Duel

"D'après le dernier rapport des espions, ils sont ici, mon Seigneur."

Norphrin porta son attention sur l'endroit pointé par son lieutenant, sur la carte de la région étalée devant eux deux. Il réfléchit un instant aux informations qu'il venait d'absorber.

"Cela signifie...Qu'ils seront forcés de passer par la vallée au sud, s'ils veulent rejoindre la ville.", murmura le maître des lieux, plissant les yeux et désignant lui aussi l'endroit, faisant cliqueter son armure de plaque noire. Il se retourna vers son serviteur, pour lui ordonner d'une voix forte :

"Regroupez vos troupes ici, et arrêtez-les. Les rebelles ne doivent en aucun cas atteindre Meylir."

"Que ferons-nous d'eux, mon Seigneur ?"

"Tuez-les tous.", dit Norphrin sans une hésitation, "Nous ne pouvons pas nous permettre de risquer que leur propagande se répande plus avant. L'ordre de la région toute entière en dépend."

"Bien, mon Seigneur.", accepta alors simplement le responsable militaire, repliant la carte et sortant de la salle du trône en vitesse.

Ces rebelles...Leur influence ne faisait que croître au cours de ces dernières semaines, et ils n'étaient capables de rien d'autre que de semer le chaos au nom de leur prétendue justice : il fallait y mettre un terme au plus vite. Sans quoi, les dégâts qu'ils semblaient prendre plaisir à causer deviendraient irréparables.

Des bruits confus retentirent après que son lieutenant aie passé la porte, ce qui tira Norphrin de sa réflexion, intrigué. Un cri de douleur atroce éclata. Il put y reconnaître la voix de son serviteur.

Électrisé, il se leva d'un bond et se dirigea vers la porte avec méfiance. Le battant pivota brusquement, révélant un homme qu'il n'avait jamais vu.

Couvert de sang sur toute la longueur de son armure de cuir, il portait une fantastique épée, faite de foudre pure. Son regard sombre le fixait avec détermination, laissant Norphrin dévisager une figure aux traits durs encadrée de courts cheveux bruns.

Le Seigneur ne put retenir un rictus de mépris face à l'intrus :

"Ils m'envoient un autre assassin, c'est ça ? Quel est ton nom, parasite, que je sache qui j'élimine ?"

Planté sur place, l'intéressé risqua un coup d'œil derrière lui pour vérifier si la garde n'accourait pas, mais il restait prudent et gardait ses distances avec Norphrin. Il le toisa un instant, puis répondit sur un ton de défi :

"Je suis Albriech. Je suis l'élu, celui qui débarrassera enfin le monde de votre existence, tyran !"

Cette fois-ci, Norphrin éclata d'un rire franc :

"L'Élu, hein, c'est ça ? C'est donc toi, le héros qui sauvera l'Humanité ? C'est ça qu'ils vous servent comme salades, avant de vous envoyer à la mort ? Tu sais de combien de soi-disant Elus j'ai brisé la nuque, avant toi ?"

Le regard d'Albriech s'enflamma de rage, et il répliqua en brandissant son arme, une épée courte grésillante d'électricité :

"Et ça, alors, ça ne prouve rien à tes yeux ?"

Norphrin connaissait l'arme légendaire, qui conférait à son porteur une redoutable célérité en plus de dangereux pouvoirs de foudre. Il eut un rictus moqueur :

"Ils t'ont donné Mytrae, hein ? Alors je suppose que..."

L'assassin ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase : son corps entier se changea en une boule d'énergie jaune, qui fila en un clin d'œil sur le seigneur. Pris par surprise, celui-ci fit appel à son pouvoir : dans un craquement sonore et une fumée noirâtre, il fit apparaître un large écu de fer qu'il tint fermement de ses deux mains, et il protégea tout son corps en se cachant derrière, ses genoux fléchis pour recevoir l'impact.

Mytrae claqua comme un fouet contre le bouclier, des gerbes d'éclair en surgirent de part et d'autre. Albriech s'était re-matérialisé devant l'écu pour porter le coup ; Norphrin l'encaissa sans broncher, et contre-attaqua immédiatement en détendant d'un seul mouvement ses jambes et ses bras, heurtant brutalement au visage l'assassin avec son bouclier.

Cette réplique l'envoya rouler à terre, gémissant de douleur. Mais Norphrin ne comptait pas en rester là : remarquant que son bouclier avait été fendu par la première attaque, il le jeta au sol pour ne plus s'en encombrer, et s'équipa magiquement d'une arbalète dans un nouveau craquement retentissant.

La fumée noire qui accompagnait cette arrivée se dissipa, laissant Albriech lever la tête vers son adversaire et observer les carreaux se charger par magie, bien plus vite que ne l'aurait fait un utilisateur normal. Il jura, se passa le poignet sur sa mâchoire douloureuse et constata qu'il était couvert de sang. 

Le premier carreau siffla, filant droit sur l'intrus. Celui-ci laissa échapper un mugissement de rage, et Mytrae fendit l'air, coupant net le projectile en vol. Toutes les secondes, l'arbalète crachait de nouveaux traits avides de chair. Le rechargement magique offrait à Norphrin une cadence infernale.

