2. P.R.I.N.C.E
Luhan regardait attentivement les lignes d'un des nombreux exercices qu'il devait rendre en fin de semaine. D'ordinaire il n'avait aucun problème à se concentrer et arrivait plutôt bien à effectuer le travail demandé. Cependant, aujourd'hui il était en train de réviser chez Sehun et ça, ça le déconcentrait complètement. Il ne pouvait s'empêcher de laisser traîner un regard curieux dans le spacieux appartement qui différait en tout point du sien.
Il secoua silencieusement de la tête et se replongea dans son étude de cas. Il se sentait bien, son arrivée sur la Terre du Milieu s'était soldée sans encombre, son apprentissage à l'université suivait son cours sans trop de grabuge et il découvrait Séoul avec beaucoup d'émerveillement. Sehun avait été très bienveillant avec lui, ils étaient comme les doigts de la main désormais.
Le noiraud était installé à son bureau tandis que Luhan s'était assis à sa grande table. Tous deux aimaient travailler dans le silence, casque de coincé sur les oreilles avec un bruit blanc continu. Les minutes qui suivirent, furent longues pour le brunet qui tentait vainement de reprendre concentration. Rien à faire, il avait complètement décroché. Il lâcha son stylo et s'étira sur le dossier de la chaise, ça lui fit un bien fou.
Machinalement, son regard tomba sur son carnet de notes qui lui faisait de l'œil. Sagement rangé dans son sac, Luhan pouvait en apercevoir la couverture et l'irrésistible besoin d'écrire dedans le poussa à se pencher et attraper le cahier. Il vérifia que Sehun ne regardait pas dans sa direction et s'empressa de l'ouvrir pour y coucher ses réflexions. Il avait la tête bouillonnante d'idées. Stylo de coincé entre les doigts, il commença par relire lentement ses notes récentes. Son arrivée en Terre Neutre était bien plus intéressante qu'il ne l'avait pensé, il avait déjà fini deux manuscrits complets et ne cessait de poser l'encre sur feuille.
L'Homme est quelque chose d'étrange et de curieux, il est imprévisible et résulte d'un mélange d'attitudes et de réactions. Il est impossible d'anticiper ses actions. Il est facile cependant de déceler ce qui les énerve ou les amuse, mais tout devient plus compliqué lorsqu'ils sont blessés ou vexés, là le mensonge et le masque deviennent leur arme favorite. C'est une créature fascinante.
Ses observations étaient bien plus complètes et précises, il prenait grand plaisir à détailler chaque geste de la masse mortelle. Sa relation avec Sehun avait aussi évolué, bien que stagnante malgré elle. Après leur rencontre hasardeuse dans les couloirs de l'université, ils avaient été étonnés de se retrouver dans les mêmes cours. Enfin, Luhan surtout. Ils étaient passés d'inconnus à amis, le brunet n'était plus gêné devant lui, il avait réussi à passer au-dessus de la timidité qui avait inondé son corps lors de leurs premières interactions.
Il y avait aussi ce curieux sentiment à chaque fois qu'il était aux côtés du noiraud. Une impression qui lui hurlait de fuir puis qui, quelques secondes plus tard, lui demandait de ne plus jamais se séparer de lui. C'était une attraction étrange, quelque chose que Luhan s'efforçait d'oublier pendant ses journées. Seulement, une frontière demeurait entre eux. Et Luhan en savait l'origine : son carnet, ses observations et le long secret qu'il cachait derrière son existence. Jamais il n'avait pensé culpabiliser d'être un ange.
Aujourd'hui pourtant c'est ce qu'il faisait, salissant volontairement les bases mêmes requises pour une amitié saine. Il mentait quotidiennement, s'intoxiquait les pores du personnage qu'il s'était tant entrainé à interpréter. Il en allait même à littéralement étudier son ami alors qu'ils étaient supposés préparer un TD. Il releva la tête une seconde fois, vérifiant que Sehun ne l'observait pas. Heureusement pour lui, le noiraud était très concentré.
C'était comme tomber dans son propre piège, mais il avait juré ne jamais révéler son identité. Il endurerait l'inconfort de leur relation aussi longtemps que possible. Jamais il ne laisserait Sehun découvrir ses recherches ou le monde duquel il venait.
L'Homme est la représentation même de l'entre deux. Mené par le Bien et le Mal, ils peuvent être gentillets comme méprisables. Sympathiques et chaleureux, mais impitoyables lorsqu'ils font face à une personne qu'ils n'apprécient pas. Entraide, découverte, partage, art... Tant de qualités qui les unissent, ternies par leur capacité impitoyable à détruire. Le pouvoir des langues est puissant dans ce monde.
