vi
On voit Kaizar, il est de dos, devant la fenêtre, un serviteur le pare de son armure. Elle est là, assise sur son lit à lui, elle le regarde avec amour, celui d'une mère, d'une grande sœur.
– Tu t'en vas donc réellement ? Elle murmure, elle a peur de ces mots.
– C'est mon devoir de prince.
Elle se lève et pose une main sur son épaule.
– Ne dis pas de sottises.
Elle le regarde dans le miroir.
– Tu es beau, pour un imbécile.
Ils se sourient. Elle rigole tristement. Où sont passés ces jours où elle le dépassait encore ? Où sont ces jours où il se cachait derrière sa robe parce qu'il avait peur ? Où est donc passé l'enfant dans ce guerrier ?
– Tu es plutôt ravissante pour une vieille dame, il rit.
– Oh, je t'en prie, vingt ans n'est pas si vieux que ça !
Soudain, il la regarde gravement.
– Au contraire Elyoz, ça veut dire que ça fait vingt ans que tu réussis à survivre ici.
Elle fronce les sourcils.
– Survivre ? Connais-tu au moins ce mot, jeune innocent qui n'a jamais connu la famine et la douleur ? Cela fait vingt ans que j'existe Kaizar, et je suis heureuse d'être ici pour supporter ta stupidité permanente.
Il la regarde faussement outrer.
– Comment oses-tu ? Tu parles au Prince tout de même !
Elle lui donne une tape sur la tête.
– Tu es prince ici, mais dans mon cœur tu es toujours ce bébé odieux qui a osé me vomir dessus.
Il rigole sincèrement puis son sourire se meurt quand il se regarde. Tout de noir vêtu, il semble être le démon en personne venu pour vous ôter la vie dans vos songes.
Cela le déplaît, cette crainte qu'il véhicule, parce qu'après tout, il n'est qu'un pauvre humain.
– Dis moi chère sœur. Tu me parles d'exister, mais vis-tu réellement ?
Son sourire se fend à elle aussi. Elle le regarde perdue.
– Oui.
– Depuis combien de temps as-tu commencée à vivre ?
– Il y a tout juste un an.
– Qu'est-ce qui te rend vivante Elyoz ?
Elle pose une main protectrice sur son épaule.
– L'amour. La passion. L'adrénaline.
Il la regarde, il se perd dans ses pensées. Il ne connaît encore rien de tout cela.
– J'espère qu'il prend soin de toi.
– De qui parles-tu ?
Cette fois-ci, il sourit malicieusement.
– De ton amant. Le peintre du roi.
Elle le regarde paniquée.
– Comment le sais-tu ?
– Je ne suis pas aussi aveugle que père. Je sais que la nuit, tu n'es plus dans ta chambre ; je sais que tu t'habilles en homme pour être l'apprenti à découvert de ton amant, je sais que tu voulais juste faire peindre, ta passion, mais voilà l'amour s'est épris de ton cœur.
– Ces détails... Tu m'espionnes ?
– Oh non Elyoz, je te connais, là est la différence. Tes comportements changent, comme tes humeurs, tu es ma sœur, je lis en toi.
Il se tourne pour prendre son épée. Il embrasse sa sœur sur le front.
– Prends soin de notre sœur.
Elle hoche la tête.
- Toujours.
Il commence à partir, mais s'arrête à l'entrée de la porte.
– Elle dort ?
Sa sœur hoche la tête.
– Tu ne lui dis pas « au revoir » ?
– J'ai bien trop peur que ce soit un « adieu. »
Il regarde une dernière fois sa grande sœur et s'engouffre dans le grand couloir du palais. Son armure pèse lourd et le frottement de l'acier de son épée contre le cuir de sa cuirasse le rend nerveux. Il passe devant la porte de la chambre de Roxanne. Il baisse la tête. Son sourire le hante, encore et encore. Son rire se répète en écho dans son esprit. Maudit soit-il, maudit soit le monde et maudit soit son sang. Il est tôt, assez pour que le château soit silencieux, et que ses hôtes dorment encore à poing fermés. Son père veut éviter un énième scandale. Roxanne serait assez rebelle pour oser parler en publique, et il ne peut contrôler cette enfant. Kaizar s'avance vers les écuries, une petite troupe l'attend pour rejoindre le front. Son père n'est pas là. Il n'a même pas daigné se lever pour embrasser son fils aux portes de la mort. Il maudit son père doucement. Ses hommes l'attendent, un peu trop fières, un peu trop sure d'eux ; ils ne connaissent pas encore la guerre et le sang, ou ils la connaissent que trop bien.
Un bruit attire son attention, on dirait qu'on tape frénétiquement contre quelque chose. Il lève la tête et la voit ; elle. Derrière sa fenêtre, elle frappe de grands coups avec ses mains, elle pleure, elle cri, mais il n'entend rien. Elle vient de se réveiller : ses joues sont roses, ses lèvres sont légèrement gonflées et sa longue chevelure de feu est tressée. La porte s'ouvre, il distingue une personne au loin, Roxanne se retourne rapidement. C'est Elyoz. Il a envie de monter dans sa chambre d'être avec elle et de ne pas partir, de ne pas la laisser seule ici. Il a envie de la protéger, mais il le sait : il a besoin d'être loin d'elle, besoin de donner du repos à son cœur.
Il la regarde encore, elle le fixe, les larmes ne coulent plus, elle est muette, mais elle le tue de ses yeux. Elyoz se tient derrière, elle mime le mot « idiot », il lui sourit tristement. Il monte sur son fidèle destrier et plonge une dernière fois son regard dans celui de la jeune fille. Il y voit le plus grand des calmes et la plus grande des tempêtes. Les chevaux derrière lui hennissent. Il est temps de partir. Il donne un coup de talons et part au galot.
Azarius se tient devant sa fenêtre quelques mètres plus loin. Personne ne l'a vue, pourtant, il a observé toute la scène
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