Éloignement

Cela faisait deux semaines qu'Emily avait avoué ses sentiments au charismatique professeur de DCFM. Ils n'avaient fait que se croiser depuis, pas très souvent d'ailleurs. Ils ne s'accordaient même pas un regard, tout juste une salutation murmurée en passant. Pour Emily, passer à côté de son âme sœur était une torture, mais elle respectait le choix du loup-garou, lui et ses principes de grand-père selon elle. La jeune femme passerait outre la douleur et surmonterait cette épreuve comme toutes les autres. Remus, quant à lui, se détestait de devoir repousser la seule femme qui l'aimait vraiment, mais sa nature de monstre ne lui permettait pas de la mettre en danger. Et puis, il y avait son âge, elle était beaucoup trop jeune, elle méritait quelqu'un de mieux. Il se persuadait qu'un jour ou l'autre, avec le temps, il l'oublierait et que son cœur se réparerait.

Depuis la révélation d'Olivier, la Serdaigle l'évitait soigneusement, craignant un autre acte jaloux de sa part contre elle ou Lupin. Mais malgré ces précautions, elle arrivait toujours à le bousculer au détour d'un couloir ou à partager le même chaudron en potions. A croire qu'il faisait tout pour être avec elle.

Alexa et Camille avaient abandonné Emily, qui se sentait plus seule que jamais. Elles lui avaient sorti le prétexte qu'elle avait changé et ses deux « amies » s'étaient rabattues sur d'autres Aiglonnes et quelques Sangliers... Au fond, elles avaient raison, la Bleue-et-Bronze avait changé. Elle avait délaissé ses meilleures amies et s'était disputée avec son partenaire de vacances et tout cela pour une seule personne. Le seul homme qu'elle n'ait jamais aimé et qui l'avait rejetée comme une vieille chaussette trouée.

Alors, la rouquine déambulait dans le château, seule, ses livres de révisions sous le bras, cherchant en coin tranquille où personne ne viendrait l'embêter. Elle se posa sur le bord d'une fenêtre, dans l'escalier menant à la salle de divination. Personne ne passait jamais par là en dehors des heures de cours, de peur de tomber sur le professeur Trelaunay en transe, déblatérant sur une prophétie de son invention, apparue à cause de son manque de théine. Emily appréciait également la tour d'astronomie, ou bien la volière. Elle essayait de réviser mais elle entendait sans cesse sa voix, voyait sans cesse son visage, sentait son odeur, ressentait le contact de sa main chaude posée dans le haut de son dos. Il l'obsédait véritablement. Elle s'efforça de se replonger dans ses livres, pour ne plus penser à lui. Cependant, la Serdaigle était très loin d'imaginer que, seul et déprimé, enfermé dans son bureau, Remus guettait ses moindres faits et gestes, se renseignant sur ses moindres rencontres, ne la quittant jamais des yeux. Sa conscience lui ordonnait de détacher ses yeux rougis du parchemin alors que son cœur lui intimait d'aller rejoindre Emily. Mais il ne fit rien, déchiré, disloqué entre la raison et l'envie. L'ancien professeur savait pourtant que la jeune femme qui occupait ses pensées était seule depuis quelques semaines, délaissée par ses amis ou déçue par d'autres, elle avait plus que jamais besoin de quelqu'un. Le lycanthrope savait que le cœur d'Emily avait besoin de son affection, mais il ne pouvait lui donner ce qu'elle souhaitait.

Tu vas vraiment détruire cette gamine, Remus, tu n'es qu'un monstre, un monstre lâche ! L'homme se laissa tomber sur son bureau et passa une main dans ses cheveux désordonnés. Il fixa la Carte du Maraudeur, Emily Johnson quittait les escaliers menant à la salle de Sybille pour se rendre à la bibliothèque, comme tous les soirs. Agacé, il replia grossièrement le plan, le fourra dans sa poche recousue et sortit en direction du Lac Noir.

