CHAPITRE VI
Je me réveille en sursaut.
Ce cauchemar était terrifiant.
Mon corps frissonne encore par la marque de son passage. Le sang coulait de partout. Et, une odeur nauséabonde, comme celle des décombres, traversait mes narines pour me ronger de l'intérieur. Dans ce rêve, j'étais impuissante et désespérée. Comme si la vie n'allait jamais reprendre comme avant.
Un bruit rompt ce silence, mon corps bondit soudainement jusqu'à ce que j'observe la porte qui s'ouvre doucement vers moi. Tout mon corps tremble, comme tétanisé tandis que coupe mon souffle volontairement pour mieux entendre la personne derrière la porte. Ou, les personnes. Je suis sûr que, cette fois, je vais mourir. Je ne peux pas me placer dans l'obscurité absolue quand soudain l'air caresse ma peau. Lorsque des pas se font entendre.
Comme un déclic. J'ai envie de hurler : Merde.
Je me suis endormie comme une idiote. Il fallait que je m'échappe bon sang. Mes yeux se ferment lorsque la porte s'ouvre.
J'en ai la certitude, je vais mourir. Il s'agit probablement de deux personnes mais l'une de ces paires de bottes, je les reconnaîtrais entre mille. Alors d'un seul coup, j'ouvre les yeux pour laisser place à ma voix qui s'exclame :
— Le petit ange !
Alors que mon corps s'apprête à s'élancer vers cette petite, je suis ramené contre le poteau de force. Agacé, je regarde mon corps attaché par la corde. J'avais complètement oublié. Je m'avoue vaincu.
La petite fille, ternie par la cendre et tachée par le sang sur sa petite robe, se met à saisir du bout de ses doigts le pantalon du militaire. Aussitôt, elle enchaîne sur des gestes que je ne parviens pas à comprendre et celui-ci répond. Je dois avouer, que je suis sous le choc de la voir ici. J'ai pourtant entendu ce coup de feu et j'ai touché cette flaque de sang de mes mains. J'ai beau essayer de chercher sur tous les scénarios possibles, lequel est le plus réaliste, je n'en vois aucun. Je suis perdu alors que mon regard scrute en détail cette enfant qui d'un coup, me regarde droit dans les yeux puis s'approche de moi.
J'ai la sensation d'être face à un fantôme. J'en ai la boule au ventre.
Je dois être folle.
— Comment tu t'appelles ?
— Charlie, bégayé-je encore choquée de la voir en vie.
Avec un sourire, elle place ses mains dans son dos en se balançant de droite à gauche.
— Moi, c'est Opale et lui c'est Alexeï.
Elle le montre de sa main avant de me la tendre pour serrer la mienne comme font les adultes. Ou faisait, car désormais plus rien n'existe.
— Co…comment tu sais ?
Elle sourit puis me chuchote à l'oreille.
— J'ai une famille malentendante alors je parle la langue des signes.
Elle s'éloigne, toujours avec le même sourire enfantin.
— Lui aussi parle cette langue.
En réalité, je comprends désormais pourquoi ils se comprennent. La chose que je ne comprends pas c'est, pourquoi ils s'entendent. Il a sûrement tué toute sa famille sans pitié ni aucune larme de culpabilité versée. Alors pourquoi elle semble heureuse comme si rien ne se passait, comme si le monde n'était pas en feu et en miettes ? Pourquoi il ne l'a pas tué ? Et aussi, pourquoi ils connaissent le prénom de l'autre ? Je n'arrive pas à comprendre. Seulement, je croise à nouveau son regard et là c'est comme une évidence. Elle sait comment déchiffrer mes pensées. Elle sait ce à quoi je pense. Cependant, avec un sourire malin, elle se retourne pour être de nouveau au côté de l'homme armé pour enchaîner à nouveau des signes que je ne peux décrire. Quand mes yeux croisent le regard du blond, je me fige. Je ne sais pas comment déchiffrer son visage.
Ce type, je ne le comprends pas. Cette enfant non plus d'ailleurs. J'ai l'impression d'être face à deux complices psychopathes. Mon corps s'avachit contre le poteau mais mes yeux s'ouvrent en grand lorsque mes souvenirs ressurgissent. Je devais m'évader et j'ai complètement oublié. Ça me désespère, je me désespère. Comment ai-je pu oublier ma survie ? Je me suis endormie comme une gourde contre le poteau, j'aurai pu me libérer avec l'éclat de verre que je frôle dans ma main. Bon sang. Il a fallu que mes paupières se ferment pour croire que rien n'a changé, que le monde n'a pas sombré.
Ma tête se repose immédiatement sur le poteau derrière moi. Je laisse échapper un soupir en même temps que mes yeux scrutent le plafond délabré. En ayant les yeux rivés vers le haut, j'ai la sensation d'être dans ma bulle, qu'ils ne sont pas là. Mais malheureusement, le son de leur pas me déconcentre. Surtout qu'être avec ce militaire, ne me donne pas la sensation d'être pleinement en sécurité.
Alors que je ne m'y attendais pas, un être de petite taille s'assoit à mes côtés. Je la regarde, sans un moment, tandis qu'elle scrute ses pieds qui enchaînent des mouvements réguliers en se balançant de droite à gauche. En même temps, ses deux petites couettes basses se balancent aussi comme pour rejoindre la danse. Sa petite frimousse innocente me brise le cœur quand je repense à tout ce chao que j'ai eu la malchance de voir. Et quand j'y pense. Je ne sais pas si j'aurai préféré être épargné ou bien subir ces images atroces comme aujourd'hui.
— Qu'est-ce qu'il t'es arrivé à toi ? murmuré-je inconsciemment tandis que son regard empli d'innocence se pose sur moi.
— Je ne sais pas, dit-elle tristement avant de se recroqueviller. J'ai oublié.
Moi non plus, je ne sais pas ce qu'il m'est arrivé. Ni même à mes parents, ma famille. L'ignorance me terrifie, me frustre autant qu'elle brise mon cœur à l'état de cendre. Lorsque les souvenirs de mes jours heureux ainsi que les moins bons refont surface, je me surprend à envier ces jours. Ça me manque. J'aimerai chérir ces instants de joies y compris ceux où je fais ma mauvaise tête, la fille signe qui réalise sa crise d'adolescence à ses parents. Ne plus pouvoir vivre ces situations provoquent un sentiment de vide dans ma poitrine. Alors à mon tour, je me recroqueville comme je peux, attaché à ce poteau, tandis que je commence à voir flou à cause de la naissance de mes larmes sur la surface de mes yeux.
Un son interrompt ce silence et réveille Opale qui dirige son regard vers cet Alexeï. Celui-ci commence à enchaîner des signes tandis que cette dernière me regarde puis me traduit :
— Il dit qu'on doit y aller.
— Pourquoi ?
Son air si sérieux me fige. Je lis une certaine angoisse dans ses yeux. Je suis admirative de ce petite ange qui semble si mature pour son âge. À sa place, je serai sûrement morte à cause de la peur.
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