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Seule dans la nuit, une ombre avançait. Elle suivait son chemin vaguement éclairé par une rangée de lampadaires défectueux, les joues humides, le dos courbé et tremblant, serrant ses bras fins contre son ventre. Des mèches de cheveux bouclés s'échappaient de la capuche qui masquait en partie son visage.
Elle tourna dans une ruelle sombre dont le sol pavé était couvert de sacs poubelles et autres déchets et s'arrêta devant une minuscule maison dont les fenêtres était barrées par des planches de bois. Le vent projeta quelques papiers sales à ses pieds et elle frappa trois coups à la porte, attendit quelques secondes, et en frappa un quatrième.
La porte s'ouvrit dans un grincement et l'ombre s'engouffra à l'intérieur.
- Tu rentres beaucoup trop tard, Allison ! Et si quelqu'un t'avait vu ? S'écria l'homme qui avait ouvert la porte.
Allison retira sa capuche et défia le nouveau venu de son regard de jade.
- Je suis passée prendre des médicaments.
Elle posa le sac en toile noire qu'elle tenait encore contre elle sur une petite table bancale et s'avança dans l'étroit couloir, sans un regard pour le garçon qui la regarda partir en soupirant, avant de lui emboîter le pas.
Brusquement, une porte dont la peinture blanche s'écaillait par endroits s'ouvrit devant eux. Une petite fille en sortit, observa les deux adolescents et courut se jeter dans les bras d'Allison. Celle-ci sourit, serrant l'enfant contre elle et caressant la longue tresse rousse qui ornait l'arrière de sa tête. Après quelques secondes d'étreinte, elle reposa la rouquine au sol et l'observa un temps.
- Tu rentres trop tard ! Fit remarquer la petite fille avec une moue triste.
- Tu n'es pas la seule à me le dire, sourit Allison en lançant un regard au garçon derrière elle.
Il pressa son épaule et l'adolescente se retourna vers lui. La petite fille derrière les observa puis retourna dans la pièce d'où elle était venue avec un sourire sur les lèvres.
- Comment va ma mère ? Demanda Allison avec un air inquiet.
Le jeune homme se gratta l'arrière de la tête et détourna le regard.
- Plus mal qu'hier. Elle a eu des convulsions quelques heures après que je sois rentré. Elle dort depuis.
Allison baissa la tête.
- Je suis toujours inquiète à l'idée de la laisser seule avec Mia toute la journée. Tu te rends compte, si il lui arrivait quelque chose ? Ma soeur s'en voudrait pour toujours.
Le jeune homme pressa la joue de son amie avec sa main et eût un faible sourire.
- Si il lui arrivait quelque chose pendant que tu es à la maison, tu t'en voudrais aussi. Mia est mature pour son âge. Elle sait s'occuper de ta mère.
- J'espère que tu as raison...
Il passa ses bras derrière le dos de l'adolescente et l'attira contre lui.
- Fais attention à toi, Allison. Mia et ta mère ont besoin de toi. J'ai besoin de toi.
Allison lui rendit son étreinte puis se dégagea.
- Ne t'en fais pas, on aura plus besoin de retourner voler des médicaments pour au moins plusieurs mois.
Le garçon lui sourit faiblement et se recula.
- Va voir ta mère. Je vais préparer à manger.
Allison hocha la tête et le regarda partir dans la cuisine. Elle attrapa le sac de toile posé sur la petite table de l'entrée et se dirigea d'un pas décidé vers une pièce au bout du couloir. Elle posa sa main sur la poignée et s'arrêta, inquiète. Elle abaissa le bras et la porte s'ouvrit lentement, la laissant entrer dans une minuscule pièce sombre. Elle alluma une lampe qui semblait vivre ses derniers instants, attrapa une chaise et s'installa à côté du lit.
- Maman ? Appela-t-elle en s'adressant à la forme allongée.
Elle lui tapota l'épaule et la forme se retourna. C'était une femme qui devait approcher la cinquantaine, mais ses joues creusées, sa peau verdâtre et ses os apparents la faisaient paraître beaucoup plus âgée.
Elle ouvrit lentement les yeux et tenta de se redresser, mais sa fille l'en empêcha d'un geste.
- Reste allongée.
Son regard vert s'emplit de tristesse.
- Comment est-ce que tu te sens ? Demanda gentiment Allison.
Sa mère balaya la question d'un revers de la main et caressa le visage de sa fille.
- Toi, comment est-ce que tu te sens ? Ma pauvre chérie, si tu savais comme je m'en veux de vous faire travailler, Klaus et toi... Vous êtes si jeunes...
- Ce n'est rien, Maman. Tout va bien. Mon travail n'est pas trop dur et celui de Klaus est très bien payé... Et puis au moins, Mia et toi êtes en sécurité à la maison.
