de meubles qui la décor. Mon corps sursaute au son des objets qui tombent sur le sol comme s'ils étaient projetés. C'est là que mes yeux remarquent enfin la présence du soldat qui fouille la maison de fond en comble. À en juger par la position de sa main, je devine ce qu'il cherche. Je lève les yeux au ciel et cache mes oreilles quand un son métallique les assomme. Mes pas décident d'avancer, seulement, je n'ai pas la moindre envie de les arrêter. Il fait un boucan d'enfer. Je pense que je serai dans le même état que lui. Je serai frustré d'avoir aussi mal mais de ne rien trouver pour me soigner.
    
     Ma main saisit son bras tandis que son corps sursaute à mon toucher. Il me regarde, sans parler. Je vois ses yeux de si près. Je scrute sans faire attention à chaque détail de son visage. En passant d'abord par son regard d'un bleu intense, de son nez, de ses lèvres puis je reviens à ses yeux pour arrêter cette observation devenue trop obsédante. Je ne sais même pas quel âge il a. Je dois laisser l'adolescente de côté avec mes hormones. Donc je l'emmène s'asseoir à une chaise en bois. Étonnamment, il me suit sans broncher. J'avais peur qu'il fasse de la résistance étant donné que j'ai été chiante tout le long de notre rencontre.
 
     Nos regards ne cessent de se dévorer en silence. S'il parle, je ne comprendrais pas. Soudain, une idée me vient. Je recule d'un pas, il écarquille un sourcil tandis que j'enchaîne des mouvements. Du pouce, je le dirige vers moi. Il hoche la tête. Je lève mon bras et enchaîne le mouvement quand on enroule une bande autour d’une blessure. Il acquiesce alors cette fois, je pince mes lèvres et fait un cercle. En voyant son incompréhension. Je me fige mais cette fois-ci, je montre la maison en faisant des grands gestes que je n'aurai pas compris. Mes joues deviennent enflammées lorsque son rire parvient à mes oreilles. Je me gratte la nuque avant de lui montrer d'un geste encore plus farfelue que je pars chercher ce dont il a besoin…je rougis et c'est mal…pas vrai ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top