xii




J'ai toujours associée les êtres humains à des éléments. Elyoz est pour moi, libre et malicieuse comme l'air. Elle est partout et nulle part, comme une ombre pleine de secrets, inaccessible et insaisissable. Isandre est la terre, les racines de ce monde, la beauté du royaume. Elle est pure et salie en même temps, souillée par les hommes qui ont fait d'elle un objet de pouvoir, mais chaste par son cœur. Kaizar, quant à lui est vicieux comme l'eau, il nous fascine autant qu'il nous effraie, et quand il décide alors de vous aimer, en réalité il vous tue. L'eau nous rentre dans les poumons lentement, remplissant notre corps, nos pensées, et c'est ainsi qu'il nous achève suavement, gardant nos os dans ses sombres abysses. Et moi parmi ces hommes, parmi toute cette nature qui se déchaîne, je suis le feu. Je brûle, je me consume, et si alors, ma rage se réveille, si ma passion aussi, j'embrase le monde pour le laisser en cendres. Mais quand on est feu, on est seul, tel Icarius qui aime le soleil, à trop s'en approcher on se brûle les ailes.
Je parais sûre de moi, si jeune et immortelle mais en réalité, je suis morte de peur. J'ai l'air forte, et adulte, mais je ne suis rien de cela. Je n'ai que dix sept ans, et je tremble, effrayée par la vie. On me dit capricieuse car je veux vivre. Aimer respirer l'air frais le matin, penchée sur mon balcon en regardant le paysage, est-ce un caprice ? Fouler la terre encore mouillée de la pluie de mes pieds, est-ce un caprice ? Refuser les immondices de ce monde, est-ce un caprice ? Et aimer sa famille, même si elle ne nous aime pas, vouloir son bien, vouloir de la tendresse et de l'amour, est-ce donc cela être capricieuse ? Être capricieuse ou un monstre, je connais ma place. Les hommes perdent toute leur humanité à ne plus être capricieux. Dès qu'ils décident de céder, de poser les armes, accepter le destin comme il est, accepter être soumis, accepter de n'être plus libre, alors ils perdent tous sens de l'humanité. Ils deviennent des monstres, des machines, mais pas des hommes. En ce monde, il est donc rare de trouver des humains, car l'être est synonyme de péché ici. La rébellion est bannie, le droit de l'expression aussi , et alors si nous sommes libres penseurs, nous devenons de libres cadavres. Interdit de vivre, obligation d'exister. C'est un monde de papier qui est crée alors, fidèlement servis par de digne personnages en carton. Je demeure, à suffoquer dans cette masse informe, impuissante et oubliée, incapable de sauver l'être qui donne l'envie de tout embraser. Je suis enfermée, mais je me prépare. Un jour viendra, je le sais, où justice sera faite. Je serais prête alors, mais en ces temps où mon propre père envoie mon frère être le jouet de l'ennemi dans un but purement stratégique, je dois taire ma flamme, et apprendre. Alexei m'a dit qu'il m'aimait aujourd'hui, et la seule chose à laquelle j'ai pensée était la douloureuse présence de son absence. L'eau fait taire le feu. L'eau est parti, le feu grandit en silence.

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