- En sécurité... Je ne suis jamais sûre. Les policiers sont entrés chez la voisine ce matin. Ils ont emmené son fils. Tu entends ? Son fils ! Son bébé !
- J'entends, Maman. Mais ne t'en fais pas. Si ils viennent, nous sommes en règle.
- Tant que vous avez un travail. Mais le jour où vous êtes licenciés, il faudra recommencer à cacher Mia dans la trappe, ou alors...
- Tout ira bien, Maman. Je te promets. Personne ne va se faire licencier et de toute manière, les policiers ne viendront pas contrôler ici. Ça a l'air d'une maison abandonnée, non ?
La mère ne répondit pas. Elle avisa le sac de toile et le pointa du doigt :
- Que m'as-tu rammené aujourd'hui, ma chérie ? Encore des médicaments ?
- Ça, des huiles essentielles et du savon. Ne le dis pas à Klaus, il va encore me gronder et me dire que je suis inconsciente. Il s'inquiète trop...
La mère lança un regard complice à sa fille et avala un cachet.
- Avec ça, je devrais pouvoir vous rejoindre pour manger, annonça-t-elle. Ne t'en fais pas, j'arrive.
Allison acquiesça et sorti de la pièce avec le sac de toile. Elle se rendit dans la minuscule salle de bain où un néon clignotant était la seule source de lumière et ouvrit l'armoire à pharmacie au dessus du petit lavabo. Elle y déposa les huiles essentielles et le savon avec fierté, puis la referma en ayant un regard pour la douche qu'elle utilisait si rarement.
Une douche de deux minutes par semaine, voilà ce à quoi ils avaient droit. Les eaux usées étaient directement transférées dans les toilettes, pour ne pas gaspiller le moindre centilitre. L'eau était précieuse.
Elle sortit de la salle de bain et se rendit dans la petite chambre qu'elle partageait avec sa sœur, et se déshabilla. Elle posa ses vêtements de travail sur une chaise et enfila un legging qui traînait sur son lit. Nonchalamment, elle attrapa un sweat noir qu'elle revêtit et à l'aide d'une brosse de crin, elle nettoya ses vêtements de la journée du mieux qu'elle pouvait.
La combinaison de travail était obligatoire pour tout le monde et elle avait choisi de devenir mécanicienne pour pouvoir en porter une noire. Celle de Klaus était vert foncé, plus visible mais il volait bien moins souvent que son amie et ne s'en plaignait donc pas.
Allison sortit de sa chambre et attacha ses longues boucles rousses en une queue de cheval avant de rejoindre Klaus et Mia qui discutaient dans la cuisine. Un léger ragoût mijotait dans une marmite et la douce odeur qui arrivait aux narines de l'adolescente l'emplit de joie.
- Quel bonheur que tu sois venu habiter avec nous, Klaus. Je ne sais pas ce qu'on ferait si tu n'étais plus là pour cuisiner...
Il sourit et lui répondit :
- Crois moi, avec de meilleurs ingrédients ce serait bien mieux, mais je ne peux pas me plaindre. Je refuse de te donner l'envie d'aller voler dans la station agricole.
- Je l'ai déjà fait plusieurs fois.
Il lui envoya une tape sur le sommet du crâne.
- Tu as déjà pensé à ce que deviendrait ta famille si tu venais à te faire attraper ?
- Et toi, tu as déjà pensé à l'état dans lequel nous serions si jamais je ne volais pas tout ce matériel ? Crois-moi Klaus, je connais les risques. C'est juste une question de survie.
Le garçon ne répondit pas. Il l'attira près de lui et posa timidement son menton sur la tête d'Allison.
- On trouvera un moyen, je te le promets. Un jour, nous vivrons aussi heureux que les riches d'Utopia.
- Essaie toujours, rit Allison. J'aimerais ne serait-ce qu'en rêver.
Elle se recula et observa son meilleur ami. Ses yeux noirs trouvaient refuge dans le vert de ceux de l'adolescente. Elle carressa ses cheveux bruns d'un air distrait avant de se tourner vers sa petite sœur.
- Mia chérie, tu veux faire quelque chose avec moi ce soir ?
- Je veux que tu me lises d'autres histoires de l'ancien monde !
Allison lança à Klaus un regard complice à quoi il répondit par un clin d'oeil. Elle décala le vieux canapé moisi vers la droite et appuya longuement sur une goutte de peinture dans le mur. Un mécanisme se fit entendre et une trappe s'ouvrit, laissant place à un espace de quelques dizaines de centimètres de profondeur. Elle attrapa un gros livre noir et referma la trappe.
- Viens à côté de moi, demanda-t-elle à la petite qui ne se fit pas prier.
Le gros livre s'intitulait "Utopia/Dystopia - Histoires d'autrefois". Elle l'ouvrit à la première page.
- On va reprendre l'introduction depuis le début. Tu veux lire ?
Mia secoua la tête et laissa sa grande sœur commencer la lecture.
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