Un miracle de Pâques
Mes heures de sommeil sacrifiées et ma tendance chronique au retard vous présentent ma contribution à ce recueil de Pâques ~
Ne m'en veuillez pas pour ce manque d'originalité qui me pousse à simplement vous souhaiter une bonne lecture, à l'heure où j'écris il est actuellement 2 h 04 :3
Ah oui, j'ai failli oublier, mais cet univers est similaire à celui du film d'animation Les Cinq Légendes (yep j'étais en panne d'inspi pour l'U.A mais chuuut 👀)
#Pika
- Je vais lui arracher les dents une par une et le condamner à manger du porridge pour le restant de ses jours ! ricana maléfiquement Chuuya, penché au-dessus du corps endormi de Francis Fitzegerarld.
Mais avant qu'il n'ait pu mettre son diabolique plan à exécution, une main se posa sur sa bouche, l'entraînant en arrière et l'empêchant de hurler. Se débattant de toutes ses forces, il ne se libéra que difficilement de l'emprise de son kidnappeur, et n'attendit pas de voir le visage de ce dernier pour se jeter sur lui et le plaquer au sol.
Un couteau sous la gorge, Dazai Osamu lui souriait de toutes ses dents blanches parfaitement alignées.
- Ohooh Chuu, toujours aussi fougueux à ce que je vois ? s'extasia le concerné avec un regard beaucoup trop lumineux, le plus naturellement du monde, comme si la situation était tout à fait normale.
Le rouquin sentit une rougeur malvenue colorer ses joues, et s'écarta du brun comme s'il avait été brûlé. Il ajusta son chapeau pour que les bords du couvre-chef projettent le plus d'ombre possible sur son visage, cependant il savait bien que cette stupide momie ambulante était beaucoup trop perspicace pour ne pas savoir la réaction que causaient ses mots.
Le concerné s'assit sur le plancher, époussetant son imperméable beige sans sembler se soucier de la marque laissée par l'avant-bras de Chuuya pressé contre son abdomen. À la lumière de la lune qui filtrait par la fenêtre, on aperçevait à intervalles réguliers les ailes diaphanes qui reposaient dans son dos. Les membranes translucides capturaient la lumière et reflétaient une myriade de couleurs. Chuuya serra les dents. Pourquoi devait-il avoir une apparence si tentante ?
Stupide fée ! Après tant de siècles, il réussissait encore l'exploit de lui courir sur les nerfs.
Leurs éternelles existences n'apaisaient pas la rivalité entre eux, née du fait de leurs caractères peu accordés mais aussi et surtout de leurs positions concurrentes en tant que ramasseurs de dents. Cependant, Chuuya mentirait s'il niait ne pas ressentir une certaine attirance pour son homologue anglophone. L'immortalité devait finir par avoir sa sanité d'esprit, après tout ce temps.
La source de tous les malheurs du pauvre rouquin, sûrement au courant du trouble qu'il causait si on en jugeait de par le sourire satisfait collé à son visage, jeta un coup d'œil vers le lit à baldaquin. L'imperturbable Francis dormait toujours, le nez enfoui sous les couvertures, inconscient de ce qui se déroulait à quelques mètres à peine de sa figure paisible. Il ignorait également de quelle panade Dazai venait de le tirer, pas par sympathie cependant car le brun devait bien avouer qu'il avait une sorte de fascination pour le côté plus sombre de Chuuya, qui ne ressortait que durant leurs querelles, et qu'il trouvait dangereusement sexy.
- Toujours bloqué sur ta vengeance ? demanda finalement la fée, nonchalamment, comme s'ils n'étaient pas en plein milieu de la chambre d'un mortel après avoir failli s'étriper sur un malentendu, et qu'il ne venait pas de presque kidnapper son collègue.
Chuuya tourna ses prunelles céruléennes vers lui, les iris brillants sous la lune. Il fronçait le nez sous les mèches rousses en bataille et l'ombre de son ridicule chapeau démodé depuis des siècles qu'il ne daignait pas lâcher. Tout de noir vêtu à l'exception de la sacoche usée qui recueillait les dents d'enfants, si les mortels avaient pu le voir sous cette forme, ils auraient cru à un cambriolage et cessé de se référer au rouquin comme "la petite souris".