Lupin marchait vite, très vite. Son esprit bouillonnait, le sermonnant pour son comportement, son cœur se vrillant dans tous les sens. Il voyait la petite tête d'ange de l'Aiglonne partout, elle le suivait où qu'il aille et dès qu'il l'apercevait, il la dévorait des yeux avec gourmandise. Emily ne sortait pas de son esprit. A plusieurs reprises, il plongea sa main dans sa poche, à la recherche du morceau de parchemin mais la retirait presque aussitôt. Remus entama une tablette de chocolat, son pêché mignon –un point commun avec la Serdaigle - et entreprit de retourner au château. Il avait passé les grilles à un peu plus de minuit et traversait le hall rapidement après. Ce fut plus fort que lui, il chercha sur la carte les pas portant l'étiquette « Emily Johnson ». Son cœur s'affola lorsqu'il ne la vit pas dans son dortoir ni dans sa salle commune. Il scruta la zone de la tour d'astronomie, de la volière, de l'escalier ouest. Aucunes traces de la femme de ses pensées. Ses yeux se stoppèrent sur la bibliothèque et il souffla en apercevant ce nom qui le faisait frémir. Les pas étaient immobiles, à une table, au centre de l'immense pièce.

Remus s'élança en direction du premier étage, jetant un œil de temps à autre au plan, s'assurant que la rouquine ne bougeait pas. Il pénétra dans la salle, sur la pointe des pieds et vit l'épaisse chevelure de feu à quelques mètres à peine de lui. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas été proche de son petit corps pâle. Il passa une main sur l'épaule d'Emily, hésitant. Elle était si belle comme ça, calme et sereine, un petit sourire illuminant son visage endormi. Lupin la secoua doucement, priant pour qu'elle ne se réveille pas et qu'elle ne le voit pas ainsi, violant ses propres règles, refoulant ses propres décisions. La jeune femme ne bougea pas. Ses yeux bruns la déshabillèrent lentement avant de se poser sur le volume servant d'oreiller à la Serdaigle et dont les pages s'imprimaient sur sa joue. Encyclopédie des Créatures Magiques Nocturnes. Le livre était ouvert au chapitre trente-deux qui portait sur les loup-garous et la lycanthropie, ce qui intrigua fortement l'ex-professeur de DCFM. Emily ne pouvait pas savoir pour sa condition de bête, Dumbledore avait étouffé l'affaire de cette fameuse nuit, du moins jusqu'à la fin de l'année. Lorsqu'il avisa la pile de bouquins divers qui traînait sur le coin de la table, Remus comprit que la jeune femme faisait de simples révisions pour ses ASPIC.

Le brun observa encore Emily avec délice, se remémorant tous leurs moments passés ensemble depuis la rentrée, dans la calèche, jusqu'à leur convocation dans la salle des professeurs suivie de sa propre décision qui leur avait fait beaucoup de peine à tous les deux. Je ne peux pas la laisser là. Il lui attrapa les jambes, cala son bras droit dans son dos frêle et la souleva comme une princesse. La tête d'Emily tomba sur son torse, ses boucles fauves chatouillant ses avant-bras. Un frisson de plaisir traversa le corps de Lupin qui n'eut pas le courage de le chasser. Quel apaisement de la sentir enfin tout contre lui ! Le souffle chaud et régulier de la Serdaigle heurtait son cou avec délicatesse et volupté. Il ne s'était jamais senti aussi bien de toute sa vie. Remus se dirigeait à présent vers le dortoir des Serdaigles, ses yeux de lycanthrope habitués à la nuit lui permettaient de se déplacer sans lumière. Il marchait lentement profitant de cet instant de bonheur.

Juste devant l'entrée, une vive lueur agressa ses pupilles dilatées. Une baguette magique pointée sur la tempe, Remus se figea.

- Où l'emmènes-tu ? Siffla une voix doucereuse.

- Je l'ai retrouvée endormie dans la bibliothèque et je la ramène dans son dortoir, Severus.

- Oh, mais quelle charmante intention de ta part, Lupin. Mais tu n'es plus professeur, tu n'as plus à t'occuper des élèves de cette école. Je te l'ai déjà dit, tu ne pourras pas la protéger, alors laisse-la en paix !

