▪︎ CHAPITRE 40 ▪︎
- Madame ?
La voix de cette femme me ramène sur Terre.
- Oui, pardon.
- Ça fera 10 dollars s'il vous plaît.
Je lui donne l'argent nonchalamment, encore dans mes pensées. Je range ce que j'ai acheté dans mon tote bag puis sors du magasin. Le vent me cache la vision pendant quelques instants. Je marche sans savoir où je me rends. J'erre, espérant que tous mes problèmes disparaissent d'eux-mêmes.
Je me demande encore ce qui m'est passé par la tête quand je me suis inscrite à ce jeu. Je voulais du "piquant" dans ma vie. Mais ce que j'ai obtenu ce n'est pas du piquant, mais une mort certaine.
Peut-être que je fais fausse route, que j'exagère. Peut-être que je deviens aussi paranoïaque que Nina. Pourtant, il y a quelque chose au fond de moi qui me hurle de tout arrêter et de partir loin, très loin. Alors, pourquoi je n'y arrive pas ? Pourquoi est-ce que je ne suis pas capable d'abandonner ? Est-ce par peur des représailles ? Ou simplement parce que je ne veux pas que ça s'arrête ? C'est comme si je ne me connaissais plus moi-même. Comme si je ne savais pas qui j'étais. J'ai l'impression qu'ils ont fait de moi leur marionnette. Et d'un côté, j'y prends presque du plaisir. Je suis partagée entre 2 facettes de ma personnalité.
Et si... j'étais en fait folle ?
Je continue de marcher sans but. Sans faire attention, j'arrive devant le parc où j'ai rencontré pour la première fois Rouge Sensuel. Oui, je dois être folle pour avoir accepté de le rencontrer. Pour avoir accepté tout ça. Une personne raisonnable aurait arrêté depuis longtemps. Mais moi, même si j'ai terriblement peur, cette petite voix dans ma tête me dicte toujours de continuer. Et c'est ce que je fais. Plutôt que d'écouter mon instinct de survie, j'écoute la petite voix. Celle qui faut pourtant ne jamais écouter.
Parfois, j'ai envie de tout casser, de tout envoyer balader, jusqu'à me faire du mal. Mes émotions deviennent tellement fortes, tellement incontrôlables que je perds moi-même le contrôle. J'ai l'impression de devenir une loque qui continue à avancer seulement grâce à cette obsession. Celle de découvrir leur secret, le lien qui les unit. Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi cela m'obsède.
C'est comme si j'étais né pour ça. Comme si je n'avais que cet objectif dans la tête.
Je décide de rentrer dans le parc, à la recherche de la raison qui m'a amené à télécharger ce jeu et à y continuer malgré tous les red flags qui peu à peu se présentaient à moi. Je me souviens de cette soirée. La peur, l'excitation et l'impatience se mélangaient en moi. J'avais pour la première fois - et ce depuis longtemps - vraiment l'impression de vivre. J'étais vivante. Je ressentais un nombre incroyable d'émotions. Mais à ce moment-là, ce n'était que le début des ennuis. Je n'étais pas encore bien consciente des dangers et de ce dans quoi je m'embarquais.
Je reste un instant à l'endroit où Rouge Sensuel m'a embrassé par surprise. Je touche fébrilement mes lèvres. Je quitte le parc, sans un regard en arrière.
Je me rends ensuite dans le café où j'ai rencontré Nina. Je me souviens de l'angoisse qui la rongeait et qui la rendait si fatiguée. Elle semblait aussi paniquée que je le suis aujourd'hui. Après avoir payé, je prends mon thé et m'installe là où nous nous étions assises. J'avale une gorgée de ce liquide chaud et amer. Je ferme les yeux. Si je ne l'avais pas rencontrée, serait-elle encore vivante aujourd'hui ? Parfois, je me dis que c'est de ma faute. Parfois, je pense à elle avant de m'endormir. J'en fais des cauchemars. Sans l'avoir vu, mon cerveau imagine son corps pendue sans vie à une corde. Je me sens coupable, alors que je ne devrais pas. Qu'est ce que j'aurai pu faire ?
Je quitte le café et me rend à son immeuble, là où elle habitait. Le vent est fort alors j'essaye d'arranger mes cheveux mais rien n'y fait. Je ne peux pas me battre contre la nature. Pas plus que je ne peux battre mon obsession alors même que je suis consciente qu'elle m'emmène tout droit vers les enfers. J'entre dans l'immeuble et monte les escaliers comme ce jour où je cherchais son adresse. J'arrive devant sa porte. Cette fois-ci, elle est fermée à clé et semble toute neuve. Un nouveau locataire doit habiter ici maintenant. Je soupire. Pourquoi suis-je venue ici ? Je m'attendais à quoi au juste ? La voir débarquer ? C'est stupide. Je suis stupide. Tout ça est stupide.