- Arrête d'insinuer que c'est une revanche puérile, assena t-il en enfonçant les mains dans ses poches, signe qu'il laissait tomber sa garde ou bien qu'il se préparait à envoyer le coup de pied du siècle en plein entre ces charmants yeux dorés.
- Oh, mais je n'insinue rien voyons Chuuya, démentit le brun avec une pointe de malice et cette étincelle dans le regard qui ne trompait personne.
Le rouquin soupira, fit quelques pas sur le parquet pourtant vieux sans provoquer le moindre craquement, et finit par se planter de nouveau face à la fée. Il se massait le côté droit du visage d'un geste inconscient, peut-être ressentant encore les effets de la brusque intervention de Dazai quelques minutes plus tôt.
- Tu sais bien qu'à cause de lui ma légende a failli s'éteindre au profit de la tienne. Je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce, il faut bien qu'il apprenne que ce n'est pas parce qu'il peut nous voir qu'il a le droit d'influer sur nos existences, vociféra t-il d'une voix basse pleine de ressentiment, et pour cette fois son éternel rival laissa passer sans le taquiner.
Quelques années auparavant, suite à une propagande massive d'un simple mortel avec beaucoup de pouvoir sur ses semblables, la légende de la petite souris, contée dans les pays francophones et l'Italie, avait perdu de sa popularité auprès des enfants. Avec pour seul prétexte l'affreux goût vestimentaire de Chuuya, et bien que Dazai soit d'accord sur ce point, l'humain Francis Fitzgerald avait bien failli faire disparaître le rouquin.
Jouer avec l'existence de son collègue préféré n'était pas quelque chose que le brun pardonnait facilement, mais il n'avait eu d'autre choix que de mettre un terme à la vengeance du rouquin, sous ordre express de nulle autre que Kouyou Ozaki. On ne blaguait pas avec l'Ankou, aussi ne pouvait-il que s'incliner et transmettre la volonté de la si effrayante femme.
- Un autre jour je t'aurais sûrement aidé ma limace, mais on a une urgence, finit-il par lâcher, toujours aussi nonchalamment assis, alors qu'une lueur de curiosité s'allumait dans les prunelles azures de son collègue.
- Comment ça ? Explique ! commanda Chuuya en se détachant de la forme endormie de Francis, lui promettant silencieusement mille tortures.
Trop heureux de sentir toute l'attention du rouquin concentrée sur lui, chose qu'il adorait par dessus tout sans jamais l'avouer à quiconque, Dazai obéit à l'ordre sans même émettre de protestation quant au ton employé par celui qui avait l'apparence d'un homme. Il aurait tout le temps de le faire sortir de ses gonds plus tard.
- Je ne connais pas les détails, mais ça a un rapport avec Pâques. On a ordre de rassemblement chez Kouyou, expliqua la fée en faisant jouer entre ses doigts une boule à neige sans neige représentant un paysage valloné.
Chuuya leva un sourcil, perplexe, avant de froncer le nez, signe de son agaçement. Il autorisa un soupir à s'échapper de ses lèvres avant d'arracher l'objet des mains de Dazai, dont le sourire s'agrandit encore, et de le fracasser contre le sol. La chambre, le lit, Francis et la lune se mirent à tourbillonner tout autour d'eux, leurs yeux ne transmirent plus rien qu'un mélange flou de couleurs étranges, avant que tout ne se stabilise.
Plus de murs mais toujours la lune, le vent balayait l'endroit et emmêlait leurs cheveux. La main gantée de Chuuya maintenait sur sa tête le couvre-chef usé, et il inspirait à plein poumons l'air salin qui avait un goût familier. De l'herbe verte à perte de vue et du quartzite surgissant du sol était tout ce qu'ils pouvaient voir dans le sombre crépuscule qui tombait.
Dazai lui tendit sa main en silence, et le rouquin l'accepta en grimaçant. Le sol se déroba sous leurs pieds, mais ils ne poussèrent pas un cri, habitués depuis le temps qu'ils subissaient le sens de la mise en scène dramatique de l'Ankou.
Seules les ailes du brun, auquel Chuuya se cramponnait bien malgré lui, empêchèrent la chute qu'ils savaient violente pour l'avoir souvent expérimentée.
Kouyou les attendait en bas, faux sur l'épaule et rênes dans les mains. Elle ne prononça pas un mot quand ils atterrirent pêle-mêle dans l'arrière de son chariot, heureusement vide de toute âme, et lança son cheval noir au galop.
