4. Deuxième partie.
Je ne sais pas par quel miracle, mais Niall était parvenue à me convaincre de sortir avec eux. J'examinai un à un les amis de Niall et Harry, vêtu d'un jean noir ainsi que d'un tee-shirt Marvel. Ils étaient assis sur des canapés autour d'une table basse, dans un bar sur le pont George-IV. Harry nous avait appelés deux heures plus tôt pour nous demander de les y rejoindre. Naturellement, j'étais prêt depuis une heure. Niall avait mis beaucoup plus de temps et, quand je vis le sourire qu'il adressa à Liam, je compris pourquoi.
« Tout le monde, voici mon nouveau coloc, Lewis. » Il pivota vers moi. « Lewis, voici Jenna et Ed. »
Il m'avait mis au parfum durant notre trajet en taxi. Jenna, la blonde mignonne aux lunettes originales et au solitaire à son annulaire gauche, était la meilleure amie de Niall, et préparait son doctorat avec lui. Ed, le petit blond aux airs de geek, était son fiancé.
« Tu connais déjà Liam et Harry. »
Son sourire s'évanouit légèrement quand il avisa la femme collée contre son frère. Elle avait des cheveux blond clair, d'immenses yeux bleus, des bras et des jambes interminables, ainsi qu'une bouche pleine et légèrement boudeuse.
« Et voici Taylor, la petite amie de Harry. »
Je me souvins instantanément que Niall ne l'appréciait guère. Vu le sourire méprisant que l'autre lui adressa, il m'apparut que la réciproque était vraie. Je les saluai tous, évitant discrètement le regard de Harry et faisant comme si mon cœur ne battait pas la chamade à la simple idée de me trouver à proximité de mon fantasme et de sa copine.
Je n'allais pas non plus me laisser abattre par le fait qu'elle me faisait penser à Jo : en gros, qu'elle était mon plus parfait opposé.
Alors que Niall s'empressa d'aller nous chercher à boire, je pris place à côté de Jenna en m'efforçant d'éviter soigneusement d'apercevoir le couple de ma droite.
« Alors, comment se passe ton installation, Lewis ? » me demanda Liam depuis l'autre côté de la table.
Reconnaissant, je le remercie d'un large sourire.
« Bien merci. Et c'est Louis. »
« Ça se passe bien entre Niall et toi ? »
Quelque chose dans sa voix me fit comprendre que ce n'était pas une question tout à fait désintéressée. Il s'inquiétait pour mon coloc. Je me demandai si les sentiments de ce dernier pouvaient être partagés.
« On s'entend à merveille. Il est génial. »
Ma réponse sembla le satisfaire.
« Bon, tant mieux. Alors, il paraît que tu écris un livre ? »
« Oh, mon Dieu, » intervint Taylor avec son accent anglais guttural. Je détestais le fait qu'il soit aussi génial. « Je t'ai dit, bébé, que ma copine Chéri avait été publiée ? »
Harry secoua la tête, et ses yeux se rivèrent sur moi. Je m'empressai de me détourner, feignant d'être captivé par l'histoire de cette mystérieuse Chéri.
« C'est ma meilleure amie. » nous expliqua Taylor alors que Niall revenait avec les boissons. Je me serrai pour lui ménager une petite place. « Elle écrit les meilleurs romans qui soient. »
« De quoi ils parlent ? » s'enquit Ed par politesse.
Je jetai un coup d'œil à Jenna et m'aperçus qu'elle et Niall échangeait un regard. J'en déduisis que Taylor ne faisait pas l'unanimité auprès de ces deux.
« Oh, ils sont trop géniaux. Ça parle de cette fille dans un hospice de pauvres qui tombe amoureuse d'un homme d'affaires ayant gardé, genre, un vieux titre de noblesse... un compte, ou un machin comme ça. C'est tellement romantique. Et son style est vraiment génial. Elle est super géniale. »
Bon, apparemment, elle était géniale.
« C'est donc un roman historique ? » l'encouragea Ed.
« Non. »
Elle secoua la tête, perplexe.
« Taylor... » Harry semblait réprimer un sourire. « ...il n'y a plus d'hospices de pauvres, aujourd'hui. Tu es sûre que ce n'est pas historique ? »
« En tout cas, Chéri ne me l'a pas dit. »
« Alors, tu as sûrement raison. » intervint Liam d'un ton affable.
Je sentis les épaules de Niall tressauter tandis qu'il gloussait de ce sarcasme habilement dissimulé. Je me forçai à tout observer, excepté Harry.