Je claque ma langue sur mon palais, frustrée. J'enfouis mes mains dans les poches de mon manteau et repars vers les escaliers. J'ai un instant peur que sa voisine ouvre la porte et demande de mes nouvelles. Comment pourrais-je lui répondre ? J'en ai plein sur le cœur. Cela se voit sur mon visage. Je suis épuisée, je voudrais que tout s'arrête. Mais je continue, comme une forcenée. Je ne sais pas si c'est une qualité ou un énorme défaut chez moi. De toute façon, qui se soucie réellement de moi ?
Je pars ensuite vers la tour où j'ai rencontré Jaune Electrique. Après avoir franchi les portes, je me rends à l'ascenseur et appuie sur le bouton du dernier étage. L'ascenseur s'ouvre, j'arrive sur un espace de détente. J'ouvre la porte pour accéder au toit. Un grand souffle d'air me fouette le visage. Décidément, le vent ne veut pas me laisser tranquille aujourd'hui. Il fait un peu froid mais j'apprécie avant tout la vue qui s'offre à moi. Tout New York dans mes mains.
Est-ce pour ça que Jaune Eletcrique aime venir à cet endroit ? Dans tous les cas, c'est sa folie qui l'a amené à me donner rendez-vous ici. J'y reste un instant, simplement en appréciant le paysage, le ciel, l'ambiance. Il n'y a pas grand monde alors c'est plutôt calme. Je me remémore ce qui s'est passé ici. La peur, l'angoisse et la colère qu'il y avait en moi. J'étais terrifiée, pour moi et pour Nina. Je ne savais pas quoi faire. J'étais comme un oiseau en cage, terrifié de se faire manger par le chat mais incapable de s'envoler.
Dire que tout ça est un jeu pour eux...
- Jaune Electrique m'aurait surement répondu que la vie est un jeu, chuchoté-je amèrement à voix haute.
Je me stoppe immédiatement.
La vie est un jeu ?
Je sursaute en me rendant compte de mes paroles. Mais oui ! Quand j'y pense, tous les événements souvenirs avaient cette notion de cauchemar et autre réalité. On ne pouvait jamais deviner si tout était réel ou simplement un mauvais rêve. Ou bien... un jeu. Tout comme le titre de tout ceci "Evil Game", le jeu du diable.
D'événement en événement, j'ai fini par penser que tout ça était réel, que j'allais me faire tuer, que je courais un réel danger. Mais, si tout ce qui est arrivé est arrivé pour nous faire croire à un réel danger et nous rendre complètement fous, alors la réponse serait en fait plus simple que ce je pense. Si tout est une mise en scène, jusqu'à la disparition et le suicide (ou meurtre déguisé) de Nina, alors je me creuse bien trop la tête depuis longtemps. Pourquoi est-ce que je n'y ai pas pensé avant ? Je considérais tout ça presque comme la réalité, mais j'oubliais que j'étais dans un jeu. Bien qu'il ait lieu dans la réalité, Evil Game reste un jeu. Je dois me calmer. Le but est simplement de donner l'impression au joueur que le danger est réel pour qu'il finisse par abandonner. Nina serait donc dans le coup et sa voisine aussi. C'est pour ça que depuis le début je trouve cela beaucoup trop aberrant pour que ce soit réellement vrai.
D'accord, je dois déstresser un peu maintenant que j'ai relativisé. Il faut que j'essaye de me mettre dans la peau de ces fous qui ont créé ce jeu et qui mènent les joueurs et joueuses à la baguette. Moi, ils ne m'auront pas. Je résisterai jusqu'au bout. Personne n'aurait encore découvert le lien qui les unit - et donc terminer le jeu -, mais ça, c'est ce qu'ils disent. Rien ne me dit que c'est vrai.
Quel est leur objectif ? Il y a forcément un but à tout ça. Et c'est peut être la réponse que je cherche. Je vois bien qu'ils ne font pas ça que par plaisir, il y a un réel sens. Il me reste désormais à le trouver. Je n'ai plus beaucoup de temps, et surtout, il ne me reste plus qu'une hypothèse. Je n'ai plus que deux semaines devant moi.
Peut-être que lui pourrait m'éclaircir un peu... il a toujours été un peu à part. D'ailleurs, en y pensant, je ne l'ai encore jamais rencontrée. Il serait peut-être temps. C'est ma dernière chance de peut-être retourner le jeu en ma faveur.
J'allume mon portable et appuie sur l'icône de l'application.
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Eɴᴠᴏʏᴇʀ ᴜɴ ᴍᴇssᴀɢᴇ ᴀ̀ :
-> ɴᴏɪʀ ᴛᴇɴᴇʙʀᴇ.
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| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
On peut parler ? J'ai plusieurs choses à te dire.
*Désolée pour le retard snif.
J'espère que le chapitre vous a plu !
Plus que 6 chapitres 😚
Merci de toujours me lire <3*
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