Deux mains se posèrent soudainement sur ses épaules, Luhan sursauta et ferma rapidement son carnet. En vitesse, il se retournait pour poser ses prunelles écarquillées sur le visage fier et amusé de son ami :
– Ça te dit une petite pause ? demanda Sehun en tirant une chaise. Je ne t'entendais plus écrire et je t'avoue que je commençais à perdre espoir sur cet exercice.
Il pointa du doigt une feuille qui traînait sur la table et la saisit :
– Ça ne te dérange pas si je lis ce que tu as fait ?
Luhan secoua un peu trop rapidement la tête. Ses doigts serraient fortement la couverture en cuir de son précieux manuscrit, quel idiot ! Jamais il n'aurait dû se croire suffisamment en sécurité pour le sortir !
Sehun plissa les yeux. Le brun n'était pas très adroit, son malaise était détectable à des kilomètres. Il ne releva cependant rien et se contenta d'écouter attentivement les explications de Luhan qui avait abordé l'exercice d'une façon bien différente de la sienne.
Ils discutèrent une bonne dizaine de minutes avant que Sehun ne se lève subitement, au plus grand bonheur de Luhan :
– Tu veux boires un truc ? questionna le plus grand en se dirigeant lascivement vers son frigidaire.
Luhan répondit à moitié, ramassant ses feuilles volantes en vitesse. Son coude cogna dans le carnet qu'il avait laissé sur le côté. Le manuscrit s'écrasa aux pieds de Sehun en un bruit sourd et le noiraud le ramassa aussitôt.
Horrifié, Luhan le regarda faire, avec de grands yeux qui trahissaient toute sa terreur, des sueurs froides glissaient déjà dans son dos : Sehun avait le regard fixé sur la couverture de son carnet d'études. La couverture affichait des inscriptions en langue que seuls les anges savaient comprendre, une sorte de dialecte confidentiel.
Le noiraud lui tendit le cahier, un grand sourire releva les commissures de ses lèvres :
– Tiens, tu l'as fait tomber.
♦♦♦
Sous la pluie, avançait un jeune homme sans but précis. Il se contentait de marcher dans les rues assombries par l'orage. Séoul n'était plus qu'une ville fantôme où les ombres noires couraient sur les dalles lisses pour chercher refuge. Plongé dans ses pensées, il faisait au mieux pour vider complètement son esprit troublé.
Ces derniers jours avaient été rudes.
Se mordant songeusement la lèvre inférieure, il martelait le sol de son pas pressant, ruinant ses chaussures dans les plaques d'eau. De longs ruisseaux se formaient sur les routes et traçaient d'interminables chemins sur le goudron terni de pollution. Il n'avait pas pris le temps de rabattre sa capuche sur sa tête, à quoi bon ? Tout ce qu'il souhaitait c'était disparaître quelques instants, loin des tourments qui l'habitaient chaque jour.
Les gouttes d'eau furent vite remplacées par des torrents de pluie. Les grondements de tonnerre, quant à eux, se faisaient plus brusques. Mais rien ne pressait le jeune homme dont le haut lui collait désormais au corps, en guise de seconde peau.
Il voulait oublier qui il était, ce qu'il était.
Instinctivement, il s'enfonçait toujours plus dans les ruelles étroites de la capitale sud-coréenne. Un besoin insoutenable de solitude lui brûlait les tripes. Plus il étouffait et plus il rejoignait les ruelles aux diamètres réduits, se sentir étriqué le rassurant.
Chaque être renferme un secret.
Après plusieurs dizaines de minutes à avancer sans regarder face à lui, il relevait la tête pour contempler le ciel. Ses cheveux d'ébène collaient à son visage et ses baskets couinaient à cause de l'eau, il ne devait pas avoir fière allure. L'air se tendit brusquement, le faisant s'arrêter quelques secondes. Du coin de l'œil, il remarqua le clignotement irrégulier des lampadaires au-dessus de sa tête.
La pluie doubla en volume et les nuages noirs couvrirent plus intensément le ciel. Un frisson lui prit l'échine et c'est seulement à cet instant qu'il se mit à comprendre. Un nouvel éclair déchirait le ciel, les pulsations de son cœur s'emballèrent subitement, la signification de cet orage venait de prendre un tout nouveau sens.
Il se mit à courir, cherchant un abri, quelque chose qui le dissimulerait dans l'ombre. Personne, absolument personne, ne devait être spectateur de ce qui allait se passer. Il accéléra et s'engouffra dans des ruelles toujours plus reculées. Mais il était trop tard, il le savait.
