Nous approchons peu à peu des terres australiennes et l'ambiance à bord est très agréable. Chaque nuit, les rires et les chants des pirates s'élèvent dans le ciel, accompagnés de fumets de poissons et de verres de rhum. La reine se mêle sans soucis à nos festivités et nous parvenons sans mal à passer des soirées très agréables. Cléo s'ouvre peu à peu avec ses hommes, brisant en ces instants l'image de la femme sûre d'elle et effrayant qu'elle peut parfois avoir. Je la vois souvent rire avec eux, avalant allègrement son verre de rhum. Je ne lui en ai pas parlé mais j'ai le sentiment que toute cette ambiance améliore nettement celle du navire.

"Vous m'avez l'air toute ailleurs."

À côté de moi, la monarque se tient fièrement, regardant l'équipage soulever la jeune rousse pour la féliciter d'avoir gagné une partie de carte. Je pense qu'il s'agit d'une simple excuse pour la remercier et la féliciter pour nous.

"Je ne pensais pas dire cela un jour mais, j'apprécie fortement l'ambiance qu'il y a parmi vous. Je trouve cela rafraîchissant.

-Merci votre Altesse. Je ne les connais que depuis quelques mois et pourtant, depuis que je suis montée sur ce bateau, j'ai l'impression d'avoir trouvé ma famille."

Venant à l'instant d'être posée, ma femme se fait servir un nouveau vers qu'elle boit aussitôt, grimaçant sous la brûlure de l'alcool.

"Encore une fois, je n'aurais jamais pensé dire cela un jour mais, vous formez un couple magnifique. Je ne doute pas que ces enfants ne manqueront de rien et surtout pas d'amour.

-Merci madame. Moi non plus cette idée ne m'avait jamais traversé l'esprit et je sais bien pourquoi. Nous avons perdu deux femmes exceptionnelles en France, tuées par un duc qui ne peut comprendre que le cœur ne choisit pas.

-Malgré toutes nos guerres, je comprends les français. Cette... déviance est toujours considérée comme une maladie qu'il faut soigner. Je ne vous dirais rien, en remerciement pour m'avoir sauvé la vie. En revanche, je ne pense pas que le monde soit prêt à vous accepter et c'est pour cela que les règles en vigueur dans mon pays ne changeront pas."

Je ne réponds rien mais je peux parfaitement comprendre son point de vue. C'est d'ailleurs pour cela que je souhaite passer ma vie à l'abri sur ce navire. Mes enfants grandiront ici aussi et partagerons ces valeurs. Leurs vies ne prendront peut-être pas le même chemin que le mien mais qu'importe, je réussirais du mieux possible leur éducation.

"Je comprends votre avis mais je ne le partage pas. Si personne ne s'impose, alors le monde ne sera jamais prêt. Et je ne connais personne que vous, la femme d'un des monarques les plus puissants de notre siècle, pour faire avancer notre société."

Je la laisse alors sur place et rejoins ma femme qui descend une nouveau verre de ce breuvage ambré. Je m'approche et viens me positionner face à elle alors que ses yeux plongent dans les miens. Bien qu'elle soit totalement joyeuse, je peux aussi voir l'amour dans son regard.

"Les gars, j'ai une annonce à vous faire !"

Mon dieu, qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir dire ! Elle me semble totalement euphorique et j'ai l'impression de me revoir au début de ce voyage, n'ayant développé aucune tolérance face à la boisson.

"Si je pouvais, j'épouserais sans hésiter la sirène que je vois devant moi mais c'est impossible. Quoiqu'il en soit, je l'aime comme ma femme et je vais être maman !"

Je la force à me regarder à nouveau et l'embrasse pour la faire taire. Je ne veux pas l'entendre continuer à raconter n'importe quoi, bien que j'aime l'entendre m'avouer ses sentiments.

"Et avant que tu ne le dise, je suis bien, loin d'être atteinte par l'alcool."

Ses yeux retrouvent les miens et je réalise rapidement qu'effectivement, elle est encore avec moi. Son regard n'est pas aussi lointain que peuvent l'être ceux de ces hommes qui finissaient par s'endormir sur le bar quelques heures plus tard. Rassurée, je me laisse aller et l'embrasse à nouveau, sous les cris de joie de l'équipage.

"Et si moi, je vous mariai ?"

La voix provient du bout du bateau où j'étais précédemment. Le bruit s'évanouit alors que je me sépare de Cléo, comprenant de qui provient cette phrase.

