▪︎ CHAPITRE 32 ▪︎
- Excusez moi, c'est bien ici la résidence des **** ?
- Oui, grommelle le vieux monsieur visiblement pressé.
Ce dernier, protégé par son parapluie s'éloigne au loin, me laissant seule avec cette réponse. Je n'ai même pas le temps de lui poser ma deuxième question. Je lève le regard vers le ciel. Il se met à gronder. Il pleure. Je n'ai pas pensé à prendre de parapluie alors mes cheveux tout trempés et mes vêtements me donnent mauvaise allure.
Mais ce n'est pas grave, cela me fait du bien, de la pluie sur mon visage.
Sentir que je suis bien vivante.
Cela fait déjà quelques jours que je cherche où réside Nina, l'ancienne joueuse que j'avais réussi à rencontrer. Depuis que Jaune Électrique l'a kidnappé dans le café je n'ai plus jamais eu de nouvelles. Les maîtres du jeu m'ont pourtant assurés qu'ils l'avaient déposé chez elle mais je ne leur fait pas confiance. Je ne suis pas aussi folle.
Ce qui m'effraie le plus, c'est que tous ses réseaux sociaux, nos messages et même son numéro de téléphone ont disparu. Elle est injoignable, partout, et petit à petit toute trace d'elle disparaît.
C'est comme si... elle avait totalement disparue de ce monde.
Comme si elle n'en avait même jamais fait partie.
Un frisson d'horreur me parcourt. Qui sait ce qu'ils lui ont fait. Je me fais peut-être des idées, qui sait. Après tout, ils ne semblent pas à première vue être de parfaits tueurs en série.
Cependant, on ne connaît jamais vraiment les gens.
Il est déjà difficile de se connaître soi-même, alors les autres... cela relève du miracle.
On a tous une part d'ombre, elle est inévitable et il faut savoir l'accepter.
Je ne peux m'empêcher de penser que la leur est encore plus grande que le néant lui-même. Cela m'effraie de m'imaginer qu'elle est peut-être morte à l'heure qu'il est. Mais, au final, ce qui m'effraie le plus...
... c'est de savoir que même en connaissance de cause, il m'est impossible d'abandonner.
Car oui, ils sont devenus une véritable obsession. Plus que ça, le jeu est devenu ma raison de vivre. Mon souffle de vie. C'est plus fort que moi, je me dois de percer à jour leurs secrets. Je ne peux plus m'arrêter. Je ne saurai expliquer d'où vient cette obsession, mais elle est désormais là, et je ne peux pas m'en séparer.
Alors, même en sachant que Nina n'est peut-être déjà plus de ce monde, je continue.
Encore, et encore, et encore à jouer.
À ce jeu terriblement malsain.
Ils ont tentés de me prévenir, surtout Noir Ténébère. Mais je ne l'ai pas écouté. J'ai fait la sourde oreille.
Un sourire amer se dessine sur mes lèvres. A vrai dire, je ne sais même pas si je le regrette.
Je lève ma main pour recueillir quelques gouttes de pluie dans ma paume. Tout en fermant les yeux, je passe mes doigts dans mes cheveux humides, je les rouvre quelques secondes plus tard en fixant la porte d'entrée.
Bon, il est temps d'y aller.
Je dois savoir si les gens d'ici connaissent Nina. Heureusement pour moi, j'ai réussi à obtenir une photo d'elle sur son Instagram avant qu'il ne disparaisse.
J'ai un regard mélancolique sur cette dernière. Elle semblait pleine de vie et si joyeuse sur cette photo. Quand je l'ai vu, on aurait dit qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.
J'ai longuement réfléchi si je devais aller ou non prévenir la police de sa disparition. Cependant, je n'y ai vu presque que des points négatifs. Tout d'abord, je ne connais pas réellement Nina, comment justifier que j'étais avec elle le dernier jour où je l'ai aperçu ? Qu'en sera-t-il du jeu ? Que feront les trois maîtres s'ils l'apprennent ?
Trop de risques, et je n'ai pas le luxe d'en prendre autant.
Après tout, il ne me reste que deux hypothèses à émettre. Deux chances.
La plus grande question reste : que se passera-t-il si j'échoue à ma dernière chance ?
Je prends quelques secondes, puis me décide enfin à monter les escaliers. Je m'arrête au premier étage et spécifiquement devant la première porte que je vois. Je baisse mon propre regard un instant pour voir si je suis présentable. Bon, pas vraiment. Il faudra que j'aille m'acheter un parapluie après.
Je toque. Une dame d'une quarantaine d'années m'ouvre. Elle me scrute de haut en bas pendant de courtes secondes (voyant sans doute à quel point la pluie ne m'a pas raté).
- Bonjour, excusez-moi de vous déranger. Je cherche une amie prénommée Nina, je lui montre la photo, est ce que vous savez si elle habite ici ? Si c'est le cas, l'avez-vous vu ces derniers jours ?
Elle prend un instant pour regarder la photo puis relève son regard pour le porter sur moi. Elle a de très beaux yeux bleus. Un rictus apparaît sur ses lèvres.
