Mois 4 / Semaine 1

Cléo, ayant maintenant obtenu les informations qu'elle voulait, semble plus calme. Elle reprend part aux activités de son équipage, jouant aux cartes avec eux, prenant son repas en discutant gaiement et flânant dans les haubans pour aider à l'avancée du navire. Elle recommence à sourire et j'apprécie de la voir s'ouvrir à nouveau. M.Smith est toujours maintenu prisonnier dans sa petite prison mais, une fois tous les deux jours, il est autorisé à venir respirer l'air frais du pont. Celui où il reste enfermé, son déjeuner est un peu meilleur que ce qu'il à le reste du temps. C'est un cadeau du capitaine pour son obéissance.

Quant à moi, je dois avouer que notre relation ne s'est pas vraiment améliorée. Nous nous contentons d'un regard neutre à chaque fois que nous nous croisons. Elle m'adresse aussi un merci lorsque je lui sers son repas. En soit, il s'agit d'une relation courtoise, un bon début quand on repense au mois qui vient de s'écouler.

Le moment le plus dur de notre périple doit être en train de se dérouler. Depuis une semaine, la pluie s'est invitée, rendant la vie encore plus rude. Chaque sortie sur le pont demande un courage à toute épreuve. Monter dans les haubans devient dangereux à cause de la houle et de l'aspect glissant des mâts et des cordes. Les jeux sur le pont ont été déplacés sur le pont inférieur ou dans le restaurant, m'offrant une ambiance agréable alors que je prépare de quoi remplir les estomacs de tous cet équipage.

"Addison ! Jen, Sacha et Cléo cherchent un quatrième joueur. Tu veux les rejoindre ?

-Non... Non merci Tony. Je vais plutôt aller me coucher un peu."

Le jeune homme ne dit rien et je vais m'enfermer dans notre chambre. À peine allongée sur le lit, je me sens sombrer dans un sommeil profond. Cela fait quelque jour déjà que je passe mon temps à dormir. Je sens les regards du capitaine et de Tony sur moi mais fais semblant de ne pas les voir. Je me contente de hausser les épaules quand on me demande comment je vais et de dormir lorsque mon corps le réclame.

À mon réveil, je rejoins la cuisine pour préparer le repas du soir. Tony est encore en train de jouer et je le laisse profiter de son moment. Je peux bien gérer ça seul, lui qui passe son temps à me remplacer lorsque je tente de régler les problèmes qui me tombent dessus.

"Besoin d'aide ?"

Derrière moi, Cléo vient d'arriver, les cheveux aplatis à cause de la pluie. Elle me fait penser à un chiot qui aurait passé sa nuit sous l'eau. Elle est si mignonne, bien que je ne sois pas sûre d'être autorisée à dire ça.

"Non merci capitaine. Mais n'hésitez pas à vous mettre à l'aise."

Cléo se rapproche alors de moi et, bien que je lui tourne le dos, elle me prend dans ses bras. Je ne bouge plus, laissant presque échapper la pomme de terre que je suis actuellement en train d'éplucher.

"Désolée... Je... Je me suis laissée aller. Je... Je vais plutôt éplucher moi aussi."

Sans rien dire, je la laisse prendre place à côté de moi. Mon regard reste fixé sur ses mains si délicates qui manipulent les légumes et le couteau avec dextérité. Je crois que je vais devoir me rendre à l'évidence : je suis encore raide dingue de cette femme.

Le tas descend rapidement et je regrette de le voir s'achever. J'aurais voulu passer plus de temps avec elle. Bien que nous travaillons silencieusement, j'apprécie sa présence si proche de moi. Je me sens détendue et en forme, enfin autant que je le peux dans mon état plutôt faible.

"Merci de m'avoir aidé.

-Ça m'a fait plaisir. Tu es sûre que tout va bien ?

-Oui. Oui ça va je..."

Je sens la migraine monter peu à peu et la douleur me vrille dans le crâne. En parallèle, j'ai de plus en plus froid si bien que je mets à claquer des dents. Une très mauvaise idée si vous voulez mon avis. Chaque coup de mâchoires accentue la douleur que je ressens dans ma tête, si bien que je suis à deux doigts de m'effondrer.