- Je n'aurais pas à en m'en occuper si tu avais fait ton travail. Et ne t'en fait pas, j'ai fixé des règles entre nous après cet incident quelque peu fâcheux. Mais ce n'est pas parce que je suis un monstre une fois par mois que je ne peux pas me montrer galant et poli le reste du temps...

Il avait dit tout cela avec le sourire, comme toujours, arrachant un rictus dégouté à Rogue, qui n'en démordait pas :

- J'arriverai à prouver que tu es un danger pour tout le monde et que tu as aidé Black à s'enfuir une nouvelle fois ! Tu finiras à Azkaban, c'est là qu'est ta vraie place !

Ces paroles amères ne changèrent pas l'humeur de Remus qui se sentait invincible et intouchable avec Emily auprès de lui.

- Cesse donc de crier, tu vas la réveiller. Elle doit être en pleine forme demain pour ses examens. Et tu ne me connais pas assez Severus, je ne crains aucune menace, sauf quand il s'agit de chocolat, plaisanta-t-il. En plus, si c'est pour dire ce genre de sottises, ça ne sert vraiment à rien. Sur ce, excuse-moi mais après avoir déposé Miss Johnson dans sa salle commune, je compte bien aller me coucher moi aussi.

Rogue le gratifia d'un regard noir mais Lupin n'y prêta pas attention. Il prononça le mot de passe et pénétra dans la salle aux couleurs de Serdaigle qui s'illumina instantanément. Il repéra un canapé lui paraissant confortable et y déposa Emily avec douceur. Le lycanthrope étendit une couverture bleue sur son corps fin et jeta un bref coup d'œil dans le couloir, s'assurant que le Maître des Potions ne l'observait pas. Rogue avait dû se retrancher dans son cachot en grognant, comme à son habitude. Remus se risqua à effleurer la peau de pêche de la Bleue-et-Bronze, contact qui l'électrisa. Les flammes des chandelles faisaient danser des reflets dorés dans les boucles de la jeune femme, ses taches de rousseur étaient moins présentes, lui donnant un air plus âgé, et sa bouche rose, qu'il rêvait d'embrasser depuis le début. Seuls ses émeraudes lui manquaient cruellement. Le sorcier se pencha sur le visage fin d'Emily et déposa un baiser fuyant sur son front, fugacement.

- Moi aussi Emily... chuchota-t-il dans un élan de courage.

Le loup-garou crut discerner un sourire se dessinant sur ces merveilleuses lèvres fines. Je dois rêver... Il se redressa à contrecœur et sortit, lançant un dernier regard passionné à la femme qui occupait ses pensées.

Emily attendit que la porte se soit entièrement refermée pour rouvrir les yeux. Par Merlin, il l'avait embrassée, sur le front certes mais il l'avait fait ! Elle savait au fond d'elle qu'il l'aimait vraiment ! L'Aiglonne n'avait rien loupé, de la bibliothèque jusqu'à ce baiser magique, tout en passant par l'altercation avec le professeur Rogue qui avait failli tout gâcher ! Mais de quoi se mêle-t-il lui ? Le plus gros était fait : forcer Remus à dévoiler et à accepter ses sentiments envers elle. Maintenant, il ne restait plus qu'à l'inciter à lui avouer en face, qu'il le lui dise clairement comme elle l'avait fait plus tôt. Et pour ça, Emily avait sa petite idée sur comment agir. Mais il faudrait d'abord qu'elle renoue les liens avec Olivier, ce qui allait être relativement facile... Mais après les ASPIC seulement.

Remus toqua contre le bois de la porte et entra dans la pièce, suivi par Rogue qu'il avait croisé dans les couloirs. Le Serpentard lui jetait des regards méprisants que le loup-garou esquivait avec une habileté déconcertante. Ils s'arrêtèrent au centre de la pièce circulaire, face au bureau inoccupé. Une lueur bleutée attira leurs regards sur la droite. Dumbledore était appuyé contre une minuscule fontaine en pierre blanche, les yeux fixés sur l'eau trouble. Une Pensine... admira Lupin. Le Directeur se redressa lentement, comme soudainement revenu à la réalité. Il extirpa sa baguette noueuse de sa longue robe grise et la pointa sur sa propre tempe avant d'en extraire un étrange liquide et de le laisser tomber dans le petit bassin.