« Jenna, c'est quand ton premier essayage de robe déjà ? » lui demanda Niall en se penchant devant moi.
L'intéressée sourit d'un air espiègle.
« Oh, pas avant des siècles. Je n'ai plus le droit d'aller chez ma mère parce que je n'arrête pas d'admirer sa penderie. »
« Ah bon ? » intervins-je pour m'intégrer. « Le mariage est prévu pour quand ? »
« Dans cinq mois. » répondit Ed en adressant un sourire amoureux à sa promise.
Waouh, un gars qui n'avait pas peur de montrer ses sentiments. C'était déconcertant, et une autre vision de mon père souriant à ma mère s'imposa à moi. Je bus une gorgée, enfouissant cette réminiscence sous ma volonté d'acier.
Niall couina légèrement à côté de moi.
« Si tu voyais la robe de Jenna. On est tous... »
« Oh, bébé, » s'imposa à nouveau Taylor. « Je t'ai dit que Lisa se mariait en octobre ? Je l'ai pourtant prévenue que c'était la pire période de l'année, mais elle insiste pour faire ça à l'automne. Tu as déjà entendu une chose pareille. Bref, ça se passe dans un château plein de courants d'air dans un bled nommé Oban, il faudrait qu'on trouve un hôtel. »
« Le château de Barcaldine. » expliqua Harry. « C'est un joli petit endroit. »
« Peut-être en été, mais pas au mois d'octobre. »
L'heure que nous passâmes ensemble se déroula à peu près de la même manière. Chaque fois qu'un sujet venait sur le tapis, Taylor se l'appropriait, sa voix forte semblant recouvrir toute autre conversation dans le bar. Elle faisait le nécessaire pour se faire voir, et je compris sans mal pourquoi Niall ne pouvait pas la supporter. Taylor était bruyante, odieuse et complètement égocentrique. Pis encore : j'avais l'impression qu'Harry épiait chacune de mes réactions. En quoi pouvait-il se soucier de mon opinion ?
Ayant grand besoin de m'éloigner un moment de la voix de Taylor -une voix que j'avais initialement trouvé charmante avant de la juger détestable-, je me portai volontaire pour aller commander la tournée suivante. Je passai commande au barman et profitai du calme -le comptoir était situé au fond de l'établissement, au bout d'un couloir et derrière un mur, loin des braillements de Taylor.
Pourtant, il avait fallu qu'il me suive ?
Mon côté droit tout entier subit une vague de chaleur quand je le sentis se serrer contre moi pour s'accouder au bar. Mon nez me picota sous l'effet de son eau de Cologne, et les papillons revinrent envahir mon ventre.
« Ainsi... tu es écrivain ? »
Harry m'observait de toute sa hauteur.
C'était la première fois qu'il me parlait sans la moindre tension sexuelle dans la voix. Je levai les yeux vers lui, surpris par la curiosité sincère que je découvris dans son regard. J'eus un sourire de fausse modestie. Je n'avais encore rien publié.
« J'aimerai bien. »
« Et qu'est-ce que tu écris ? »
Je songeai à ma mère et pris une profonde inspiration, avant de repousser cette pensée.
« De la fantaisie. »
Il arqua légèrement les sourcils, comme s'il ne s'était pas attendu à pareille réponse.
« Pourquoi de la fantaisie ? »
Le barman m'annonça le prix des boissons avant que je puisse me justifier, et Harry tendit l'argent sans me laisser le temps d'exhumer mon porte-monnaie.
« C'est moi qui paie. » insistai-je.
Il repoussa mon offre sans même la considérer.
« Alors ? » s'obstina-t-il en récupérant sa monnaie.
Les verres étaient devant nous sur le comptoir, pourtant Harry ne semblait même pas envisager de m'aider à les porter à notre table.
Je soupirai, comprenant que plus vite je lui répondrais, plus tôt je serais débarrassé.
« Parce que la réalité n'y a aucune emprise. Seule mon imagination gouverne. »
Je regrettai ces mots dès qu'ils eurent franchi la barrière de mes lèvres. Une personne intelligente saurait lire entre les lignes. Et Harry n'était pas idiot.
Nos regards se croisèrent, et nous nous comprîmes alors. Il finit par hocher la tête.
« Je saisis l'intérêt. »
« Ouais. »
Je détournai la tête. C'était déjà malheureux qu'il m'ait vu sans vêtements, voilà qu'il venait de me mettre à nu psychologiquement.