"Et qui nous dit que nous pouvons vous faire confiance ?

-Rien, si ce n'est que mon couronnement a été réalisé par Dieu et que je suis totalement apte à faire cela. J'ai dit à votre amie que le monde n'était pas prêt à s'ouvrir mais je peux bien tenter d'ouvrir la voie en vous unissant."

Je regarde Cléo qui continue de douter mais la flamme d'espoir en elle semble primer sur tout. Elle fixe la monarque qui se trouve dans mon dos, ses bras toujours enlacés autour de moi. Après un instant de doute à la fois long et intense, elle finit par hocher la tête, approuvant l'idée de la reine.

"Bien... Dans ce cas, je vous laisse la nuit pour penser à vos vœux et nous nous retrouverons au lever de soleil sur le pont. Bonne soirée."

Elle rejoint alors sa cabine tandis que mon amante m'enlace et me fait tourner, nos bustes totalement inséparables. Lorsque mes pieds touchent le sol, elle ne se défait pas de moi et je sens son souffle prêt de mon oreille.

"Je t'aime Addison et je n'en reviens pas d'avoir cette chance de t'épouser, qu'importe si celui-ci ne répond pas aux normes terrestres. On va être cette famille dont nous avons rêvée."

Ma sensibilité me rattrape et je commence à sentir les larmes glisser sur mes joues. La rousse les essuie sans se plaindre, sachant pertinemment les difficultés que j'ai à gérer toutes mes émotions. D'ailleurs, elle aussi a les yeux qui brillent et je comprends que je ne suis pas la seule à  craquer.

"Très bien tout le monde, la fête est finie ! Chacun rejoint son hamac ou sa couchette pour dormir et demain matin, je vous veux tous sur le pont pour mon mariage. Faites l'effort d'être présentable pour nous même si je sais que cela va être compliqué pour certains."

Des rires s'élèvent autour de nous tandis que chacun quitte le pont supérieur pour aller dormir. Main dans la main, Cléo, ma future femme, m'entraîne vers sa cabine pour que nous puissions nous allonger et tenter de nous reposer, bien que je doute que cela soit possible face à ce tsunami d'émotions.

Je finis par m'endormir, à l'aise dans les bras de ma fiancée parce que, quelques heures plus tard, je sens une caresse sur mon visage me réveiller. Penchée au-dessus de moi, ses cheveux me chatouillant, elle me regarde ouvrir peu à peu les yeux. Bien que cela puisse paraître effrayant, je donnerais tout ce que j'ai pour avoir cette vision toute ma vie.

"Je me suis déjà habillée et je t'ai sorti quelque chose pour l'occasion. J'ai hâte de te voir comme cela."

En me redressant, je constate que mon amante porte la tenue presque clichée du pirate. Il faut croire qu'elle ne l'ai pas tant que ça. Elle porte un pantalon noir encore impeccable et que, ainsi, je n'avais encore jamais vu. Il met ses formes en valeur et fait ressortir ses bottes en cuir. Une chemise blanche cache son buste alors qu'elle porte par-dessus un long manteau de velours rouge magnifique. Un foulard de la même couleur autour de ses hanches conclue la tenue avec goût.

Je l'embrasse délicatement avant de me lever et d'aller voir la tenue qu'elle m'a préparée. Celle-ci est posée sur son bureau, avec délicatesse pour ne pas être froissée. Je sens les larmes me monter aux yeux quand je constate que celle-ci est similaire à la rousse, la couleur du manteau différant. Celui-ci est d'un vert profond, semblable aux forêts de Bretagne.

"Mais... Je... Ce manteau est...

-Il est à toi. En unissant ta vie à la mienne, tu deviens à ton tour capitaine de l'Athéna, bien plus officiellement que ce dont je t'avais parlé avant que l'on sauve la reine. Désormais, les autres navires devront se méfier des capitaines Cléo et Addison, redoutable pirates voguant à bord de l'Athéna. Nul doute que la légende sera scellée quand les deux monstres mettront un peu plus de vie sur ce bateau."

Debout derrière moi, ses mains sur mon ventre et ma tête contre son épaule, je me laisse aller à ce bonheur durement acquis. Délicatement, je me décolle de son corps et commence à me dévêtir pour enfiler cette nouvelle tenue. Je sens le regard de Cléo sur moi mais tente d'y faire abstraction si on souhaite rejoindre le reste de l'équipage au lever du soleil pour notre mariage.