"Tony ! Viens prendre la relève."

Cléo semble hurler dans mes oreilles, me faisant porter mes mains à mes oreilles tant cela me détruit. Je constate aussi qu'elle est désormais derrière moi et que son bras autour de ma hanche est sûrement la seule raison pour laquelle je me tiens encore debout.

Tony arrive rapidement et je le vois s'empresser de mettre les pommes de terre dans l'eau avant de retourner à sa partie, calculant mentalement le temps qu'il a avant de vraiment devoir gérer la cuisine.

"Allons dans ton lit. Tu iras mieux une fois allongée dans le calme."

Toujours soutenue par la rousse, je titube vers ma couchette où je me laisse tomber sans aucune grâce. Mes yeux sont si lourds que je ne parviens plus à les garder ouverts. Ils me brûlent tellement que mes paupières apparaissent comme une solution miracle. Je suis épuisée alors que je me réveille à peine, le constat en est presque effrayant.

"Laisse-toi aller... Je veille sur toi, dors..."

La voix de Cléo est si douce qu'elle me replonge dans toutes ces heures que nous avons passées à nous embrasser et nous câliner, bien à l'abri dans le secret de sa cabine. Sa main caresse délicatement mon front, dégageant les cheveux qui pourrait me gêner et ce simple contact m'apaise et me fait quitter un peu plus le monde du réel pour celui du sommeil.

Le coup de grâce, je le dois à Tony qui apporte une bassine d'eau et un linge à notre capitaine. Celle-ci le remercie sans un mot et s'empresse d'appliquer le linge sur mon front. Le soulagement est immédiat, surtout lorsqu'il est couplé à sa voix d'ange qui m'encourage à m'endormir. 

Je sombre aussitôt, me laissant totalement aller. Je me sens en sécurité avec Cléo à côté de moi, chose que j'aurais trouvé malvenu il y a quatre mois, au moment où j'ai foulé les planches pour la première fois.

Quand mes yeux s'ouvrent à nouveau, le hublot m'indique que la nuit est tombée depuis bien longtemps et que j'ai, par conséquence, loupé le service de ce soir. Tony est allongé au-dessus de moi et je déduis qu'il s'est endormi après avoir dû s'occuper seul de l'équipage affamé.

Mais ce qui me saute alors aux yeux, c'est la masse que je ressens contre mon corps, voire même ce qui me semble être une tête appuyé sur mon ventre. En relevant lentement la tête, ce qui me donne déjà la nausée, je constate qu'il s'agit de la chevelure flamboyante du capitaine. J'approche donc ma main et lui caresse délicatement les cheveux pour tenter de la réveiller. Elle est actuellement assise sur un seau, totalement courbée pour trouver une position minimum confortable.

"Hey Cléo...

-Addison ?"

Ses yeux sont à peine ouverts et je la vois balayer la pièce du regard pour trouver ses repères et tenter de se rappeler de la raison pour laquelle elle s'est endormie ici.

"Comment va ta tête ?

-Un peu mieux mais j'avoue me sentir assez faible.

-Ok. Ok... Rendors-toi et si demain matin ça ne va toujours pas mieux, je demanderais à Alicia de t'examiner."

Sa main vient caresser mes cheveux, passant quelques secondes de plus que ce qui n'aurait été convenable. Soit bien trop pour mon cœur encore maltraité par nos récentes altercations. Je ne serais même pas surprise de la ressentir déposer un baiser sur mon front. Non. En fait, je la vois se pencher avant de faire marche arrière et de se relever. La dernière vision que j'ai avant que mes yeux ne se ferment encore, c'est celle de Cléo, se déplaçant avec une grâce digne d'une princesse, et se retourner pour me lancer un dernier regard.

Quand j'ouvre à nouveau les yeux, une nouvelle journée vient de commencer. Je soupire en constatant que j'ai dormi tout au long de la journée d'hier. Voulant rattraper mon retard et me faire pardonner de mon absence auprès de Tony, je m'empresse de relever mes manches.

