CHAPITRE IX

   Avant l'attaque, je n'ai pas souvenir d'avoir été gentille avec les autres. Je n'ai pas souvenir de les avoir aidés, en tout cas. Cette fois, c'est bien la première fois depuis longtemps que j'aide quelqu'un par ma propre volonté et non parce que ma mère m'aurait botté les fesses juste avant. Ma mère n'était pas un tyran. Au contraire, c'était une femme douce et calme mais qui savait aussi se faire respecter si nécessaire. Je l'aimais beaucoup même si pour moi, l'amour est un mot énorme et imposant. Je n'ai jamais su définir ni même décrire ce sentiment puissant. Je pense que lorsque je saurai, comme Violet Evergarden, et bien je regretterai nos disputes et mon insolence envers elle. Après, je ne peux m'en vouloir de trop. Je suis humaine, pas une héroïne de perfection.
Ça fait plusieurs secondes qui s'écoule depuis que cette trousse de soin est entre mes mains. J'ai réussi à la trouver en fouillant partout dans la maison. Néanmoins, je n'ai pas eu à chercher bien loin. C'est petit ici, les pièces sont presque vides. Je n'ai pas eu besoin d'être aussi brutal que lui. Un soupir s'échappe de mes lèvres. Sentir mon cœur battre plus vite que d'habitude me perturbe.
   
    Ce satané stresse.
   
    Je pensais m'en être débarrassé à cause des décombres. J'inspire puis expire tout de même malgré tout et mon pied franchit le pas. Seulement, quand je vois sa silhouette, je perds toute mon assurance. J'inspire longuement avant de revenir à ma tête normale pour éviter qu'il ne comprenne ma gêne. Je refuse d'être un livre ouvert. Dans un calme olympien, je décale ma chaise pour m'asseoir. Seulement, nos genoux se frôlent et je manque de vaciller, de rompre cette façade que j'ai créée.
    
      Je ne sais même pas comment faire pour rester aussi calme. Je sors tout ce dont j'ai besoin pour le soigner. Normalement, j'aurais dû les lui donner sans un mot. Mes mains bougent d'elles-mêmes, je ne contrôle plus mon corps alors que c'est censé être le mien. J'ai la maladresse de lever les yeux vers lui, il est si concentré alors que je place le désinfectant dans le coton.
Puis d'un coup, son regard se pose sur les miens et mon cœur manque un battement. J'en profite lorsqu'il détourne son regard pour scruter son corps. Si les hormones étaient une personne, je les giflerai aussi longtemps que je peux pour qu'il la ferme. Son torse possède de nombreuses cicatrices. Certaines encore fraîches, comme celle qu'il s'est fait tout à l'heure à cause de moi.
 
    Je n'ai jamais été dégoûté par le sang. L'enfant que j'étais se blessait régulièrement par manque d'inattention. Alors mon corps était souvent décoré de pansements. Par contre, il y a encore un mystère non élucidé. Je n'ai jamais eu besoin d'avoir une atèle, une paire de béquilles ou bien un fauteuil roulant. À mesure de revenir couverte de blessure, ma mère se demandait souvent comment je faisais pour ne pas finir à l'hôpital. Heureusement d'ailleurs, que ça n'est jamais arrivé. J'ai déjà vu beaucoup de gens en béquilles. Ça doit être pénible. Après, le seul avantage, c'est l'ascenseur. Petite, j’enviais ces personnes juste parce qu'il n'était pas bousculé de tous les côtés dans les escaliers.
 
     Une vague de frisson électrique traverse mon corps au contact du coton sur sa blessure. Ma tête essaie de penser à autre chose tandis que son torse nu est sous mes yeux. La jeune femme en moi parvient encore à s'imaginer des choses alors que dehors, le monde brûle tout comme le bout de mes doigts. Sa voix lâche des gémissements qu'il tente d'étouffer avec sa main. Je serre les dents à chaque son de sa voix et ma peau réagit instantanément comme s'il ressentait aussi sa douleur. Maintenant, vient la partie la plus compliquée. Il ne va pas rester les blessures à l'air libre et par chance, il y a un rouleau de bandage. Est-ce que je le laisse faire maintenant ? Sauf que son visage déformé par la douleur qu'il ressent à son bras me donne la réponse à ma question. Mon cœur balance avant même d'avoir commencé. Je déglutis.
   
     Le bandage en main, j'inspire puis je mets les barrières pour cesser de respirer. Je vais commencer par le plus simple, le bras. Je me lève pour me mettre à côté de lui tandis qu'il lève son bras vers moi. Je commence à enrouler et je regrette vite de ne pas avoir été plus lente car maintenant je dois passer à son torse. Je ne sais pas comment faire en plus.
 
     Je lui fais signe de se lever pour être debout et aussitôt sa taille imposante me fait frémir. S'il y avait un bouton “arrêt du cœur” je l'aurai activé depuis longtemps pour éviter de sentir ma poitrine qui bat plus vite que je ne le voudrais.
   
    Mes bras viennent autour de lui et font attention à ne pas toucher ni frôler sa peau. Ma tête est proche de son cou, respirer et même soupirer serait dangereux. Il pourrait le sentir. Je sens la chaleur de sa peau d'ici. Lorsque ma tête se lève vers lui au son de sa voix, nos regards se croisent. J'ai honte de ressentir ça. Une chose si puissante qu'elle devient indescriptible. Même le pouvoir des mots ne saurait y faire face. Pourquoi a-t-il fallu que je tombe sur ses yeux océans alors qu'il a mis à feu mon pays ?
 
     Je m'éloigne brusquement sauf que mon corps tombe plus en arrière que je l'avais prévu mais soudain sa main me ramène à lui. Nos visages sont si proches que je ne sais plus quoi penser. Ses yeux, son nez, ses joues puis ses lèvres rosées malgré la cendre. Je pince mes lèvres et immédiatement, son regard tombe sur la chose qu'il convoite. Ses mains se crispent dans mon dos, me provoquant mille picotements sur la surface de ma peau. Une pensée interdite traverse mon esprit, celui de laisser parcourir mes doigts nus sur sa peau. Nos regards tombent à nouveau pour se rencontrer quand soudain, un grincement de porte nous éloigne tous les deux.
 
    Sa main s'empare de mon poignet pour me ramener derrière lui. Sauf qu'à mon plus grand désarroi, c'est la petite Opaline qui se trouvait derrière cette porte. Cette dernière nous regarde en haussant les sourcils mais finit par laisser apparaître un large sourire. Cette fois c'est nous qui sommes perdus. Soudain, de sa petite main, elle nous fait signe de la suivre. C'est le soldat qui me devance pour se précipiter à elle, puis je les suis à mon tour.
 
    Nos corps passent l'entrée un à un tandis qu’Opale court avant de sautiller en pointant le ciel.
— Les soldats s'en vont ! s'exclame-t-elle en même temps de faire des signes.

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