« Je suis content que Niall et toi vous vous entendiez bien. »
« Tu es très protecteur avec lui, pas vrai ? »
« C'est rien de le dire. »
« Pourquoi ? Il a l'air bien plus fort que tu ne le penses. »
Il fronça les sourcils en y réfléchissant.
« Ce n'est pas une question de force. C'est peut-être son allure ou la manière dont il parle qui pousse les autres à le penser fragile. Je le connais mieux que ça. Niall peut encaisser et rebondir mieux que n'importe qui. Ce n'est pas la question. Je tiens juste à m'assurer que rien de mal ne lui arrive. Il est trop gentil, et je l'ai déjà vu souffrir plus souvent qu'à son tour à cause de personnes qui prétendaient tenir à lui. »
Je ne lui enviais pas ce rôle.
« Ouais, je m'en suis rendu compte. Niall a le cœur sur la main. »
« Contrairement à toi. »
Surpris par cette remarque, je lui lançai un œil méfiant.
« C'est-à-dire ? »
Son regard se fit inquisiteur, comme s'il cherchait à lire en moi. Je reculai d'un pas, et il s'approcha d'autant.
« J'ai entendu ce que Niall racontait sur toi. Et je vois comment tu te comportes avec moi. Tu essais de ne jamais lâcher aucune info. »
Recule.
« Toi non plus. Je ne sais rien sur toi. »
« Je ne suis pas difficile à connaître. » Il me gratifia d'un sourire rapide. « Toi, en revanche... tu es expert dans l'art de l'esquive et de la maîtrise de soi. »
Arrête de jouer les psychanalystes. Je levai les yeux au ciel.
« Tu penses que te jeter un torchon dessus prouve mon grand self-control ? »
Il éclata d'un rire qui résonna dans chaque partie de mon corps.
« Un point pour toi. »
Puis il me contempla, toujours avec cet air. Cet air qui me donnait l'impression qu'il introduisait ses longs doigts sous mes vêtements.
« Tu es magnifique, ce soir. »
Je fus secrètement émoustillé par la flatterie. Extérieurement, je traduisis cela par une grimace.
« Ta copine aussi. »
Harry poussa un profond soupir et ramassa quelques verres sur le comptoir.
« Il n'y avait pas de sous-entendu, Lewis. C'était un simple compliment. »
Non, pas du tout. Tu t'amuses avec moi. Et si nous sommes amenés à nous voir régulièrement, je veux que cela cesse.
«Vraiment ? Tu parles donc à tout le monde comme à moi ? »
« Et comment je te parle ? »
« Comme quelqu'un qui m'a vu nu. »
Le sourire éclatant d'Harry rivalisait avec la chaleur de son regard.
« Non. D'un autre côté, je ne vois pas tout le monde tout nu. »
Agacé, je secouai la tête.
« Tu sais très bien ce que je veux dire. »
Je faillis sursauter en sentant son souffle chaud sur mon oreille quand il se pencha vers moi pour me chuchoter discrètement :
« J'aime bien te faire réagir. »
Je me repliai. C'était donc un défi ? D'accord. J'avais pigé.
« Contente-toi d'arrêter. Tu es le frère de Niall, et il y a des chances pour qu'on se croise régulièrement, j'aimerais donc autant que tu arrêtes d'essayer de me mettre mal à l'aise. »
Il se renfrogna.
« Je ne veux pas te mettre mal à l'aise. » Il m'examina derechef, mais cette fois-ci je ne laissai rien filtrer. Harry poussa un profond soupir, puis opina. « Bon, d'accord. Ecoute, je suis désolé. Je voudrais qu'on s'entende bien. Je t'apprécie ; Niall aussi. J'aimerais qu'on soit amis. Dorénavant, je ne flirterai plus avec toi, et je m'efforcerai d'oublier à quoi tu ressembles tout nu. »
Il reposa les verres sur le comptoir et me tendit la main. Il m'observait d'un air que je ne lui avais jamais vu jusque-là. Suppliant, presque enfantin, et parfaitement touchant. Je n'y croyais pas, mais me surpris pourtant à secouer la tête avant de lui saisir la main. Dès que mes doigts effleurèrent sa paume, les poils de mes bras se hérissèrent.
Je pensais jusque-là que cette étincelle que les gens ressentaient apparemment quand ils étaient attirés par autrui était un mythe réservé aux romans de chick lit ou à Hollywood.
En fait, non.