- Oui, cette jeune demoiselle, je la connais bien. Nous étions voisines de pallier.
J'émets un soupir de soulagement. Enfin je trouve où elle habite après les dizaines et dizaines de bâtiments que j'ai visité.
- Super, la remercié-je, est-ce que vous l'avez-vu ces derniers jours ?
Cette fois, c'est un regard triste qui dessine son visage.
- Cela doit faire au moins une semaine si ce n'est pas deux que je ne l'ai pas vu.
Cela concorde avec notre rendez-vous.
- Cela m'inquiète, continue-t-elle, nous nous croisions beaucoup avant, elle est même venue garder mes enfants une fois. Mais depuis quelque temps elle avait changé, elle était comme...
Elle prend un instant pour trouver les bons mots.
- ... absente, finit-elle sombrement.
- Est-ce qu'elle vous a parlé d'un certain jeu ?
- Non, juste qu'elle était occupée avec quelque chose. Mais je ne sais pas ce dont il s'agit.
- Bien, merci quand même.
Avant que je ne parte, la dame me demande, inquiète :
- Elle va bien ?
Je prends un instant pour lui répondre, hésitant entre mensonge ou vérité.
- Je ne sais pas...
Et c'est bien là tout le problème.
Je hoche la tête, attristée, puis descends les escaliers, tête baissée.
Ce n'est pas une bonne nouvelle. Si elle ne l'a pas revu depuis notre rendez-vous, il est fort probable que Jaune Electrique ne l'ai jamais déposé chez elle. Je jure instantanément. J'ai été sotte d'avoir cru Noir Ténèbre. Je ne peux évidemment pas leur faire confiance, que croyais-je ?
La seule personne qui sera peut-être à même de me répondre avec honnêteté... c'est Rouge Sensuel.
Je ne lui ai pas parlé depuis notre rendez-vous au parc. Il est temps d'être honnête avec moi-même. Si je le fuyais, c'est parce qu'en réalité il m'attirait, mais tout comme il me faisait peur. C'était un mélange de sentiment extrêmement déroutant. Je sentais que quelque chose n'allait pas chez lui quand je l'ai rencontré au parc. Pourtant, j'ai eu du mal à me défaire de son emprise. Je pouvais sentir dans sa voix sa folie se mélanger à ses paroles. Et malheureusement, ça me séduisait presque.
Peu importe. Si je veux découvrir ce qui est réellement arrivé à Nina, je dois lui parler.
Je dois découvrir si elle est encore en vie.
Je me dirige rapidement vers la station de métro la plus proche. La pluie tombe toujours à grosses gouttes. Ça ne sert plus à rien de m'acheter un parapluie vu comment je suis trempée. Je descends les escaliers et m'engouffre dans la station. J'accélère le pas, le cœur rapide, presque anxieuse au fait d'être probablement suivie. On ne sait jamais avec eux. Qui sait, tous ces gens qui passent, parmi eux se trouve peut-être l'un des maîtres du jeu ?
Je m'arrête tout d'un coup, prenant conscience de mes propres pensées. Ça y est.
Je comprends mieux ce que ressentait Nina...
J'ai un sourire amer, un rire sort de ma bouche.
Même avec ce sentiment de danger, je ne peux m'empêcher de trouver ça... captivant. C'est délicieusement imprudent de ma part. On dirait que je vis désormais pour cette touche de dangerosité. Elle m'apporte de l'anxiété, presque de la tristesse, mais également de l'adrénaline.
J'ai enfin l'impression d'être vivante. D'avoir des sentiments. De pouvoir ressentir pleinement toutes ces émotions
Cette foutue obsession finira par me tuer...
Je secoue la tête et continue ma route. Plus loin, je m'assois sur un banc et attends la ligne de métro que je suis censée prendre pour rentrer chez moi. Au moins, ici, je suis à l'abri de la pluie. Je regarde les caméras et les gens autour de moi. Si quelque chose m'arrive, je devrai être capable de m'en sortir, ou au moins d'avoir des témoins. C'est rassurant dans un certain sens.
Mon métro arrive. Je me lève et entre dans ce dernier. Je m'assois sur un des sièges en mousse.
Bon, il est l'heure.
J'ouvre l'application et tape sur la messagerie
──────────⊱◈◈◈⊰──────────
Eɴᴠᴏʏᴇʀ ᴜɴ ᴍᴇssᴀɢᴇ ᴀ :
-> ROUGE SENSUEL
NOIR TENEBRE
JAUNE ÉLECTRIQUE
─────────⊱◈◈◈⊰──────────
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Il faut qu'on parle.
Je referme l'application et attends impatiemment une réponse. Pour patienter, je décide de porter mes écouteurs à mes oreilles et de me relaxer un peu avec de la musique. Ma tête me fait mal, je ne dors pas bien ces derniers temps. Tout ça se répercute sur ma santé.
