Suite

En serviette de bain, la voilà qui sort naturellement de la salle d'eau.

- Oh ! Merde ! crie-t-elle en essayant de ne faire qu'un avec son essuie éponge. Comment es-tu entré ?
- J'aurais voulu te dire par la fenêtre comme un super héros mais j'ai dû passer par la porte. Comme n'importe qui, je m'esclaffe.

Regard noir bonjour !

- Ton frère m'a demandé de te faire visiter un peu le quartier (ou plutôt j'ai très envie qu'on s'évade de cet appart où tu es à moitié nue).
- J'arrive dans cinq minutes.

Enfin c'est ce que je crois comprendre. Tel frère telle soeur, elle est déjà repartie en me parlant. Y a un gène spécifique dont ils auraient hérité tous les deux pour couper court à toute conversation ou bien ?

N'empêche que cinq minutes piles après, elle est de retour genre métamorphosée. Elle a participé à des concours de qui s'habillera le plus vite ?

Chic et casual à la fois, la voilà vêtue d'un jeans moulant et d'un pull qui semble avoir été cousu sur elle aussi. C'est à usage unique ? Il y a un tas de je ne sais quoi. Des motifs ? Complètement décalés et je dirais introuvable dans le commerce. J'évite d'en parler mais les modes italiennes semblent bien différentes de chez nous. Jamais vu une femme habillée comme ça.

En voiture, un long silence s'installe. J'aime l'entendre rire mais si elle pouvait arrêter de me regarder comme si j'étais le pitre du coin ça le ferait aussi.

Je la laisse observer la vie extérieure par la vitre de la voiture tranquillement et contre toute attente malgré le nombre incalculable de conneries que j'ai envie de sortir c'est elle la première à briser le silence. Ou plus précisément son estomac.

- Ravi d'entendre que j'ai vu juste.
- C'est à dire ?
- Avant de faire un peu de tourisme je t'emmène manger chez Giordanno's sur Randolph street près de la tour Hancock.

Ses yeux de merlan frit me font mourir de rire intérieurement. Pas le moment de craquer, rester sérieux un peu. Je peux y arriver.

- Je croyais qu'on ferait juste un tour en voiture sans plus. Merde, je suis pas habillée pour aller manger quelque part !

Ah ! Le pull ! Donc même chez elle ça ne se porte pas, j'en suis presque rassuré !

- Tracasse poupée, tu es au top !
- Au top du rien du tout !

Sa tête se tourne à nouveau vers la vitre et son regard est perdu dans le ciel. Elle m'explique que sa meilleure amie Enza adore confectionner des vêtements. Que la plupart des siens sont d'elle et qu'avant de partir son amie lui a glissé dans sa valise ce pull fétiche, retravaillé pour qu'il tombe à la bonne taille, on ne peut plus excentrique et à l'opposé de sa garde-robe pour penser à elle. L'espace d'un instant j'essaie de m'imaginer à l'autre bout du monde sans personne. Autres habitudes, autre travail, autre langue et autre appartement. Elle a du cran. Du moment où elle s'est figée dans l'aéroport prête à me faire la guerre quand je suis allée la chercher, je n'en ai plus douté. La détermination dans ses yeux n'auraient dupé personne. Mais malgré tout ça ne doit pas être facile.

Voilà. Moi, Kutcher Gabe, je suis parvenu à être sérieux pendant trente minutes pour la première fois de ma vie. Quel exploit. Heureusement que nous sommes arrivés à destination. Qu'elle me prenne pour le clown du village si il le faut, cette mine nostalgique ne lui va vraiment pas, je veux la voir rire à nouveau.

C'est ça le rôle d'un grand frère de substitution, non ?

Chez Giordanno's tout est bondé. Catalya me regarde stupéfaite.

- Ils cuisinent de l'or ici qu'il y a autant de monde ou c'est toujours comme ça ?
- Tu n'es pas loin de la vérité mais t'inquiète poupée, nous sommes des VIP, je la rassure avec un clin d'oeil.

Perplexe elle ne se laisse pas démonter pour autant et va même jusqu'à prendre les devants lorsque la serveuse nous interpelle.

- Monsieur, Madame, est-ce que...
- Non, Mademoiselle. Au nom de Kutcher. Deux personnes, s'il vous plaît.

La serveuse reste interloquée. Presque autant que moi. Puis avec un regard de surprise et de gêne, nous conduit à notre table. MA table habituelle.

- Est-ce que ton nom fait toujours le même effet ?
- Non pas toujours, souvent il fait rougir mais c'est dans un autre contexte jolie poupée.
- Gabe, faut vraiment que t'arrête avec ces surnoms, elle s'énerve.

Très certainement la seule façon dont je verrai ses joues rosir. Délicieuse. Rien que pour ça, je ne compte pas m'arrêter de la taquiner

Stop. Suffit. C'est une petite soeur !

La voir embarrassée lorsqu'elle doit se départir de sa veste et exhiber cette espèce de... pull me fait rire. Mademoiselle Cerafi n'aime donc vraiment pas se faire remarquer quand la situation ne porte pas à son avantage.

Tout le temps du repas, nous parlons de tout et de rien. Je lui explique, dans ma version comment j'ai connu son frère, souvent nous rions du comportement de Gio qui est toujours égal à lui-même. Elle me parle de Venise, d'Enza. Nous évitons soigneusement de parler du boulot. Quand je pense que cette fille sera genre ma patronne, ça me fait peur. Elle gère tout d'une main de maître. Les sujets que nous abordons, la façon de les aborder. Parfois même elle me lance quelques piques gentilles mais que je ne comprends que trois phrases plus tard. Sournoise et subtile cette fille, j'adore.

En moins de deux heures, j'ai entrevu plus de facettes d'elle que sur un rubicube mais sans jamais changer vraiment de comportement. C'est presque effrayant. C'est une sorte de psychopathe, c'est ça ? Tout chez elle, dans sa vie est parfaitement compartimenté.

- Et maintenant, où m'emmenes-tu ?
- Pas très loin de chez toi. Si ça te dit, je te photographie à côté de notre superbe The Bean, l'un des symboles de la ville et un incontournable pour les touristes de Chicago. Ça te fera un chouette truc à envoyer à ton amie, non ?

Et c'est ainsi que nous nous retrouvons au Millenium Park. Le temps est hivernal et en fin de journée comme maintenant il vaut mieux être bien couvert. Ce qui n'est pas son cas donc nous ne nous y attardons pas.

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Retrouve d'autres histoires chez c-lynne et chez DiantreEtPardi !
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