Le petit-déjeuner ne demande pas de grand effort mais, lorsque les premiers arrivent, tout est prêt et Tony dort encore. L'équipage défile et je remarque la mère de mon ami disparaître dans notre cabine, sûrement pour passer un moment avec lui. Je suis en train de ranger tout ce qui a été mis sans dessus-dessous quand Cléo finit par passer la porte du restaurant. Comme toujours, elle est extrêmement incroyable.

"Tu l'as l'air en forme ce matin."

Assise sur la table de droite, ses pieds sur le banc, elle semble dominer la pièce. À côté d'elle, je ressemble à une moins-que-rien, rassemblant les assiettes en une pile avant de les plonger dans la bassine pour les laver. J'ai ainsi fini de ranger la salle mais la vaisselle est mon pire cauchemar. Je soupire déjà face au tas quand une présence se fait ressentir à côté de moi. D'un regard en coin, je remarque la silhouette assurée de ma capitaine. Celle-ci s'empare du torchon juste sec de la veille et d'un biscuit dans lequel elle croque avant de me regarder

"J'ai la sensation que tu n'aimes pas ça alors... Je fais la vaisselle, tu essuies ?"

Je relève aussitôt la tête, surprise par cette proposition venue de nulle part et très gênante. Je ne sais pas quoi lui répondre, paniquée à l'idée d'être malpoli en acceptant mais aussi en refusant.

"Euh... Je... Je ne peux pas accepter, ce n'est pas normal qu'un capitaine s'occupe de ce genre de besogne."

Le regard que me lance la jeune femme m'effraie mais je crois que je perds réellement tout mes moyens lorsqu'elle éclate de rire. Je ne parviens pas à saisir l'hilarité dans cette situation mais préfère me taire.

"Sauf que j'en ai envie. Alors s'il te plaît, ne dis rien et essuies."

Elle enfonce ses mains dans l'eau du bac et je m'empresse d'essuyer ce qu'elle me tend. Nous prenons toutes deux notre temps, appréciant cet instant en dehors de notre quotidien. Un moment si doux et si simple.

Tony finit par sortir de la chambre et je l'autorise à profiter de sa mère le temps d'une matinée, le repas n'étant pas complexe à préparer.

Finalement, quand Cléo a fini de laver et moi d'essuyer, elle me propose de remonter sur le pont et de profiter de la brise marine pour respirer le grand air.

L'idée m'a réellement séduite et j'aurais aimé en profiter. Malheureusement pour moi, à peine sortie à la lumière et venant de remplir mes poumons d'air iodée, ma tête se met à tourner. La dernière image que j'ai est celle de Cléo se précipitant sur moi pour m'éviter une chute trop douloureuse.

Lorsque je les ouvre à nouveau, je constate que je suis allongée dans la cabine du capitaine, l'odeur des draps confirmant ma théorie. À mes côtés, Alicia se tient fièrement debout face à la rousse, peu handicapé par sa jambe de bois.

"Et voilà la princesse qui se réveille. Je ne peux pas te dire autre chose qu'un potentiel mal venant de l'Océan et de ses éléments. Du repos et ça ira vite mieux. Mon capitaine."

Elle salue sobrement Cléo et clopine jusqu'à la sortie, sous mon regard et celui de la rousse.

"Elle est née avec une jambe atrophiée et elle représente le parfait cliché du pirate. Mais j'ai confiance en son diagnostic. Alors, tant que tu continueras de vomir et de t'évanouir, tu resteras ici. Tony nous portera nos assiettes, remplies à parts égales. Tu seras vite requinquée."

Elle m'adresse un clin d'œil avant de s'asseoir derrière son bureau. Je l'observe peu discrètement, bien trop fascinée par cette femme que je ne parviens plus à suivre. Nous passons notre temps à nous disputer mais je sais que tout cela n'est, au fond, qu'une simple façade.

Je suis persuadée qu'en réalité, nous sommes l'une comme l'autre paniquée par la vie de bonheur et de combats qui pourraient nous attendre.

>>>🏴‍☠️<<<

Hey !

Petit oubli de publié hier mais il semblerait que@PatatasFritas19 m'ait fait perdre la notion du temps 🤪

Quoiqu'il en soit, je me rattrape maintenant. Il semblerait d'ailleurs qu'un rapprochement ait lieu entre les filles... Mais faut-il y croire ?

Vivement la semaine prochaine !😜 

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