Après quelques minutes, la notification que j'attendais est enfin là.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Ma très chère Lily, que tu m'avais manqué. Pourquoi ne m'as-tu pas contacté avant ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Je ne rigole pas.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Bien, bien. Que me vaut l'honneur honney ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
J'ai besoin que tu me dises la vérité
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Au sujet de quoi ~ ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
De qui, plutôt.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Ooooh je vois de qui tu veux parler, Nina ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
C'est bien ça. Je veux savoir si cette dernière est encore en vie.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Pourquoi je t'aiderai à savoir ce qu'elle est devenue ? Pourquoi me ferais-tu confiance ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Je pressens que Jaune Électrique et Noir Ténèbre m'ont mentis. Il n'y a plus que toi, et quelque chose me dit que tu es le plus honnête des trois. Ne me demande pas pourquoi, c'est un ressenti, je ne saurai pas l'expliquer en détail. Peut-être que ta folie y est pour quelque chose.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Hahaha, ma chère Lily, que je t'adore. Tu es vraiment une joueuse fantastique. La plus belle et la plus douée d'entre toutes et tous.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
C'est d'accord.... Mais pas sans quelque chose de ta part ~
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
C'était évident. Que veux-tu ?
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Je veux une faveur de ta part. Une vraiment particulière.
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Dit moi, sait-on jamais.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Lorsque tu arriveras à la fin du jeu, et je suis sûr que tu y arriveras, accorde moi une danse dans un beau jardin.
Qu'est ce que ? Ça sent le piège à plein nez, alors pourquoi mon cœur s'emballe-t-il ? Serait-ce parce que la fin du jeu que j'avais imaginé, celle lors d'un grand bal, en dansant, masques sur le visage a des chances d'arriver ?
Je réfléchis un instant mais au final, mon cœur finit par répondre de lui-même, comme envoûtée.
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
C'est d'accord.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
c'est vrai ?!
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Eh bien, oui, puisque je te le dis.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
De mieux en mieux, tu ne cesseras de m'étonner. Je ne pensais pas que tu allais accepter aussi facilement. Dis-moi, es-tu tombée dans l'obsession malsaine de ce jeu ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Je te demande pardon ?
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Haha, pas la peine de me répondre, je connais déjà la réponse.
Cette personne est si... imprévisible, incompréhensible, perturbante, alors pourquoi m'intéresse-t-elle autant ? J'ai envie d'en connaître toujours plus, d'étudier les moindres paroles qui sortent de sa bouche. Comme si elle était si fascinante.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
C'est donc marché conclu. Cependant...
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Punaise, le cependant n'était pas mentionné.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Oh, ne t'inquiètes pas ce n'est rien~ Je vais te donner la réponse à ta question, mais sous forme d'énigme.
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Evidemment, cela aurait été trop beau.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Autre point, tu devras te contenter de cette réponse. Et tu ne pourras plus jamais me demander quoi que ce soit à son sujet. C'est compris ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Entendu.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Bien, je t'envoie l'énigme. Tu verras, ce ne sera pas très compliqué, je l'ai facilité rien que pour toi babe ~
Ces surnoms m'exaspèrent.
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Arrête de m'appeler comme ça.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Haha ! Comment voudrais-tu que je t'appelle alors ~ ?
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Tout sauf babe, honney, baby ou dans le genre
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
mmmh, laisse moi quelques secondes.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
J'ai trouvé ~~
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Je t'en prie.
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Mon obsession.
Quoi ? Attendez. Serait-il-
| ᎡϴႮᏀᎬ ՏᎬΝՏႮᎬᏞ :
Sur ce, je te laisse avec l'énigme, ma belle Lily ~. Porte toi bien.
| ᏞᏆᏞᎽ ᎡᎪᏙᎬ :
Non, attends !
〘 ʀᴏᴜɢᴇ sᴇɴsᴜᴇʟ
s'ᴇsᴛ ᴅᴇᴄᴏɴɴᴇᴄᴛᴇ. 〙
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
« Merde ! » Je hurle en cognant sur le siège de métro. Je jure quelques secondes, cet imbécile s'est enfui.
Son surnom m'a vraiment perturbé car je me suis moi-même avoué que j'étais obsédée par leur jeu. Alors, vient-il de faire de même en m'avouant son obsession ?
« Raaaaah » grogné-je en me prenant la tête dans la main. Je suis fatiguée de me poser des question, encore et encore sans n'avoir jamais de réponses concrètes.
Mon téléphone vibre, une notification du jeu apparaît. C'est l'heure.
──────────⊱◈◈◈⊰──────────
⚠️ A T T E N T I O N ⚠️
『 Rᴏᴜɢᴇ Sᴇɴsᴜᴇʟ ᴠᴏᴜs ᴀ ᴇɴᴠᴏʏᴇ́ ᴜɴᴇ ᴇ́ɴɪɢᴍᴇ. 』
Oᴜᴠʀɪʀ ?
-> Oᴜɪ.
-> Nᴏɴ.
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La lune et le soleil
La vie et la mort
L'apesanteur et la gravité
La terre et le ciel
Le désert et la mer
La vérité ou le mensonge
Le cauchemar ou le rêve
La lumière ou les ténèbres
À toi de décider.
Réponse :
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