Il n'hésita pas une seconde et se précipita dans une impasse sombre et mal éclairée, dans un angle de rue bien excentré du cœur de Séoul. Il n'avait plus le temps de réfléchir, il devait juste se cacher. Arrivé face au mur du fond de la ruelle, il déglutit. Impossible de faire demi-tour, tout se jouerait ici. Un sourire lui tordit les lèvres, il posait son poing contre la façade d'un mur.
– Je suis dans une sacrée merde, souffla-t-il avant d'entendre des pas s'arrêter dans son dos.
Personne ne peut échapper à son destin. Encore moins toi.
Un rire répondit à ses craintes, un rire qui le fit frissonner de la tête aux pieds. Il se tourna malgré tout, il avait décidé de faire face à ce qui se glissait dans l'ombre du lampadaire grésillant de l'allée noire. Un éclair fendit le ciel, révélant l'ombre d'une créature qui n'avait rien d'humain, tapie dans l'obscurité opaque de la nuit tempétueuse.
– Je savais que tu me suivais, lâchait-il avec nonchalance.
Il n'avait pas encore identifié le nouveau venu, mais comptait bien utiliser la carte de l'insolence pour se protéger.
Dans l'ombre, il ne distinguait que le sourire carnassier de la créature. Un nouveau rire répondit à son exclamation et une longue queue, vêtue de poils noirs et au bout écailleux, dansa sous la lumière du lampadaire. Son regard sanglant traversait l'obscurité de la ruelle.
En une fraction de secondes le jeune homme se faisait saisir la gorge et plaquer contre le mur devant lequel il avait arrêté sa course effrénée. Son cri mourut dans sa gorge tandis qu'il grognait de douleur sous le claquement de son dos contre la brique froide.
Jamais un mortel normalement constitué n'aurait pu encaisser un tel choc.
Un souffle rauque s'échoua contre ses lèvres, il ne ferma pas les yeux une seule seconde, défiant son agresseur du regard. La chose était bien plus grande et imposante que lui, il ne pouvait pas vraiment lutter. Ses longs bras gisaient déjà autour de ses hanches, sa queue s'était enroulée autour de l'une de ses jambes et son visage aux lèvres déchirées par des crocs acérés se rapprochait inévitablement des siennes. Il ne l'en empêcha aucunement, au contraire, il lui attrapa sans vergogne la corne et attira son visage au sien. Ses cheveux trempés lui barraient la vue mais rien ne l'empêcherait de reconnaître le démon qui se tenait devant lui.
– Vous n'avez pas changé, souffla la créature dans le silence de l'orage.
Il appuya délicieusement ses lèvres contre celles du jeune homme trempé jusqu'aux os. Ses dents pointues fendirent celles de l'humain mais l'ébène ne broncha pas, il glissa même ses mains dans ses cheveux pour mieux le coller à lui. L'embrassade fut longue et la lueur pécheresse dans les yeux du démon s'intensifia chaque seconde. Le noiraud enroula ses jambes autour des hanches du démon et répondit goulûment à la caresse de ses lèvres sanguinolentes.
– J'aimerai vous embrasser encore et encore, vous m'avez tant manqué Maître.
Un sourire carnassier dévoila les dents blanches de l'ébène qui avait passé sa soirée sous la pluie. Il y a bien longtemps qu'un tel sentiment n'avait pas fait vibrer ses chaires. Il se pencha contre la nuque de la créature et y déposa une cascade de vertigineux baisers glacés. Le démon frémit entre ses doigts, et contre sa bouche, leurs corps se rapprochaient toujours plus.
La chose se recula subitement, un hoquet de douleur venait de violemment le prendre. Dans un sursaut, il croisait le regard d'or de l'humain qu'il avait pourchassé sous la pluie. La peur lui enserra la gorge, et sans prévenir, le jeune homme enfonçait violemment ses dents dans sa nuque. Un hurlement de terreur franchit ses lèvres rougies aux baisers, il se terra dans l'ombre, pestant des insultes dans une langue que le presque humain n'avait pas entendu depuis des années.
Dans l'obscurité de la ruelle, le démon poussait des gémissements plaintifs et souffrants. Ses ailes lui rentrèrent dans le dos, déchirant sa chair. Il y avait du sang sur les murs et le sol. Sa queue et ses cornes firent de même, il avait les yeux révulsés de douleur. C'était insupportable, comme si l'entièreté de son corps s'effondrait sur lui-même. La chose tomba à genoux, elle hurlait au martyr tout en tirant sur ses cheveux comme pour les arracher. Il pleurait la perte de ses attributs naturels.
De longues larmes glissaient sur son visage, il se releva en chancelant. Le corps plié de douleur, il s'appuya avec difficulté contre une gouttière qui longeait le mur et se mit à frissonner sous la fine pluie.