Quand je suis fin prête, nous faisons toutes deux face aux miroirs et je regrette de ne pas être peintre pour immortaliser ce moment. La lumière de la lune éclaire faiblement la pièce, nécessitant l'appui de quelques bougies, donnant une ambiance tamisée. Elle se trouve dans mon dos, son manteau posé sur mon épaule et nos mains jointes sur mon abdomen distendu. Je sens le bonheur et j'aimerais garder cette image à jamais.

Finalement, nous nous détachons de l'image rassurante du miroir et poussons la porte, main dans la main. Le spectacle devant nous me coupe le souffle. Une haie d'honneur faite par l'équipage nous guide tout droit vers le reine, debout devant une table que je reconnais comme venant du restaurant. Sacha et Jen se tiennent d'un côté de la monarque tandis que, de l'autre, on retrouve Jane et Alicia.

Nous avançons lentement vers le centre du navire alors que chacun nous salue d'un signe de tête, heureux de vivre cet évènement avec nous. Quand nous avons finalement rejoint la table, Cléo observe les visages souriant de son équipage et de ses amis autour d'elle.

"Qu'est-ce que vous faites là tous les quatre ?

-Avec Jen, nous sommes tes témoins. Alicia et Jane sont ceux d'Addison. Et la reine a promis de les unir après votre mariage. Vous serez les premières femmes à se marier dans le monde entier, alors profitez de l'honneur."

Elle adresse un clin d'œil à sa capitaine tandis que la monarque commence à réciter le discours propre au mariage. Je ne l'écoute que d'une oreille,  trop concentrée à laisser mon regard d'un gris tempête se perdre dans celui d'un marron si profond de Cléo. 

"Capitaine, quelques mots pour votre future épouse ?

-Je... Je t'ai trouvé magnifique dès que je t'ai vu mais le rôle de capitaine m'empêchait de me libérer de certaines entraves. Je n'aurais pas dû te repousser il y a quelques mois, mais, à bien y réfléchir, cet évènement à permis à notre couple de devenir encore plus fort mais aussi de fonder une famille. Je t'aime Addison et je suis prête à le prouver chaque jour que ton Dieu nous offrira."

Mes mains dans les siennes, je sens une larme solitaire glisser sur ma joue mais je te tiens bon. Si je m'effondre en larmes, alors plus rien ne pourra me calmer avant que tout cela ne soit terminé.

"Addison ? Quelques mots ?

-Oui ! Euh... Cléo, je... Je ne peux pas nier que te voir la première fois ne m'a pas chamboulée car ce serait mentir et c'est quelque chose que je déteste. Nos débuts ont été difficiles, mélangeant des hauts et des bas toujours plus profonds mais aujourd'hui, à bord de ce navire, je sens qu'une nouvelle vie s'offre à nous. L'Athéna sera notre maison et nos nuits l'une contre l'autre seront les plus belles. Je t'aime au-delà de tout, y compris des lois et des religions."

Les yeux et les joues de Cléo sont aussi humides que les miennes et je peux voir que nos amis derrière sont tout aussi émus. Je ne sais absolument pas comment je vais pouvoir rester décente jusqu'à la fin et sur celui de nos amies qui, d'ailleurs, ne m'avaient même pas annoncé leur liaison.

"Cléo, consentez-vous à prendre pour épouse Addison ici présente. À l'aimer et la chérir tout votre vie, dans la richesse comme dans la pauvreté ? Dans la santé comme dans la maladie ?

-Oui, je le veux."

Ma presque femme vient de prononcer la phrase fatidique alors que la reine se tourne désormais vers moi. Je sens la pression, mêlée à une joie intense, monter en moi.

"Addison, consentez-vous à prendre pour épouse Addison ici présente. À l'aimer et la chérir tout votre vie, dans la richesse comme dans la pauvreté ? Dans la santé comme dans la maladie ?

-Oui, je le veux.

-Je vous déclare désormais unies par les liens du mariage. Vous pouvez vous embrasser."

Je sens les lèvres de ma désormais femme rejoindre les miennes dans un baiser enflammé. Je suis mariée à la personne que j'aime plus que tout, bientôt nous serons quatre mais aujourd'hui, en cet instant, il n'y a que nous deux.

Durant tout le reste de la journée, nous restons collées l'une à l'autre, profitant de notre bonheur mais aussi de celui de tout ceux qui nous entourent. De la joie, unique et puissante.

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La fin approche avec plus que 4 chapitres et leurs aventures prendront fin.

En attendant, on se dit à la semaine prochaine !