- Vous désiriez nous voir, Albus ? Interrogea le lycanthrope, une fois la pensée mélangée aux autres, pour rappeler poliment leur présence au Directeur.

Alors que le vieillard se retournait, Remus entendit Severus soupirer dans son dos et l'imagina en train de lever les yeux au ciel dans cette grimace de dégoût si habituelle chez lui.

- Ah Remus ! Severus ! Oui je voulais vous parler à nouveau de cette étrange nuit il y a deux semaines.

Les deux intéressés se regardèrent un bref instant, intrigués. Ils avaient réexpliqué cette soirée désastreuse de nombreuses fois – bien trop souvent au goût de Remus -, il n'y avait rien à ajouter... Le Maître des Potions s'avança pour se placer à côté de son ex-collègue, évaluant de plusieurs coups d'œil si la distance qui les séparaient était suffisamment grande.

- Bien qu'il ne me soit pas désagréable de rappeler une énième fois à Lupin ses actes impardonnables cette nuit-là, je pense que nous avons déjà dit tout ce qu'il y avait à dire, Monsieur le Directeur, siffla la langue fourchue de Rogue.

Le visage du professeur de DCFM s'assombrit, ce qui n'échappa pas à son collègue qui aurait adoré pouvoir crier l'horrible nature de cet homme sur tous les toits. Remus s'attendait à un autre pic du Vert-et-Argent mais Dumbledore s'interposa juste à temps :

- Je n'en doute pas, Severus. Cependant, rappelez-vous votre promesse : vous ne devez rien dire à personne avant la fin de l'année. Je souhaitais reparler de cet autre Animagus... Celui qui vous a tous sauvé d'une manière ou d'une autre.

Le lycanthrope se détendit légèrement, heureux de ne pas avoir à entendre une nouvelle fois de ce qu'il s'était passé ce soir-là.

- Avez-vous trouvé qui c'était ? Demanda-t-il.

- Et vous ?

Cette réponse laissa le loup-garou sans voix. Il ne s'attendait pas à ça. Il sait qui c'est mais il ne nous le dira pas...Qui cherche-t-il à protéger cette fois ? Songea-t-il en relevant le sourire rieur de Albus. Pour toute réponse, il secoua négativement la tête, précédé par le professeur de potions.

- Ah, je vois...

- Savez-vous qui était cette personne inconsciente qui aurait pu se faire tuer ? Questionna impatiemment Severus qui n'acceptait pas l'idée d'avoir été secouru par quelqu'un d'autre que lui-même.

- Possible... Mais il serait préférable que son identité reste secrète. Pour l'instant, du moins. Le moment venu, cette personne se montrera telle qu'elle est et je suis sûr qu'après cela, beaucoup de choses changeront... Conclut le Directeur en attardant son regard malicieux sur Remus qui se sentit terriblement mal à l'aise.

-----

Bonsoir tout le monde !

Bon, un chapitre pas très long et qui ne me plaît pas plus que cela... En revanche le prochain est un de mes préférés alors j'espère que vous l'apprécierez autant que moi !

Je tiens à tous vous remercier pour votre gentillesse dans les petits commentaires que vous me laissez à la fin de chaque chapitre. Ca me fait plaisir à un point que vous ne pouvez pas imaginer! Je ne pensais pas avoir autant de lecteurs pour cette fanfiction et franchement, vous me remontez le moral !

Pour me faire pardonner de ce chapitre (et puis surtout parce que j'ai envie de partager ça avec vous!), je vous invite, mes chers lecteurs, à aller sur Youtube pour regarder "La dictée de François Pérusse Harry Potter". C'est un petit sketch avec des images des films (ça n'a rien à voir avec l'histoire mais c'est super marrant). Voilà, donc si vous avez envie de rire un peu...

N'hésitez surtout pas à laisser un commentaire, que ce soit une question, un avis, une demande, ce que vous voulez, j'y répondrai avec le plus grand des plaisirs !

Bonne soirée et à mardi !

Lupalya.