Roulant des yeux, Chuuya s'agrippa au bord pour ne pas tomber, et attrapa Dazai pour ne pas qu'il se jette de la cariole. Ça allait déjà être suffisamment pénible sans que le brun en rajoute, il le sentait.
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- Donc c'est juste pour ça ? Je traquais Fitzgerald depuis une éternité ! protesta Chuuya en montrant d'un large geste exaspéré du bras l'environnement qui les entourait.
Il sentait presque les cheveux de sa nuque se hérisser sous la frustration et l'agacement , comme le ferait le pelage d'un animal menaçant. Le ricanement léger de Dazai à ses côtés, qui flânait tranquillement sans se soucier plus que ça des priorités de leurs vies éternelles, n'aidait pas à apaiser ses nerfs.
Kouyou, debout immobile, imposante derrière la frêle silhouette de Kyoka, lui jeta un tel regard sans cependant se départir de son sourire aimable que le rouquin réfréna son envie de partir sur l'instant. Il ne faisait pas bon de s'opposer aux volontés du messager de la mort, surtout quand ce dernier arborait un si joli sourire.
Chuuya avait vu l'Ankou empiler des corps défigurés par la peste et faucher les âmes mortelles avec un tel visage. Autant dire qu'il n'était pas rassuré par l'expression avenante de l'une des Légendes les plus expérimentées de sa connaissance. Il devait même confier que cette joie le remplissait d'effroi, le contrecoup peut-être du traumatisme d'avoir passé ses premières années en tant que Légende sous l'aile d'Ozaki Kouyou
- Erhm... Je veux dire : tu es sûre que tu as besoin de notre aide ? se reprit le rouquin en faisant un effort pour améliorer son humeur, encouragé peu subtilement par l'ombre de l'Ankou qui s'étendait sur lui.
La question s'adressait à la fillette devant eux, le lapin de Pâques actuel, mais pas un son ne franchit ses lèvres. L'enfant le regarda de ses grands yeux bleu nuit et se contenta de hocher la tête, avant de désigner le panier dans ses mains, puis la carte du monde qui clignotait doucement sur les murs de la caverne.
Bon d'accord, ils étaient en manque d'effectifs la veille de Pâques, mais rien d'inhabituel. Les humains étaient trop nombreux pour eux ces derniers siècles, cela valait-il vraiment la peine de foutre en l'air son plan de vengeance parfaitement rôdé ?
Chuuya soupira en décroisant les bras. À l'instant où il avait vu la tête de Kyoka Izumi apparaître, il avait su au fond de lui que sa résolution à ne pas flancher cette fois ne tiendrait pas très longtemps. Il savait bien, pourtant, qu'à chaque distribution paniquée de Pâques, en dernière minute alors que l'aube se levait, il était toujours pairé avec Dazai pour cacher les œufs, et qu'il finissait toujours par le regretter amèrement.
L'année dernière, il s'était retrouvé couvert de peinture indélébile pendant au moins toute une saison, et les enfants, même sous sa métamorphose de souris, le prenaient pour une sorte de jouet à cause des couleurs surnaturelles de son pelage, qui lui collaient à la fourrure comme Dazai à ses semelles.
Mais qu'importe quelle torture la fée avait encore inventée cette année pour le faire sortir de ses gonds, une fois de plus il l'endurerait. Certes parce que Kouyou le lui ferait amèrement regretter s'il ne venait pas en aide à sa précieuse protégée, mais aussi et surtout parce qu'il était incapable de résister à ces yeux qui l'imploraient.
Oh, elle cachait bien son jeu, l'innocente enfant couvée du danger par l'Ankou. Chuuya savait que s'il réussissait à faire le tour du monde en une nuit pour récupérer des dents par simple esprit de compétion, la fillette avait toutes les capacités de faire de même en déposant des œufs. Pourtant, elle insistait presque chaque année maintenant depuis plusieurs décennies pour être aidée.
Sûrement pour le plaisir d'observer l'éternel échange de railleries et de coups bas entre son éternel rival et lui, après réflexion. Maintenant qu'il essayait de se remémorer, il se souvenait que les yeux de Kyoka brillaient particulièrement en découvrant son magnifique visage massacré par tout ce rose, l'an passé.
Chuuya frissonna. Le sadisme de cette gosse, tout compte fait, lui faisait peut-être presque plus peur que la silencieuse menace de Kouyou.
