iii



Elle est assise sur le sol froid de la cour, il pleut mais elle ne bouge pas. Elle a besoin de sentir cette fraîcheur, ces gouttes sur sa peau ; pour se sentir réellement vivante, libre. Elle regarde le ciel, gris et morose, comme le visage ridé de son père. Elle ferme les yeux un instant, s'imaginant ailleurs, étant quelqu'un d'autre. Sa robe lui colle à la peau, elle déteste ça. Le corset l'étouffe, ses bottes la gratte, ses nattes joliment posées sur sa tête lui tirent les cheveux. Elle s'allonge. Inspire. Expire. Elle veut remplir ses poumons d'air pur avant d'être empoisonnée par les pourritures de la cour. Tout est en or, tout est beau, en dentelle, tout est peintures, sculptures mais en vérité, l'antre de ce palais cache la noirceur de ses hôtes.

      La brise lui caresse la peau, seule amie consolatrice de cet enfant. Elle pose ses mains sur son cœur, pour le sentir un peu. Il est calme, enfin apaisé. Quel candide cœur... que fais-tu tout frais, tout battant dans le corps d'un spectre ? Elle se mord la lèvre. Quel est ce monde sombre où grandissent tant d'innocents ? Comment bien de temps le restons-nous ; naïf et aimant ? 

    Des bruits de pas viennent en sa direction. Elle ouvre les yeux, et regarde le ciel. Elle ne bouge pas, au diable les punitions, elle veut profiter encore un peu de cette petite éternité. 

   – C'est donc ici que tu te caches, dit une voix grave.

Son cœur accélère. Elle ne dit rien. Il s'allonge à côté d'elle, regarde le ciel. Il ne pleut plus. 

– Tu es muette maintenant ?

Elle tourne son visage pour le regarder. Rien n'a changé, il est toujours le même. Les éternelles boucles brunes qui retombent sur son front, ses yeux noirs, ses lèvres sèches, cette peau blanche. La seule chose qui pourrait avoir changé est cette petite barbe de trois jours qui a poussée pendant son absence. Il est toujours aussi beau, toujours aussi impérieux. 

– Tu t'es bien amusé ?

Il inspire profondément. 

– Ne soit pas aussi sarcastique, Roxanne.

Elle s'assoit. 

– Et pourquoi donc ? N'étais-ce pas ce que tu demandais ?

– Être le commandant d'une armée n'est pas un jeu.

Il s'assoit à son tour. 

– Vraiment ? Toi qui prenais tellement de plaisir à concevoir des stratégies pour les montrer à père, toi qui aime tellement gagner aux jeux. Gagner une guerre n'est pas comme gagner un jeu ? N'es-tu pas emplit de fierté quand tu reviens au palais ?

– Ce n'est pas la même chose, Roxanne, dit-il durement.

Il la regarde. 

– En quoi cela diffère ?

Il fronce les sourcils. Pourquoi une question aussi stupide venant d'un vif esprit ? 

– Un palais, un royaume est en jeu ! Notre famille est en jeu !

Elle se lève, le regarde droit dans les yeux, un visage impassible.

– Penses-tu aux autres familles que tu détruis en tuant de pauvres soldats innocents ? Des pères, des fils, des frères, des amants... Vous les hommes vous pensez être des dieux pour décider de la vie et de la mort des autres. Mais n'oublie jamais Kaizar, un jour quelqu'un te surpassera et tu mourras de ses mains, comme d'autres sont morts à cause des tiennent.

– Tu ne comprends pas. Tu es trop jeune.

– C'est ce qu'on dit aux enfant quand on ne veut pas donner d'explications, pour préserver leurs candeur, mais vois-tu, il me semble que je ne sois plus aussi innocente que tu le ne penses.

– Me dis-tu que tu es une femme à présent ?

– Je l'ai toujours été, je suis seulement plus forte à présent.

– Alors tu comprendras, que nous sommes tous égaux sur une chose : on finit toujours par crever.

Il se lève, elle soupire. 

– Quelle piteuse excuse... Tu n'es pas différent finalement, le pouvoir a pris possession de ton cœur et t'aspire la moelle.

Il lui attrape la main. Elle est douce, comme elle autrefois. 

– Tu as encore les mains pleines de sang, ne souille pas les miennes.

Elle retire sa main froidement et s'en va. Il regarde ses rugueuses mains, c'est vrai, il y a du sang encore frais de son dernier meurtre. Il se met à pleuvoir. Maintenant, ses mains sont pleines de sang et de larmes.

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