Albriech s'était relevé et courait pour esquiver la pluie mortelle. Le maître des lieux anticipait sa trajectoire, et envoyait les carreaux d'une manière à le gêner malgré sa fuite. L'intrus dut par deux fois neutraliser les projectiles en plein vol, une troisième fois un trait lui avait éraflé l'épaule. Il ne pouvait continuer à ce rythme, à se faire harceler sans fin : Norphrin aurait l'avantage. Mais il cherchait une ouverture afin de charger à nouveau au corps à corps sans risquer une déconvenue similaire à celle de son premier essai.

Il décida de se la créer : Mytrae bouillonna d'énergie, et envoya brusquement des traits de foudre en direction de Norphrin. Celui-ci stoppa ses attaques, et prit le temps de créer par magie une petite targe de bois à son avant-bras gauche, dont il se servit pour parer les projectiles grésillants. Ils se plantèrent tous sur le bouclier avec un bruit mat, créant de discrètes projections d'échardes.

Albriech se fendit d'un sourire sadique, et activa d'un mouvement de pensée les traits, qui explosèrent dans une gigantesque décharge fulgurante. Surpris, Norphrin fut pris dans la déflagration et l'électricité crispa ses muscles tandis que son ennemi le chargeait dans un nouvel assaut instantané.

Le seigneur lâcha un juron, jeta son arme de jet maintenant inutile et opta pour une épée courte en main droite et un poignard effilé en main gauche. Il avait faim de sang.

L'assassin se matérialisa à nouveau dans une gerbe d'éclair à un mètre seulement en face de lui, entouré d'une aura jaune : il allait donner tout ce qu'il avait. Albriech était doté d'une vitesse surnaturelle : il fit pleuvoir une grêle de coups avec Mytrae, que Norphrin para, non sans mal, avec les restes de sa targe et sa maîtrise inégalée des armes en combat rapproché.

L'assassin enchaînait sans répit les attaques brouillonnes, que le seigneur contrait avec une série habile de défenses expertes. Sa lame dansait d'un seul mouvement, fluide, intelligent, s'adaptant à la fureur meurtrière incontrôlée de Mytrae.

Soudain, il repoussa l'épée grésillante d'un contre particulièrement puissant, et en profita pour s'avancer avec son poignard, plantant d'un coup sec d'estoc la fine pointe assoiffée de sang dans le flanc de l'assassin.

Frustré, Albriech s'éloigna d'un bond en arrière en laissant échapper un gémissement de souffrance, tandis que Norphrin changeait à nouveau d'arme : il s'équipa d'une longue hallebarde à la lame large, qu'il fit siffler d'un coup vicieux vers son ennemi, le forçant à reculer plus encore, esquivant de justesse la décapitation.

Haletant, perclus de douleur, Albriech porta la main à son côté, et constata que du sang s'écoulait de sa blessure. Norphrin s'était remis de son foudroiement, malgré quelques tics qu'il laissait paraître, et s'équipait maintenant d'un arc court pour terminer le travail.

Alors que la première flèche volait vers lui, un plan germa dans l'esprit de l'Élu. Il se remit à courir pour esquiver les traits, tandis qu'il chargeait la plus grande quantité de pouvoir qu'il put dans Mytrae. Celle-ci luisait d'une dangereuse lumière jaune, grésillante d'éclairs courant le long de la lame. Alors que Norphrin s'apprêtait à relâcher à nouveau la corde de l'arc, Albriech libéra d'un coup tout le pouvoir emmagasiné dans son arme, détournant la tête. Un éblouissant flash de lumière illumina la salle entière, aveuglant Norphrin.

Désorienté, il pesta, et entendit Mytrae se planter dans le marbre du sol, à un mètre derrière lui. Sachant qu'Albriech allait s'y téléporter, il s'équipa magiquement d'un cimeterre, prêt à lui trancher le cou dès qu'il apparaîtrait. Mais il ne vint pas. Intrigué, le seigneur tourna la tête à nouveau, et ne put que voir la botte de son adversaire lui arriver en plein visage.

Projeté à terre, il glissa au sol jusqu'à être arrêté par le mur. Il vit Albriech ramasser son arme et foncer vers lui le plus vite qu'il put. Norphrin profita de ce moment de témérité, et fit apparaître une lance acérée dans sa main droite. Il y empala l'assassin, qui hoqueta de surprise sous le choc. Il se stoppa net, considérant avec effarement la lame plantée dans son abdomen.

"Pourquoi..." commença Norphrin, qui se relevait et s'avançait vers lui.

Le cliquetis métallique de l'armure du seigneur, annonciateur de mort, résonnait aux oreilles d'Albriech.

"Pourquoi êtes-vous convaincus de faire le bien, vous qui n'êtes que de pathétiques fauteurs de troubles ?", termina t-il, se plantant devant son ennemi.

Albriech crachait son propre sang, incapable de répondre.

"Tu demanderas aux Anges, mon cher Élu.", conclut Norphrin qui s'empara de son crâne, puis tourna d'un coup sec.

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