Le rouquin abandonna toute résistance à l'idée de courir les jardins dans la nuit en pointant vers la carte, résigné par l'habitude. Il n'essaya même pas d'éviter l'annuelle corvée de faire équipe avec Dazai, et le sourire de ce dernier s'agrandit discrètement à l'entente du pronom employé par son si prévisible partenaire.
- Très bien, où est-ce qu'on distribue alors cette fois ?
La fée des dents n'avait jamais vu de si grand sourire sur le visage du lapin de Pâques quand il leur annonça que leur destination n'était rien de moins que les Pays-Bas.
Il sentit ses propres lèvres s'étirer en réponse alors qu'il réprimait un rire, une rapide image de Chuuya au milieu de cet environnement construit pour des gens anormalement grands lui traversant l'esprit.
Oh, vraiment Pâques cette année promettait quelque chose de pour le moins... Divertissant !
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- Besoin d'aide ? Il doit y avoir des échasses quelque part dans cette ville, offrit, pas si angéliquement que son expression voulait le faire croire, la fée des dents à son coéquipier pour la nuit.
Sur la pointe des pieds, tentant sûrement de pousser de dix bons centimètres par la seule force de sa pensée si on se fiait à la teinte prise par ses joues, Chuuya Nakahara priait désespérement de réussir à atteindre une des étagères du kiosque à livres.
Le rouquin n'essaya même pas de s'épuiser à répondre à la provocation, passant directement à la phase d'agression alors qu'il lui lançait l'œuf qu'il espérait jusqu'alors cacher parmi les ouvrages. Le mouvement surprit le brun qui ne bougea pas assez vite et se retrouva avec un jaune d'œuf écrasé sur le front, le blanc gouttant lentement de son nez et son menton.
Peinant à croire ce qui venait de se passer, les deux légendes se fixèrent en chien de faïence pendant plusieurs longues secondes, avant d'éclater de rire, malheureusement pour les pauvres œufs de Pâques reposant dans leurs paniers, qui, bien qu'objets inanimés, frissonnèrent alors qu'ils sentaient leur dernière heure arriver.
Jouer avec la nourriture était peut-être mal, encore plus quand ladite nourriture se trouvait être un cadeau pour des milliers d'enfants au travers du monde, mais sur le moment personne en entendant leurs rires n'aurait eu le cœur de les arrêter.
Cependant, alors qu'ils roulaient sur le sol de façon très mature, Dazai avec un œuf dans la main qu'il planifiait d'écraser sur l'hideux couvre-chef du rouquin, et le jeune homme en question ayant abandonné leurs armes gluantes au profit du panier en osier, le soleil timide vint effleurer de sa lueur dorée leurs formes entremêlées.
Ils stoppèrent tout mouvement, comme figés par la lumière de l'aube. La réalisation du retard massif qu'ils avaient pris les heurta presque aussi brusquement que la réalisation de la proximité de leurs corps.
Les joues rosies et le souffle rendu court par leur lutte amicale, Chuuya enserrait de ses mains gantées les poignets de Dazai pour empêcher le brun de ruiner sa tenue, alors que ce dernier essayait de le maintenir au sol en pesant de tout son poids sur lui. La corolle de cheveux du rouquin paraissait flammes sur le pavé, contrastant avec sa peau pâle et ses yeux clairs.
La prise sur les avant-bras du brun faiblit considérablement alors que Chuuya laissait ses iris se fixer sur le visage de son partenaire, et sur l'expression qui commençait à y prendre place. Il retint avec peine une grimace à la vue de la familière lueur dans ces yeux sombres, qu'il ne connaissait que trop bien, comme il savait ce qui se passait, la même chose qu'à chaque Pâques lorsqu'au lieu de s'affronter pour des dents ils travaillaient côte à côte.
C'était tentant. Et mauvais. Mais tellement tentant.
Malgré ces identiques pensées qui résonnaient dans chacun de leurs esprits troublés, et comme à chaque Pâques, perpétuant une tradition jamais ne serait-ce que formulée, leurs visages s'approchèrent, doucement, aussi doucement que le soleil se levait, jusqu'à ce que la lumière ne puisse passer entre eux.
Ces foutus œufs pouvaient bien attendre quelques minutes après tout, au moins le temps qu'ils profitent de leur propre miracle de Pâques.
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