Quand nos yeux se croisèrent, ma température corporelle grimpa de plusieurs degrés. Le picotement s'intensifia entre mes cuisses ; j'étais en proie à un désir ardent. Je ne voyais que Harry, ne sentais que Harry et son corps était si proche du mien que j'imaginais presque sa puissance virile plaquée contre moi. A cet instant, je ne désirais rien tant que de l'attirer dans les toilettes des hommes et le laisser me prendre violemment contre le mur.
La poigne de Harry se resserra, ses yeux s'assombrirent, et je sus... qu'il me voulait lui aussi.
« Parfait. » murmura-t-il. Sa voix avait une saveur inquiétante, ses mots rebondirent sur ma bouche tant il était proche. « C'est dans mes cordes. Si tu arrives à faire semblant, je devrais y parvenir moi aussi. »
Je retirai hâtivement ma main, tentant de ne pas trembler en m'emparant des verres restants. Harry récupéra ceux qu'il avait reposés en me proposant cette satanée poignée de main. Je détestais admettre qu'il avait raison. Notre attirance était physique. Je n'avais jamais rien connu de pareil.
Ce qui faisait d'Harry Styles un être extrêmement dangereux à mes yeux.
Il fallait impérativement que je simule. Je lui décochai un sourire insouciant.
« Je ne fais pas semblant. »
Je m'éloignai avant qu'il ne puisse répondre, soulagé qu'une cloison nous ait protégés à la vue des autres durant notre conversation. J'aurais été mortifié que quiconque en soit témoin.
Harry reprit place près de Taylor, lui tendit son verre, ainsi qu'à Liam. Nos yeux se croisèrent un court instant, et il me fit un sourire faussement poli avant de se renfrogner dans son siège en glissant le bras derrière le dossier de Taylor. Cette dernière lui sourit et posa sa main manucurée sur sa cuisse.
« Bébé, j'étais justement en train de parler à Jenna de cette robe Gucci que j'ai vue sur Internet. Je me disais que tu pourrais m'emmener à Glasgow pour l'essayer. Elle te plairait. Elle en vaut la peine. »
Elle battit de ses faux cils dans sa direction.
Nul n'eut besoin de m'expliquer qui la financerait.
Dégoûté, je repoussai mon verre et tentai d'oublier leur présence. Malheureusement, Taylor n'était pas du genre à se faire oublier.
« Alors, Luis, comment fais-tu pour te payer le merveilleux appartement que tu partages avec Niall ? »
Tous les yeux se braquèrent sur moi.
« C'est Louis, en fait. »
Elle répondit d'un haussement d'épaules et étrécit les paupières, amusée. Je me demandai soudain si elle avait surpris les œillades qu'Harry et moi avions partagées.
Merde.
« Alors ? » insista-t-elle d'un ton légèrement agressif.
Elle les avait bel et bien surprises.
« Mes parents. »
Je bus une gorgée et me tournai vers Jenna pour m'enquérir de son temps partiel dans l'industrie du tourisme écossais.
La voix de Taylor interrompit ma question :
« Qu'est-ce que tu entends par « tes parents » ? »
Mais ferme-là, nunuche ! Je la contemplai en dissimulant mon exaspération.
« Leur argent. »
« Oh. » Elle fronça le nez comme si elle venait de sentir une odeur vraiment nauséabonde. « Tu vis donc aux crochets de tes parents ? A ton âge ? »
Non, elle n'avait pas dit ça... Je pris une nouvelle lampée et lui adressai un sourire menaçant, du genre « Ne joue pas à ça avec moi, ma chérie, tu n'en sortiras pas gagnante. »
Elle ne tint aucun compte de mon avertissement silencieux.
« Et donc, ce sont eux qui paient tout ? Tu ne te sens pas un peu coupable ? »
Chaque putain de jour que Dieu fait.
« Tu as acheté ces Louboutin avec ton argent... ou avec celui d'Harry ? »
Niall ravala son éclat de rire, étouffant son gloussement dans son verre. Je lui tapai dans le dos pour crédibiliser sa petite comédie. Quand je reposai les yeux sur Taylor, elle me fusillait littéralement du regard, la figure écarlate jusqu'à la racine des cheveux.
Un partout, la balle au centre. Question éludée.
Pétasse pourrie gâtée remise à sa place.
« Alors comme ça, on peut se marier à Stirling Castle, hein ? » Je pivotai face à Jenna pour reprendre notre conversation. « Je ne l'ai visité qu'une fois, mais c'est un endroit magnifique. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top