– Ravi de te revoir Park Chanyeol, mon serviteur le plus dévoué, meilleur ami ainsi qu'incarnation du péché de la Luxure.
Il tendit la main en direction du démon. Mais la créature n'avait pas eu l'air d'apprécier son traitement d'accueil. Il lui cracha au visage. Il ne pouvait pas faire grand-chose d'autre, il n'avait plus rien de magique avec lui. Il avait tout perdu.
– Que m'avez-vous fait ? s'étranglait de rage le démon, enfermé dans l'enveloppe d'un jeune homme mortel.
– Je t'ai donné la forme que tu devras adopter dans ce monde.
Il s'approcha avec une démarche dansante, bien heureux de retrouver un semblant de chez lui. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas croisé un visage des Enfers.
Toujours appuyé contre la gouttière, Chanyeol le tua du regard.
– Tu sais très bien que tu n'as pas le droit de m'embrasser, répliqua le jeune homme sans jamais être impressionné par l'aura meurtrière de la créature. Considère cette forme comme mon châtiment.
– Vous savez pertinemment que je n'étais pas moi-même. Mon péché est capricieux.
– Tu as désobéi, c'est tout ce que je retiens.
Chanyeol poussa un juron mais ne rechigna pas. Au-dessus de leur tête, une corde à linge avec des vêtements pendus qui prenaient l'eau. Il n'hésita pas, attrapant des morceaux de tissus qui ressemblaient à ceux de son maître. Il était nu et l'orage commençait à lui ronger les os. Il grimaça, quel froid de chien !
– Qui t'envoie ici ?
– Votre père.
– Il ne perd pas de temps.
– Voilà déjà trois siècles qu'il vous cherche, je pense qu'il a perdu bien assez de temps.
L'ébène hocha de la tête, s'approchant de Chanyeol pour l'aider à enfiler un des vêtements volés.
– Je vous pensais plus impressionnant sous forme humaine, grommela le démon camouflé en remuant sur ses nouvelles jambes. Ne me dites pas que je ressemble également à une asperge !
– Quelle est la vraie raison de ta venue ici ? menaça le presque humain en attrapant Chanyeol par le col.
Il n'avait pas l'air de rire. Bien au contraire. Il n'offrit pas l'opportunité à son ami de prendre confiance, ici c'était lui qui commandait avec ou sans ses attributs magiques.
Chanyeol déglutit devant le regard intransigeant que l'ébène posait sur lui.
– Je ne sais vraiment ce que je fais ici. Je me contente de suivre les ordres.
– Suis-moi, je vais te loger le temps que tu t'habitues à ce monde.
– Bien, Maître.
Il fit même une révérence, s'attirant un regard foudroyant.
Chanyeol leva les mains au-dessus de sa tête et s'exclama d'un ton défensif :
– Ne m'attaquez pas, je pensais qu'il serait préférable que je montre poli le jours de nos retrouvailles !
– En m'embrassant et me vouvoyant à outrance ? le noiraud haussa un sourcil.
Il glissa ses mains dans ses poches et avança vers la sortie de l'impasse, le démon camouflé sur les talons.
– C'était amusant, les formalités te vont bien. Dommage que tu ne les aimes pas.
– Ça ne fait rire que toi, il l'observa de ses prunelles dorées.
– Ne me fais pas ce regard, rétorqua Chanyeol. J'ai le corps endolori à cause de ce que tu m'as infligé, je ne demande pas plus.
– Si je le pouvais, je te renverrais immédiatement aux Enfers.
– Mais tu ne peux pas.
– En effet, un sourire amer trônait sur ses lèvres.
Les deux amis s'avancèrent dans les rues désertes de la ville. L'orage s'était calmé et la pluie retirée, seuls leurs pas sur le sol humide sonnaient dans la nuit noire.
L'ébène s'arrêta finalement pour observer Chanyeol avec un soulagement particulier. Un très maigre sourire releva le coin de ses lèvres tandis qu'il hochait silencieusement de la tête, avouant d'une faiblesse silencieuse qu'il était heureux de le retrouver à ses côtés.
– Moi aussi je suis ravi de te revoir Oh Sehun fils d'Hadès, répondit Chanyeol d'un ton sincère.
Les prochains jours s'annonçaient mouvementés.
♦♦♦
OMG, je suis sincèrement désolée !!! J'ai complètement oublié d'updater l'histoire, j'ai eu plusieurs semaines mouvementées ... Pour me pardonner je vous sors le chapitre 2 maintenant et le chapitre 3 arrivera ce week-end ! Je m'excuse pour ma négligence, j'ai été dépassée par les évènements !
Merci d'avoir lu, à ce week-end !!
Winnie
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